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Les Papillons
La métamorphose des Papillons
Les Chenilles
Aperçu
Métamorphose. Chenilles
Classification
Les sexes sont séparés chez les Lépidoptères; ce n'est que très rarement que l'on peut rencontrer des Lépidoptères hermaphrodites. d'ordinaire, la femelle est plus grande que le mâle. Des oeufs pondus par cette femelle, il éclôt des larves désignées communément sous le nom de chenilles. Une chenille se transformera en nymphe ou chrysalide, de laquelle sera issu un papillon adulte ou imago (La métamorphose des Insectes).

Les Chenilles

Les Larves des Papillons ou Chenilles sont bien connues. Nous avons tout lieu d'admirer les unes pour leur beauté, et de craindre les autres pour leur voracité. La tête, composée essentiellement de deux calottes latérales arrondies et écailleuses, possède une bouche propre à la mastication, semblable à celle de tous les Insectes broyeurs, c'est-à-dire composée d'une paire de mandibules robustes et tranchantes, d'une paire de mâchoires pourvues chacune d'un très petit palpe, d'une lèvre inférieure munie de deux palpes assez grands et d'un mamelon médian percé d'un orifice microscopique constituant la filière; c'est par cette filière que s'échappe sous forme d'un fil délié la matière textile sécrétée dans les deux glandes séricigènes; car toute Chenille est apte à filer. A l'angle antérieur de chaque calotte se trouvent cinq ou six ocelles, au devant desquels s'élèvent des antennes composées d'articles peu nombreux et coniques.

Chaque Chenille, indépendamment de la tête, compte douze anneaux qui constituent son corps, et dont les trois premiers sont munis chacun d'une paire depattes articulées et terminées en pointe; ce sont les pattes thoraciques ou pattes écailleuses, ou pattes vraies qui persistent, en changeant de forme chez l'Insecte adulte. A l'extrémité du corps existent, à peu d'exceptions près, deux pattes membraneuses, non articulées, dites pattes anales. Entre celles-ci et les précédentes, on trouve encore de deux à huit pattes courtes et membraneuses, semblables à des ventouses; on les nomme des pattes membraneuses ou fausses pattes. Ces pattes membraneuses comme les pattes anales appartiennent en propre aux Chenilles, mais ne persistent pas chez l'adulte. Elles sont disposées de telle sorte qu'entre les pattes thoraciques il y a deux anneaux qui en sont dépourvus et qu'au devant des pattes anales il y a également deux anneaux libres. D'après cela une Chenille peut avoir au plus seize pattes, quelquefois quatorze ou douze, souvent dix seulement, rarement huit. Un nombre de pattes plus élevé indique une Fausse-Chenille de Tenthrédonides. Toutefois en Amérique du Sud il existe des Chenilles pourvues de vingt pattes.

Chez certaines Chenilles, les pattes anales peuvent se modifier d'une singulière façon; tantôt elles s'allongent démesurément (Uropus), tantôt elles se transforment en filaments cornés (Stauropus) ou en longs filaments protractiles (Dicranura).

Lorsqu'il n'y a qu'une ou deux paires de pattes ventrales, la démarche devient toute particulière; la Chenille semble arpenter le terrain : elle s'étire de toute sa longueur, prend pied à la partie antérieure, retire à elle la partie postérieure du corps dont le milieu se ploie en forme de boucle, fixe les pattes ventrales antérieures immédiatement en arrière des pattes thoraciques postérieures, lâche alors ces dernières, étire de nouveau son corps tout du long, et change de place ainsi très rapidement. Ces Chenilles sont appelées Chenilles arpenteuses.

