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Les anniversaires
L'histoire, la politique, la littérature, l'art ont leurs anniversaires. Les nations, comme les familles, ont des rappels de souvenirs et des fêtes commémoratives. 

Dans l'Antiquité, des réunions joyeuses et des cortèges funèbres faisaient revivre, pour les yeux et pour l'imagination, la pompe des jours glorieux et le deuil des pertes civiques. A Athènes, on célébrait l'anniversaire de la réunion des peuples à l'Attique, de l'abolition des dettes par Thésée, des batailles de Marathon, de Salamine, de Platées. Les Romains avaient fait le premier jour de leur année de la date éphéméride de la fondation de Rome. L'amburbium ou amburbiale, cérémonie faite de processions, de sacrifices et de prières, qui avait lieu tous les ans à l'époque des Lupercales (Les fêtes romaines), était probablement un anniversaire expiatoire des fautes communes des citoyens. Ovide relate les honneurs rendus aux tombeaux dans une commémoration des morts célébrée en février. Et là, où le culte général était, comme autrefois en Grèce, subdivisé en cultes particuliers, il devait tout naturellement arriver que la mémoire du père de famille fût honorée, au foyer, comme la naissance de la Ville l'était sur les places publiques : Virgile, dans l'Enéide, montre Enée célébrant religieusement l'anniversaire de la mort d'Anchise

Les Musulmans ont consacré un jour anniversaire au Prophète obligé de fuir la Mecque. Chez les Juifs, le festin de la Pâque était donné en satisfaction de la sortie d'Egypte, de la fin de la servitude, la Pentecôte rappelait le jour de la promulgation de la Loi, le Purim ou fête des sorts était un souvenir du triomphe d'Esther (Les fêtes juives).

Le christianisme n'a pas seulement Noël, l'Epiphanie, Pâques, l'Ascension, la Pentecôte, l'Assomption, qui sont les jours anniversaires de la naissance de Jésus, de la visite des Rois mages, de la passion et de la résurrection, de la montée au ciel, de la visite aux apôtres, du triomphe de la Vierge-Mère. On peut dire de presque toutes les dates du calendrier grégorien qu'elles sont désignées pour fêter le miracle d'un thaumaturge ou la mort d'un martyr (Les fêtes chrétiennes). Le centenaire du martyre de saint Pierre a été particulièrement célébré. Nul culte, d'ailleurs, plus que ce culte, né dans les arènes des cirques et dans les catacombes, n'a entouré la mort de plus d'appareils superstitieux, de plus de fêtes mystérieuses.

La mort de l'ancêtre est rappelée et solennisée chez des peuples aussi dissemblables que les Lapons et les Vietnamiens. Le Catholicisme donne une place spéciale aux anniversaires. Parmi ceux qui ont écrit sur le sujet, les uns font remonter l'origine de ce culte des morts au pape Anaclet (en 83), les autres à Félix Ier (269 à 274). La journée entière se passait primitivement à prier pour les trépassés. Mais les pratiques dégénérèrent. Du Cange indique qu'il fut bientôt de coutume de prendre un repas dans lequel figurait un agneau, et que ces agapes furent troublées par de fréquentes scènes d'ivresse. Les supérieurs. ecclésiastiques essayèrent de réglementer le boire et le manger; il fut recommandé aux clercs, par les statuts de Florus, de ne pas prêcher après un repas copieux ; et ces mêmes statuts font allusion aux inconvénients que peuvent avoir, dans le cours des sermons, une bouche enflammée par le vin, un ventre ballonné par la nourriture.

 Il y eut aussi des scandales d'un autre ordre. L'argent joua son rôle de dissolvant, mieux encore que l'ébriété et la gloutonnerie. Les prêtres et les moines ne surent pas se contenter, au jour dit « bout de l'an » du service commémoratif pour un défunt, d'une « pitance plus considérable et plus recherchée » que d'habitude. La distribution de vivres fut convertie en versement d'espèces. Une prestation annuelle fut établie, une dîme fut exigée à des jours déterminés. Il fut spécifié sur les testaments que les héritiers donneraient les fonds nécessaires au repos de l'âme disparue, et que ces fonds seraient employés à l'entretien des églises et des couvents et au soulagement des pauvres. Les prescriptions furent d'ordinaire négligemment exécutées, et quelquefois mérite ne furent pas exécutées. A ce point que le pieux homme et savant compilateur Van-Espen en vint à accuser les fondations de ne servir qu'à entretenir les clercs oisifs. À ce point que le concile de Trente dut se préoccuper d'une réforme urgente et décider que l'évêque aurait le droit de réduire la nombre des offices et des anniversaires fondés. Mais en 1625, ce pouvoir fut dénié à l'évêque et l'intervention du pape réclamée. Aujourd'hui, le service commémoratif du bout de l'an fonctionne toujours pour les défunts catholiques. 

Pour les anniversaires qui ont trait à des événements de l'histoire de France, on les trouve déjà en certaine quantité pendant la période monarchique. L'histoire municipale de la ville de Paris en fournit, pour sa part, quelques-uns, curieux ou importants qui mêlent la légende à la réalité.  II est raconté, par exemple, que le 2 juillet 1418, un soldat allemand, ivre, sortant du jeu, frappa d'un couteau une image de la Vierge exposée rue aux Ours, et que le sang jaillit de la cassure. Le malheureux fut supplicié pour son crime imaginaire. Et pendant trois siècles, l'événement fut rappelé et fêté. On tirait un feu d'artifice, on brûlait un mannequin d'osier figurant le corps d'un soldat, pendant que les bourgeois de la rue aux Ours, constitués en société, défilaient, en chantant le Salve regina, sous la fenêtre d'un roi de circonstance. 

