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Le continent Antarctique
Antarctide
90 00 S, 0 00 E L'Antarctique est le continent le plus austral de la Terre. CentrĂ© autour du pĂ´le Sud gĂ©ographique, il est le cinquième plus grand continent en termes de superficie, avec environ 14 millions de kilomètres carrĂ©s. Les cĂ´tes, souvent très dĂ©coupĂ©es et bordĂ©es de nombreuses petites Ă®les, ont une longueur de 15 000 km. 

Le continent est sur 98% de sa surface  par une calotte de glace (inlandsis). Cette masse de glace est la plus grande sur Terre, et contient environ 90% de la glace d'eau douce mondiale. L'Ă©paisseur moyenne de la calotte glaciaire antarctique dĂ©passe les 2000 mètres, atteignant par endroits plus de 4000 mètres, ce qui signifie que le poids de la glace a enfoncĂ© le socle rocheux sous-jacent, plaçant de vastes zones sous le niveau de la mer, en particulier en Antarctique occidental. Le plateau central s'Ă©tage entre 2500 et 3500 m d'altitude. La chaĂ®ne de la Reine Marie a une altitude  moyenne de 4300 m et le mont Vinson, sur la Terre de Ellsworth (au Sud de la pĂ©ninsule de Palmer),  est le point culminant (4997 m) du continent.
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Carte de l'Antarctique.
Carte de l'Antarctique. Source : The World Factbook.

Seulement environ 2% du continent est libre de glace, principalement le long des cĂ´tes, au sommet des montagnes qui percent la glace et dans certaines rĂ©gions comme les VallĂ©es Sèches de McMurdo.  Deux grandes Ă©chancrures sĂ©parent la grande masse continentale de l'Antarctique oriental de l'Antarctique occidental, qui se termine vers le Nord, en direction de l'AmĂ©rique, en une grande pĂ©ninsule, la PĂ©ninsule de Palmer. Les deux grandes rĂ©gions gĂ©ographiques sont sĂ©parĂ©es par la chaĂ®ne des Montagnes Transantarctiques, qui traverse le continent sur près de 3 500 kilomètres.

L'Antarctique Oriental, plus grand et géologiquement plus ancien, est constitué d'un vaste bouclier continental recouvert d'une calotte glaciaire très épaisse et stable, s'élevant vers un dôme central. Le socle rocheux sous-jacent est majoritairement au-dessus du niveau de la mer, bien qu'il présente des reliefs complexes, dont les monts Gamburtsev, une chaîne de montagnes subglaciaires de taille comparable aux Alpes. L'Antarctique Occidental est géologiquement plus jeune et est composé d'une série d'îles et d'archipels montagneux reliés par la glace. Son socle rocheux est en grande partie en dessous du niveau de la mer, ce qui le rend particulièrement vulnérable aux changements climatiques et océaniques. La Péninsule Antarctique, la partie la plus septentrionale du continent, est une extension montagneuse et la région au climat le plus doux.

La calotte glaciaire n'est pas statique; elle s'écoule lentement de l'intérieur vers les côtes sous l'effet de la gravité. Ce mouvement est concentré dans de vastes courants de glace, des zones où la glace se déplace beaucoup plus rapidement. À mesure que la glace atteint l'océan, elle peut former d'immenses plateformes de glace flottantes, les plus grandes étant la plateforme de glace de Ross et la plateforme de glace Ronne-Filchner. Ces plateformes de glace agissent comme des contreforts pour la calotte glaciaire intérieure. Le vêlage d'icebergs, parfois gigantesques, depuis le front des glaciers et des plateformes de glace est un processus continu de perte de masse.
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Antarctique : le Canal de Le Maire.
Le Canal de LeMaire, entre l'île de Booth et la péninsule Antarctique.

Le socle rocheux de l'Antarctique révèle une histoire géologique complexe. L'Antarctique Oriental faisait partie du supercontinent Gondwana et présente des terrains très anciens. L'Antarctique Occidental est plus volcanique et géologiquement actif. Le continent repose sur la plaque Antarctique, qui est relativement stable en ce qui concerne l'activité sismique par rapport à d'autres plaques.

