.
-

Histoire de l'Europe > L'Espagne
L'histoire de l'Espagne
L'Espagne au XVIIIe siècle
I - Les premiers Bourbons
-
Le XVIIIe siècle Les premiers Bourbons Le règne de Charles III La montée des périls

Aperçu
Il y avait eut, du vivant même de Charles II, des manoeuvres ouvertes afin de prendre le contrôle de l'Espagne : la France, l'Autriche, la Bavière, qui par des alliances de famille se reconnaissaient des droits, avaient chacune leurs partisans. Charles II voulut disposer lui-même de son trône; mais un testament qu'il avait fait en faveur du prince de Bavière devint caduc par la mort du bénéficiaire (1699), il défit lui-même un second, et enfin dans ses derniers jours il en fit un troisième en faveur de Philippe d'Anjou, petit-fils de Louis XIV

Philippe d'Anjou ne devint maître du pays qu'après une longue lutte appelée guerre de la succession d'Espagne (1700-1743); mais, dès les premiers jours, il sut s'attacher les Espagnols et faire de sa cause une cause populaire et nationale. Plutôt honnête, il manqua toujours de volonté et se laissa gouverner par des femmes, d'abord par sa femme, Marie-Louise de Savoie, puis par l'intrigante princesse des Ursins, enfin par sa seconde femme, Élisabeth Farnèse. Cette reine ambitieuse sacrifia toute la politique pour établir sur des trônes ses nombreux enfants, que la présence de plusieurs fils de Philippe, nés du premier lit, écartait des trônes de Naples et d'Espagne; Alberoni, son ministre et son confident, voulut bouleverser l'Europe pour arriver à ce résultat. Une audacieuse expédition des Espagnols centre la Sardaigne (1717) et la Sicile (1718) fit éclater la guerre entre Philippe V d'une part, l'Angleterre et la France de l'autre (1749) ; l'Espagne n'éprouva que des revers et dut demander la paix, en renvoyant Alberoni à Parme, et des alliances furent conclues entre les deux familles de Bourbons.

Philippe V, en 1724, dégoûté des tracas du pouvoir, abdiqua en faveur de son fils Louis Ier, mais la mort de celui-ci, huit mois après (1724), vint l'obliger à reprendre la couronne, au grand contentement de la reine. L'aventurier Riperda avait remplacé Alberoni et repris un peu les plans de celui-ci; à la suite d'une courte guerre avec l'Angleterre et de longues négociations, la reine obtint enfin pour son fils don Carlos la succession du duché de Parme (traité de Vienne, 1732); puis dans la guerre de la succession de Pologne (1733-1739), l'intervention de l'Espagne lui permit d'obtenir pour don Carlos Naples et la Sicile, tandis qu'il repasserait à son frère Ferdinand le duché de Parme. Le traité de Fontainebleau, conclu avec la France en 1744,  eut pour principal objectif de garantir leurs couronnes aux divers princes régnants de la famille des Bourbons, et fut comme un essai du Pacte de famille. Le roi mourut en 1746, au fort de la guerre de la succession d'Autriche, où l'Espagne était encore mêlée par le fait de l'ambition des Farnèse, et eut pour successeur l'aîné de ses fils survivants du premier lit, Ferdinand VI.

Le règne de Ferdinand VI, de 1746 à 1759, commencé au milieu d'une guerre qui agitait toute l'Europe, fut surtout remarquable par les tendances pacifiques et les efforts pour relever le pays à l'intérieur. La paix d'Aix-la-Chapelle, en 1748, confirma les acquisitions des fils d'Élisabeth Farnèse en Italie, et l'année suivante un traité particulier fut signé entre l'Angleterre et l'Espagne. Cette puissance, pour son malheur, ne pouvait rester neutre dans la lutte ardente entre l'Angleterre et la France, et à la cour pendant dix années, les partis anglais et français luttèrent pour entraîner le roi chacun dans leur sens. Les ministres José de Carvajal y Lancaster, La Enseñada, Ricardo Wall, se succédèrent tour à tour, favorisant l'un ou l'autre parti, tandis que le chanteur napolitain Farinelli, sûr de l'amitié du roi, combattait tour à tour le parti prépondérant. La guerre de Sept Ans était commencée, et l'Espagne demeurait neutre, quand Ferdinand VI mourut (1759).

