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Histoire de la philosophie
Histoire de la philosophie
La philosophie médiévale
[La philosophie]

La philosophie des chrétiens d'Orient au Moyen âge

La philosophie byzantine.
Déjà les derniers tenants du Néo-platonisme, Themistius et Proclus (151 et 152) (L'Ecole d'Athènes), ont des attaches avec Byzance. Mais avant de rencontrer un représentant frappant de la philosophie byzantine, nous devons nous reporter au VIIIe siècle, et c'est la philosophie d'Aristote qui est alors privilégiée.

Le VIIIe siècle.
Malgré d'innombrables difficultés créées par les règnes tourmentés de la dynastie Isaurienne, Jean Damascène (mort avant 754) tente l'accommodation des
doctrines aristotéliciennes et néo-platoniciennes au dogme chrétien. On peut dire que sa Pegè Gnôseôs; est un premier essai de synthèse philosophique.

Le IXe siècle.
Michel Psellos l'Ancien et surtout le patriarche Photius remplissent le IXe s. Tristement célèbre fans l'histoire religieuse, Photius est un philologue distingué et le premier philosophe de son temps. Il se fait l'ardent promoteur de l'aristotélisme, et poursuit de ses critiques le réalisme platonicien.

Le Xe siècle.
Ce que Photius entreprend pour la restauration de l'aristotélisme, Arethas, son disciple (Xe s.), le réalise pour le Platonisme. Arethas appartient d'ailleurs, comme son disciple Nicétas de Paphlagonie, et comme Suidas, l'auteur d'un lexique bien connu, à cette pléiade de savants que savait encourager l'esprit libéral et élevé de l'empereur Constantin VII Porphyrogénète. Le souffle qui anime la science byzantine au Xe s. n'est pas celui de la nouveauté; ses représentants n'ont d'autre ambition que de garantir contre l'oubli le legs littéraire du passé et la collection des oeuvres existantes. Il va sans dire que la philosophie bénéficie, comme les autres sciences, de ce souci conservateur.

Le XIe siècle.
La personnalité scientifique la plus marquante du XIe s. est Michel, Psellos. Premier ministre de Michel Parapinakes, professeur de l'Académie de Constantinople - une création récente de l'empereur Constantin Monomaque - Psellos est l'initiateur d'un mouvement qui aboutit sans solution de continuité au Platonisme de la renaissance italienne. Ce n'est pas un simple compilateur; il professe un éclectisme teinté de Néo-platonisme et d'Aristotélisme. Psellos écrit des ouvrages platoniciens; il commente en outre le Traité des cinq voix de Porphyre, le Peri hermeneias d'Aristote.

Le XIIe siècle.
Le XIIe s. qui marque l'apogée de la science byzantine n'est pas aussi fécond en oeuvres philosophiques. Notons cependant le nom de quelques commentateurs d'Aristote : Jean Italos, successeur de Psellos à l'Académie, Anne Comnène (1083-1148), Michel d'Ephèse, disciple de Psellos, et Eustratius de Nicée. Nicolas de Méthone ne fait que copier en tout ou en partie le traité écrit au Ve s. par Procope de Gaza contre la stoicheiôsis theolôgikè de Proclus (170).

Le XIIIe siècle.
La production philosophique de Byzance au XIIIe s. se résume dans l'oeuvre de deux ou trois hommes qui sont des encyclopédistes bien plus que des penseurs : Nicéphore Blemmydas (milieu du XIIIe siècle) et Georges Pachymère (1242 1310). Le premier mérita, à raison de l'étendue de son savoir, le surnom de philosophe; le second écrivit un résumé de toute la philosophie aristotélicienne et publia une paraphrase bien connue des oeuvres du pseudo-Denys. Mais ce sont là pâles ébauches, éclipsées par les colossales synthèses, en Occident, de la pensée scolastique.

Le XIVe siècle.
Au XIVe siècle, on peut mentionner les noms de Nicéphore Grégoras, de Leon Magentinus, de Démétrius de Cydone (Cydonius), et de Nicolas Cabailas.

