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Barbara
Cassin
est une philosophe et philologue née
le 24 octobre 1947 Ã , Boulogne-Billancourt. Elle grandit dans un contexte
intellectuel et culturel riche et poursuit des études en philosophie Ã
l'Université de Paris. Passionnée par la philosophie classique et contemporaine,
elle se spécialise dans les domaines de la rhétorique et du langage.
Elle s'intéresse particulièrement à la pensée grecque ancienne, notamment
les sophistes, et au rôle de la parole et du langage dans les dynamiques
sociales et politiques. Pendant ses études, elle est influencée par des
philosophes tels que Martin Heidegger, Hans-Georg Gadamer, et Jacques Derrida.
Ces figures marquent son approche des textes et son intérêt pour les
questions de traduction et d'interprétation.
A partir des années
1970, Cassin commence à enseigner la philosophie et à publier des articles
académiques. Elle se concentre sur la philosophie grecque, notamment sur
les sophistes comme Protagoras et Gorgias. Elle défend une lecture des
sophistes qui valorise leur rôle dans l'élaboration d'une pensée du
langage et de la persuasion, en opposition à l'image négative souvent
véhiculée par Platon. Elle s'intéresse en particulier au rôle de la
rhétorique dans la construction des véritése et analyse la manière
dont les discours façonnent les réalités sociales et politiques, une
idée qui deviendra centrale dans son oeuvre. Pendant cette même période,
elle est également impliquée dans les mouvements intellectuels et féministes.
Elle milite pour une reconnaissance accrue des femmes dans les champs de
la philosophie et des sciences humaines.
Dans les années
1980, Barbara Cassin développe une réflexion sur la traduction, qu'elle
considère comme une pratique philosophique. Elle commence à poser les
bases de son projet futur sur les enjeux du langage, de la diversité culturelle
et de l'interprétation des textes. Elle s'intéresse à la manière dont
les mots changent de sens lorsqu'ils traversent les langues et les contextes,
une idée qu'elle approfondira dans ses travaux ultérieurs. Elle commence
par ailleurs à travailler sur Heidegger et sur le rôle du langage dans
son ontologie. Elle étudie comment le langage permet d'articuler la pensée
de l'être et de construire des mondes. Vers la fin des années 1980, elle
commence à être reconnue comme une figure montante dans le domaine de
la philosophie, notamment grâce à ses lectures originales des sophistes
et sa manière de lier les questions de langage, de pouvoir et de vérité.
Dans les années
suivantes, Barbara Cassin approfondit son travail sur les sophistes, en
mettant en lumière leur contribution à une pensée du langage comme action.
Elle critique la vision négative héritée de Platon et Aristote, qui
considéraient les sophistes comme manipulateurs du discours. Elle publie
L'Effet
sophistique en 1995, un ouvrage majeur où elle défend l'idée que
les sophistes révèlent la puissance performative
du langage et sa capacité à construire des réalités. Ce livre place
Cassin au premier plan des recherches sur la rhétorique et la philosophie
du langage. Parallèlement, elle amorce une réflexion profonde sur les
enjeux de la traduction. Elle montre comment les langues structurent différemment
la pensée et comment la traduction constitue un acte philosophique en
soi, capable de révéler des écarts et des nuances entre les cultures.
Elle rejoint à cette époque le CNRS (Centre National de la Recherche
Scientifique) en tant que directrice de recherche et y mène des travaux
interdisciplinaires, croisant philosophie, linguistique et histoire des
idées.
En 2004, Barbara
Cassin coordonne la publication du Vocabulaire européen des philosophies
: Dictionnaire des intraduisibles. Cet ouvrage monumental analyse les
termes philosophiques dans diverses langues et montre comment ils résistent
à la traduction tout en se transformant. Ce projet, qui mobilise des dizaines
de chercheurs internationaux, devient une référence irremplaçable pour
les études sur la traduction et la philosophie comparée. Son cheminement
la conduit ensuite à étudier les liens entre langage et politique,
notamment dans le cadre des conflits interculturels.
Elle défend l'idée que la traduction et la pluralité des langues sont
des moyens de repenser les relations entre les cultures. Ses travaux lui
valent une reconnaissance croissante en France et à l'étranger. Elle
est invitée à enseigner et à donner des conférences dans plusieurs
universités internationales.
Depuis les années
2010, Barbara Cassin s'est engagée dans des réflexions sur la démocratie,
les migrations et l'interculturalité. Elle travaille sur des projets visant
à promouvoir le dialogue entre les langues et les cultures comme réponse
aux défis du monde globalisé. Elle plaide pour une approche de la philosophie
qui valorise la diversité des langues et des points de vue, en opposition
à l'hégémonie d'une seule langue ou d'une seule manière de penser.
En 2018, Barbara Cassin est élue à l'Académie française, devenant ainsi
l'une des rares femmes à rejoindre cette institution prestigieuse. Son
discours d'entrée célèbre la richesse des langues et des traditions
philosophiques. À cette occasion, elle défend une vision inclusive de
la culture française, enrichie par les apports des autres langues et cultures.
Parmi ses ouvrages
récents figurent Quand dire, c'est vraiment faire (2018), une réflexion
sur les actes de langage et leur portée
philosophique, et Nous parlerons encore (2021), un essai sur la
survie des langues et des cultures face aux défis contemporains. Elle
continue à collaborer à des projets collectifs sur la traduction et l'interculturalité.
Cassin est aujourd'hui une figure majeure de la philosophie contemporaine.
Ses travaux sont traduits et discutés à l'échelle internationale, dans
des domaines allant de la philosophie du langage à la théorie politique
et à la traduction. |
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