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Histoire de la musique
La musique en France
jusqu'en 1900
Les Gaulois avaient des bardes ou prêtres musiciens, qui s'accompagnaient d'une espèce de harpe pour animer les guerriers au combat et célébrer la gloire des vainqueurs. Il est vraisemblable que cette musique n'était pas sans analogie avec celle des bardes du pays de Galles, qui s'est conservée jusqu'aux temps modernes. Les renseignements nous manquent également au sujet des Francs : on lit pourtant dans Grégoire de Tours que Clovis, dans un traité de paix avec Théodoric, roi des Ostrogoths, obligea ce prince à lui envoyer un bon joueur de guitare avec un corps de musiciens d'Italie. On ne sait quelque chose de positif sur l'art musical qu'à partir de la constitution du plain-chant. Le chant ambrosien fut en vigueur jusqu'à Charlemagne : ce prince ayant demandé au pape Adrien Ier des chanteurs capables d'enseigner le chant grégorien, Théodore et Benoît lui apportèrent, en 787, un antiphonaire noté par St Grégoire, le même, dit-on, qu'on a retrouvé de nos jours à Montpellier : tous les livres de chant ecclésiastique furent corrigés d'après cet antiphonaire. L'orgue, envoyé en 757 à Pépin le Bref par Constantin VI, empereur de Constantinople, servit à soutenir, puis à accompagner le chant grégorien. 

Les Francs eurent des chants de guerre, qui sont tous perdus aujourd'hui, à l'exception de celui qui célébrait la victoire de Clotaire II sur les Saxons. Les musiciens ambulants, propagateurs de ces chants héroïques, paraissent avoir été peu estimés : car Charlemagne défendit de les recevoir dans les couvents, et, dans le premier Capitulaire daté d'Aix-la-Chapelle, il les traite avec mépris.

Au IXe siècle, plusieurs auteurs écrivirent sur la musique. On doit à Aurélien, moine de Réomé, un Traité qui a pour titre Musicae disciplinae, et où il n'est question que du chant ecclésiastique ; au moine Remi d'Auxerre, un commentaire sur le Traité de musique de Martianus Capella; à Hucbald, moine de St-Amand (diocèse de Tournai), deux ouvrages, dont l'un, intitulé Musica Enchiriadis, contient un système de notation suffisant pour représenter une étendue de deux octaves et demie, et les principes de l'harmonie connue sous les noms de diaphonie et de déchant. Ces divers écrits ont été publiés par Gerbert. Pendant le Xe siècle, Odon, abbé de Cluny, composa un Dialogue sur la musique, où les principes de cet art, tels qu'on les connaissait alors, sont exposés avec clarté, ainsi que des hymnes et des antiennes dont plusieurs sont encore en usage dans l'Église romaine.

II ne paraît pas que l'on ait eu des chants en langue vulgaire avant le Xe siècle. Un des plus anciens est la chanson de Roland, que le ménestrel Taillefer entonna avant la bataille d'Hastings, en 1066, et que quelques auteurs ont confondue avec la chanson de l'Homme armé, fort populaire à la fin du moyen âge. La chanson badine a été très cultivée depuis le XIe siècle, même par le clergé : Saint Bernard s'y exerça dans sa jeunesse; Abélard en écrivit pour Héloïse. Les Troubadours et les Trouvères, à la fois poètes et musiciens, écrivirent une foule de morceaux dont les airs, simples et faciles, n'étaient point mesurés, et où l'on ne, trouvait d'autres différences de durée que celles des longues et des brèves pour la prosodie, comme dans le plain-chant. Burney et Laborde ont publié quelques-uns des ces airs avec la notation moderne.