La philosophie syriaque
On a donné le nom de philosophie syriaque aux études qui ont fleuri chez les Nestoriens (Nestorius) et les Jacobites de Syrie. Ceux-ci ont été un autre maillon important dans la conservation et la transmission de la philosophie grecque. 

• Au Ve siècle, Théodore de Mopsueste, Théodoret de Cyr, Ibas, Cumas et Probus, de l'école Nestorienne d'Edesse (Nestorius), traduisirent du grec en syriaque et commentèrent des oeuvres d'Aristote. 

• Au VIe siècle, Sergius traduit les Catégories d'Aristote, l'Isagoge de Porprhyre, les oeuvres du pseudo-Denys. 

• Au VIIe siècle, Jacob d'Edesse entreprit d'autres traductions. 

Les syriens en général ne connurent d'Aristote que l'Organon. Leurs préférences allèrent aux Néoplatoniciens Poryhyre et Jamblique, lesquels, d'ailleurs, étaient de même origine.

La philosophie arabe et juive

Chez les philosophes arabes et les philosophes juifs, la philosophie fut, de même que la scolastique du Moyen âge, subordonnée à la religion. Ainsi, chez les Juifs, le plus ancien système de philosophique que nous connaissions, la Cabale, bien que représentant une sorte de panthéisme, se trouvait tout entier, à en croire ses sectateurs, dans les livres sacrés de Moïse. Chez les Arabes, les premières discussions philosophiques naquirent de l'interprétation du Coran

La philosophie arabe médiévale.
On vit apparaître d'abord les Kadrites, qui étaient partisans du libre arbitre, et les Djabarites, qui professaient un fatalisme absolu. Mais bientôt, lorsque, au IXe et au Xe, siècle, les Arabes eurent connaissance des oeuvres principales de la philosophie grecque, particulièrement d'Aristote, ce dernier devint pour eux, comme il le fut plus tard pour les scolastiques, le philosophe par excellence, car c'était dans sa logique que toutes les sectes cherchaient des armes pour se combattre les unes les autres. 

Ensuite, comme dans la scolastique, lorsqu'on étudia ses oeuvres métaphysiques, les doctrines péripatéticiennes se trouvant contraires à celles du Coran, les uns essayèrent de les concilier, d'autres condamnèrent Aristote, plusieurs mirent le philosophe au-dessus du livre de Mahomet. Al-Kindi, qui florissait au IXe siècle, fut un des principaux traducteurs d'Aristote, et paraît avoir accepté toutes les opinions du philosophe de Stagire, même celles qui étaient inconciliables avec les dogmes du Coran. Au siècle suivant, Al-Farabi s'occupa principalement de commenter la logique péripatéticienne, tandis que Al-Ghazali, après avoir étudie les divers ouvrages d'Aristote, n'en acceptait que la logique, et combattait avec ardeur ses doctrines métaphysiques comme contraires à la foi. En outre, il s'efforça de démontrer que l'intelligence humaine est impuissante à résoudre les grands problèmes de la métaphysique, et il se jeta dons le mysticisme pour y trouver un refuge contre le scepticisme. 

A la même époque, Ibn-Sina (Avicenne) se distingua conme commentateur d'Aristote, mais au lieu d'admettre son dualisme, il adopta une sorte de panthéisme vague et mal déterminé. Au XIIe siècle, Ibn-Badja (Avempace) réfute les écrits de Ghazali contre les philosophes, et préconise la spéculation. Ibn-Tofaïl essaie de démontrer que les assertions de la religion et de la philosophie sont identiques, mais que seulement dans la religion elles ont revêtu des formes qui les rendent plus accessibles au vulgaire. Ibn-Roschd (Averroès), regardé comme le plus grand des philosophes arabes, enseigna la même opinion. Toutefois, il professait, entre autres doctrines hétérodoxes, que la permanence de l'âme individuelle est une chimère. 