Le climat de l'Antarctique est le plus froid, le plus sec et le plus venteux de la planète. Les températures intérieures moyennes sont extrêmement basses, descendant à près de -60°C et même bien plus bas au pôle Sud. Les précipitations sont très faibles, principalement sous forme de neige, classant la majeure partie du continent comme un désert polaire. Des vents catabatiques violents, causés par l'air froid et dense dévalant les pentes intérieures de la calotte glaciaire, sont fréquents, en particulier le long des côtes.

Le continent est entouré par l'océan Austral, caractérisé par le courant circumpolaire antarctique, le plus grand courant océanique du monde, qui isole le continent sur le plan océanographique et climatique. Les eaux froides de l'océan Austral interagissent de manière complexe avec la glace, influençant la formation et la fonte de la banquise saisonnière ainsi que la stabilité des plateformes de glace. De nombreuses îles, dont les Shetland du Sud, les Orcades du Sud et l'île Pierre Ier, se trouvent dans l'océan Austral autour du continent principal et sont souvent couvertes de glace et abritent une faune abondante. La côte antarctique elle-même est majoritairement définie par des falaises de glace, avec peu d'accès direct à la terre ferme. La topographie subglaciaire comprend également des lacs d'eau liquide sous plusieurs kilomètres de glace, comme le lac Vostok, offrant des environnements uniques et encore largement inexplorés.

La présence humaine dans l'Antarctique

Les revendications territoriales.
Plusieurs États ont formulĂ© des revendications territoriales sur des portions de l'Antarctique. Ces revendications, principalement Ă©mises dans la première moitiĂ© du XXe siècle, concernent sept pays : l'Argentine, l'Australie, le Chili, la France, la Nouvelle-ZĂ©lande, la Norvège et le Royaume-Uni. Les revendications prennent gĂ©nĂ©ralement la forme de secteurs polaires partant du pĂ´le Sud, comme une part de gâteau.  Les revendications de l'Argentine, du Chili et du Royaume-Uni se superposent sur une partie significative du territoire. Une large zone du continent, connue sous le nom de Terre Marie Byrd, ne fait l'objet d'aucune revendication par aucun État.

La majeure partie de la communauté internationale ne reconnaît pas ces revendications territoriales. La situation en Antarctique est régie par le Traité sur l'Antarctique, signé à Washington en 1959. Le Traité sur l'Antarctique promeut la liberté de la recherche scientifique, l'échange d'informations scientifiques et la coopération internationale. Il interdit toute mesure de caractère militaire et toute explosion nucléaire ou élimination de déchets radioactifs sur le continent. En pratique, l'Antarctique fonctionne donc comme un continent dédié à la science, à la paix et à la protection de l'environnement, géré collectivement par les Parties consultatives du Traité, indépendamment des revendications historiques.

Le Traité de l'Antarctique.
Pendant des décennies, plusieurs nations avaient avancé des revendications territoriales sur différentes parties de l'Antarctique, parfois se chevauchant, créant un potentiel de conflits futurs. Les sept pays nommés ci-dessus avaient établi des bases et menaient des activités, tandis que d'autres Etats, comme les États-Unis et l'Union Soviétique, menaient également des expéditions substantielles sans reconnaître les revendications existantes. Cette situation, particulièrement tendue en pleine Guerre Froide, rendait urgent de trouver un mécanisme pour gérer pacifiquement le continent et éviter que les rivalités n'y dégénèrent.

Le catalyseur majeur qui a conduit aux négociations du traité a été l'Année Géophysique Internationale (AGI) de 1957-1958. Cet événement scientifique mondial a impliqué une coopération sans précédent, notamment en Antarctique, où douze pays (Argentine, Australie, Belgique, Chili, États-Unis, France, Japon, Nouvelle-Zélande, Norvège, Royaume-Uni, Afrique du Sud, Union Soviétique) ont mené des recherches conjointes ou coordonnées, établissant de nombreuses bases scientifiques. L'expérience de l'AGI a démontré qu'une coopération scientifique fructueuse était possible malgré les différences politiques et les revendications territoriales. Cependant, la fin de l'AGI en 1958 a soulevé la question cruciale de ce qui allait se passer ensuite. Le risque que les tensions géopolitiques reprennent le dessus était réel.