Les premiers essais de composition pour plusieurs voix datent du XIIIe siècle. Adam de La Halle, dit le Bossu d'Arras, fit des chansons et des motets à trois parties, que l'on conserve à la Bibliothèque impériale de Paris : les motets offrent cette particularité bizarre, que la basse est formée par le chant d'une antienne ou d'une hymne avec paroles latines, et que les autres voix font entendre au-dessus, en manière de contre-point fleuri, des chansons d'amour avec paroles françaises. On a un monument de l'art au XIVe siècle dans le recueil des poésies de Guillaume de Macchault, qui contient des lais, virelais, ballades et rondeaux, soit pour voix seule, soit à 3 et à  4 parties, plusieurs motets à une voix, et une messe à 4 parties composée, dit-on, pour le sacre de Charles ler. On peut apprécier, par divers écrits théoriques du même siècle, la situation de la musique : Philippe de Vitry (en latin Vitriacus), évêque de Meaux, commente l'auteur allemand Francon de Cologne; Jean de Muris, à qui l'on attribua longtemps l'invention de la musique mesurée, écrit, entre autres ouvrages, un Speculum musicae, où se trouvent exposées les règles de la notation, avec un nouveau système des valeurs de temps.

C'est également au XIVe siècle que la Ménestrandie, société de chanteurs, d'instrumentistes, et même de baladins et de faiseurs de tours prit une organisation régulière. La confrérie de St Julien des ménétriers, formée en 1330, fonda, dès l'année suivante, l'hôpital de Paris qui a porté longtemps son nom, et choisit un chef qu'on appelait Roi des ménétriers. En 1397, les musiciens se séparèrent des bateleurs, et formèrent la corporation des Ménétriers et Joueurs d'instruments, tant hauts que bas,  dont les règlements reçurent la sanction royale, le 24 avril 1407.

Au XVe siècle, l'art fit des progrès sensibles dans les Pays-Bas, et les musiciens français ne tardèrent pas à en subir l'influence, surtout après la ruine de la maison de Bourgogne, quand Josquin Després et Jean Ockeghem vinrent en France. Tinctoris mentionne parmi eux avec éloge Barbingant et Monnet; mais on les a oubliés, pour ne se souvenir que de Jean Mouton et d'Antoine Brumel : l'un fut maître de chapelle de Louis XII, l'autre eut pour maître Jean Ockeghem. François II, eut deux maîtres de chapelle, Claude de Sermisy ou Servisy et Aurant, dont il ne reste rien. Quelques recueils imprimés à Paris par Pierre Attaignant, en 1529 et dans les années suivantes, font connaître les noms et les oeuvres de plusieurs compositeurs qui avaient alors de la réputation, Hesdin, Rousée, maître Gosse, Carpentras, Moules, Certon, Hottinet, A. Mornable, G. Leroy, Vermont, Manchicourt, Faignent, Noé, Lupi, Jean Maillard, Consilium, L'Héritier, Guillaume Leheurteur, Philibert Jambe-de-Fer, etc. II ne faut chercher là ni mélodie ni expression ; l'art consistait seulement à arranger des sons d'après certaines règles de convention bizarres. Dans la musique d'église, par exemple, tandis que certaines voix chantaient Kyrie eleison ou Gloria in excelsis en plain-chant, d'outrés exécutaient quelque chanson populaire de l'époque.

Toutefois, un mérite plus grand se reconnaît, au point de vue de l'invention et de l'arrangement harmonique, dans les oeuvres de Clément Jannequin, publiées en 1544 sous le titre d'inventions musicales à quatre ou cinq parties. C'est là que se trouve la pièce si originale de la Bataille de Marignan, où sont employés tous les termes usités dans les combats, avec imitation très plaisante du canon, des trompettes, des tambours et du cliquetis des armes. L'école française, la première alors de l'Europe, fut encore représentée par Claude Goudimel, qui compta parmi ses élèves les maîtres italiens Palestrina et Nanini, et qui, après avoir composé le chant des psaumes traduits pour les protestants par Marot et Théodore de Bèze, arrangea ces Psaumes à 4 voix, et publia des chansons françaises à 4 et 5 parties. Pendant la seconde moitié du XVIe siècle, Claude Lejeune, dit Claudin, fut très en faveur à la cour, puis se retira dans les Provinces-Unies, où il mit en musique les psaumes et les cantiques pour les églises calvinistes.

