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00 S, 0 00 E |
L'Antarctique
est le continent le plus austral de la Terre. Centré autour du pôle Sud
géographique, il est le cinquième plus grand continent en termes de superficie,
avec environ 14 millions de kilomètres carrés. Les côtes, souvent très
découpées et bordées de nombreuses petites îles, ont une longueur de
15 000 km.
Le continent est
sur 98% de sa surface par une calotte de glace (inlandsis). Cette
masse de glace est la plus grande sur Terre, et contient environ 90% de
la glace d'eau douce mondiale. L'épaisseur moyenne de la calotte glaciaire
antarctique dépasse les 2000 mètres, atteignant par endroits plus de
4000 mètres, ce qui signifie que le poids de la glace a enfoncé le socle
rocheux sous-jacent, plaçant de vastes zones sous le niveau de la mer,
en particulier en Antarctique occidental. Le plateau central s'étage entre
2500 et 3500 m d'altitude. La chaîne de la Reine Marie a une altitude
moyenne de 4300 m et le mont Vinson, sur la Terre de Ellsworth (au Sud
de la péninsule de Palmer), est le point culminant (4997 m) du continent.
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Carte
de l'Antarctique. Source : The World Factbook.
Seulement environ
2% du continent est libre de glace, principalement le long des cĂ´tes,
au sommet des montagnes qui percent la glace et dans certaines régions
comme les Vallées Sèches de McMurdo. Deux grandes échancrures
séparent la grande masse continentale de l'Antarctique oriental de l'Antarctique
occidental, qui se termine vers le Nord, en direction de l'Amérique, en
une grande péninsule, la Péninsule de Palmer. Les deux grandes régions
géographiques sont séparées par la chaîne des Montagnes Transantarctiques,
qui traverse le continent sur près de 3 500 kilomètres.
L'Antarctique Oriental,
plus grand et géologiquement plus ancien, est constitué d'un vaste bouclier
continental recouvert d'une calotte glaciaire très épaisse et stable,
s'élevant vers un dôme central. Le socle rocheux sous-jacent est majoritairement
au-dessus du niveau de la mer, bien qu'il présente des reliefs complexes,
dont les monts Gamburtsev, une chaîne de montagnes subglaciaires de taille
comparable aux Alpes. L'Antarctique Occidental est géologiquement plus
jeune et est composé d'une série d'îles et d'archipels montagneux reliés
par la glace. Son socle rocheux est en grande partie en dessous du niveau
de la mer, ce qui le rend particulièrement vulnérable aux changements
climatiques et océaniques. La Péninsule Antarctique, la partie la plus
septentrionale du continent, est une extension montagneuse et la région
au climat le plus doux.
La calotte glaciaire
n'est pas statique; elle s'écoule lentement de l'intérieur vers les côtes
sous l'effet de la gravité. Ce mouvement est concentré dans de vastes
courants de glace, des zones où la glace se déplace beaucoup plus rapidement.
À mesure que la glace atteint l'océan, elle peut former d'immenses plateformes
de glace flottantes, les plus grandes étant la plateforme de glace de
Ross et la plateforme de glace Ronne-Filchner. Ces plateformes de glace
agissent comme des contreforts pour la calotte glaciaire intérieure. Le
vĂŞlage d'icebergs, parfois gigantesques, depuis le front des glaciers
et des plateformes de glace est un processus continu de perte de masse.
-
Le
Canal de LeMaire, entre l'île de Booth et la péninsule Antarctique.
Le socle rocheux
de l'Antarctique révèle une histoire géologique complexe. L'Antarctique
Oriental faisait partie du supercontinent Gondwana et présente des terrains
très anciens. L'Antarctique Occidental est plus volcanique et géologiquement
actif. Le continent repose sur la plaque Antarctique, qui est relativement
stable en ce qui concerne l'activité sismique par rapport à d'autres
plaques.