On les partage, suivant le nombre et la forme des fausses pattes, en Fausses-arpenteuses, Demiarpenteuses et Arpenteuses-vraies. Les premières, comme la majeure partie des Chenilles, ont cinq paires de pattes membraneuses, mais les deux ou trois premières paires, fort courtes, sont sans usage pour la locomotion; lorsqu'elles marchent, leur corps forme un arc. Les Demi-arpenteuses sont pourvues de 3 ou 4 paires de pattes membraneuses : lorsqu'elles progressent, leur corps affecte la forme d'un arc ou d'une boucle plus ou moins élevée. Les Arpenteuses-vraies ont seulement 2 paires de pattes membraneuses lorsqu'elles se déplacent, leur corps dessine une longue boucle, elles arpentent réellement; au repos, leur corps présente une rigidité extrême; cramponnées seulement par leurs pattes postérieures, grâce à leur coloration brune ou verte, ces Arpenteuses-vraies simulent admirablement de petites branches ou des pétioles de feuilles.

Les neuf stigmates aériens se reconnaissent facilement sur les côtés du corps, chez les Chenilles qui ne sont pas trop petites; ils ne manquent que sur le deuxième, le troisième et le dernier segment.

Quelques Chenilles ont la peau nue, ou presque nue, car on n'y observe çà et là que quelques poils très isolés; chez d'autres existe un revêtement pileux très épais, qui, indépendamment de la coloration, produit sur l'oeil des impressions très diverses suivant la répartition, la densité et la longueur des poils. Il affecte assez souvent la forme de touffes qui sur tel ou tel anneau deviennent fort longues. Indépendamment de ces poils, il existe des verrucosités, sortes de nodosités mamelonnées qui sont le siège principal des touffes de poils, et des cônes charnus simples ou ramifiés en épines qui constituent de riches parures et fournissent d'excellents caractères distinctifs.
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Chenille de Deilephila.
Chenille de Deilephila euphorbiae.

On constate, au point de vue du mode d'existence des Chenilles, des différences plus grandes qu'on ne pourrait croire. Les unes se trouvent toujours isolées, parce que les oeufs ont été déposés isolément; les autres vivent en sociétés pendant un temps plus ou moins long, entourées, ou non d'une enveloppe commune dans laquelle elles habitent. La plupart se trouvent sur les feuilles des plantes les plus diverses, et, sauf les Cryptogames, il doit y avoir bien peu de végétaux qui ne nourrissent au moins une espèce de Chenilles; le Chêne, que nous connaissons comme l'habitat favori des Cynips, donne asile, en Europe, à 121 espèces de Chenilles.

La façon dont elles s'installent sur les feuilles varie beaucoup avec les espèces. Toutes, lorsqu'elles dévorent, s'appliquent à chevaucher, au moins par la partie antérieure de leur corps, sur le bord de la feuille; car, dès qu'elles ont passé les premiers jours de leur plus tendre jeunesse, les Chenilles ne broutent les feuilles que par leurs bords; jamais elles ne les perforent comme les Fausses-Chenilles ou Larves de Tenthrèdes, comme les larves de Coléoptères, et les Coléoptères phytophages eux-mêmes; on reconnaît ainsi aisément les entailles faites par les Chenilles vraies. C'est donc au repos, que les différences d'habitudes sont tranchées. Les unes s'installent sur la feuille même, tantôt elles reposent sur un point quelconque de sa surface, tantôt elles s'étendent sur sa côte médiane, soit à sa face supérieure, soit à sa face inférieure plus ombragée; d'autres, abandonnant les feuilles, grimpent sur la tige la plus proche, sur les troncs d'arbres, entre les fentes de l'écorce; parfois elles s'établissent sur la terre au-dessous de la plante nourricière et s'abritent sous les feuilles radiculaires; quelques-unes s'installent sous terre, à peu de profondeur; telles sont surtout les Chenilles de nombreux Papillons nocturnes; elles ne dévorent que dans l'obscurité les Graminées et d'autres plantes basses. Certaines Chenilles attirent au-dessus d'elles, à l'aide de quelques fils, une partie du bord de la feuille et s'installent dans le gourbi ainsi formé; ou bien elles enroulent la feuille entière en un cylindre dans lequel elles rampent avec une égale souplesse, en avant ou en arrière pour se mettre à l'abri de quelque attaque. D'autres accolent deux feuilles l'une contre l'autre, par leurs surfaces, et s'établissent entre les deux; ou bien elles confectionnent, à l'aide de fragments empruntés à leur plante nourricière, un petit fourreau tout artificiel dans lequel elles vivent comme l'Escargot dans sa maison. Mais il existe aussi de nombreuses Chenilles qui se dérobent toujours à nos regards, parce qu'elles vivent dans le bois, dans les tiges des plantes herbacées, principalement les Graminées, les Cypéracées, dans les fruits, dans les feuilles ou dans les racines, et qu'elles fuient la lumière du jour; les Chenilles qui vivent ainsi cachées ont pour la plupart un aspect pâle, blanc sale, et chacune possède un procédé spécial pour creuser sa mine ou pour forer son trou.