Depuis l'avénement de Henri IV jusqu'à celui de Louis XIV, l'école française déclina, et fut éclipsée par l'école italienne : Henri IV donna peu de temps aux arts, et, si Louis XIII fut bon musicien et composa même des morceaux à plusieurs parties, le cardinal de Richelieu se montra indifférent aux progrès de l'art. Les compositeurs les plus estimés durant cette période furent ; Du Caurroy, maître de chapelle de Henri III et de Henri IV, surnommé Le Prince des musiciens, auteur d'une messe de Requiem beaucoup trop vantée, et à qui l'on attribue l'air de Vive Henri IV et la romance Charmante Gabrielle; Jacques Mauduit, dont le Requiem inséré dans l'Harmonie universelle du P. Mersenne (1636) ne justifie pas le titre de Jules de la musique qu'on donnait à son auteur; Arthur Aux-Cousteaux, qui écrivit de la musique d'église et des chansons à plusieurs voix; Boesset, dont on a des chansons à voix seule et des airs à boire. La musique instrumentale eut plus d'éclat  : sans parler de deux Écossais, Jacques et Charles Hedington, qui vinrent à la cour de Henri IV, on cite parmi les joueurs de luth Jacques Mauduit, Julien Perrichon, les deux Gauthier, Hémon et Blancrocher. Les violistes distingués étaient Hotteman, Laridelle, Desmarets, Sainte-Colombe et Dubuisson.

L'orchestre d'instruments à cordes qu'on appelait la Bande des 24 violons du roi devait avoir peu d'habileté, à en juger par le recueil des morceaux qu'il exécutait, cependant Beauchamp, attaché à la chambre de Louis XIII, paraît avoir été un violoniste de mérite, et l'on accordait aussi un grand talent à Manoir, Constantin, dit le roi des violons, Boccau, Lazarin et Foucard. Au nombre des clavecinistes figurent Thomas Champion, son fils Jacques Champion, et le fils de ce dernier, Champion de Chambonnières, dont on a gravé quelques recueils de pièces. Les organistes occupent le premier rang dans la première moitié du XVIIe siècle : trois frères, Louis, François et Charles Couperin, souche d'une famille de musiciens qui s'illustra pendant deux siècles, furent distingués comme compositeurs et comme exécutants; ils ont fait oublier Monard et Richard, qu'on estimait également de leur temps.

Jusqu'à Louis XIV, la musique religieuse et la musique de chambre avaient été seules cultivées en France. Le premier essai d'une espèce de drame musical avait été fait en 1581, à l'occasion du mariage du duc de Joyeuse avec Mlle de Vaudemont, par le violoniste piémontais Balthazarini, qui, secondé par Beaulieu et Salmon, musiciens de la chambre de Henri III, avait donné une pièce à machines intitulée Ballet comique de la royne (V. Ballet). Mais la véritable musique dramatique ne fut réellement connue qu'en 1645 : Mazarin fit alors connaître l'opéra italien, qui existait déjà depuis plus de 50 ans; des chanteurs et des musiciens venus d'Italie exécutèrent au Palais Bourbon la Festa teatrale della finta pazza, opéra buffa de Strozzi, et l'Orfeo e Euridice de Monteverdi. Lors du mariage de Louis XIV, on représenta au Louvre une nouvelle tragédie lyrique en 5 actes, Ercole amante. L'organiste Cambert, musicien d'Anne d'Autriche, entreprit le premier d'imiter en français les opéras italiens : il fit la musique d'une pastorale de l'abbé Perrin, qui fut jouée avec succès à Issy en 1659. Ayant obtenu un privilège pour l'établissement d'un théâtre, Cambert et Perrin, auxquels s'associa le marquis de Sourdéac, habile machiniste, ouvrirent leur spectacle dans la salle du jeu de paume de la rue Mazarine, en 1671, par l'opéra de Pomone. Dès l'année suivante, leur privilège leur fut enlevé par le florentin Lulli, qui, amené à Paris par le chevalier de Guise, placé chez Mademoiselle, instruit dans la composition musicale par les organistes Métra et Roberday, était de venu surintendant de la musique de Louis XIV, et chef de la Bande des petits violons du roi. Lulli, après avoir écrit des airs pour les ballets de la cour et pour les divertissements des pièces de Molière, commença l'exploitation du privilège de l'Académie royale de musique par une pastorale, les Fêtes de l'Amour et de Bacchus, dont le poète Quinault avait fait les paroles. L'association de Lulli et de Quinault fut féconde : les opéras de Cadmus, Alceste, Thésée, Atys; Isis, Psyché, Bellérophon, Proserpine, Persée, Phaéton, Amadis, Roland, Armide, furent successivement représentés jusqu'en 1686, sans compter plusieurs pastorales et 25 ballets. La musique de Lulli a un mérite remarquable dans le récitatif ou la déclamation chantée; les airs et l'instrumentation, dont la simplicité nous paraît fade aujourd'hui, offrent l'imitation évidente de Carissimi et de Cavalli, qui étaient alors à la tête des maîtres italiens. Lulli a tout créé, chanteurs, choristes, danseurs, musiciens d'orchestre : aussi son influence sur l'art français fut-elle souveraine pendant un demi-siècle. Tous les compositeurs dramatiques ont été ses imitateurs, plus ou moins serviles : tels furent Colasse, Charpentier, Desmarets, Destouches, Bertin, Montéclair, etc.; Campra conserva seul quelque originalité dans les idées.