Face à cette situation, les États-Unis, qui n'avaient pas de revendication mais étaient très actifs scientifiquement, ont pris l'initiative de convier les onze autres Etats ayant participé activement à l'AGI en Antarctique à une conférence pour discuter de l'avenir du continent. Cette conférence s'est tenue à Washington D.C. et a débuté en octobre 1959. Les négociations visaient à élaborer un cadre juridique permanent qui garantirait que l'Antarctique reste une zone de paix et de coopération scientifique, à l'abri des conflits militaires et des rivalités politiques.

Le Traité sur l'Antarctique a été signé le 1er décembre 1959 par les douze États participant à la Conférence de Washington. Il est entré en vigueur le 23 juin 1961 après ratification par tous les signataires initiaux. Le traité établit l'Antarctique (au sud du 60e parallèle de latitude Sud) comme une zone dédiée à la paix et à la science. Ses principes fondamentaux comprennent la démilitarisation complète du continent (interdiction de toute mesure de caractère militaire, y compris les essais d'armes et les manoeuvres), la liberté de la recherche scientifique et la promotion de la coopération scientifique internationale, l'interdiction de toute explosion nucléaire ou du dépôt de déchets radioactifs, et un système innovant d'inspection mutuelle des bases et des installations pour vérifier le respect des dispositions du traité.

L'une des dispositions les plus importantes et les plus délicates est l'Article IV, qui gèle efficacement toutes les revendications territoriales. Il stipule qu'aucune disposition du traité ne peut être interprétée comme une renonciation à une revendication territoriale existante, comme une reconnaissance ou non d'une revendication, ni comme portant préjudice aux droits d'un État à affirmer une revendication. Mais surtout, il interdit l'établissement de nouvelles revendications pendant la durée du traité. Cet article a permis de surmonter le principal obstacle politique en mettant de côté la question de la souveraineté, sans que les États concernés aient à renoncer à leurs positions, et en permettant ainsi une coopération pragmatique.

Depuis son entrĂ©e en vigueur, le TraitĂ© sur l'Antarctique a servi de cadre pour la gouvernance du continent. Il a mis en place un système de rĂ©unions consultatives (les RĂ©unions Consultatives du TraitĂ© sur l'Antarctique - RCTA) oĂą les parties ayant une activitĂ© scientifique substantielle peuvent prendre des dĂ©cisions sur la gestion de l'Antarctique, et adopter des mesures et des rĂ©solutions. Le système du TraitĂ© sur l'Antarctique s'est Ă©largi avec de nouveaux États adhĂ©rents et a dĂ©veloppĂ© des instruments additionnels, le plus notable Ă©tant le Protocole de Madrid de 1991 sur la protection de l'environnement en Antarctique, qui dĂ©signe l'Antarctique comme une "rĂ©serve naturelle, vouĂ©e Ă  la paix et Ă  la science" et interdit notamment toute activitĂ© relative aux ressources minĂ©rales autres que la recherche scientifique. Le traitĂ© de 1959, initialement conçu dans un but de dĂ©sarmement et de coopĂ©ration scientifique, a ainsi Ă©voluĂ© pour intĂ©grer de manière primordiale la protection de l'environnement. 

Les stations de recherche de l'Antarctique.
Aucun Ă©tablissement humain permanent au sens classique n'existe en Antarctique.  Le continent n'a pas de population indigène, ni de rĂ©sidents permanents, et aucune ville ou village n'a Ă©tĂ© fondĂ© de manière autonome. Les Ă©tablissements humains en Antarctique consistent en des stations de recherche scientifiques temporaires ou semi-permanentes, installĂ©es par divers pays dans le cadre du TraitĂ© sur l'Antarctique de 1959. Ce traitĂ© interdit toute revendication territoriale nouvelle et limite strictement les activitĂ©s Ă  des fins pacifiques et scientifiques. Ainsi, la prĂ©sence humaine sur le continent le plus austral de la Terre est, en principe, entièrement motivĂ©e par des objectifs de recherche, de logistique et de coopĂ©ration internationale.

On distingue deux types d'établissements : les stations permanentes, occupées toute l'année, et les stations saisonnières, ouvertes uniquement pendant l'été austral (novembre à février), lorsque les conditions climatiques sont plus clémentes. En tout, on compte environ 70 stations réparties entre une trentaine de nations, avec une population pouvant atteindre plus de 4 000 personnes en été et redescendre à environ 1000 en hiver. La plupart des installations dépendent d'une logistique lourde : transport maritime ou aérien, gestion de l'énergie (souvent via des générateurs à carburant ou des panneaux solaires), traitement des déchets, approvisionnement en nourriture et en eau potable. Les conditions extrêmes imposent des normes strictes en matière d'isolation, de sécurité et de gestion des ressources.