Dates clés :

1700 - Philippe V, premier Bourbon à régner en Espagne.

1701-1714 - Guerre de succession.

1704 - L'Angleterre annexe Gibraltar.

1713 - Traité d'Utrecht.

1716 - Ministère d'Alberoni.

1720 - Participation à la Quadruple alliance.

1724 - Riperda remplace Alberoni.

1727-1729 - Guerre hispano-anglaise.

1746 - Début du règne de Ferdinand VI.

1748 - Traité d'Aix-la-Chapelle.

1759 - Mort de Ferdinand; début du règne de Charles III.


Jalons
Le règne de Philippe d'Anjou

Philippe, duc d'Anjou, qui régna en Espagne sous le nom de Philippe V, est né à Versailles le 19 décembre 1683, et est mort à Madrid le 9 juillet 1746. Il était le second fils du dauphin et de Marie-Anne de Bavière et petit-fils de Louis XIV. Appelé au trône d'Espagne par le testament de Charles II (2 octobre 1700), il partit pour Madrid le 28 janvier 1704. Son âge (dix-sept ans) et son caractère peu énergique ne le rendaient pas apte à gouverner un pays aussi troublé et aussi affaibli que l'Espagne. 

Il avait, dit Sismondi, peu de défauts, mais aussi peu de vertus. Il n'aimait que les exercices pieux et la chasse. Né pour être dirigé par un autre, il le fut toute sa vie. 
La maladie qui devait l'atteindre peu d'années après (mélancolie) se manifestait déjà par des extravagances choquantes et une misanthropie prononcée.

Louis XIV entoura son petit-fils de personnes qui devaient le tenir en tutelle et il lui donna des conseils politiques, dont le plus saillant était celui de "n'oublier jamais qu'il était Français ". Philippe eut à ses côtés des ministres et conseillers français - dont Harcourt et le financier Jean Orry (1652-1719) - qui dépendaient étroitement de la cour de France. Cependant, il fallut se préoccuper en premier lieu des complications internationales. L'empereur, blessé dans les espérances que le testament, publié par Charles II, du 14 novembre 1698, en faveur de l'archiduc Charles, lui avait inspirées, protesta contre la solution donnée à la succession au trône espagnol, et la guerre éclata d'abord en Italie. Philippe V partit de Barcelone en avril 1702 pour se rendre à la tête des troupes.

C'est alors qu'il épousa la princesse Marie-Louise, fille de Victor-Amédée de Savoie, âgée de quatorze ans, à laquelle fut confié le gouvernement de l'Espagne pendant son absence. La nouvelle reine était très active, intelligente et énergique. Elle fut aidée par les conseils de la princesse des Ursins, Anne-Marie de la Trémouille, que Louis XIV lui avait envoyée comme dame d'honneur. 

La guerre se généralisa. Bientôt, le prétendant autrichien étant appuyé par l'Angleterre, les Pays-Bas, le Portugal et des partisans en Catalogne et en Aragon. Des troupes et surtout des chefs militaires français (Tessé, Vendôme, Berwick, etc.) aidèrent l'Espagne dans cette lutte pendant quelques années. Mais, dès 1706, les difficultés de la guerre modifièrent la politique de Louis XIV. Il songea à ouvrir des négociations avec les ennemis et à abandonner Philippe. L'abandon s'accomplit en 1709. En même temps, le duc d'Orléans, qui soutenait ses droits sur la couronne espagnole, conspirait contre Philippe. Mais Philippe trouva dans son peuple assez d'appui pour continuer avec succès la guerre, assez malheureuse jusque-là pour lui. Et Louis XIV, changeant de nouveau d'avis, décida bientôt de retourner à l'alliance avec son petit-fils, mais sans mêler les affaires des deux pays. La période de tutelle avait été très pénible pour Philippe et sa femme, victimes du despotisme de Louis et d'autres personnages français. 

