 |
Aristote,
le premier, a distingué trois grandes formes de la pensée,
l'idée ou notion, le jugement
et le raisonnement, auxquelles correspondent
dans le discours le terme, la proposition
et l'argument. La proposition, c'est donc le
jugement exprimé en mots, ou, selon la définition traditionnelle,
l'énonciation du jugement. Elle est l'objet de la seconde partie
de la logique formelle, celle dont Aristote nous
a laissé une esquisse dans son traité
Peri Ermeneias
ou De Enuntiatione. On sait, d'autre part, que les grammairiens
ont conservé le nom d'analyse logique à la décomposition
du discours en ses propositions constituantes. De même que le jugement
se compose de deux idées unies par l'affirmation d'un rapport, de
même la proposition se compose de deux termes unis par le verbe ou
la copule. N'y a-t-il qu'une seule copule à
laquelle toutes les autres peuvent se réduire, et par conséquent
toutes les propositions sont-elles logiquement homogènes? ou bien
existe-t-il plusieurs sortes de copules. irréductibles et par conséquent
plusieurs espèces de propositions essentiellement différentes
entre elles?
La première
doctrine
est celle de la grande majorité des logiciens, à partir d'Aristote,
qui regardent le verbe "être" comme le verbe unique et universel
et ramènent ainsi toutes les copules à l'unité. La
seconde est celle de quelques logiciens modernes, entre autres de Morgan,
qui considèrent la réduction de toutes les copules à
la copule est comme un procédé arbitraire et artificiel et
qui admettent un assez grand nombre de copules spécifiquement distinctes,
par exemple la copule = qui est la caractéristique des propositions
mathématiques,
les copules, ressemble à, diffère de, succède à,
coexiste avec, etc. Ils font remarquer que certaines copules sont convertibles,
en ce sens qu'elles permettent d'intervertir le sujet et l'attribut sans
que le sens et la valeur de la proposition en soient notablement altérés,
telles que les copules est, ressemble à, par exemple : nul humain
n'est Dieu; nul Dieu n'est humain;Pierre ressemble à Paul ; Paul
ressemble à Pierre, etc., tandis que d'autres ne le sont pas,
telles que les copules succéde à, est plus grand que, mais
sont plutôt corrélatives : par exemple, Jean succède
à Louis; Louis précède Jean; A est plus grand que
B; B est plus petit que A. Il faut, remarquer aussi que certaines copules
sont transitives ou transférables par voie de raisonnement de deux
propositions à une troisième, par exemple A = B, B = C,
donc A = C ; et certaines autres non, par exemple Jacques ressemble
à Jules; Jules ressemble à Thomas : il ne s'ensuit point
que Jacques ressemble à Thomas. Si l'on admet cette théorie,
on devra distinguer autant de logiques différentes qu'il y aura
de types de copules différents. Sans aller aussi loin, beaucoup
de logiciens modernes ont eu tendance à distinguer deux grandes
sortes de propositions, les propositions ordinaires, caractérisées
par la copule est et les propositions mathématiques, caractérisées
par la copule =, et, auxquelles répondraient
deux logiques, fondées l'une sur les rapports de qualité;
l'autre sur les rapports de quantité.
Cependant, de même
qu'on peut réduire toutes les fractions au même dénominateur,
on peut ramener toutes les copules au verbe être; et, à
ce point de vue, la logique traditionnelle peut servir d'enveloppe commune
à toutes les autres. Si donc nous considérons le verbe être
comme la copule, exprimée ou sous-entendue, de toute proposition,
il s'ensuit qu'on peut toujours envisager une proposition quelconque aux
deux points de vue de l'extension et, de la
compréhension.
En effet, la proposition : les boeufs ruminent, peut être
interprétée conne signifiant, soit au point de vue de l'extension
: les boeufs font partie des ruminants, soit au point de vue de
la compréhension : les boeufs ont la faculté de ruminer.
Dans le premier cas, le sujet rentre dans l'attribut
; dans le second, l'attribut rentre dans le sujet. Les logiciens se sont,
en général, placés au premier point de vue, quoique
la seconde interprétation soit plus conforme aux habitudes
effectives de notre pensée.
On a proposé
de nombreuses classifications des différentes
sortes de propositions. D'après leur quantité, on distingue
les propositions générales (ou universelles) et particulières;
d'après leurs qualités, les propositions affirmatives et
négatives. Combinant les deux points de vue, les logiciens admettent
quatre sortes de propositions : universelle affirmative, universelle négative,
particulière affirmative, particulière négative, symbolisées
par les voyelles A, E, I, O, Hamilton, par sa
théorie de le Quantification du prédicat, dédouble
les universelles en toto-totales et toto-partielles, les particulières
en parti-totales et partipartielles. Au point de vue de la relation, Kant
distingue les propositions catégoriques,
hypothétiques et disjonctives;
au point de vue de la modalité, assertoriques, problématiques
et apodictiques que d'autres réduisent aux propositions contingentes
et nécessaires. Une distinction plus importante est celle que Kant
a faite des propositions analytiques et synthétiques, selon que
l'attribut d'une proposition est ou n'est pas compris d'avance dans la
compréhension du sujet dont on l'affirme, et qui n'est peutêtre
que la reprise d'une distinction plus ancienne faite par les logiciens
scolastiques
des propositions essentielles, et accidentelles.
A la classe des propositions essentielles. ou analytiques appartiennent
les définitions dont, tout le monde
connaît l'importance scientifique et philosophique. Enfin la théorie
de la proposition comprend aussi celles de la conversion et de l'opposition.
(E. Boirac). |
|