En dehors des stations scientifiques, on trouve quelques camps temporaires et bases d'expĂ©dition privĂ©e ou touristique, soumis Ă  une rĂ©glementation environnementale stricte. 

McMurdo.
Parmi les principales stations permanentes figure McMurdo Station, exploitée par les États-Unis sur l'île de Ross, à proximité de la côte. Véritable plaque tournante logistique pour les opérations américaines dans l'Antarctique, elle est essentielle au soutien de la science sur le continent, y compris pour le Pôle Sud. McMurdo ressemble à une petite ville, avec une population pouvant dépasser les mille personnes en été, disposant d'installations portuaires, d'aérodromes et d'un large éventail de laboratoires couvrant de nombreuses disciplines, de la biologie à la géologie en passant par les sciences atmosphériques et l'astronomie. McMurdo est souvent utilisée comme point de transit vers le Pôle Sud géographique, où se trouve la station Amundsen-Scott.

Amundsen-Scott.
La base Amundsen-Scott South Pole Station est une autre station de recherche américaine située au pôle Sud géographique (90°S), sur le plateau Antarctique, à une altitude d'environ 2835 mètres. Gérée par la National Science Foundation (NSF), elle porte le nom des deux explorateurs qui furent les premiers à atteindre le pôle Sud. Sa localisation unique la rend cruciale pour des recherches spécifiques, notamment en astrophysique (elle abrite le télescope à neutrinos IceCube), en glaciologie (étudiant le mouvement de la glace sur laquelle la base est construite), en géophysique et en sciences de l'atmosphère. Être au pôle Sud implique six mois consécutifs de jour en été et six mois consécutifs de nuit polaire en hiver. Pendant l'hiver, la base est complètement isolée, sans possibilité d'arrivée ou de départ par avion, et les températures sont parmi les plus basses de la planète. C'est une installation moderne, surélevée, conçue pour résister à l'accumulation de neige et au déplacement de la glace sous-jacente.

IceCube est un observatoire de neutrinos unique au monde. Il ne s'agit pas d'un télescope optique ou radio, mais d'un détecteur géant enfoui dans la glace antarctique. Son objectif principal est de capter les neutrinos de haute énergie provenant de sources astrophysiques lointaines et extrêmes, offrant ainsi une nouvelle fenêtre sur l'univers. Le choix du pôle Sud et de sa glace est crucial : la glace est transparente, extrêmement pure et constitue un vaste volume qui sert à la fois de cible pour les neutrinos et de milieu pour détecter les produits de leur interaction. Lorsqu'un neutrino de très haute énergie interagit (très rarement) avec un atome de glace, il produit des particules chargées qui, se déplaçant plus vite que la lumière dans ce milieu, émettent un flash de lumière bleue, appelé lumière Cerenkov. IceCube est constitué de plus de 5000 capteurs optiques numériques (DOMs), chacun contenant un tube photomultiplicateur, déployés sur 86 câbles descendus à des profondeurs variant entre 1450 et 2450 mètres sous la surface de la glace, couvrant un volume d'environ un kilomètre cube. Ces capteurs enregistrent la lumière Cerenkov produite par les interactions des neutrinos, permettant de reconstruire la trajectoire et l'énergie des neutrinos incidents. La base Amundsen-Scott fournit l'infrastructure essentielle à son fonctionnement : l'alimentation électrique, les installations informatiques pour l'acquisition et le traitement des données, les moyens de communication par satellite pour transmettre les informations aux chercheurs du monde entier, ainsi que les logements et le soutien logistique pour le personnel scientifique et technique qui assure la maintenance et l'opération de l'instrument dans les conditions extrêmes du pôle Sud. En détectant et en étudiant ces neutrinos, IceCube ouvre une nouvelle voie pour comprendre les phénomènes les plus violents de l'univers, identifier l'origine des rayons cosmiques et tester les théories de la physique fondamentale. C'est une entreprise scientifique et technologique majeure.
Vostock.
Un contraste saisissant est offert par la station Vostok, exploitĂ©e par la Russie, situĂ©e loin Ă  l'intĂ©rieur des terres, sur le haut plateau Antarctique Est. Elle est situĂ©e au-dessus du lac subglaciaire Vostok, l'un des plus grands rĂ©servoirs d'eau douce emprisonnĂ© sous des kilomètres de glace. Cette station dĂ©tient aussi le record de la tempĂ©rature la plus basse enregistrĂ©e sur Terre : –89,2 °C en 1983. Vostok est l'une des stations les plus isolĂ©es et les plus hostiles. Son programme scientifique principal est la glaciologie, notamment le forage de carottes de glace profondes qui ont permis de reconstituer le climat passĂ© sur plusieurs centaines de milliers d'annĂ©es et de dĂ©couvrir le lac Vostok sous la calotte glaciaire. Le personnel y est beaucoup plus rĂ©duit, gĂ©nĂ©ralement quelques dizaines de personnes tout au plus. 

