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Les Miracles de Notre-Dame

Les miracles dit de Notre-Dame, au nombre de quarante, sont de brèves compositions (de 1000 à 3000 vers) appartenant à une même école poétique :  toutes mettent en scène un événement miraculeux ou merveilleux produit par l'intervention de la Vierge, dont le rôle consiste généralement à sauver de la rigueur de la justice des personnages, les uns d'une vertu éprouvée, les autres chargés de crimes, qui n'avaient cessé de lui témoigner de la dévotion. 

Le mérite littéraire des miracles est assez mince; mais les situations dramatiques y abondent, et ils offrent une frappante image de la société, surtout de la bourgeoisie au XIVe siècle. Ce sont aussi les seules productions dramatiques aujourd'hui bien conservées du XIVe siècle. 
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Miracle du roi Thierry

[Voici un court extrait du Miracle du roi Thierry. Les trois fils du roi lui ont été enlevés aussitôt après leur naissance. Dix ou douze ans plus tard, le roi s'égare à la chasse au milieu d'une forêt; il demande l'hospitalité dans la hutte d'un charbonnier. Il y voit trois enfants dont la beauté l'intéresse; le charbonnier raconte qu'il les a trouvés dans le bois et nourris depuis leur
enfance.]

« De Sarragoce m'en venoie,
Bien a douze ans, ou environ, 
Ou j'avoie vendu charbon. 
Quant un peu fu dedans ce bois, 
De ces enfants oï les vois, 
Qui sus un po d'erbe gisoient,
Et tiens que nouveaux nez estoient.
Je ne scay s'ilz ont nulz amis, 
Mais couchiez estoient, et mis
L'un delez l'autre, touz envers,
Et de fouchiere assez couvers;
Et quant je les oï crier,
Je m'en alay sans detrier
Par assens de leur voiz, et ting
Le chemin, si qu'a eulz droit ving. 
Si les trouvay com dit vous ay. 
Par pitié les en apportay, 
Si les fis tous trois baptisier, 
Et puis tantost pour eulx aisier 
Quis a chascun une nourrice, 
Dont je ne me tien point a nice. 
Combien qu'il m'aient grant argent 
Cousté, ce scevent plusieurs gent; 
Et depuis qu'il furent sevrez, 
Les ay norriz et alevez. 
Pour ce m'appellent il leur pere.
Diex vueille que briement m'appere 
Que savoir puisse de certain 
S'ilz ont pere, mere n'antain, 
Car se le pouoie savoir, 
Grant joie en aroye pour voir. 
Egar! sire, plorer vous voy.
(Cy s'agenouille.)
Pour Dieu merci, pardonnez moy 
S'encontre vostre majesté 
J'ay fait ne dit, qu'en venté
Nul mal n'y pense.

LE ROY.
Nanil; mais j'ay en remambrance 
Un fait qui pour ce temps advint
Duquel ains puis ne me souvint
Que de pitié je ne plorasse.
Sa je vueil que sanz pluz d'espace 
Ces enfans soient avoiez
Et qu'eulz et toy me convoiez
Tant que je soie en Sarragosse.

[On revient à la ville, et les auteurs du rapt avouent leur crime. Les enfants sont reconnus fils du roi. Le brave charbonnier qui
les avait recueillis se fait tout joyeux et tout fier de les avoir si bien soignés; il les montre avec orgueil aux courtisans :]

Certainement je puis bien dire, 
Seigneurs, que vez les ci touz trois, 
Car je vous jur, par ceste croix, 
Lorsque de terre les levay 
Lez la houssoie les trouvay. 
Si les ay volu pourveöir, 
Tant qu'enfans sont biaux a veöir. 
Je n'en doy pas, si com me semble, 
Pis valoir. Entre vous ensemble
Qu'en dites vous? » (Miracle du roi Thierry, XIVe s.)

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