Aussi tandis que, d'une part, les musulmans orthodoxes condamnaient ces livres à la destruction et anathématisaient le philosophe, de l'autre, Albert le Grand et  Thomas d'Aquin prenaient la peine de le réfuter, et, encore au XVIe siècle, le pape Léon X se voyait obligé de lancer une bulle contre les partisans de l'averroïsme. Quant eu Soufisme, c'est moins une école philosophique qu'une secte religieuse. Cette secte, fondée en Perse, vers la fin du IIe siècle de l'hégire ou vers l'an 800 de notre ère, par Abou-Saïd Abou'lkhair, est encore aujourd'hui très florissante. Elle professe deux dogmes principaux : l'union de l'âme avec Dieu, et la formation du monde par voie d'émanation, le mysticisme et le panthéisme. Selon la doctrine des soufis, Dieu exerce constamment sur l'âme une action par laquelle il l'attire à lui. S'ouvrir à cette action féconde, s'y abandonner sans réserve, perdre en elle le sentiment de son existence, voilà ce qu'ils appellent l'union avec Dieu. Alors le soufi possède la divine perfection, et dès ce moment les lois, les règles et les préceptes de la religion n'existent plus pour lui. Le mot soufi ne vient pas, comme on serait tenté de le croire, du grec sophos, sage; il veut dire simplement « un homme vêtu de laine»,  parce que les habits de laine sont la marque extérieure de le secte.

La philosophie juive médiévale.
Les Juifs étant surtout dispersés dans les pays qui, peu de temps après l'hégire, étaient tombés sous le joug musulman, le mouvement intellectuel qui se produisit chez les Arabes s'étendit également aux Juifs qui vivaient au milieu d'eux. Cependant ce furent les Juifs d'Espagne qui y prirent la plus grande part. Le premier et l'un des plus célèbres d'entre les philosophes juifs fut Ibn-Gabirol (Avicébron), de Malaga, qui appartient à la seconde moitié du XIe siècle. Prenant pour point de départ la métaphysique péripatéticienne, il émit des opinions qui furent considérées comme des hérésies par l'orthodoxie juive et par l'orthodoxie chrétienne. Bientôt les théologiens juifs ayant reconnu les dangers dont le judaïsme était menacé par les envahissements de la philosophie, Juda Halévi (vers 1140) entreprit une réfutation en règle des philosophes. 

Cependant Moïse Ben-Maimoun (Maïmonide), de Cordoue tenta d'opérer un rapprochement entre la philosophie et la religion, el d'établir les limites et les droits de chacune d'elles.  Maïmonide eut le grand mérite d'avoir incité les juifs à l'étude d'Aristote et de les avoir mis ainsi en mesure de transmettre la science des Arabes à l'Europe chrétienne. Et puis, l'influence de Maïmonide a été considérable. Non seulement il fut un des premiers intermédiaires entre Aristote et les docteurs de la scolastique, mais ceux-ci l'ont connu et lui ont rendu justice par la bouche d'Albert le Grand et de saint Thomas. Maïmonide a été l'inspirateur non seulement du grand mouvement de philosophie juive du XIIIe siècle, mais encore le guide intellectuel des grands philosophes juifs postérieurs, parmi lesquels Spinoza.

Après Maïmonide, qui vivait dans la seconde moitié du XIIe siècle, un grand nombre de Juifs se livrèrent avec ardeur à l'étude de la philosophie, et c'est d'abord par l'intermédiaire de leurs traductions et de leurs commentaires des philosophes arabes que les scolastiques furent initiés aux doctrines métaphysiques d'Aristote. Au reste, il en fut des Juifs comme des Arabes : tandis qu'un grand nombre, marchant dans les voies prudentes de Maïmonide, s'efforçaient de concilier la philosophie péripatéticienne et l'enseignement des livres saints, quelques autres considéraient la philosophie d'Aristote comme la vérité absolue, et faisaient violence à la Bible pour les adapter aux doctrines du maître : tels furent, par exemple, au XIVe siècle,  Lévi ben Gerson, de Bagnols, communément appelé maitre Léon, el Moïse ben Josué, de Narbonne. Enfin, le XVe siècle vit la fin le cette scolastique juive, commee il vit celle de la scolastique chrétienne. (Vp.).