Concordia.
Plus Ă  l'est encore sur le haut plateau Antarctique, sur le site isolĂ© de DĂ´me C, Ă  une altitude de plus de 3200 mètres, la station Concordia est co-opĂ©rĂ©e par l'IPEV (France) et le PNRA (Italie), elle est l'une des stations les plus isolĂ©es et les plus difficiles d'accès au monde.  Elle est conçue pour permettre une prĂ©sence humaine et scientifique continue, y compris pendant le long et sombre hiver polaire. Son design moderne est optimisĂ© pour rĂ©sister aux conditions extrĂŞmes et Ă  l'isolement, une expĂ©rience qui sert notamment Ă  simuler les conditions de vie lors de futures missions spatiales de longue durĂ©e. En raison de son altitude, de son extrĂŞme sĂ©cheresse atmosphĂ©rique et de l'absence totale de lumière artificielle Ă  des centaines de kilomètres, elle est un lieu idĂ©al pour l'astronomie et l'observation atmosphĂ©rique. Concordia est Ă©galement rĂ©putĂ©e pour les forages profonds dans la calotte glaciaire, permettant d'Ă©tudier le climat passĂ© sur des centaines de milliers d'annĂ©es. De plus, ses conditions extrĂŞmes de froid, d'altitude et d'isolement en font un site d'Ă©tude unique pour la physiologie et la psychologie humaines, souvent utilisĂ© comme analogue pour les missions spatiales lointaines. La population hivernale y est très restreinte, souvent autour d'une quinzaine de personnes. 

Dumont-d'Urville.
SituĂ©e en Antarctique de l'Est, sur la cĂ´te de la Terre AdĂ©lie (une zone revendiquĂ©e par la France), se trouve la Base Dumont d'Urville. OpĂ©rĂ©e par l'Institut Polaire Français (IPEV), elle est implantĂ©e sur l'ĂŽle des PĂ©trels, dans l'archipel de Pointe GĂ©ologie. Cette station cĂ´tière est un centre majeur pour la recherche française en Antarctique. Elle est occupĂ©e de manière permanente tout au long de l'annĂ©e, et accueille des Ă©quipes scientifiques et techniques qui doivent faire face aux rigueurs du climat antarctique et Ă  l'isolement, bien que moins extrĂŞme que dans l'intĂ©rieur du continent. Elle accueille environ 80 personnes en Ă©tĂ© et une trentaine pendant le long hiver antarctique. L'accès Ă  Dumont d'Urville est souvent complexe en raison des glaces, et nĂ©cessite l'usage de brise-glaces et de moyens aĂ©riens. 

