 |
La Franciade
1572) est un poème épique dont Ronsard
voulut doter la France, mais qu'il
n'eut pas la force d'achever.
Ce poème est la mise en oeuvre d'une
légende racontée par Frédégaire,
Jean Le Maire, Jean Bouchet. En voici le sujet : Francus, fils d'Hector,
a échappé à la fureur des Grecs: il vit à Buthrote,
près d'Andromaque et d'Hélénin (Helenus). Les Destins
l'appellent à fonder un nouvel empire. Il part, protégé
par Mars et Cybèle,
objet de la haine de Junon et de Neptune.
Une tempête le jette sur le rivage de la Crète,
où règne Dicée. Les deux filles de ce roi, Clymène
et Hyante, s'éprennent en même temps de Francus. La première,
dévorée de jalousie, se jette dans la mer. Hyante, qui est
prophétesse, dévoile l'avenir à Francus et fait défiler
devant lui tous les rois de France qui
doivent descendre de lui, depuis le légendaire Pharamond
jusqu'à Charlemagne.
Ronsard, qui voulait faire un poème
en douze chants, s'est arrêté au quatrième. La Franciade,
oeuvre longtemps désirée et attendue par les contemporains,
est un poème manqué. Le vers employé par Ronsard est
le décasyllabe, dont, le rythme, léger et rapide, jure avec
le ton héroïque de l'épopée.
Ronsard a eu le tort de prendre pour sujet une légende sans consistance,
qui n'avait aucune racine dans les croyances nationales. Enfin, il n'y
a presque rien d'original dans la marche et dans les épisodes du
poème : ce ne sont partout qu'imitations d'Homère
et surtout de Virgile. Si l'on joint à
ces défauts des invraisemblances énormes et une minutie fâcheuse
dans les détails descriptifs, on comprendra l'échec de Ronsard
dans l'épopée.
--
Evocation
«
Lors, en tirant de sa gaine yvoirine
Un
long couteau, le cache [il s'agit de Francus] en la poitrine
De
la victime, et le coaeur luy chercha.
Dessus
sa playe à terre elle broncha
En
trepignant; le sang rouge il amasse
Dedans
le creux d'une profonde tasse,
Puis
le renverse en la fosse à trois fois,
L'espée
au poing, priant à haute voix
La
royne Hecate et toutes les familles
Du
noir Enfer, qui de la Nuict sont filles,
Le
froid abysme et l'ardent Phlegelon,
Styx
et Cocyt', Proserpine et Pluton,
L'Horreur,
la Peur, les Ombres, le Silence,
Et
le Chaos, qui fait sa demeurante
Dessous
la terre, en la profonde nuit,
Voisin
d'Erèbe, où le soleil ne luit.
Il
achevoit, quand un effroy luy serre
Tout
l'estomac [ = le coeur]; un tremblement de terre,
Se
crevassant par les champs, se fendit;
Un
long aboy des mastins s'entendit
Par
le bocage, et Hyante est venue
Comme
un esprit affublé d'une nue.
«
Voicy, disoit, la déesse venir.
Je
sens Hecate horrible me tenir;
Je
tremble toute, et sa force puissante
Tout
le cerveau me frappe et me tourmente.
Tant
plus je veux alenter [ = ralentir] son ardeur,
Plus
d'aiguillons elle me lance au coeur,
Me
transportant [ = me mettant hors de moi], si bien que je n'ay veine
Ny
nerf sur moy, ny ame qui soit saine,
Car
mon esprit, qui le daemon reçoit,
Rien
que fureur et horreur ne conçoit. »
Plus
que devant [ = avant] une rage l'allume;
Elle
apparut plus grand' que de coustume;
De
teste en pied le corps luy frissonnoit,
Et
rien d'humain sa langue ne sonnoit. »
(Ronsard,
extrait de la Franciade, chant IV).
Cet
extrait invite à des comparaisons avec : Homère, Odyssée ,
XI; Théocrite, Idylles, Il; Virgile,
Enéide ,
VI ; Lucain, Pharsale ,
VI; etc. |
|
|