En dehors de la musique dramatique, qui va prendre une importance de jour en ,jour plus grande, il y eut quelques musiciens de mérite pendant le règne de Louis XIV. La musique d'église compte parmi ses compositeurs Dumont, Robert, Nivers, et surtout Lalande et Bernier. Clérembault se distingua comme compositeur de musique de chambre. Les trois Bournonville, Lebègue, Michel, Tommelin, l'abbé de Labarre, Boivin, et, au-dessus de tous, François Couperin dit le Grand, et Marchand, furent d'habiles organistes. Hardelle, Levieux, d'Anglebert et Buret excellèrent sur le clavecin; Marais et Fourqueray eurent du talent sur la viole, pour laquelle ils publièrent plusieurs suites de pièces. Galot et les Dubut brillaient sur le luth; Lemoine, Pinel, Hure et Devisé, sur le téorbe; Francisque, Corbette et Valroy, sur la guitare. Enfin, Pagin, Senaillé et Leclair peuvent être considérés comme les chefs de l'école française du violon. Quant à l'art du chant, il était véritablement inconnu : ni Lambert, célébré dans les vers de Boileau, ni Camus, Dambray et Bacilli, qui enseignaient également à Paris, n'en ont possédé les principes. Quelques auteurs ont écrit pendant cette période, sur la musique: ce sont le P. Parran, qui donna un Traité de musique théorique et pratique (Paris, 1646), où il est question de la composition à 4 parties, et La Voye-Mignot, dont le Traité de musique (1656) contient aussi les règles de l'harmonie et de la composition. Les principes exposés par eux sont empruntés aux ouvrages précédemment publiés en Italie. Lambert, dans son Traité de l'accompagnement du clavecin, de l'orgue et des autres instruments (1680), a indiqué les accords qui appartiennent aux divers degrés de la gamme; mais ces accords sont présentés isolément, sans liaison systématique. Enfin, nous possédons un Dictionnaire de musique par Sébastien de Brossard.

Le règne de Louis XV vit plusieurs révolutions dans l'art musical. La première fut opérée par panneau. Auteur de pièces de clavecin d'un genre neuf, Rameau attira surtout l'attention par la publication d'un Traité d'harmonie (1722), où se trouve exposé le système d'harmonie et de génération des accords connu sous le nom de Système de la basse fondamentale. Ce système, généralement adopté, trouva son développement dans d'autres ouvrages, le Nouveau système de musique théorique (1726), la Génération harmonique (1737), la Démonstration du principe de l'harmonie (1750), etc., et ce fut pour le soutenir que D'Alembert écrivit ses Éléments de musique théorique et pratique (1752), Béthisy son Exposition de la théorie et de la pratique de la musique (1754), l'abbé Roussier son Traité des accords et de leur succession (1764). Rameau n'arriva qu'à l'âge de 50 ans à faire représenter un opéra à l'Académie royale de musique : depuis Hippolyte et Aricie (1733), 22 pièces, parmi lesquelles on remarque Castor et Pollux, Dardanus, Zoroastre, Orphée, révélèrent un génie supérieur à celui de Lulli, plus de vigueur dans l'expression, plus de variété dans l'harmonie.

