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Ontologie
signifie proprement science de l'être. Ce
nom, d'invention toute moderne, malgré sa physionomie et son étymologie
grecques, désigne, d'une part, la science de l'être
par opposition à la science des phénomènes,
et de l'autre la science de la pensée, philosophie
et logique; c'est surtout à ce dernier point
de vue que l'ontologie mérite d'attirer l'attention. Tandis que la psychologie
et la logique s'attachent exclusivement à l'élément subjectif de la
connaissance, l'ontologie considère les
objets mêmes de nos idées,
et se donne pour but d'en approfondir la nature et d'en mesurer la réalité.
Aristote ayant
défini la métaphysique « la science
de l'être en tant qu'être », ce terme serait ainsi synonyme de métaphysique
; et il est, en effet, employé souvent dans ce sens-là . Mais plus souvent
encore, il paraît désigner, soit une des parties dans lesquelles on divise
la métaphysique, soit une façon particulière dont on en comprend l'objet
et la méthode. Dans le premier cas, la métaphysique
étant divisée en métaphysique générale qui traite de l'être en général,
et métaphysique spéciale qui traite des diverses espèces d'être, telles
que l'être matériel, l'être spirituel et l'être absolu, l'ontologie
est le nom de la métaphysique générale, tandis que la métaphysique
spéciale comprend la cosmologie, la psychologie et la théologie rationnelles.
Ainsi l'entendaient Wolf et toute la philosophie
allemande après lui. Dans le second cas, si on entend par métaphysique
l'étude des premiers principes, la discussion des problèmes ultimes,
il parait évident que nul système philosophique ne peut contester la
légitimité et la nécessité de la métaphysique ainsi comprise; mais
il reste à savoir si et comment elle résoudra ces problèmes, jusqu'Ã
quel point et sous quelle forme elle saisira ces principes.
Supposons avec tous les anciens métaphysiciens,
comme aussi avec Descartes, Spinoza,
Leibniz, etc., parmi les modernes, qu'elle puisse
atteindre l'être même dans son fond absolu, elle pourra s'appeler alors
ontologie; si, au contraire, on suppose avec Kant,
Auguste Comte, etc., qu'elle ne puisse connaître
que des lois formelles de l'entendement
humain ou les vérités les plus générales dans lesquelles viennent se
résumer toutes les sciences, elle devra renoncer
pour jamais à toute prétention ontologique et se contenter de n'être
plus qu'une critique ou une philosophie générale.
On peut, croyons-nous, rapporter à ce
dernier sens le nom d'argument ontologique donné par Kant à la célèbre
preuve de l'existence de Dieu
proposée d'abord par saint Anselme, puis renouvelée plus tard par Descartes.
Cette preuve consiste, on le sait, à démontrer a
priori que Dieu existe en déduisant son existence comme une conséquencenécessaire
de sa perfection. Sully-Prudhomme,
dans son poème du Bonheur, l'a résumée, assez exactement mais
peu poétiquement, en ces quatre vers :
Anselme,
ta foi tremble et ta raison l'assiste.
Toute perfection
en ton Dieu se conçoit;
L'existence en est
une; il faut donc qu'il existe.
Le supposer parfait,
c'est exiger qu'il soit.
Kant, qui appelle cet argument l'Achille
de la métaphysique, lui reproche de conclure illégitimement dé l'idée
à l'être. C'est encore à ce sens du mot ontologie que se rattache le
nom d'ontologisme donné par quelques théologiens au système philosophique
de Rosmini. Ce système, qui a eu pour défenseur
en France l'abbé Hugonin (plus tard évêque de Bayeux),
ramène toutes les idées de la raison à une seule idée fondamentale,
l'idée de l'être; ou plutôt, c'est moins là une idée qu'une intuition,
le résultat de la présence de l'être absolu
au plus profond de notre conscience. L'ontologisme
est, en somme, une sorte de rationalisme
-mystique. (E. Boirac.).
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Achille
Varzi, Ontologie,
Editions d'Ithaque, 2010. - Qu'est-ce que
l'ontologie? Qu est-ce qui la distingue de la métaphysique? Et à laquelle
de ces deux disciplines faut-il accorder la préséance? On a coutume de
définir l'ontologie comme la discipline qui tente de répondre à la question
: «Qu'est-ce qui existe?» La réponse à cette question simple ne l'est
apparemment pas moins : «Tout.» Car il serait logiquement contradictoire
d'affirmer qu'il existe des choses qui n'existent pas. Toutefois, il revient
à l'ontologie de dresser l'inventaire des entités existantes, lesquelles
n'ont manifestement pas toutes le même «mode d'existence». Une table
ou un éléphant existent matériellement, mais qu'en est-il de l'idée
de table en général et de l'espèce «éléphant»? Existe-t-il des frontières
et des États comme il existe des tables et des chaises? Et que dire de
l'existence des nombres ou d'un personnage de fiction comme Ulysse? Prenant
le parti de la primauté de l'ontologie (ce qui existe) à l'égard de
la métaphysique (ce que sont ces choses qui existent), Varzi offre, Ã
l'aide d exemples simples et de nombreuses références utiles, un panorama
clair des recherches contemporaines en ontologie. Le lecteur curieux prendra
ainsi connaissance des nombreux débats contemporains qui opposent nominalistes
et réalistes, possibilistes et actualistes, perdurantistes et endurantistes,
ainsi que des développements récents de l'ontologie formelle et notamment
de la méréologie. (couv.). |
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