Le climat de l'Antarctique
est le plus froid, le plus sec et le plus venteux de la planète. Les températures
intérieures moyennes sont extrêmement basses, descendant à près de
-60°C et même bien plus bas au pôle Sud. Les précipitations sont très
faibles, principalement sous forme de neige, classant la majeure partie
du continent comme un désert polaire. Des vents catabatiques violents,
causés par l'air froid et dense dévalant les pentes intérieures de la
calotte glaciaire, sont fréquents, en particulier le long des côtes.
Le continent est
entouré par l'océan Austral, caractérisé par le courant circumpolaire
antarctique, le plus grand courant océanique du monde, qui isole le continent
sur le plan océanographique et climatique. Les eaux froides de l'océan
Austral interagissent de manière complexe avec la glace, influençant
la formation et la fonte de la banquise saisonnière ainsi que la stabilité
des plateformes de glace. De nombreuses îles, dont les Shetland du Sud,
les Orcades du Sud et l'île Pierre Ier,
se trouvent dans l'océan Austral autour du continent principal et sont
souvent couvertes de glace et abritent une faune abondante. La cĂ´te antarctique
elle-même est majoritairement définie par des falaises de glace, avec
peu d'accès direct à la terre ferme. La topographie subglaciaire comprend
également des lacs d'eau liquide sous plusieurs kilomètres de glace,
comme le lac Vostok, offrant des environnements uniques et encore largement
inexplorés.
La présence humaine
dans l'Antarctique
Les revendications
territoriales.
Plusieurs États
ont formulé des revendications territoriales sur des portions de l'Antarctique.
Ces revendications, principalement émises dans la première moitié du
XXe siècle, concernent sept pays : l'Argentine,
l'Australie, le Chili, la France, la Nouvelle-Zélande, la Norvège et
le Royaume-Uni. Les revendications prennent généralement la forme de
secteurs polaires partant du pôle Sud, comme une part de gâteau.
Les revendications de l'Argentine, du Chili et du Royaume-Uni se superposent
sur une partie significative du territoire. Une large zone du continent,
connue sous le nom de Terre Marie Byrd, ne fait l'objet d'aucune revendication
par aucun État.
La majeure partie
de la communauté internationale ne reconnaît pas ces revendications territoriales.
La situation en Antarctique est régie par le Traité sur l'Antarctique,
signé à Washington en 1959. Le Traité sur l'Antarctique promeut la liberté
de la recherche scientifique, l'échange d'informations scientifiques et
la coopération internationale. Il interdit toute mesure de caractère
militaire et toute explosion nucléaire ou élimination de déchets radioactifs
sur le continent. En pratique, l'Antarctique fonctionne donc comme un continent
dédié à la science, à la paix et à la protection de l'environnement,
géré collectivement par les Parties consultatives du Traité, indépendamment
des revendications historiques.
Le
Traité de l'Antarctique.
Pendant des décennies,
plusieurs nations avaient avancé des revendications territoriales sur
différentes parties de l'Antarctique, parfois se chevauchant, créant
un potentiel de conflits futurs. Les sept pays nommés ci-dessus avaient
établi des bases et menaient des activités, tandis que d'autres Etats,
comme les États-Unis et l'Union Soviétique, menaient également des expéditions
substantielles sans reconnaître les revendications existantes. Cette situation,
particulièrement tendue en pleine Guerre Froide,
rendait urgent de trouver un mécanisme pour gérer pacifiquement le continent
et éviter que les rivalités n'y dégénèrent.
Le catalyseur majeur
qui a conduit aux négociations du traité a été l'Année Géophysique
Internationale (AGI) de 1957-1958. Cet événement scientifique mondial
a impliqué une coopération sans précédent, notamment en Antarctique,
où douze pays (Argentine, Australie, Belgique, Chili, États-Unis, France,
Japon, Nouvelle-Zélande, Norvège, Royaume-Uni, Afrique du Sud, Union
Soviétique) ont mené des recherches conjointes ou coordonnées, établissant
de nombreuses bases scientifiques. L'expérience de l'AGI a démontré
qu'une coopération scientifique fructueuse était possible malgré les
différences politiques et les revendications territoriales. Cependant,
la fin de l'AGI en 1958 a soulevé la question cruciale de ce qui allait
se passer ensuite. Le risque que les tensions géopolitiques reprennent
le dessus était réel.
