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Le Bhoutan appartint
d'abord à une dynastie nommée par les Bhoutias Tephou. Vers
1700, une troupe de soldats tibétains
soumirent les Tephous, et s'établirent dans le pays. A la tête
du gouvernement Bhotia il se forma deux autorités suprêmes,
le Dharm-Rajab, chef spirituel, et le Deb-Rajah, gouverneur temporel. Pour
aider ces rajahs à administrer le pays, il y eut un conseil de ministres
permanents, le Lenehen. En réalité, il n'existait
pas d'autorité centrale; les officiers subordonnés et les
gouverneurs des forts détenaient tout le pouvoir, l'oppression et
l'anarchie régnaient sur le pays entier. Le Dharm-Rajah était
regardé comme une sorte de divinité. Quant au Deb-Rajab,
il était élu, en théorie, par le conseil; mais en
pratique, cette qualité est dévolue à celui des deux
gouverneurs du Bhoutan Oriental ou Occidental qui semblait le plus puissant.
Les relations des Anglais
avec le Bhoutan commencèrent en 1772,
quand les Bhoutias envahirent la principauté, de Koutch Behar, dépendant
du Bengale .
Le gouverneur du Koutch Behar appela à son aide; une armée,
sous les ordres du capitaine James, envoyée à son secours,
chassa les envahisseurs et les poursuivit jusque sur leur propre territoire.
Sur l'intervention de Téchou-Lama, régent du Tibet ,
un traité de paix fut conclu en 1774
entre la Compagnie des Indes Orientales et le gouverneur du Bhoutan. En
1783, le capitaine Turner fut envoyé
au Bhoutan pour y tenter un traité de commerce, mais sa mission
demeura sans succès, et les relations furent peu suivies jusqu'à
l'occupation de l'Assam par les Anglais en 1826.
Il fut affirmé alors que les Bhoutias occupaient plusieurs territoires
au pied de leurs montagnes, dits dwars (= doors, en anglais)
ou défilés, qui ne leur appartenaient pas. Ils consentirent
à payer aux Anglais un faible tribut. Mais des difficultés
étant survenues au sujet des opérations tentées pour
délimiter cette région, les Anglais finirent par s'emparer
définitivement des dwars.
Les Bhoutias ne firent d'abord aucune résistance;
mais soudainement, en janvier 1865,
ils surprirent une garnison anglaise à Diwangiri, et celle-ci fut
contrainte d'abandonner la position en perdant deux pièces d'artillerie
de montagne. Ce désastre suscita une vive réplique par le
général Thombs, et les Bhoutias furent contraints de demander
la paix , qui fut conclue le 11 novembre 1865
(Traité de Sinchulu). Le gouvernement du Bhoutan céda officiellement
les dix-huit dwars du Bengale et de l'Assam, ainsi que le territoire qu'ils
y avaient adjoint, et consentirent à libérer tous les sujets
anglais qu'ils maintenaient prisonniers. Comme les revenus du Bhoutan dépendaient
en grande partie de ces dwars, le gouvernement britannique, en retour de
ces concessions, accepta de payer au Deb et au Dharm Rajah, à condition
que les relations demeurassent amicales, une somme annuelle de 2500 livres
sterling, qu'il s'engageait à augmenter graduellement jusqu'à
deux fois ce total.
Depuis 1900.
En remplacement du système politique
qui existait au Bhoutan depuis le XVIIIe
siècle, une monarchie héréditaire est établie
en 1907, sous l'influence des Anglais;
Ugyen Wangchuck monte sur le trône. Trois
ans plus tard, en 1910, un traité
est signé par lequel le Royaume-Uni
accepte de ne pas s'ingérer dans les affaires internes et
au Bhoutan, en échange de quoi il obtient de diriger les affaires
étrangères du petit État. Un rôle, qui sera
assumé par l'Inde
indépendante après 1947.
En 1949, Le Bhoutan conclut avec l'Inde
un nouveau traité aux termes duquel les territoires anciennement
annexés par la Grand-Bretagne sont restitués au Bhoutan.
Il est également prévu dans ce texte qui n'a commencé
à être révisé qu'en février 2007,
quels seront les subsides alloués au Bhoutan, et il y est par ailleurs
précisé les responsabilités de l'Inde dans la défense
et des relations étrangères.
A la mort du roi, en 1952,
Jigme Dorji Wangchuck accède à la tête
de l'État. Il met en place, la même année, un Parlement,
le Tshogdu ou Assemblée nationale (150 députés
élus pour trois ans; 105 élus par les autorités villageoises,
10 représentants des corps religieux, et 35, désignés
par le monarque, et qui constituent le gouvernement). L'esclavage
est aboli officiellement en 1958.
Mais le train des réformes engagé, bien qu'il se poursuive
au cours des années suivantes, est bientôt entravé
par l'afflux de nombreux réfugiés qui ont fuit le Tibet
après son annexion par la Chine
en 1959.
Vers le milieu des
années 1960,
le Bhoutan connaît une période de violences politiques : assassinat
du Premier ministre, attentat manqué contre le roi. Puis Jigme Singye
Wangchuck succède à son père après la mort
de celui-ci en 1972.
Au début de son règne, la même politique réformiste
modérée est suivie. Le pays s'ouvre même pour la première
fois au tourisme deux ans plus tard. Mais des lois de "bhoutanisation"
édictées à partir de 1986,
aboutissent à créer de vives tensions avec les Bhoutias (50%
de la population) auxquels la citoyenneté est reconnue et les diverses
minorités vivant dans le pays (35% de Bhoutanais de culture et de
langue népalaises (parmi lesquels les Lhotsampas), 15% d'habitants
appartenant à des tribus indigènes ou migrantes). Aux protestations
en appelant à une ouverture démocratique du régime
s'ajoutent dès 1990
des violences entre les différentes minorités, orchestrées
par le Parti populaire du Bhoutan. Au moins 100 000 Bhoutanais de langue
népalaise se réfugient au Népal .
Devant l'instabilité
persistante dans laquelle se trouve le pays, le roi accepte en 1998
de transférer une partie de ses pouvoirs au gouvernement, qui devra
désormais être approuvé par le Tshogdu. De nombreux
prisonniers politiques sont libérés. Il est également
prévu que le roi puisse être destitué sur une décision
des deux-tiers des voix de l'Assemblée nationale. En mars
2005, Jigme Singye Wangchuck
dévoile l'ébauche de la constitution préparée
par le gouvernement, qui devrait introduire des réformes démocratiques
importantes. Il s'engage également à organiser un référendum
national pour son approbation. Le 14 décembre 2006,
le roi a abdiqué et a été remplacé à
la tête de l'État par le prince héritier Jigme
Khesar Namgyel Wangchuck. La question du retour des quelques
100 000 réfugiés encore au Népal
reste à cette date la plus cruciale : 90% de ces réfugiés
vivent dans sept camps du Haut commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés (UNHCR). (Camille Koechlin). |
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