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Andromède, de Corneille

Andromède est une tragédie-opéra de Corneille jouée d'abord en 1650. - La reine Anne d'Autriche, Mazarin et le jeune roi avaient pour les pièces à grand spectacle un goût fort vif qui fut souvent raillé par les pamphlétaires contemporains. Or, si les «-machines » étaient toujours fort belles et fort bien agencées, les poèmes étaient la plupart du temps dénués de tout intérêt. On eut l'idée de s'adresser au grand poète du moment, à Corneille, dont la renommée était solidement fondée sur le succès de ses grandes tragédies. Il trouva le sujet d'une pièce de ce genre dans les 4e et 5e livres des Métamorphoses d'Ovide. Retardée par la maladie du roi, puis par la Fronde, la première d'Andromède eut lieu au théâtre royal du Petit-Bourbon dans le courant de janvier 1650. La musique était du poète burlesque d'Assoucy; Forelli avait été chargé de la mise en scène, qui excita l'admiration des contemporains. Jouée avec un succès marqué, cette féerie eut, au cours du siècle, des reprises mémorables.

C'est l'histoire d'une jeune fille que ses parents sacrifient pour obéir à un oracle, mais qui se voit sauvée au moment de périr et qui épouse son sauveur.

Un monstre marin faisant de grands ravages en Ethiopie, l'oracle d'Ammon a ordonné qu'on lui exposât tous les mois une fille choisie par le sort. Cette fois le sort a désigné Andromède, fille du roi Céphée et de la reine Cassiope, promise à son cousin Phinée, mais aimée du chevalier Persée. Cassiope, désespérée, voit dans ce coup du destin une punition des dieux qui frappent le crime de la mère, orgueilleuse de la beauté de sa fille. Les vents enlèvent Andromède sous les yeux de sa famille épouvantée.

Cassiope couvre d'imprécations Phinée, qui ne fait rien pour sauver sa fiancée; mais soudain Persée descend du haut des nues sur Pégase et tue le monstre qui venait chercher sa proie. Cette intervention provoque le courroux de Neptune et des Néréides, jalouses de la beauté d'Andromède, cependant que la famille royale est dans l'étonnement et l'allégresse.

Le roi récompense Persée en lui donnant la main de sa fille, qui avoue au héros son bonheur. Cependant Phinée réclame celle qu'il considère encore comme son bien, poussé par Junon, qui du haut de son char aérien l'encourage dans ce dessein. Repoussé par la jeune fille, qui oppose ironiquement son inertie à la courageuse intervention de Persée, il prétend la disputer à main armée et attaque son rival à la sortie du temple, où l'on vient de sacrifier aux dieux. Persée accomplit des prodiges de valeur, mais il va succomber sous le nombre; il tire alors de dessous son bouclier la tête de Méduse, et tous ses ennemis se trouvent changés en pierre. Puis, au moment que les deux jeunes gens vont s'unir au temple, les dieux apparaissent et les enlèvent au ciel, où s'accompliront les noces.

Nous n'avons pas ici une tragédie aux vers sonores, aux grandes pensées et aux nobles sentiments; Andromède n'est après tout qu'un livret d'opéra, un divertissement fait pour plaire, un prétexte à musique et à machines; le poète n'avait pour but que « de satisfaire la vue par l'éclat et la diversité du spectacle, et non pas de toucher l'esprit par la force du raisonnement ou le coeur par la délicatesse des passions (Argument). »

Corneille n'a pas suivi servilement le récit d'Ovide; il s'en est inspiré librement, modifiant sans scrupule ce qui lui paraissait invraisemblable ou peu propre à être mis à la scène. Il fait Cassiope vaine de la beauté de sa fille et non de la sienne propre, comme il est dit dans Ovide; l'oracle d'Ammon avait désigné nommément Andromède comme victime à livrer au monstre; dans Corneille c'est le sort qui la désigne après d'autres sacrifices. Persée ne rencontre pas Andromède par hasard; il est depuis un mois l'hôte de son père et il aime la jeune fille sans oser l'avouer parce qu'elle est fiancée à Phinée. Ces modifications et d'autres encore font voir une imitation intelligente qui se plie aux nécessités du théâtre et tire le meilleur parti de la fable.

C'est ainsi que le précurseur de Racine et de Molière annonce Quinault lui-même. (H. Clouard).

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