Face Ă cette situation,
les États-Unis, qui n'avaient pas de revendication mais étaient très
actifs scientifiquement, ont pris l'initiative de convier les onze autres
Etats ayant participé activement à l'AGI en Antarctique à une conférence
pour discuter de l'avenir du continent. Cette confĂ©rence s'est tenue Ă
Washington D.C. et a débuté en octobre 1959. Les négociations visaient
à élaborer un cadre juridique permanent qui garantirait que l'Antarctique
reste une zone de paix et de coopération scientifique, à l'abri des conflits
militaires et des rivalités politiques.
Le Traité sur
l'Antarctique a été signé le 1er
décembre 1959 par les douze États participant à la Conférence de Washington.
Il est entré en vigueur le 23 juin 1961 après ratification par tous les
signataires initiaux. Le traité établit l'Antarctique (au sud du 60e
parallèle de latitude Sud) comme une zone dédiée à la paix et à la
science. Ses principes fondamentaux comprennent la démilitarisation complète
du continent (interdiction de toute mesure de caractère militaire, y compris
les essais d'armes et les manoeuvres), la liberté de la recherche scientifique
et la promotion de la coopération scientifique internationale, l'interdiction
de toute explosion nucléaire ou du dépôt de déchets radioactifs, et
un système innovant d'inspection mutuelle des bases et des installations
pour vérifier le respect des dispositions du traité.
L'une des dispositions
les plus importantes et les plus délicates est l'Article IV, qui gèle
efficacement toutes les revendications territoriales. Il stipule qu'aucune
disposition du traité ne peut être interprétée comme une renonciation
Ă une revendication territoriale existante, comme une reconnaissance ou
non d'une revendication, ni comme portant préjudice aux droits d'un État
à affirmer une revendication. Mais surtout, il interdit l'établissement
de nouvelles revendications pendant la durée du traité. Cet article a
permis de surmonter le principal obstacle politique en mettant de côté
la question de la souverainetĂ©, sans que les États concernĂ©s aient Ă
renoncer à leurs positions, et en permettant ainsi une coopération pragmatique.
Depuis son entrée
en vigueur, le Traité sur l'Antarctique a servi de cadre pour la
gouvernance du continent. Il a mis en place un système de réunions consultatives
(les Réunions Consultatives du Traité sur l'Antarctique - RCTA) où les
parties ayant une activité scientifique substantielle peuvent prendre
des décisions sur la gestion de l'Antarctique, et adopter des mesures
et des résolutions. Le système du Traité sur l'Antarctique s'est
élargi avec de nouveaux États adhérents et a développé des instruments
additionnels, le plus notable étant le Protocole de Madrid de 1991
sur la protection de l'environnement en Antarctique, qui désigne l'Antarctique
comme une "réserve naturelle, vouée à la paix et à la science" et interdit
notamment toute activité relative aux ressources minérales autres que
la recherche scientifique. Le traité de 1959, initialement conçu dans
un but de désarmement et de coopération scientifique, a ainsi évolué
pour intégrer de manière primordiale la protection de l'environnement.
Les stations de
recherche de l'Antarctique.
Aucun établissement
humain permanent au sens classique n'existe en Antarctique. Le
continent n'a pas de population indigène, ni de résidents permanents,
et aucune ville ou village n'a été fondé de manière autonome. Les
établissements humains en Antarctique consistent en des stations de recherche
scientifiques temporaires ou semi-permanentes, installées par divers pays
dans le cadre du Traité sur l'Antarctique de 1959. Ce traité interdit
toute revendication territoriale nouvelle et limite strictement les activités
à des fins pacifiques et scientifiques. Ainsi, la présence humaine sur
le continent le plus austral de la Terre est, en principe, entièrement
motivée par des objectifs de recherche, de logistique et de coopération
internationale.
On distingue deux
types d'établissements : les stations permanentes, occupées toute l'année,
et les stations saisonnières, ouvertes uniquement pendant l'été austral
(novembre à février), lorsque les conditions climatiques sont plus clémentes.