La philosophie latine médiévale (scolastique)

La philosophie latine du Moyen âge va du IXe au XIVe siècle de notre ère et pourrait même être prolongée au-delà, se superposant alors à la philosophie de la Renaissance. Il est impossible de délimiter exactement cette philosophie, car il est aussi très vrai que, pendant toute cette époque, les mêmes doctrines n'ont pas été soutenue; avec quelques différences près, mais que de profonds changements se sont opérés peu à peu.

Les scolastiques - et en cela ils continuent le travail des Pères de l'Eglise - cherchent une interprétation philosophique du dogme (Patristique). Pour eux, « la raison doit s'incliner devant la foi »;, et ceci est une affirmation très nette et qui ne peut prêter à controverse.

La philosophie scolastique attache une grande importance aux idées des Anciens. Déjà avant le XIIIe siècle, qui, lui, connaîtra complètement l'oeuvre d'Aristote, le Moyen âge est pénétré et comme imprégné d'hellénismes. Deux autres philosophies ont exercé une influence importante sur la scolastique : la philosophie arabe et la philosophie juive. Les Arabes furent souvent de très grands philosophes; leurs doctrines se répandirent et, avec elles, les livres anciens qu'ils connaissaient. Et si, pendant le Moyen âge et en particulier au XIIIe siècle, l'oeuvre d'Aristote eut une importance capitale, c'est aux Arabes qu'il faut - semble-t-il - le rapporter.

La première scolastique.
Les écoles (scholae) fondées par Charlemagne prospèrent sous la direction d'Alcuin et de son disciple Raban-Maur, archevêque de Mayence.

Saint-Anselme.
La plus grande figure de cette période est Saint Anselme (1034-1109), né à Aoste, archevêque de Canterbury, que l'on peut regarder comme le véritable inaugurateur de la méthode scolastique. Il affirme l'existence d'une démarcation très nette entre la raison et la foi; la foi cherche l'intelligence, l'intelligence cherche la foi, et «l'intelligence présuppose la foi ». La partie la plus profonde de l'oeuvre de saint Anselme se trouve dans ses prétendues preuves de l'existence de Dieu : preuves platoniciennes dans le Monologium et preuve ontologique dans le Proslogium.

Début de la querelle des Universaux.
Vers la fin du XIe siècle, éclate la querelle des Universaux, à propos d'un passage de l'introduction de Porphyre à l'Organon d'Aristote. Roscelin la résout par le nominalisme et Guillaume de Champeaux par un réalisme exagéré; Abélard propose une solution intermédiaire dans le conceptualisme; tandis que saint Bernard et saint Anselme se prononcent pour un réalisme modéré et raisonnable.

Pierre Lombard.
n autre grand nom de cette période est Pierre Lombard (1100-1164), évêque de Paris, auteur du Livre des Sentences, et surnommé pour cette raison Magister Sententiarum

« Il ne recourt aux notions philosophiques que dans la mesure où elles peuvent interpréter et servir le dogme : ce n'est pas un philosophe, mais tout au plus un écrivain à vernis philosophique » (De Wulf).
Ses quatre livres de Sentences, compilation de passages et de doctrines des Pères et des écrivains ecclésiastiques, fourniront le texte largement commenté dans l'enseignement théologique et philosophique, jusqu'au jour où les oeuvres des grands docteurs, saint Bonaventure, Thomas d'Aquin, Duns Scot et Durand de Saint-Pourçain, formeront à leur tour la base de l'enseignement dans les Universités.

La haute scolastique.
Le XIIIe siècle est l'époque classique de la philiosophie latine médiévale. En retracer l'histoire, écrivait Etienne Gilson, « c'est définir les attitudes diverses qui furent adoptées dans les différents milieux philosophiques à l'égard de l'aristotélisme. »

Pendant tout ce grand XIIIe siècle, l'essai que vont tenter les orthodoxes, dogmatiques et mystiques, sera de ramener aux prescriptions de l'Ecriture tout ce qui se trouve en opposition avec le dogme, d'ajouter à ce qui est proprement chrétien tout ou presque tout ce qui leur est transmis. L'entreprise est difficile quand il s'agit d'Aristote, car le Stagirite peut être considéré comme l'adversaire de tous les principes de la religion, comme l'allié des panthéistes et des matérialistes. Les juifs et les Arabes, qui ont essayé de concilier la foi et la raison, ont introduit dans leurs systèmes des idées théologiques qui, provenant de religions rivales, ne sauraient être acceptées par des catholiques. Il faut donc faire disparaître tout ce qui n'est pas strictement chrétien, transformer tout ce qui est en opposition avec le dogme, de manière à en faire une acquisition acceptable pour l'orthodoxie.

