| Les Eatouas sont des divinités subalternes des Tahitiens, enfants du dieu suprême Taroataihetounou et du rocher Tepapa. Ils sont en très grand nombre et des deux sexes. Les hommes adorent les Eatouas mâles, et les femmes les Eatouas femelles. Ils ont chacun des moraïs auxquels des personnes d'un sexe différent ne sont pas admises, quoiqu'ils en aient aussi d'autres où les hommes et les femmes peuvent entrer. Les hommes font les fonctions de prêtres pour les deux sexes; mais chaque sexe a les siens, et ceux qui officient pour les hommes, n'officient pas ordinairement pour les femmes, et réciproquement. Les Tahitiens, du temps du capitaine Cook , croyaient que le grand Atoua lui-même était sujet au pouvoir de ces génies inférieurs auxquels il avait donné l'existence; que ceux-ci le dévoraient souvent, mais qu'il avait le pouvoir de revenir à la vie. Une seconde classe d'Eatouas se compose de certains oiseaux, tels que le héron pour les uns, le martin-pêcheur pour les autres. Il ne semble pas cependant que les insulaires rendaient à ceux-ci aucune espèce de culte; mais ils portaient une attention particulière à tous leurs mouvements, pour en tirer des inductions relatives à la bonne ou à la mauvaise fortune; ils ne les tuaient pas et ne leur faisaient aucun mal. On peut mettre dans cette seconde classe d'Eatouas certaines espèces de coquillages, et un assez grand nombre de plantes, particulièrement une sorte de fougère qui portait le nom d'un de leurs grands dieux, Oro. La troisième classe comprend les âmes des défunts. A la sortie du corps, les âmes sont saisies par Taroa, le dieu esprit ou oiseau, qui les avale dans l'intention d'en purifier la substance, et de les pénétrer de la flamme éthérée et céleste que la divinité peut seule donner. Alors ces esprits purs, débarrassés de leur enveloppe terrestre, errent autour des moraïs ou tombeaux, et ont des prêtres destinés à leur adresser des offrandes et à les apaiser par des sacrifices; tout homme qui profane par sa présence l'enceinte des moraïs ou les cérémonies mystérieuses des funérailles, doit payer par la mort son sacrilège. L'âme seule des justes est admise à partager la divinité et à devenir Eatoua; l'âme des méchants est au contraire précipitée dans l'enfer. Quiconque, avait offensé Eatoua devait s'attendre a mourir, à moins d'obtenir son pardon par des offrandes et des sacrifices. La puissance attribuée à ces âmes divinisées était immense; pendant la nuit elles se plaisaient à renverser les montagnes, entasser les rochers, combler les rivières, et donner ainsi des preuves non équivoques de leur pouvoir. Leurs demeures habituelles étaient les environs des tombeaux, la profondeur des forêts, la solitude des gorges des montagnes. On les entendait murmurer dans les ondes, bruire dans le feuillage, siffler dans les vents; on les voyait voltiger comme des fantômes blancs aux reflets argentés de la lune. C'est l'Eatoua protecteur qui inspirait les songes auxquels les Tahitiens ajoutaient la foi la plus robuste. Ils croyaient que le génie tutélaire prenait l'âme pendant le sommeil, l'enlevait du corps, et la guidait dans la région des esprits. De celui qui rendait le dernier soupir on disait ari-po, il va dans la nuit. (A; Bertrand). | |