En tout, on compte environ 70 stations réparties entre une trentaine de
nations, avec une population pouvant atteindre plus de 4 000 personnes
en été et redescendre à environ 1000 en hiver. La plupart des installations
dépendent d'une logistique lourde : transport maritime ou aérien, gestion
de l'énergie (souvent via des générateurs à carburant ou des panneaux
solaires), traitement des déchets, approvisionnement en nourriture et
en eau potable. Les conditions extrĂŞmes imposent des normes strictes en
matière d'isolation, de sécurité et de gestion des ressources.
En dehors des stations
scientifiques, on trouve quelques camps temporaires et bases d'expédition
privée ou touristique, soumis à une réglementation environnementale
stricte.
McMurdo.
Parmi les principales
stations permanentes figure McMurdo Station, exploitée par les États-Unis
sur l'île de Ross, à proximité de la côte. Véritable plaque tournante
logistique pour les opérations américaines dans l'Antarctique, elle est
essentielle au soutien de la science sur le continent, y compris pour le
PĂ´le Sud. McMurdo ressemble Ă une petite ville, avec une population pouvant
dépasser les mille personnes en été, disposant d'installations portuaires,
d'aérodromes et d'un large éventail de laboratoires couvrant de nombreuses
disciplines, de la biologie à la géologie en passant par les sciences
atmosphériques et l'astronomie. McMurdo est souvent utilisée comme point
de transit vers le Pôle Sud géographique, où se trouve la station Amundsen-Scott.
Amundsen-Scott.
La base Amundsen-Scott
South Pole Station est une autre station de recherche américaine située
au pôle Sud géographique (90°S), sur le plateau Antarctique, à une
altitude d'environ 2835 mètres. Gérée par la National Science Foundation
(NSF), elle porte le nom des deux explorateurs qui furent les premiers
Ă atteindre le pĂ´le Sud. Sa localisation unique la rend cruciale pour
des recherches spécifiques, notamment en astrophysique (elle abrite le
télescope à neutrinos IceCube), en glaciologie (étudiant le mouvement
de la glace sur laquelle la base est construite), en géophysique et en
sciences de l'atmosphère. Être au pôle Sud implique six mois consécutifs
de jour en été et six mois consécutifs de nuit polaire en hiver. Pendant
l'hiver, la base est complètement isolée, sans possibilité d'arrivée
ou de départ par avion, et les températures sont parmi les plus basses
de la planète. C'est une installation moderne, surélevée, conçue pour
résister à l'accumulation de neige et au déplacement de la glace sous-jacente.
IceCube
est un observatoire de neutrinos unique au monde.
Il ne s'agit pas d'un télescope optique ou radio, mais d'un détecteur
géant enfoui dans la glace antarctique. Son objectif principal est de
capter les neutrinos de haute énergie provenant de sources astrophysiques
lointaines et extrĂŞmes, offrant ainsi une nouvelle fenĂŞtre sur l'univers.
Le choix du pĂ´le Sud et de sa glace est crucial : la glace est transparente,
extrĂŞmement pure et constitue un vaste volume qui sert Ă la fois de cible
pour les neutrinos et de milieu pour détecter les produits de leur interaction.
Lorsqu'un neutrino de très haute énergie interagit (très rarement) avec
un atome de glace, il produit des particules chargées qui, se déplaçant
plus vite que la lumière dans ce milieu, émettent un flash de lumière
bleue, appelé lumière Cerenkov.
IceCube est constitué de plus de 5000 capteurs optiques numériques (DOMs),
chacun contenant un tube photomultiplicateur, déployés sur 86 câbles
descendus à des profondeurs variant entre 1450 et 2450 mètres sous la
surface de la glace, couvrant un volume d'environ un kilomètre cube. Ces
capteurs enregistrent la lumière Cerenkov produite par les interactions
des neutrinos, permettant de reconstruire la trajectoire et l'énergie
des neutrinos incidents. La base Amundsen-Scott fournit l'infrastructure
essentielle à son fonctionnement : l'alimentation électrique, les installations
informatiques pour l'acquisition et le traitement des données, les moyens
de communication par satellite pour transmettre les informations aux chercheurs
du monde entier, ainsi que les logements et le soutien logistique pour
le personnel scientifique et technique qui assure la maintenance et l'opération
de l'instrument dans les conditions extrêmes du pôle Sud. En détectant
et en étudiant ces neutrinos, IceCube ouvre une nouvelle voie pour comprendre
les phénomènes les plus violents de l'univers, identifier l'origine des
rayons cosmiques et tester les théories
de la physique fondamentale. C'est une entreprise scientifique et technologique
majeure.