L'histoire de la station antarctique française Dumont-d'Urville, souvent abrĂ©gĂ©e en DDU, commence dans le contexte de l'AnnĂ©e GĂ©ophysique Internationale (AGI) de 1957-1958. La France, souhaitant contribuer activement Ă  cet effort scientifique global, dĂ©cida de renforcer sa prĂ©sence en Terre AdĂ©lie, un territoire qu'elle revendique depuis la dĂ©couverte de ses cĂ´tes par Jules Dumont d'Urville en 1840. Une première station, Port-Martin, avait Ă©tĂ© Ă©tablie en 1950 mais fut dĂ©truite par un incendie en 1952. Le besoin d'une nouvelle base permanente pour l'AGI devint impĂ©ratif. Sous l'impulsion de Paul-Émile Victor et de ses ExpĂ©ditions Polaires Françaises (EPF), le site idĂ©al fut identifiĂ© sur l'archipel de Pointe GĂ©ologie, Ă  environ 5 kilomètres de la cĂ´te continentale, offrant un meilleur accès maritime que Port-Martin. La construction de la nouvelle station fut une prouesse logistique majeure. Le navire Norsel transporta les matĂ©riaux et le personnel nĂ©cessaires. En quelques mois, une Ă©quipe de choc affronta le froid, le vent et la glace pour Ă©riger les premiers bâtiments sur cet affleurement rocheux balayĂ© par les Ă©lĂ©ments. La station fut officiellement inaugurĂ©e en janvier 1956, en vue du dĂ©but de l'AGI. Initialement conçue pour accueillir la vingtaine de scientifiques et techniciens participant aux programmes de l'AGI (principalement gĂ©ophysique, mĂ©tĂ©orologie, glaciologie), la station avait vocation Ă  ĂŞtre occupĂ©e de manière permanente. Le succès de l'AGI et l'importance stratĂ©gique et scientifique de la prĂ©sence française en Antarctique, notamment dans le cadre du TraitĂ© de l'Antarctique signĂ© en 1959, assurèrent la pĂ©rennitĂ© de DDU. Au fil des dĂ©cennies, la station Dumont-d'Urville s'est considĂ©rablement dĂ©veloppĂ©e et modernisĂ©e. Les premiers bâtiments, souvent rudimentaires, ont Ă©tĂ© remplacĂ©s ou complĂ©tĂ©s par des structures plus robustes et mieux isolĂ©es, capables de rĂ©sister aux tempĂŞtes extrĂŞmes et aux tempĂ©ratures glaciaires. L'infrastructure logistique s'est amĂ©liorĂ©e, avec notamment la construction d'une piste d'atterrissage sur la banquise saisonnière (qui permet le transport intercontinental via un lien aĂ©rien avec la station italienne Concordia et l'Australie en Ă©tĂ©) et l'utilisation de moyens de transport adaptĂ©s (engins Ă  chenilles, hĂ©licoptères). La gamme des recherches menĂ©es Ă  DDU s'est Ă©galement considĂ©rablement Ă©largie. Au-delĂ  des disciplines initiales, la station accueille dĂ©sormais des programmes de biologie marine et terrestre (Ă©tudes des manchots, des phoques, de la faune et flore locales), d'ocĂ©anographie, de chimie de l'atmosphère, d'Ă©tude du climat et de son Ă©volution, de sismologie et bien d'autres. La station sert de base pour des campagnes de terrain plus Ă©loignĂ©es, notamment vers l'intĂ©rieur du continent ou sur les Ă®les avoisinantes. La vie Ă  la station est rythmĂ©e par l'alternance des saisons. L'Ă©tĂ© (de novembre Ă  fĂ©vrier) est la pĂ©riode d'activitĂ© intense, avec l'arrivĂ©e des bateaux de ravitaillement (L'Astrolabe historiquement, remplacĂ© par Le Marion Dufresne pour la logistique lourde et le nouveau brise-glace L'Astrolabe pour les rotations), l'arrivĂ©e de nombreux scientifiques pour des campagnes courtes, et la mise en oeuvre des programmes d'Ă©tĂ©. L'hiver (de mars Ă  octobre) est une pĂ©riode plus isolĂ©e, oĂą seule une Ă©quipe rĂ©duite d'une vingtaine de personnes (les "hivernants") assure la continuitĂ© des mesures, la maintenance de la station et poursuit des recherches spĂ©cifiques. Cet isolement total pendant des mois, dans l'obscuritĂ© quasi permanente et le froid extrĂŞme, est l'une des caractĂ©ristiques de la vie en station polaire hivernante. 
Rothera.
La station de recherche Rothera, opérée par le Royaume-Uni via le British Antarctic Survey (BAS), est située sur l'Île Adélaïde, le long de la Péninsule Antarctique. C'est un important centre logistique et scientifique pour les opérations britanniques en Antarctique. Elle mène des recherches dans divers domaines comme la glaciologie, l'océanographie, la biologie marine et les sciences atmosphériques. Rothera dispose d'une piste d'atterrissage aménagée, de laboratoires bien équipés et d'installations marines, ce qui en fait une base accessible et majeure pour l'accès aérien vers l'intérieur du continent. Elle abrite généralement une centaine de personnes pendant l'été antarctique et une vingtaine durant l'hiver.