A côté de Rameau, Mondonville, Rebel, Mouret, Francoeur, De Blamont, Berton, D'Auvergne, Trial, et quelques autres compositeurs moins connus, représentaient l'école française, lorsqu'en 1752 une troupe de chanteurs italiens obtint l'autorisation de donner des représentations à l'Académie royale de musique alternativement avec l'opéra français. La Serva padrona de Pergolèse, et les autres pièces italiennes, où l'on trouvait une grande vérité de diction, beaucoup de grâce dans la mélodie et de goût dans l'instrumentation, excitèrent l'admiration d'une partie du public; J.-J. Rousseau, auteur de l'opéra du Devin de village, et le baron Grimm , écrivirent en faveur de la musique italienne, l'un sa Lettre sur la musique, l'autre son Petit prophète de Bohernisbroda. Mais les partisans de la musique française répondirent par d'autres écrits : le parterre se divisa en deux camps qui prirent les noms de Coin de la reine et Coin du roi, parce qu'ils étaient voisins des loges de la reine et du roi. Le Coin du roi l'emporta, et les artistes italiens durent se retirer en 1754.

L'Opéra-Comique, qui se constituait a cette époque, s'empara de ce que repoussait l'Académie royale, et donna des traductions d'opéras italiens. Puis, un compositeur italien, Duni, formé à la même école que Pergolèse, vint se fixer à Paris en 1757 et écrivit pour la scène française le Peintre amoureux de son modèle, l'Île des fous, le Milicien, la Fée Urgèle, la Clochette les Moissonneurs, les Sabots, etc. Deux compositeurs français, abandonnant l'ancien style, écrivirent aussi pour l'Opéra-Comique : Philidor, à qui l'on doit Blaise le savetier, le Soldat magicien, Le Maréchal ferrant, Sancho Pança, le Bûcheron; Tom Jones, les Femmes vengées, et Monsigny, qui donna les Aveux indiscrets, le Maître en droit, le Cadi dupé, On ne s'avise jamais de tout, le Roi et le Fermier, Rose et Colas, le Déserteur, Félix, etc. 

Grétry, musicien liégeois, qui avait passé plusieurs années en Italie, acheva par l'ascendant de son génie la révolution commencée par ses prédécesseurs : à partir de 1768, il fit jouer à l'Opéra-Comique, entre autres ouvrages, le Huron, le Tableau parlant, Zémire et Azor, l'Ami de la maison, la Rosière de Salency,  l'Epreuve villageoise, la Fausse magie, l'Amant jaloux, Richard Coeur de Lion, Anacréon, et, au grand Opéra, la Caravane du Caire. Si la musique de Grétry laissait à désirer pour la correction, la force de l'harmonie, la variété de l'instrumentation, elle avait le mérite d'être spirituelle, parfaitement appropriée an genre de chaque ouvrage, et de soutenir l'intérêt; aussi a-t-on pu de nos jours, endonnant un peu plus de corps à l'orchestre, la remettre avec succès à la scène. Après Grétry, on doit assigner une place parmi les compositeurs dramatiques à Devienne, à Champein, à Dezède, et surtout à Dalayrac.