Mais l'anniversaire le mieux et le plus longtemps fêté, fut celui de la délivrance de Paris par la bergère sainte Geneviève. Une procession parcourait la ville, escortant la chasse de la sainte promenée par ordre du roi, en vertu d'un arrêt du Parlement, rendu à la réquisition des magistrats de l'Hôtel de Ville. Le lieutenant criminel, le procureur et l'avocat du roi au Châtelet, revêtus de leurs robes de cérémonie, prenaient la châsse, accompagnés des commissaires et officiers de l'ancienne juridiction; les officiers du Châtelet, nommés gardiens responsables, prenaient, pendant tout le parcours, le nom significatif d'otages. L'itinéraire de 1725, où la manifestation fut particulièrement fastueuse, nous a été conservé : on alla de l'église Sainte-Geneviève (Panthéon) à Notre-Dame par les rues Saint-Etienne-des-Grès et Saint-Jacques, par le Petit-Pont et le pont Notre-Dame; on revint par la place Maubert et la montagne Sainte-Geneviève; des tapisseries tendaient les rues; les anciens échevins se relayaient pour porter la châsse que suivaient le Parlement en robes rouges, la Cour des aides, la Chambre des comptes, le Corps de ville. C'était un 4 juillet. D'ailleurs, il n'y eut pas d'anniversaire à périodes plus fantaisistes, à dates plus changeantes. La première sortie de la châsse eut lieu en 887, la deuxième en 1130... On reculait, on avançait le jour sous les motifs les plus divers : pour se réjouir d'une victoire, pour détruire un schisme, pour obtenir la pluie, pour la faire cesser. 

La réduction de Paris et l'expulsion des Anglais sous Charles VII  (La Guerre de Cent ans) furent aussi des anniversaires fêtés par des processions annuelles encore existantes au XVIIe et au XVIIIe siècle.

Le 25 mars, jour anniversaire de la reddition de Paris à Henri IV, les cours souveraines se rendent aux Augustins avec le chapitre de Notre-Dame; au XVIIIe siècle, le poète Lemierre se réjouit encore de l'événement.

Le 4 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy, ne vécut pas seulement dans le souvenir protestant : les anecdotes sur Voltaire affirment la fièvre intermittente qui s'emparait chaque année, à cette même date, du philosophe de Ferney, qui écrivit, deux cents ans après l'événement, heure pour heure, les vers connus

Tu reviens après deux cents ans, 
Jour affreux, jour fatal au monde. 
Que l'abîme éternel du Temps 
Te couvre de sa nuit profonde 
Tombe à jamais enseveli
Dans le grand fleuve de l'oubli
Séjour de notre antique histoire. 
Mortels, à souffrir condamnés, 
Ce n'est que des jours fortunés 
Qu'il faut conserver la mémoire.
Les événements de la Révolution française ont donné de nombreuses dates qui ont servi fêter des anniversaires tout au long du XIXe siècle, siècle des anniversaires, par excellence, parce qu'il a fait suite à la Révolution, mais aussi parce que c'est installée à cette époque une habitude des commémorations anniversaires qui ne s'est toujours pas éteinte de nos jours (en ouvrant certains journaux, on se dit parfois, que l'émotion commémorative pèse pour eux du même poids, si ce n'est davantage, que la relation des faits d'actualité). Une page spéciale est consacrée aux principaux  anniversaires célébrés au XIXe siècle

Pour terminer, on donnera en vrac quelques indications d'anniversaires qui ont été ou trop régulièrement célébrés pour qu'il soit nécessaire ou possible de distinguer entre les dates : - L'anniversaire de la naissance du Prophète, célébré dans les pays musulmans, par la cérémonie du Mevloud. - L'anniversaire de l'apparition de la Vierge devant l'église de Guadelupe à Mexico, célébré le 12 décembre Mexique. - L'anniversaire de la bataille de Saint-Jacques, défaite des confédérés par Louis XI, en 1444, défaite célébrée comme s'il s'agissait d'une victoire. - La fête de l'Escalade, à Genève, les 11 et 12 décembre, en souvenir de l'avortement du coup de main tenté le 12 décembre 1602 par le Bayard. - Le pèlerinage à la colonne Vendôme et aux Invalides, qui avait encore lieu, le 5 mai, pendant les dernières années de l'Empire; en 1844, on remarqua beaucoup qu'un aigle avait erré au-dessus des tours de Notre-Dame; cet aigle se fit prendre à Montrouge. - La célébration régulière, à New-York, et dans les villes des Etats-Unis, de l'anniversaire du 4 juillet 1876, date de la proclamation de l'indépendante, et qui est devenue ensuite la fête nationale américaine. - La célébration, en Belgique, de l'anniversaire de la révolution de septembre 1830, date de l'affranchissement de la domination hollandaise. - Les fêtes de la fondation de l'académie d'Utrecht, - de l'université de Berlin. - Les batailles de 1870-1871 ont été aussi marquées, aux jours anniversaires, par des manifestations sur les tombes des soldats morts, par des défilés, par des inaugurations de monuments, par des discours. Ces fêtes funéraires eurent lieu à Wissembourg, à Metz, à Orléans, à Châteaudun, à Bapaume, à Epinay, à Champigny, au Bourget, à Buzenval, à Saint-Cloud, à Montretout; un service pour les victimes de la guerre fut organisé à Notre-Dame le 23 janvier 1872. (Gustave Geoffroy).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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