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Grisélidis, marquise de Saluces, héroïne d'une des plus touchantes légendes du Moyen âge, dont on place la vie réelle ou légendaire vers le XIe siècle. Son histoire, qui semble avoir un fond de vérité, a servi de texte à un très grand nombre de récits célèbres au Moyen âge. Grisélidis était une pauvre gardeuse de moutons lorsqu'un des plus riches seigneurs du Piémont, le marquis de Saluces, la distingua et l'épousa. Pour s'assurer de son amour et de sa vertu, il la soumit aux plus rudes épreuves : il lui
enleva ses enfants, la répudia, la renvoya dans sa pauvre chaumière et l'obligea de servir une autre femme qu'il feignait de vouloir épouser; la patience admirable et l'amour de Grisélidis ne se démentirent jamais. Son mari admirant tant de vertus la combla d'honneurs et d'affection.

Boccace et Pétrarque ont repris ce récit et lui ont donné une popularité immense dans toute l'Europe. Boccace a raconté l'histoire de Grisélidis dans la dernière nouvelle du Decameron (journée X et nouvelle 10); Pétrarque en fit ensuite le sujet d'un récit latin : De Obedientia et Fide uxoria. En France, on trouve une traduction du conte intitulée la Patience de Grisélidis (Brehan, Lodéac, 1484). Olivier de La Marche inséra l'histoire de Grisélidis dans son livre le Parement des Dames, rédigé moitié en vers, moitié en prose; déjà en 1395 on composa le Mystère de Grisélidis, à trente-cinq personnages, qui ne fut imprimé que vers le milieu du XVIe siècle, ouvrage extrêmement rare. 

D'innombrables fabliaux et contes ont repris en Allemagne, en Angleterre, l'histoire naïve de la petite bergère. Nous citerons : Canterbury tales de Chaucer, la ballade de Lord Thomas and Fair Anne, et The Pleasant Comedie of patient Grissill (1599, rédigée par Dekker, Chettle et Haugbton sous le règne d'Elisabeth), pour l'Angleterre; Markgraf Walter (1471, H. Steinhöwel), et plus tard Die geduldige und gehorsame Markgraefin Griselda de Hans Sachs (1545), insérée dans ses oeuvres, pour l'Allemagne. Un grand nombre d'autres rédactions populaires existent en hollandais, en danois, en suédois, en tchèque, en islandais (Saga of Grishilde), versions imitées soit directement de Pétrarque et de Boccace, soit des rédactions françaises.

Le vieux récit français est passé dans les Contes de ma mère l'Oye (1691) de Perrault, et figure dans la Bibliothèque bleue (Leroux de Lincy, 1842); ce dernier texte est le même que celui inséré dans le Miroir des femmes vertueuses (Lyon, 1546). Ces détails bibliographiques montrent la voque immense de la touchante légende de Grisélidis.

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