Vostock.
Un contraste saisissant
est offert par la station Vostok, exploitée par la Russie, située loin
à l'intérieur des terres, sur le haut plateau Antarctique Est. Elle est
située au-dessus du lac subglaciaire Vostok, l'un des plus grands réservoirs
d'eau douce emprisonné sous des kilomètres de glace. Cette station
détient aussi le record de la température la plus basse enregistrée
sur Terre : –89,2 °C en 1983. Vostok est l'une des stations les plus
isolées et les plus hostiles. Son programme scientifique principal est
la glaciologie, notamment le forage de carottes de glace profondes qui
ont permis de reconstituer le climat passé sur plusieurs centaines de
milliers d'années et de découvrir le lac Vostok sous la calotte glaciaire.
Le personnel y est beaucoup plus réduit, généralement quelques dizaines
de personnes tout au plus.
Concordia.
Plus Ă l'est encore
sur le haut plateau Antarctique, sur le site isolé de Dôme C, à une
altitude de plus de 3200 mètres, la station Concordia est co-opérée
par l'IPEV (France) et le PNRA (Italie), elle est l'une des stations les
plus isolées et les plus difficiles d'accès au monde. Elle est
conçue pour permettre une présence humaine et scientifique continue,
y compris pendant le long et sombre hiver polaire. Son design moderne est
optimisé pour résister aux conditions extrêmes et à l'isolement, une
expérience qui sert notamment à simuler les conditions de vie lors de
futures missions spatiales de longue durée. En raison de son altitude,
de son extrême sécheresse atmosphérique et de l'absence totale de lumière
artificielle à des centaines de kilomètres, elle est un lieu idéal pour
l'astronomie et l'observation atmosphérique. Concordia est également
réputée pour les forages profonds dans la calotte glaciaire, permettant
d'étudier le climat passé sur des centaines de milliers d'années. De
plus, ses conditions extrĂŞmes de froid, d'altitude et d'isolement en font
un site d'étude unique pour la physiologie et la psychologie humaines,
souvent utilisé comme analogue pour les missions spatiales lointaines.
La population hivernale y est très restreinte, souvent autour d'une quinzaine
de personnes.
Dumont-d'Urville.
Située en Antarctique
de l'Est, sur la côte de la Terre Adélie (une zone revendiquée par la
France), se trouve la Base Dumont d'Urville. Opérée par l'Institut Polaire
Français (IPEV), elle est implantée sur l'Île des Pétrels, dans l'archipel
de Pointe Géologie. Cette station côtière est un centre majeur pour
la recherche française en Antarctique. Elle est occupée de manière permanente
tout au long de l'année, et accueille des équipes scientifiques et techniques
qui doivent faire face aux rigueurs du climat antarctique et Ă l'isolement,
bien que moins extrême que dans l'intérieur du continent. Elle accueille
environ 80 personnes en été et une trentaine pendant le long hiver antarctique.
L'accès à Dumont d'Urville est souvent complexe en raison des glaces,
et nécessite l'usage de brise-glaces et de moyens aériens.
L'histoire
de la station antarctique française Dumont-d'Urville, souvent abrégée
en DDU, commence dans le contexte de l'Année Géophysique Internationale
(AGI) de 1957-1958. La France, souhaitant contribuer activement Ă cet
effort scientifique global, décida de renforcer sa présence en Terre
Adélie, un territoire qu'elle revendique depuis la découverte de ses
côtes par Jules Dumont d'Urville en 1840. Une première station, Port-Martin,
avait été établie en 1950 mais fut détruite par un incendie en 1952.