Esperanza.
Plus au nord, également sur la Péninsule Antarctique mais à sa pointe la plus septentrionale (la Péninsule de la Trinité), se trouve la Base Esperanza. Appartenant à l'Argentine, Esperanza est unique car elle n'est pas seulement une station de recherche, mais aussi une petite communauté civile permanente. Elle comprend des logements familiaux, une école, un hôpital, une radio et une chapelle. Les recherches scientifiques y sont également menées dans les domaines de la sismologie, de la glaciologie, de la météorologie et de la biologie. Esperanza est particulièrement célèbre pour être le lieu de naissance du premier être humain né en Antarctique en 1978. La base accueille une cinquantaine de personnes en permanence, notamment des familles, avec un nombre plus élevé en été.

San Martin, Belgrano II, Marambio et Orcadas.
San Martin, Belgrano II et Marambio sont trois autres stations argentines permanentes. La base Antártica San Martín est une base argentine située sur l'île Barry, dans la péninsule Antarctique. Elle est orientée vers la recherche scientifique et l'appui aux activités dans la région. La base Antártica Belgrano II est située en Terre de Coats. C'est la base argentine la plus méridionale; elle est connue pour ses installations sous la glace et dédiée aux études atmosphériques, géomagnétiques et sismologiques. La base Antártica Marambio est la principale base argentine permanente. Située sur l'île Marambio, elle est essentielle pour la logistique grâce à son aérodrome, elle mène des recherches variées en sciences de la Terre et de la vie. La base Antártica Orcadas, enfin, spécialisée en météorologie et géophysique, est située sur l'île Laurie dans les Orcades du Sud; fondée en 1904, c'est la plus ancienne station permanente du continent.
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Antarctique : une station scientifique argentine.
Une station scientifique de l'Argentine en Antarctique. Photos : The World Factbook.

Grande Muraille.
La station Grande Muraille, la première station chinoise, a été inaugurée le 20 février 1985. Elle est située sur l'île du Roi-George, dans les îles Shetland du Sud, près de la péninsule Antarctique. C'est une station côtière permanente, opérationnelle toute l'année. Elle sert principalement de base pour la recherche en biologie marine, la météorologie, la géophysique et la surveillance de l'environnement côtier, et bénéficie d'une relative facilité d'accès par voie maritime.

Zhongshan.
Plus à l'est, en Antarctique de l'Est, se trouve la station Zhongshan, établie le 19 janvier 1989 dans les collines de Larsemann, sur la côte. Également opérationnelle toute l'année, Zhongshan est une plaque tournante logistique essentielle pour les expéditions vers l'intérieur du continent. Ses programmes de recherche couvrent l'atmosphère supérieure polaire, la glaciologie côtière, les sciences marines, la géodésie et la cartographie. C'est depuis Zhongshan que sont souvent lancées les missions vers les zones plus reculées.

Kunlun.
La station Kunlun représente la présence chinoise la plus avancée et la plus difficile d'accès en Antarctique. Elle a été établie le 27 janvier 2009 au Dôme A (Dôme Argus), le point culminant de la calotte glaciaire de l'Antarctique de l'Est, à une altitude de plus de 4000 mètres. En raison des conditions climatiques extrêmes, Kunlun est une station saisonnière, fonctionnant uniquement pendant l'été austral. Elle est dédiée à des recherches de pointe telles que le forage de carottes de glace profondes pour étudier le climat passé, l'astronomie (profitant de l'altitude et de l'atmosphère exceptionnellement sèche et claire), la glaciologie et la géophysique de l'intérieur du continent. Kunlun symbolise l'engagement de la Chine dans l'exploration scientifique des zones les plus extrêmes de l'Antarctique.