On croit parfois certaines Chenilles venimeuses, et les craint plus à ce titre qu'en raison des ravages qu'elles exercent sur les plantes cultivées. La grande majorité des Chenilles, en réalité, ne possède pas d'organes venimeux; mais chez quelques-unes au corps velu, les poils se détachent facilement et en pénétrant la peau y déterminent une irritation d'autant plus vive que la partie atteinte est plus tendre et délicate; chez d'autres, les poils des mamelons charnus, pourvus de nombreuses barbelures, sont creux, et contiennent de l'acide formique très concentré; aussi la rupture de leurs extrémités produit-elle une urtication des plus violentes.

D'après les recherches de Goossens chez les Liparides (Liparis chrysorrhaea, auriflua, dispar, etc.), les Chenilles ont sur la partie dorsale des neuvième et dixième segments deux taches rondes dont le centre est occupé par une quantité de petits boutons percés d'un trou, peut-être de plusieurs; si ces Chenilles sont inquiétées, les taches s'élèvent en forme de cônes et deviennent tout humides; la sécrétion de ces petits boutons s'attache aux poils qui les entourent, se dessèche rapidement et devient pulvérulente. Goossens constata sur lui-même et sur ses amis l'action irritante de cette poudre : un peu de cette poussière prise avec une aiguille et appliquée sur la main préalablement mouillée détermina immédiatement une très forte démangeaison.

Les Chenilles processionnaires (Cnethocampa) d'après notre observateur sont encore mieux douées : chaque segment a son appareil vénénifique ayant l'apparence d'un amas de boursouflures qui envahissent une grande partie de la région dorsale; la sécrétion des glandes se transforme en une poussière brune impalpable qui reste attachée aux poils qui entourent les glandes et persiste sur l'animal desséché. Voulant expérimenter les propriétés irritantes des Chenilles processionnaires du Pin, Goossens déposa un peu de poussière sur sa main mouillée, et ses mains, ses bras, ses jambes devinrent le siège de démangeaisons insupportables, sa figure se boursoufla, ses yeux se gonflèrent et il dut renoncer à écrire ses impressions douloureuses.

Il est des Chenilles appartenant à l'un des plus grands groupes des Lépidoptères, celui des Papilionides, qui ont la faculté de faire saillir et rentrer à volonté de la face supérieure de leur premier anneau une paire de tentacules formant un Y dont la sécrétion exhale une forte odeur d'acide butyrique. Dans le jeune âge, d'après Goossens, la corne qui s'élève sur le onzième anneau des Chenilles de Sphingides serait aussi le siège d'une sécrétion odoriférante.

Ainsi, quelques larves, au moins, possèdent un moyen de défense; le Papillon, au contraire, n'est pas en état de se défendre; en cas de danger il ne peut avoir recours qu'à ses ailes pour s'enfuir, ou bien il cherche à tromper son agresseur en se laissant choir, à la moindre secousse, du lieu où il se reposait, et en simulant la mort.