Albert le Grand.
Le mérite principal d'Albert le Grand consiste en ce qu'il a vu le premier quelle énorme valeur d'utilisation la philosophie d'Aristote représentait pour le dogme chrétien. Albert le Grand, en effet, cherche à faire profiter les vérités de la foi des lumières de la raison, mais les données fondamentales de la Révélation sont en dehors des prises de la raison et ne peuvent recevoir aucune atteinte de la philosophie, bien qu'elles trouvent en elle, quand il y a lieu, leur confirmation.

N'oublions pas de noter que la pensée pouvait alors aller vers une émancipation complète, car, délimiter le domaine réservé à la théologie et interdit à la raison, c'était donner à cette dernière tout le reste, en toute propriété.

Saint Thomas.
Saint Thomas - disciple de maître Albert (Albert le Grand) - éclaire de son admirable génie toute la scolastique. Il est le plus grand philosophe et le plus grand théologien du Moyen âge.

La doctrine de saint Thomas, ainsi que Gilson l'a écrit, a été pour ses contemporains - ce que nous avons peine à imaginer aujourd'hui, tellement elle nous paraît intimement liée au christianisme - une chose très nouvelle.

Après de violentes discussions, l'oeuvre de saint Thomas fut jugée « miraculeuse » par l'Eglise, et Léon XlIl, en 1879, proclama que saint Thomas d'Aquin brille d'un éclat sans pareil entre tous les docteurs scolastiques, lui, le maître et le prince de tous, l'héritier de tous les docteurs qui l'ont précédé.

L'ouvrage capital de saint Thomas, la « Somme », est le plus vigoureux effort de la dialectique sur la doctrine officielle de l'Eglise. Tous les éléments de la conscience, tous les principes de la science sont ramenés au principe souverain que lui fournit la plus haute autorité, celle de l'Eglise. Ce à quoi saint Thomas s'efforce le plus souvent, c'est à la justification théologique de la pratique établie et à élever à la hauteur de principes dogmatiques les usages adoptés par l'Eglise de sort temps.

Tout le péripatétisme et le néo-platonisme que l'on connaissait alors se trouvent dans la philosophie de saint Thomas. Cette philosophie est une « vassale » de la théologie, une a servante a qui, comme disait Kant, ne suit plus pour tenir la queue, mais marche devant pour porter le flambeau.

Une philosophie orthodoxe systématisant tout ce qu'on possède des Latins et des Grecs, des Arabes et des Juifs, une théologie agrandie par cette philosophie, une interprétation allégorique et morale des livres saints, en accord avec le système, voilà ce que fut le thomisme.

Saint Bonaventure.
Sans nier l'influence que saint Bonaventure, le « docteur séraphique » a eue sur la scolastique, il est impossible de ne pas reconnaître que saint Bonaventure visait à l'édification infiniment plus qu'aux subtilités de la scolastique. Pour lui, le but suprême, c'est l'union avec Dieu dans la contemplation et dans un intense amour. Ce but ne peut être complètement atteint dans cette vie; mais il doit former la suprême espérance de l'avenir, et il faut que tout y tende.

Saint Bonaventure part de ce principe qu'on ne peut parvenir à la complète intelligence des choses divines au moyen du raisonnement et des définitions : ce qui la donne, c'est la lumière surnaturelle, qu'un coeur pur obtient par une foi profonde. Des idées mystiques et ascétiques forment le fond de la plupart de ses écrits.

La raison naturelle, en commençant par l'observation empirique et en s'élevant de plus en plus par le raisonnement, peut parvenir jusqu'aux limites extrêmes de la nature crée; mais, pour atteindre aux réalités surnaturelles, elle n'a d'autre guide que la foi. C'est ainsi que toutes les sciences sont ramenées à la théologie, qui est leur couronnement. Il y a donc deux domaines : celui de la philosophie et celui de la foi. La philosophie ne donne pas la certitude, la foi seule peut la procurer :  Le philosophe est moins sûr de ce qu'il sait que le fidèle de ce qu'il croit. 

