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Aurélia, de Gérard de Nerval

Aurélia, ou le Rêve et la Vie est un ouvrage posthume de Gérard de Nerval publié en 1855. Cette histoire, à laquelle l'auteur attachait une grande importance, est une narration étrange qui fut interrompue par sa mort. On a prétendu que ce dernier travail n'était que la lutte supreme de la folie et de la raison, ou la folie se racontant, s'analysant elle-même. Hypothèse. Cette folie, il est vrai, ou plutôt ce désespoir, fait invasion dans la seconde partie de l'ouvrage, mais seulement vers la fin; quant à la première, elle est établie sur un plan mûrement conçu et rentre dans une méthode parfaitement littéraire. 

Théophile Gautier disait à l'auteur, son ami, que cette première partie était une des plus belles choses qu'il eut écrites. Cette oeuvre remarquable, d'un charmant esprit et d'un noble coeur, qui a trahi dans ce livre le mystère de sa vie et le secret fatal de son intelligence, a été le sujet d'une étude de Ch. Asselineau, et cette étude est si consciencieuse, qu'on nous saura gré de la résumer ici :

"Aurélia n'était, dans l'esprit de son auteur, ni une conception récente, ni un caprice accidentel. C'est un centre autour duquel tournaient depuis longtemps ses pensées, et auquel l'amenaient graduellement ses derniers ouvrages. Ce résultat était la combinaison du naturel et du surnaturel dans la vie humaine. Au lieu d'appeler à lui le prestige de la légende et la mise en scène de l'histoire universelle, comme le fit Goethe dans Faust, Gérard, plus modestement, mais plus courageusement se plaça en pleine civilisation moderne, en plein monde contemporain. Un homme envahi par la passion exaltée, implacable, de l'amour malheureux, après avoir essayé, pour s'en guérir, de la diversion des voyages et des distractions des plaisirs, perd tout à coup celle qu'il aime. Au milieu de l'accablement de cette perte, ruine de ses derniers espoirs et de ses dernières illusions, il se rappelle certains signes, certains accidents dont l'analogie le frappe, et qu'il aurait dit, pense-t-il , considérer comme autant de présages ou d'avertissements qui le pressaient d'aller revoir une dernière fois celle qu'il a perdue. Ces rencontres singulières, ces ressemblances lointaines, cette intervention, enfin tout ce que l'on trouve dans cette ouvre incohérente forme autant de pressentiments significatifs, de préoccupations opiniâtres qui s'emparent de l'âme de cet homme désespéré. L'existence naturelle se double pour lui d'une existence collatérale, d'une vie mystérieuse, où dominent l'incertitude et l'angoisse. L'esprit ajoute aux tourments de la sensibilité un trouble de facultés, un défaut d'équilibre, rompu par l'amour des sciences occultes ou mystiques. Alors l'inquiétude devient systématique; le hasard, l'accident le relatif, se coordonnent et s'érigent en doctrine, en syllogisme, dans cette intelligence qui doit être le médecin du coeur. Cet homme - homo duplex - est un champ où s'agitent les craintes, les désirs les confusions. Par là, le livre de Gérard grandit. Il devient quelque chose comme une épopée de l'illuminisme, et l'idée mère qui s'en dégage, c'est le duel du pressentiment et de la volonté [...]. Pendant toute la première partie, on suit, à travers le parallélisme du naturel et du surnaturel, la marche fatale et ascendante de la possession. Toutefois, l'art et la clarté avec lesquels cette oeuvre est écrite prouvent que l'auteur y était parfaitement maître de sa pensée. Le désespoir y éclate à la fin, lorsque le héros croit avoir perdu tout espoir de se réunir à celle qu'il pleure. "
On sait que Gérard de Nerval aimait follement une femme indigne de lui. Cette femme était morte, et Desgrieux revoyait Manon sous la forme d'une étoile qui avait retrouvé sa virginité en remontant au firmament; de là ses illuminations, ses extases et ses poétiques folies.

La seconde partie d'Aurélia est inférieure à la première sous plus d'un rapport; d'ailleurs, elle est inachevée. (PL).

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