Tout en subissant plusieurs mues, qui modifient plus souvent leurs colorations que leurs formes, les Chenilles s'accroissent au bout d'un temps plus ou moins long, comprenant souvent un hiver, et deviennent aptes à subir leur métamorphose. La nymphe se trouve ici mieux protégée que chez tous les autres Insectes; car chaque anneau n'est pas enveloppé ici simplement d'une membrane fragile, comme nous l'avons vu ailleurs, mais il est enfermé, en outre, dans une enveloppe chitineuse articulée. Elle respire par les neuf stigmates aériens qui persistent sur les côtés du corps et dont les derniers s'oblitèrent avec l'âge; sur la face dorsale on peut distinguer neuf anneaux, trois de moins que chez la Chenille; les antérieurs en se développant constitueront la cage thoracique. Sur la face ventrale, on voit les ailes, les antennes, les yeux et la trompe; les pattes sont plus ou moins distinctes. La forme, qui varie parfois avec l'âge, le revêtement et la conformation de l'extrémité anale (crémaster) ainsi que les moyens de fixation de la nymphe, présentent une foule de variétés, qui permettent en partie de déterminer la tribu à laquelle appartiendra le papillon futur. Les nymphes de la plupart des Papillons diurnes qui ont souvent des colorations métalliques les plus brillantes ont reçu plus spécialement la dénomination de chrysalides, qui par extension a 'été dévolu à toutes les nymphes de Lépidoptères.

Les Chenilles des Papillons diurnes se fixent à n'importe quel objet, de trois manières différentes : les unes par leur extrémité caudale, et ceignent leur corps d'un second fil enroulé qui leur permet de se suspendre dans une position horizontale. On nomme les chrysalides succinctes à cause du fil qui leur constitue une ceinture; d'autres se suspendent tout uniment par la queue, les chrysalides sont dites alors suspendues; d'autres enfin réunissent quelques feuilles et se maintiennent à l'aide de quelques fils transversaux; on nomme les chrysalides ainsi protégées enroulées. Les chrysalides de la plupart des Papillons nocturnes tels que les Bombycides sont cachées dans une retraite soyeuse plus ou moins épaisse qu'elles fixent entre les feuilles ou contre une branche qu'on nomme le cocon. Ainsi que l'a constaté A. Clément, certaines d'entre elles (Saturnia Selene, Isabellae, Mimosae, etc.) sont maintenues dans leur cocon par des crochets qui arment l'extrémité de leur abdomen. D'autres reposent dans la terre dans une simple logette.

La transformation en chrysalide

Suivons la transformation en chrysalide. Une chenille par exemple se fixe par son extrémité à une branche, à un tronc ou à quelque autre objet voisin; sa face ventrale s'incurve, ses cinq anneaux antérieurs s'élèvent de plus en plus, et la tête se dresse verticalement. Celle-ci semble s'amincir et saillir davantage à mesure que le corps se renfle insensiblement; à force de se tortiller, la chenille finit par fendre sa peau sur le dos, et la partie antérieure de la nymphe apparaît. En se gonflant et en avançant, celle-ci fait éclater la peau de la Chenille qui cède jusqu'à la dernière paire de pattes.

Pour éviter que cette peau, qui la soutient, tombe à terre, elle saisit alors entre deux anneaux de son abdomen, qu'elle imbrique l'un sur l'autre, et dont elle se sert comme d'une pince, la peau sur le point de céder; elle s'étire, saisit la peau entre les deux anneaux suivants, et grimpe ainsi régulièrement le long de ce revêtement qui l'entourait, jusqu'à ce que son extrémité caudale arrive à la gaine tissée jadis pour les pattes anales. Là, elle introduit son extrémité abdominale, et demeure fixée à la peau de la Chenille à l'aide d'ardillons invisibles. La pupe ne se tient pas encore pour satisfaite, et ne voulant pas tolérer cette membrane auprès d'elle, elle ploie son corps en forme d'S, de façon à ce qu'il touche l'ancienne peau, puis se met à pivoter comme une toupie, de droite et de gauche, jusqu'à ce qu'elle ait expulsé cette dépouille. Ainsi travaille chaque pupe, pour se délivrer de sa peau de chenille et se chrysalider. C'est alors que les chrysalides se reposent de leurs tourments passés et des fatigues de leur existence de Chenilles pendant laquelle elles ont approvisionné en elles les aliments qui vont les soutenir pendant le temps de leur inaction.