Le besoin d'une nouvelle base permanente pour l'AGI devint impératif.
Sous l'impulsion de Paul-Émile Victor et de ses Expéditions Polaires
Françaises (EPF), le site idéal fut identifié sur l'archipel de Pointe
Géologie, à environ 5 kilomètres de la côte continentale, offrant un
meilleur accès maritime que Port-Martin. La construction de la nouvelle
station fut une prouesse logistique majeure. Le navire Norsel transporta
les matériaux et le personnel nécessaires. En quelques mois, une équipe
de choc affronta le froid, le vent et la glace pour ériger les premiers
bâtiments sur cet affleurement rocheux balayé par les éléments. La
station fut officiellement inaugurée en janvier 1956, en vue du début
de l'AGI. Initialement conçue pour accueillir la vingtaine de scientifiques
et techniciens participant aux programmes de l'AGI (principalement géophysique,
météorologie, glaciologie), la station avait vocation à être occupée
de manière permanente. Le succès de l'AGI et l'importance stratégique
et scientifique de la présence française en Antarctique, notamment dans
le cadre du Traité de l'Antarctique signé en 1959, assurèrent
la pérennité de DDU. Au fil des décennies, la station Dumont-d'Urville
s'est considérablement développée et modernisée. Les premiers bâtiments,
souvent rudimentaires, ont été remplacés ou complétés par des structures
plus robustes et mieux isolées, capables de résister aux tempêtes extrêmes
et aux températures glaciaires. L'infrastructure logistique s'est améliorée,
avec notamment la construction d'une piste d'atterrissage sur la banquise
saisonnière (qui permet le transport intercontinental via un lien aérien
avec la station italienne Concordia et l'Australie en été) et l'utilisation
de moyens de transport adaptés (engins à chenilles, hélicoptères).
La gamme des recherches menées à DDU s'est également considérablement
élargie. Au-delà des disciplines initiales, la station accueille désormais
des programmes de biologie marine et terrestre (études des manchots, des
phoques, de la faune et flore locales), d'océanographie, de chimie de
l'atmosphère, d'étude du climat et de son évolution, de sismologie et
bien d'autres. La station sert de base pour des campagnes de terrain plus
éloignées, notamment vers l'intérieur du continent ou sur les îles
avoisinantes. La vie à la station est rythmée par l'alternance des saisons.
L'été (de novembre à février) est la période d'activité intense,
avec l'arrivée des bateaux de ravitaillement (L'Astrolabe historiquement,
remplacé par Le Marion Dufresne pour la logistique lourde et le
nouveau brise-glace L'Astrolabe pour les rotations), l'arrivée
de nombreux scientifiques pour des campagnes courtes, et la mise en oeuvre
des programmes d'été. L'hiver (de mars à octobre) est une période plus
isolée, où seule une équipe réduite d'une vingtaine de personnes (les
"hivernants") assure la continuité des mesures, la maintenance de la station
et poursuit des recherches spécifiques. Cet isolement total pendant des
mois, dans l'obscurité quasi permanente et le froid extrême, est l'une
des caractéristiques de la vie en station polaire hivernante.
Rothera.
La station de recherche
Rothera, opérée par le Royaume-Uni via le British Antarctic Survey (BAS),
est située sur l'Île Adélaïde, le long de la Péninsule Antarctique.
C'est un important centre logistique et scientifique pour les opérations
britanniques en Antarctique. Elle mène des recherches dans divers domaines
comme la glaciologie, l'océanographie, la biologie marine et les sciences
atmosphériques. Rothera dispose d'une piste d'atterrissage aménagée,
de laboratoires bien équipés et d'installations marines, ce qui en fait
une base accessible et majeure pour l'accès aérien vers l'intérieur
du continent. Elle abrite généralement une centaine de personnes pendant
l'été antarctique et une vingtaine durant l'hiver.
Esperanza.