Roger Bacon.
Il y a un philosophe qui est le seul, peut-être, à faire exception à cette dévotion sans réserves que nous voyions tout à l'heure : c'est Roger Bacon, ce génie original en qui l'esprit de chimère s'allia si curieusement au sens droit et vivant de la méthode expérimentale, qui lut tout ensemble mathématicien, astronome, physicien, pédagogue, ontologiste, et que Humboldt a appelé « la plus grande apparition du Moyen âge ».

Avec lui, comme l'écrit Gilson, « ce n'est pas seulement René Descartes, mais encore François Bacon qui s'annonce ».

Roger Bacon fut l'un des premiers à secouer l'autorité d'Aristote pour y substituer celle de l'expérience.  Il a osé concevoir une scolastique fondée sur une science entièrement neuve, libérée de l'influence d'Aristote et uniquement justiciable de l'expérience et de la raison. 

Gilson nous dit que Roger Bacon fut d'abord et avant tout un scolastique; mais le scolastique affirme qu'il n'y a qu'une science : la théologie, et que le droit canon et la philosophie servent à l'expliquer. Or, Bacon, s'il place bien la théologie au premier rang, critique la philosophie de son temps avec tant d'ardeur qu'il en est parfois injuste. Tous ses écrits témoignent de son aversion pour les méthodes scolastiques; il s'attache à montrer que l'on ne doit pas suivre l'autorité dans les sciences du raisonnement, et il critique même l'emploi des formes logiques et rigoureuses dont on se servait alors.

Roger Bacon fut vraiment un « esprit positif », et il devançait trop son époque pour être compris de ses contemporains.

Duns Scot.
Duns Scot est l'adversaire de saint Thomas. Il nous faut dire quelques mots de ce métaphysicien d'une extraordinaire profondeur, de celui qui fut appelé le « docteur subtil ».

« Au point de vue de la richesse et de l'ordre architectonique de son contenu écrivait Gilson, son oeuvre fut inférieure à celle de saint Thomas, qui a «  le génie de l'ordre rationnel et qui est peut-être le plus grand arrangeur d'idées que l'humanité ait jamais connu a, mais elle la dépasse a par la puissance et l'originalité de l'inspiration qui l'anime-».
Duns Scot a soumis à une critique rigoureuse les arguments et les théories de ses devanciers. Puis il a un certain nombre de théories qui lui sont propres; en particulier, sa théorie du principe d'individuation et sa théorie de la volonté. Enfin, il discute certaines propositions métaphysiques, desquelles ceux qui étaient venus avant lui pensaient bien avoir fourni une rigoureuse démonstration.

Duns Scot a accordé beaucoup moins à la raison que ne l'a fait saint Thomas; il tend à subordonner l'ordre spéculatif à l'ordre pratique. A cause de cela et aussi à cause du caractère critique de sa philosophie, on a voulu rapprocher Duns Scot de Kant. Mais il est seulement un Kant dogmatiste, parce que ses critiques ne portent jamais que sur certains usages de la raison théorique et non sur la valeur de l'usage même de cette raison.

Guillaume d'Occam.
Guillaume d'Occam était un esprit extrêmement critique, qui, tout en subissant encore la tyrannie de la scolastique, eut des théories très originales, très offensives même.

« Ainsi nous arrivons avec Occam, écrit encore E. Gilson, à la conclusion normale des principes qu'avait posés l'expérimentalisme de Roger Bacon [...]. La science expérimentale n'existe pas encore, mais le sentiment de ce qu'elle devrait être est assez vif déjà pour que l'on refuse le titre de connaissances certaines à des affirmations qu'elle ne saurait garantir. Comment s'étonner, dès lors, que les premières conquêtes de la science positive soient apparues dès le XIVe siècle et au sein même de l'école philosophique dont G. d'Occam est le principal représentant? »
(Roger Tisserand).
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