Mais tout est changé : les pattes ne sont plus ce qu'elles étaient; que ferait donc le voilier aérien des nombreuses et lourdes pattes de la Chenille. La tête, aussi, n'est pas la même; elle s'est débarrassée de ses puissantes mâchoires, car le futur amant des fleurs ne fait qu'en extraire les saveurs avec sa trompe, mais il se montre aussi respectueux de leur beauté que la Chenille se montrait avide de ravager leurs charmes.

Les principales parties internes de la Chenille, l'appareil digestif si développé, les viscères, se sont réduits à presque rien; leur place est envahie par les organes génitaux; chez la Femelle notamment l'ovaire emplit toute la cavité de l'abdomen. Tout cela existait déjà chez la Chenille, mais seulement à l'état d'ébauche; ce n'est que dans les huit jours qui précèdent cette métamorphose, qu'on a trouvé les ovules. Vient-on à ouvrir le cadavre d'une Chrysalide récente, on n'y trouve rien qu'une sorte de mucus amorphe, d'où se détachent, dans un délai plus ou moins long, les membres du Papillon futur, Le développement s'effectue régulièrement, mais ici encore la formation de toutes les parties indiquées du Papillon futur peut être hâtée à l'intérieur de la Chrysalide par des influences extérieures. Il suffit d'un petit nombre de semaines pour que la chaleur, qui vivifie tout, donne la cohésion au liquide, et termine l'oeuvre magistralement.
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Chrysalides de papillons.
Chrysalide de Vanessa (à gauche) et de Saturnia.

Réaumur a décrit avec le plus grand soin la transformation des Chenilles en Chrysalides; il a étudié « l'industrie des Chenilles qui se pendent verticalement la tête en bas pour se métamorphoser », et a expliqué « comment la crisalide (sic) se trouvait pendue par la queue dans la place où était la chenille ». Après s'être longuement appesanti sur la manière dont la Chenille des Vanesses se suspendait par les pattes postérieures, l'observateur s'est attaché à décrire le mécanisme à l'aide duquel la Chrysalide dégageait sa queue de la peau de la Chenille et réussissait à se pendre par les crochets qui garnissent cette queue. Les auteurs qui ont décrit les transformations des Lépidoptères, Swammerdam, de Geer, Bonnet, Latreille, Godard et Duponchel, Kirby et Spence, Lacordaire, Boisduval, Westwood, Agassiz, Blanchard, etc., ajoutent fort peu aux observations de Réaumur. Les uns, et c'est la grande majorité, répètent que les chrysalides des Papilionides et des Nymphalides s'attachent ou se suspendent par la queue, suivant l'expression consacrée; les autres (Latreille, Blanchard) se contentent de dire que les Nymphes se fixent par l'extrémité du corps. L'étude des Chrysalides d'un grand nombre de Lépidoptères diurnes, et mieux encore l'observation des métamorphoses des Vanessa lo (Paon du jour) et Urticae, ainsi que du Grapta C. album, ont amené à démontrer que les Chrysalides n'avaient pas en réalité de queue, c'est-à-dire de prolongement postanal, et ont permis de déterminer la véritable signification morphologique de leur appendice suspenseur.

« Examinant la Chrysalide des Papilionides (Ornithoptera, Papilio, Thais, Pieris, etc.) et des Nymphalides (Danais, Vanessa, Grapta, Limenilis, etc.), j'ai reconnu, dit Künckel d'Herculais, que la queue est formée par l'accolement suivant la ligne médiane d'une paire d'appendices portant, l'un et l'autre indépendamment, une série de crochets tournés en sens contraire, la pointe en dehors, et semblables à ceux des pattes membraneuses des Chenilles; cette paire d'appendices est une dépendance du douzième anneau de la Chrysalide au même titre que les pattes dites anales sont une dépendance de l'anneau correspondant de la Chenille : ce douzième anneau n'ayant de stigmates ni dans la Larve, ni dans la Nymphe des Lépidoptères, les homologies sont faciles à établir. D'autre part, la paire d'appendices soudés de la Chrysalide entoure réellement l'extrémité de l'abdomen et circonscrit l'anus, ainsi que les pièces de l'armure génitale encore renfermées dans leurs gaines; sur la dépouille, il est aisé de voir que le Papillon, en abandonnant son appareil suspenseur, s'est débarrassé seulement alors des pattes anales. Swammerdam se trompait lorsqu'il affirmait que la Chrysalide, en se transformant, perdait toutes ses pattes membraneuses : les pattes membraneuses de la cinquième paire subsistent pendant l'état de Nymphe. Les appendices du douzième segment des Chenilles sont d'ailleurs susceptibles, notamment dans certains genres de la famille des Notodontides, d'affecter les formes les plus diverses [...].

