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Noëls,
cantiques
spirituels en langue vernaculaire, composés en l'honneur de la Nativité
de Jésus ,
et qu'on chantait au temps de Noël dans les églises, ordinairement
sur des airs populaires et rustiques, pour mieux rappeler sans doute que
des pasteurs de Bethléem avaient les premiers célébré
la venue du Sauveur. C'est de là que leur vint, en Italie, le nom
de pastourelles ou cantiques des pasteurs, et, en Angleterre, celui de
Christmas
carols ou rondes champêtres de Noël. On dit même que,
la veille de Noël, ces cantiques se chantaient au milieu des danses,
dans le cimetière des églises.
Les premiers Noëls manuscrits sont
du XIe siècle. Guillaume de Villeneuve,
Trouvère de la fin du XIIIe, cite
des collections de noëls dans un fabliau recueilli par Barbazan
et Méon. La bibliothèque La Vallière possédait
en ce genre un précieux recueil du XIVe
siècle. Le siècle suivant en a laissé un plus grand
nombre; mais les cantiques, prenant une autre forme, ont été
mis en action, distribués par personnages, et sont devenus de véritables
mystères
de la Nativité. Au XVIe et surtout
au XVIIe siècle, les noëls
se multiplient et forment des recueils considérables. Parmi les
collections de noëls écrits en patois, et qui ne sortent pas
du genre primitif, nous citerons : Les Noëls nouveaux en patois
de Besançon ,
par F. Gauthier, 2 vol. in-12 (1751), réédités en
1804, chefs-d'oeuvre de naïveté au jugement de Charles Nodier;
Grande
Bible de Noëls anciens et nouveaux,Toul,
1823; le recueil des 62 Noëls provençaux de Saboly (1669),
réédités à Avignon
en 1730 et 1820; les Noëls de Pierre Goudelin (XVIIe
siècle), écrits dans le dialecte toulousain; les Noëls
en patois de Montpellier, 1825; les Noëls dauphinois; les Noëls
limousins, Tulle;
Grande Bible de Noëls
poitevins vieux et nouveaux, Poitiers
et Niort, 1824; les Noëls d'Auvergne ,
recueillis par l'abbé Paturel, Clermont-Ferrand,
1733 et 1739; les
dix Noëls en patois du Forez,
qui se trouvent
dans les oeuvres de Chapelon, St-Étienne, 1779; les
Noëls
bressans, qui datent du règne de Louis
XIV (ceux de Bourg sont dus à Brossard de Montaney, ceux de
Pont-de-Vaux, de Gonevod, de Boz, de Reyssouse, de St-Bénigne, à
Borjon), Chambéry ,
1787 et 1845.
Les noëls ne conservèrent
pas toujours leur caractère religieux; le mot fut détourné
de son acception primitive, et servit à désigner des chants
destinés à glorifier autre chose que la Nativité de
Jésus .
C'est ainsi qu'outre le noël religieux, on eut le noël royal,
chanté en l'honneur du souverain; le noël politique, composé
dans le but d'honorer un personnage distingué, soit dans l'État,
soit dans l'Église; enfin le noël badin, qui traitait d'un
sujet vulgaire et s'adressait à de simples particuliers. II y a
loin, en effet, des noëls pieux et édifiants des XVe,
XVIe et XVIIe
siècles aux noëls bourguignons. Ces noëls remplirent l'office
de gazette pendant tout le XVIIIe siècle
: il n'y avait pas d'événement dans la cité de Dijon,
pas de ridicule bourgeois, pas d'aventure qui ne leur servit d'aliment.
Le succès de ces petites pièces était dû surtout
au talent d'Aimé Piron et de Bernard de La Monnoye : les noëls
du premier sont disséminés dans plusieurs recueils, où
ils ont paru la plupart sans nom d'auteur; ceux du second ont été
publiés à part, et ont obtenu jusqu'à 21 éditions
depuis 1700 jusqu'à 1842. Ils ont vécu par le mérite
du fond et de la forme. Les airs sur lesquels ils étaient chantés,
et qui sont notés à la suite dés paroles, leur donnent
un autre genre d'originalité : ces airs, pour la plupart connus
de père en fils, et dont il est difficile d'indiquer la source,
ont le caractère du plain-chant par leur extrême simplicité
et par le peu de modulations qu'on y rencontre; la cadence plagale s'y
reproduit fréquemment, et ils se terminent aussi bien sur la quinte
que sur la tonique. Quelques-uns sont empruntés à Lulli;
le plus grand nombre sont des airs de menuets et de gavottes composés,
au XVIe siècle, par Pierre Certon,
maître des enfants de choeur de la Ste Chapelle de Paris, par Maillard,
Arcadelt, Clément Jannequin, Mornable, les deux Vermont, Fevim,
Dubuisson, et Eustache Du Caurroy. Il est assez remarquable que plusieurs
de ces airs ont une ressemblance frappante, et qui ne peut être attribuée
au hasard, avec des mélodies écossaises que l'on croit, mais
à tort, avoir été composées par David Rizzio,
favori de Marie Stuart. Le musicien Lesueur
a enchâssé dans son Oratorio de Noël quelques-uns
des airs de noëls dont la mélodie est la plus franche et la
plus populaire. |
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