Après la nouvelle entente, les choses changèrent un peu, mais le poids de la volonté française se fit toujours sentir sur le faible Philippe. En 1712, il renonça formellement à ses droits à la couronne de France, chose exigée par l'Angleterre comme condition essentielle de la paix, et le duc d'Orléans fit de même de ses droits au trône espagnol. Mais les négociations continuèrent à produire des désaccords entre Louis et Philippe. Enfin, on aboutit aux traités d'Utrecht (1713) avec l'Angleterre, la Hollande et le Portugal, et de Rastadt (1714) avec l'Autriche. L'Espagne perdit Ia flandre, le Luxembourg, le duché de Milan, le royaume de Naples et l'île de Sardaigne au profit de l'Empire, Gibraltar et Minorque, dont s'étaient emparés les Anglais, et la Sicile, qui fut cédée au duc de Savoie.

Nouvelles influences.
Les conséquences de la guerre ne furent pas moins considérables pour l'Espagne à l'intérieur. La loi de succession fut changée le 10 mai 1713; la ligne masculine serait toujours préférée; les privilèges (fueros) qu'en matière politique et administrative avaient l'Aragon, Valence et la Catalogne, furent supprimés, comme châtiment de l'appui prêté au prétendant autrichien. Louis XIV avait exprimé plus d'une fois son étonnement au sujet de ces privilèges. Le droit civil, foral, fut d'ailleurs respecté. Pendant la période tutélaire de Louis avec Orry, la princesse des Ursins et d'Amelot, d'autres réformes avaient été accomplies dans les finances, la marine et l'administration en général, qu'il n'y a pas lieu de spécifier ici.

En 1714, la reine mourut. Philippe tomba complètement entre les mains de la princesse des Ursins. Mais un nouveau mariage fut bientôt concerté avec Isabelle de Parme (Élisabeth Farnèse). Alors commence une période caractérisée par l'influence italienne (que représentaient la reine et Alberoni) substituée à la française, les projets de revanche en Italie et les intrigues contre le régent français, duc d'Orléans. Philippe, qui avait tâché déjà d'annuler sa renonciation au trôné de France, caressa, dès 1715, des projets contre la Régence. En même temps, l'ambition de la reine et la vanité d'Alberoni le lançaient dans des aventures en Sardaigne, en Sicile. De nouveau une guerre entre la France et l'Espagne menaça d'éclater, attisée par les Anglais. La chute d'Alberoni détourna pour un moment tous les périls, et Philippe adhéra à la quadruple alliance (26 janvier 1720); La reine fit reconnaître les droits de son fils à la Toscane et à Parme. Peu de temps après, une ligue entre la France, l'Angleterre et l'Espagne fut signée (1721), et on songea à réaliser les mariages du prince royal espagnol Louis avec une fille du régent, et de Louis XV avec la fille de Philippe et d'Élisabeth Farnèse. 

De nouveau, l'influence française se fit sentir en Espagne. Tout à coup, le roi, qui avait manifesté plusieurs fois le projet de renoncer à la couronne, l'exécuta (janvier 1724), laissant le trône à son fils Louis. On a discuté de la cause réelle de cette abdication. On a soutenu par exemple qu'elle a été motivée surtout par un voeu fait par Philippe le 27 juillet 1720. Mais le nouveau roi, Louis Ier, mourut peu de temps après, sans laisser de successeur capable. 

Le frère de Louis n'avait que onze ans. Malgré les scrupules de Philippe, il fut forcé de reprendre la couronne, plus faible, plus préoccupé, plus malade que jamais. On vit bien en Espagne que les choses allaient tourner de nouveau comme au temps d'Alberoni, l'ambition de la reine pour ses fils étant toujours très éveillée. C'est, en effet, ce qui arriva. La guerre s'alluma de nouveau en Italie contre l'Autriche, après le traité concerté par l'aventurier Ripperda, qui entraîna aussi une nouvelle lutte avec l'Angleterre. 