Taishan.
La station Taishan est une base de recherche chinoise saisonnière située à l'intérieur des terres de l'Antarctique oriental, précisément en Terre de la Princesse-Élisabeth. Mise en service en février 2014, elle sert principalement de point de relais logistique essentiel pour la station Kunlun, plus éloignée dans l'intérieur, et de plateforme pour des études scientifiques variées pendant l'été austral. Sa conception modulaire surélevée lui permet d'accueillir jusqu'à 20 personnes durant la saison d'activité. D'autres installations comme le brise-glace de recherche Xue Long (Dragon des Neiges), permettent à la Chine de mener un programme de recherche scientifique polaire complet, couvrant une grande variété de disciplines et d'environnements, des côtes accessibles à l'intérieur lointain et glacé.

Maitri.
L'Inde opère la station permanente Maitri depuis 1989. Située dans l'Oasis de Schirmacher en Terre de la Reine-Maud, Maitri a remplacé la première base indienne, Dakshin Gangotri. Elle constitue une installation majeure pour la recherche scientifique pluridisciplinaire, couvrant des domaines tels que la géologie, la biologie, les sciences de l'environnement, la météorologie et la glaciologie, et est habitée toute l'année par des équipes de scientifiques et de personnel de soutien.

Bharati.
Plus récemment établie en mars 2012, la station Bharati est la deuxième base de recherche indienne permanente en Antarctique. Positionnée sur les Collines de Larsemann, près de la côte de la Baie de Prydz, Bharati se concentre sur des études côtières et océaniques, l'interaction glace-océan, et d'autres recherches géoscientifiques et polaires. Sa structure est une construction modulaire préfabriquée conçue pour résister aux conditions extrêmes du littoral antarctique.



Paul-Emile Victor, Jean-Christophe Victor, Adieu l'Antarctique, Hachette (Pluriel), 2009.  - Pourquoi l'Antarctique, vide, froid, hors de proportion, fascine-t-il tant, Peut-ĂŞtre parce qu'aucun des explorateurs partis Ă  l'assaut de cette terre n'est venu Ă  bout de son infinitĂ©, de sa beautĂ©, de son mystère. Tardivement explorĂ©, très tĂ´t dĂ©militarisĂ© (1959) et protĂ©gĂ© dès 1991, l'Antarctique, premier parc naturel mondial, est aujourd'hui dĂ©diĂ© Ă  la recherche scientifique. En matière de protection de l'environnement, il constitue un poste d'observation unique.  Jean-Christophe Victor nous donne, avec Adieu l'Antarctique, une version intĂ©gralement revue, mise Ă  jour, de Planète Antarctique, livre Ă©crit Ă  quatre mains en 1992. Un portrait amoureux de l'Antarctique. Le regard de l'aventurier et du scientifique croise celui du gĂ©opolitologue. L'utopiste et le rĂ©aliste se trouvent rĂ©conciliĂ©s autour d'une mĂŞme passion : celle de la dĂ©couverte. (couv.).

François Garde, Paul-Emile Victor et la France de l'Antarctique, Louis Audibert, 2006. - Il se disait "nomade" et le fut sans aucun doute, par amour de l'aventure, des navires et des avions. A vingt-six ans, en 1934, Paul-Emile Victor quitte la vie paisible que lui offrait l'usine familiale de Lons-le-Saunier pour aller vivre chez les Esquimaux. Dès son retour, il devient célèbre grâce à ses reportages, ses conférences et ses livres. Après guerre, il se tourne vers l'extrême Sud et déploie ses talents d'organisateur pour mettre sur pied les "Expéditions polaires françaises". La France de De Gaulle veut être présente en Antarctique en ces années de Guerre froide où les grandes puissances découvrent l'intérêt stratégique du continent blanc - les observations de la haute atmosphère que l'on y fait vont permettre la conquête spatiale. En terre Adélie, tout est alors à inventer : "PEV" réussit à obtenir les moyens de construire la base Dumont-d'Urville, offrant aux scientifiques un terrain exceptionnel pour la connaissance de la planète. Toujours en quête de nouveaux horizons, il se lance dès la fin des années 1960 dans la défense de l'environnement et se bat pour la préservation de l'Antarctique. Au faîte de sa popularité, il se retire à Bora Bora où il peaufine sa légende. C'est l'histoire d'un mythe que raconte ce livre, celle d'un homme qui fit rêver plusieurs générations. (Edit.).

Mc Gonigal, Antarctique, le continent bleu, Nathan (Beaux livres), 2004.

Sébastien Panou, Grand Sud, reportages en Antarctique, Marines Nantes, 2004.

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