Plus au nord, également
sur la Péninsule Antarctique mais à sa pointe la plus septentrionale
(la Péninsule de la Trinité), se trouve la Base Esperanza. Appartenant
Ă l'Argentine, Esperanza est unique car elle n'est pas seulement une station
de recherche, mais aussi une petite communauté civile permanente. Elle
comprend des logements familiaux, une école, un hôpital, une radio et
une chapelle. Les recherches scientifiques y sont également menées dans
les domaines de la sismologie, de la glaciologie, de la météorologie
et de la biologie. Esperanza est particulièrement célèbre pour être
le lieu de naissance du premier être humain né en Antarctique en 1978.
La base accueille une cinquantaine de personnes en permanence, notamment
des familles, avec un nombre plus élevé en été.
San
Martin, Belgrano II, Marambio et Orcadas.
San Martin, Belgrano
II et Marambio sont trois autres stations argentines permanentes. La base
Antártica San MartĂn est une base argentine situĂ©e sur l'Ă®le Barry,
dans la péninsule Antarctique. Elle est orientée vers la recherche scientifique
et l'appui aux activités dans la région. La base Antártica Belgrano
II est située en Terre de Coats. C'est la base argentine la plus méridionale;
elle est connue pour ses installations sous la glace et dédiée aux études
atmosphériques, géomagnétiques et sismologiques. La base Antártica
Marambio est la principale base argentine permanente. Située sur l'île
Marambio, elle est essentielle pour la logistique grâce à son aérodrome,
elle mène des recherches variées en sciences de la Terre et de la vie.
La base Antártica Orcadas, enfin, spécialisée en météorologie et géophysique,
est située sur l'île Laurie dans les Orcades du Sud; fondée en 1904,
c'est la plus ancienne station permanente du continent.
-
Une
station scientifique de l'Argentine en Antarctique. Photos
: The World Factbook.
Grande
Muraille.
La station Grande
Muraille, la première station chinoise, a été inaugurée le 20 février
1985. Elle est située sur l'île du Roi-George, dans les îles Shetland
du Sud, près de la péninsule Antarctique. C'est une station côtière
permanente, opérationnelle toute l'année. Elle sert principalement de
base pour la recherche en biologie marine, la météorologie, la géophysique
et la surveillance de l'environnement côtier, et bénéficie d'une relative
facilité d'accès par voie maritime.
Zhongshan.
Plus Ă l'est, en
Antarctique de l'Est, se trouve la station Zhongshan, établie le 19 janvier
1989 dans les collines de Larsemann, sur la côte. Également opérationnelle
toute l'année, Zhongshan est une plaque tournante logistique essentielle
pour les expéditions vers l'intérieur du continent. Ses programmes de
recherche couvrent l'atmosphère supérieure polaire, la glaciologie côtière,
les sciences marines, la géodésie et la cartographie. C'est depuis Zhongshan
que sont souvent lancées les missions vers les zones plus reculées.
Kunlun.
La station Kunlun
représente la présence chinoise la plus avancée et la plus difficile
d'accès en Antarctique. Elle a été établie le 27 janvier 2009 au Dôme
A (DĂ´me Argus), le point culminant de la calotte glaciaire de l'Antarctique
de l'Est, à une altitude de plus de 4000 mètres. En raison des conditions
climatiques extrêmes, Kunlun est une station saisonnière, fonctionnant
uniquement pendant l'été austral. Elle est dédiée à des recherches
de pointe telles que le forage de carottes de glace profondes pour étudier
le climat passé, l'astronomie (profitant de l'altitude et de l'atmosphère
exceptionnellement sèche et claire), la glaciologie et la géophysique
de l'intérieur du continent. Kunlun symbolise l'engagement de la Chine
dans l'exploration scientifique des zones les plus extrĂŞmes de l'Antarctique.
Taishan.
La station Taishan
est une base de recherche chinoise saisonnière située à l'intérieur
des terres de l'Antarctique oriental, précisément en Terre de la Princesse-Élisabeth.
Mise en service en février 2014, elle sert principalement de point de
relais logistique essentiel pour la station Kunlun, plus éloignée dans
l'intérieur, et de plateforme pour des études scientifiques variées
pendant l'été austral. Sa conception modulaire surélevée lui permet
d'accueillir jusqu'à 20 personnes durant la saison d'activité. D'autres
installations comme le brise-glace de recherche Xue Long (Dragon des Neiges),
permettent Ă la Chine de mener un programme de recherche scientifique
polaire complet, couvrant une grande variété de disciplines et d'environnements,
des côtes accessibles à l'intérieur lointain et glacé.