La démonstration acquiert un caractère de rigueur plus absolue lorsqu'on suit attentivement une Chenille sur le point de se métamorphoser: les Chenilles communes des Vanesses se prêtent particulièrement à l'observation. Si l'on prend une Chenille déjà suspendue par les pattes postérieures et si l'on provoque artificiellement la mue en la trempant au préalable dans l'alcool ou l'acide chromique, il est facile de reconnaître que l'extrémité postérieure de la Chrysalide est engagée dans le douzième anneau de la Chenille et que les parties qui supportent les crochets suspenseurs, la prétendue queue des auteurs, sont cachées sous la peau des pattes anales de la Chenille.

En résumé, les Chrysalides des Lépidoptères s'attachent ou se suspendent par les crochets des pattes membraneuses anales modifiées et adaptées à des conditions biologiques particulières. 

Lorsqu'enfin l'heure de l'évolution complète a sonné, la suture, qui commence en arrière des gaines antennaires, s'entrouvre au niveau de la nuque, ainsi que la face antérieure de la Nymphe jusqu'aux gaines alaires; la face dorsale se fend au-dessus du thorax, à partir du haut, sur toute la longueur; et le Papillon paraît au dehors, le matin, de bonne heure s'il aime le jour et le soleil, vers le soir s'il déploie son activité à la nuit. A-t-il pris pied sur le sol, il demeure d'abord absolument calme, et se repose de la contrainte passée. Les ailes, dont l'apparition se fait attendre, s'élèvent sur le dos sous forme de deux loques molles et chiffonnées, dont les surfaces externes sont tournées l'une contre l'autre. On peut observer la façon dont elles se développent. Dans l'espace d'une demie heure, chez les Papillons de taille ordinaire; dans un laps de temps un peu plus long, chez les espèces plus grandes, elles ont atteint leur complet développement; quant à leurs marques elles étaient déjà distinctes au moment de l'éclosion, car les écailles bariolées se développent de très bonne heure dans la Chrysalide. Le mécanisme de l'extension des ailes est assez curieux, longtemps on a cru qu'il était dû soit exclusivement, soit en grande partie à l'afflux de l'air dans les nervures, nous nous sommes efforcés de démontrer que le développement de l'aile était dû uniquement à la propulsion du sang entre les deux membranes constituantes. »

Les ailes conservent pendant quelque temps la position initiale, puis le Papillon les dispose suivant le mode habituel à son espèce, indiquant par là que son évolution est entièrement terminée. Mais elles sont encore molles et humides; l'air seul, en les desséchant, les  durcit. Au bout de peu d'heures elles peuvent acquérir leur activité, plus rapidement chez les Papillons petits que chez les grands. Lorsqu'au bout de quelques heures, même chez les espèces les plus grandes, elles n'ont pas encore atteint leur développement normal, c'est qu'elles ne doivent jamais l'atteindre; elles resteront toujours rabougries. (A.E. Brehm).

Les «  pluies de sang  »

Tous les Papillons rendent par l'anus un liquide coloré, peu de temps après leur naissance. Cette liqueur est ici d'une teinte presque rouge elle se produit parfois en grande abondance, ce qui donne lieu à certaines prétendues pluies de sang qui présagent toute sorte d'événements funestes. (D'autres de ces "pluies" - peut-être les plus fréquentes en Europe du Sud - peuvent plutôt s'expliquer par des dépôts de sables transportés par les vents depuis le Sahara).