Une guerre avec l'Autriche (au sujet de la succession de Pologne) se termina (1735) heureusement pour les projets de la reine, puisque le royaume de Naples et de Sicile fut accordé à son fils Charles. Mais la guerre recommença peu après à l'occasion de la succession impériale, et contre le pape au sujet des conscriptions levées par Philippe dans les États de l'Église. Cependant, la maladie du roi augmentait. On en voit les progrès dans les Mémoires de Patiño. Peu de mois après la mort de ce ministre mourut le roi, au palais du Buen Retiro; il fut enterré à Saint-lldefonse.

De son premier mariage il ne laissait que le prince Ferdinand, qui lui succéda. Du second restaient le roi de Naples, Charles, les infants Philippe (né en 1720) et Louis (né en 1725) et les infantes Marie-Anne, Marie-Thérèse (mariée à Louis de France) et Marie-Antoinette, femme de Victor-Amédéo de Sardaigne. 

Le règne de Ferdinand VI

Successeur  en 1746 de Philippe V, le roi Ferdinand VI , était né le 29 septembre 1713, et mourut le 10 août 1759. Il était fils de Philippe V et de Louise-Marie de Savoie. D'un caractère faible et mélancolique, il ne s'occupa guère que de l'administration et des réformes intérieures, renonçant à tout agrandissement au dehors. Il signait le traité d'Aix-la-Chapelle (1748) et mettait ainsi fin à la lutte entreprise par l'Espagne en Italie. A partir de ce moment, Ferdinand VI se consacra entièrement à l'amélioration du royaume. Il encouragea le commerce, l'agriculture et la navigation, fit construire de nouveaux vaisseaux, élever des manufactures, tracer des routes et creuser des canaux; chaque semaine il consacrait deux jours à écouter les réclamations de ses sujets. La guerre ayant recommencé, en 1756, entre l'Angleterre et la France à propos du Canada, l'Espagne refusa d'y prendre part et de faire de nouveaux sacrifices dans l'intérêt de Louis XV; ses flottes furent employées à protéger son commerce. 

En 1753, le roi Ferdinand VI avait obtenu de la cour de Rome un concordat, en vertu duquel il acquérait le droit de présenter lui-même les prêtres de son choix pour les dignités et bénéfices ecclésiastiques. Cinquante-deux nominations seulement étaient réservées au saint-siège. On lui doit également la fondation de l'Académie royale de San Fernando, destinée à l'éducation des peintres, architectes, sculpteurs et graveurs, projet préparé déjà sous le règne de Philippe V. Les pensionnaires étaient envoyés, aux frais de l'État, à Rome ou à Paris, pour continuer leurs études. Ferdinand VI établit un jardin botanique à Madrid et encouragea la culture des plantes médicinales. Il fut secondé dans toutes ces réformes par Carvajal et par son ministre des finances, La Enseñada. Sous ce règne si tranquille, Lima fut détruite par un tremblement de terre (1746); plus tard, Quitos'écroulait, l'année même du fameux cataclysme de Lisbonne (1755). Le 27 août 1758, Ferdinand VI perdait sa femme, Marie-Madeleine Thérèse de Portugal, avec laquelle il était uni depuis 1729.

A la suite de ce deuil, sa mélancolie naturelle augmenta; l'infortuné devint sujet à des accès de démence; son seul plaisir était d'écouter de la musique et d'entendre la voix du chanteur italien Farinelli, appelé à Madrid par Philippe V, créé chevalier de Calatrava, et longtemps favori de la reine défunte. Ferdinand VI mourut sans laisser d'enfants. Il eut pour successeur son frère Charles III, roi des Deux-Siciles. (L. Dollfus / R. Altamira).

.


[Histoire politique][Biographies][Cartothèque]
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2004. - Reproduction interdite.