Maitri.
L'Inde opère la
station permanente Maitri depuis 1989. Située dans l'Oasis de Schirmacher
en Terre de la Reine-Maud, Maitri a remplacé la première base indienne,
Dakshin Gangotri. Elle constitue une installation majeure pour la recherche
scientifique pluridisciplinaire, couvrant des domaines tels que la géologie,
la biologie, les sciences de l'environnement, la météorologie et la glaciologie,
et est habitée toute l'année par des équipes de scientifiques et de
personnel de soutien.
Bharati.
Plus récemment
établie en mars 2012, la station Bharati est la deuxième base de recherche
indienne permanente en Antarctique. Positionnée sur les Collines de Larsemann,
près de la côte de la Baie de Prydz, Bharati se concentre sur des études
côtières et océaniques, l'interaction glace-océan, et d'autres recherches
géoscientifiques et polaires. Sa structure est une construction modulaire
préfabriquée conçue pour résister aux conditions extrêmes du littoral
antarctique.
 |
Paul-Emile
Victor, Jean-Christophe Victor, Adieu l'Antarctique, Hachette
(Pluriel), 2009. - Pourquoi l'Antarctique,
vide, froid, hors de proportion, fascine-t-il tant, Peut-ĂŞtre parce qu'aucun
des explorateurs partis Ă l'assaut de cette terre n'est venu Ă bout de
son infinité, de sa beauté, de son mystère. Tardivement
exploré,
très tôt démilitarisé (1959) et protégé dès 1991, l'Antarctique,
premier parc naturel mondial, est aujourd'hui dédié à la recherche scientifique.
En matière de protection de l'environnement, il constitue un poste d'observation
unique. Jean-Christophe Victor nous donne, avec Adieu l'Antarctique,
une version intégralement revue, mise à jour, de Planète Antarctique,
livre écrit à quatre mains en 1992. Un portrait amoureux de l'Antarctique.
Le regard de l'aventurier et du scientifique croise celui du géopolitologue.
L'utopiste et le réaliste se trouvent réconciliés autour d'une même
passion : celle de la découverte. (couv.).
François
Garde, Paul-Emile Victor et la France de l'Antarctique, Louis
Audibert, 2006. - Il se disait "nomade" et le fut
sans aucun doute, par amour de l'aventure, des navires et des avions. A
vingt-six ans, en 1934, Paul-Emile Victor quitte la vie paisible que lui
offrait l'usine familiale de Lons-le-Saunier
pour aller vivre chez les Esquimaux. Dès son retour, il devient célèbre
grâce à ses reportages, ses conférences et ses livres. Après guerre,
il se tourne vers l'extrême Sud et déploie ses talents d'organisateur
pour mettre sur pied les "Expéditions polaires françaises". La France
de De Gaulle veut être présente en Antarctique
en ces années de Guerre froide où les
grandes puissances découvrent l'intérêt stratégique du continent blanc
- les observations de la haute atmosphère que l'on y fait vont permettre
la conquête spatiale. En terre Adélie, tout est alors à inventer : "PEV"
réussit à obtenir les moyens de construire la base Dumont-d'Urville,
offrant aux scientifiques un terrain exceptionnel pour la connaissance
de la planète. Toujours en quête de nouveaux horizons, il se lance dès
la fin des années 1960 dans la défense de l'environnement et se bat pour
la préservation de l'Antarctique. Au faîte de sa popularité, il se retire
à Bora Bora où il peaufine sa légende. C'est l'histoire d'un mythe que
raconte ce livre, celle d'un homme qui fit rêver plusieurs générations.
(Edit.).
Mc
Gonigal, Antarctique, le continent bleu, Nathan (Beaux livres),
2004.
Sébastien
Panou, Grand Sud, reportages en Antarctique, Marines Nantes,
2004.
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