« On ne croirait pas, dit Réaumur, que des excréments de Papillons fussent capables de remplir de terreur l'esprit des peuples, ils l'ont pourtant fait quelquefois et peut-être le feront-ils encore. Les historiens nous rapportent des pluies de sang parmi les prodiges qui ont effrayé des nations, qui ont annoncé de grands événements, des destructions de villes considérables, des renversements d'empires. Vers le commencement de juillet de l'année 1608, une de ces prétendues pluies de sang tomba dans les faubourgs d'Aix, et à plusieurs milles des environs. Elle nous eût été apparemment transmise pour être très réelle et pour un grand prodige, si Aix n'eût eu alors un philosophe qui, embrassant tous les genres de connaissances, ne négligeait pas d'observer les Insectes, c'est M. de Peiresc dont nous avons la vie écrite par un autre grand philosophe, par Gassendi. Cette vie est remplie d'un très grand nombre d'observations curieuses. Entre celles que M. de Peiresc fit en 1608, celle de la cause de la prétendue pluie de sang est celle qui a plu davantage à M. Gassendi, aussi est-elle très belle.

« Le bruit de cette pluie se répandit à Aix vers le commencement de juillet, les murs d'un cimetière voisin de ceux de la ville et surtout les murs des villages et des petites villes des environs étaient tachés de larges gouttes de couleur de sang. Le peuple et quelques théologiens les regardèrent comme l'ouvrage des sorciers ou du diable même. Des physiciens, qui attribuèrent cette prétendue pluie à des vapeurs qui s'étaient élevées d'une terre rouge, en donnaient une cause plus naturelle, mais qui ne fut pas encore du goût de M. de Peiresc. Une Chrysalide que la grandeur et la beauté de sa forme l'avaient engagé à renfermer dans une boîte lui en fournit une meilleure cause. Le bruit qu'il entendit dans la boîte l'avertit que le Papillon y était éclos. Il l'ouvrit, le Papillon s'envola après avoir laissé sur le fond de cette même boîte une tache rouge de la grandeur d'un sol marqué.

Les taches rouges qui se trouvaient sur les pierres soit à la ville soit à la campagne parurent à M. de Peiresc semblables à celle du fond de sa boîte, et il pensa qu'elles pouvaient de même y avoir été laissées par des Papillons. La multitude prodigieuse des Papillons qu'il vit, voler en l'air dans le même temps le confirma dans cette idée, un examen plus suivi acheva de lui en démontrer la vérité. Il observa que les gouttes de la pluie miraculeuse ne se trouvaient nulle part dans le milieu de la ville, qu'il n'y en avait que dans les endroits voisins de la campagne; que ces gouttes n'étaient point tombées sur les toits, et ce qui était encore plus décisif, qu'on n'en trouvait pas même sur les surfaces des pierres qui étaient tournées vers le ciel; que la plupart des taches rouges étaient dans les cavités contre la surface intérieure de leur espèce de route, qu'on n'en trouvait point sur les murs plus élevés que les hauteurs auxquelles les Papillons volent ordinairement.

« Ce qu'il vit, il le fit voir à plusieurs curieux, et il y établit incontestablement que les prétendues gouttes de sang étaient des gouttes de liqueur déposées par des Papillons. C'est à cette même cause qu'il a attribué quelques autres pluies de sang rapportées par les historiens et arrivées à peu près dans la même saison, entre autres une pluie dont parle Grégoire de Tours, tombée du temps de Childebert dans différents endroits de Paris et dans une certaine maison du territoire de Senlis; et aussi une autre pluie de sang tombée vers la fin de juin, sous le règne du roy Robert.

« Presque tous les Papillons qui sont nés chez moi de différentes espèces de Chenilles épineuses ont jeté au moins une large goutte, et souvent plusieurs larges gouttes d'excréments d'une couleur d'un rouge de sang. Celui de la Chenille épineuse de l'Orme, que nous avons nommée la Bedaude, en a même rendu dont la couleur était bien plus belle que celle du sang : après être desséchés, ils en avaient une qui approchait de celle du carmin. Cette belle couleur n'était pourtant qu'à la surface, car du papier que je frottai avec cette matière sèche ne semblait avoir été frotté qu'avec une ocre rouge. »

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