Cependant, les succès de l'Opéra-Comique firent sentir de plus en plus la nécessité d'une réforme à l'Académie royale de musique. Un compositeur qui venait d'essayer en Allemagne un style nouveau, Gluck , fut appelé à Paris. II réforma tout, le système de chant et l'exécution instrumentale; son Iphigénie en Aulide, exécutée à peu près comme il le voulait, eut un succès décisif en 1774, et Orphée, puis Alceste, arrangés pour la scène française, ne furent pas moins bien accueillis. Gluck ruinait définitivement l'ancien style français : par la vérité de la diction dans le récitatif et du sentiment dans la mélodie, par la puissance de l'expression dramatique, il laissait, bien loin derrière lui tout ce qu'on avait fait jusque-là. Toutefois, comme on lui reprochait de manquer de grâce, Piccinni, qui avait déjà composé plus de cent opéras avant de venir en France, put rallier au style italien un certain nombre de partisans. II fit jouer un Roland en 1778, peu de mois après l'Armide de Gluck, et, les querelles musicales se rallumant, les Gluckistes et les Piccinnistes se firent une guerre acharnée, à laquelle prirent part Laharpe, Marmontel , Suard, l'abbé Arnaud, Ginguené. La lutte tourna au profit de l'art : aux nouveaux chefs-d'oeuvre que Gluck produisait pour conserver son empire, Piccinni opposait Atys et Didon, qui occupèrent longtemps la scène. En définitive, les ouvrages de Gluck l'ont emporté; ils sont encore très goûtés de nos jours, tandis que ceux de son rival sont à peu prés oubliés. A côté de Gluck et de Piccinni, Sacchini fit jouer aussi avec succès des opéras de Renaud, de Chimène, de Dardanus; mais il mourut avant d'avoir vu représenter son Oedipe à Colone. Salieri enrichit aussi des Danaïdes et de Tarare le répertoire français.

Telles furent tes révolutions de la musique dramatique jusqu'en 1789. La musique religieuse, dont les progrès étaient loin d'être aussi sensibles, fut représentée par Girout, l'abbé d'Haudimont, Rousseau et quelques autres; leurs oeuvres n'ont guère vécu. La réputation de Gossec a été plus durable, et l'on exécute encore son O salutaris et sa Messe des morts. Par ses symphonies il a été en outre le créateur de la musique instrumentale en France.  L'art du chant au XVIIIe siècle était toujours ignoré : Larrivée, Jéliotte, Legros, Chardin, Lays, Mlle Laguerre, Mlle Arnould, Mme Sainte-Huberti, eurent de belles voix ou se distinguèrent par le sentiment dramatique; mais leur éducation vocale fut très imparfaite, et leur chant dégénérait souvent en cris. Les instrumentistes furent de beaucoup supérieurs aux chanteurs : Guillemin, Gaviniès, La Houssaye, Navoigile, soutenaient l'honneur de l'école française de violon, avant même que Viotti devînt le chef d'une école plus savante, à laquelle appartinrent Saint-Georges, Gervais, Bertheaume, Fodor, et Guénin; Ie violoncelle avait les deux Janson et les deux Levasseur; Daquin, Balbâtre, Clavière, et Séjan figuraient parmi les bons organistes. On ne trouva néanmoins de bons exécutants sur les instruments à vent que vers la fin du siècle : les cornistes Rodolphe et Lebrun, le clarinettiste Michel, le hautboïste Sallantin, le flûtiste Hugot, les bassons Devienne et Ozy, etc.

Pendant la période de la Révolution, l'art musical français fit des progrès considérables : Méhul, formé à l'école de Gluck, introduisit à l'Opéra-Comique un système nouveau, dans lequel tout en adoptant quelques formes italiennes, il donnait aux airs plus de régularité, à tous les morceaux une facture plus large, aux ensembles plus de développement, à l'harmonie plus d'élégance et de pureté, aux détails de l'instrumentation plus de soin et d'intérêt. Euphrosine inaugura, en 1700, cette nouvelle école, dont les principes achevèrent de s'établir dans Stratonice (1792), Phrosine et Mélidor (1794), Ariodant (1799) et Joseph ( 1807). La musique ayant été appelée à jouer un grand rôle dans les fêtes nationales, Méhul composa un hymne longtemps populaire, le Chant du Départ, mais sans égaler la Marseillaise de Rouget de Lisle. Cherubini, qui vint de Florence à Paris avec un nom déjà célèbre, soutint puissamment la réforme entreprise par Méhul : son grand savoir et la pureté de ses doctrines harmoniques eurent sur les musiciens français une influence aussi puissante que les opéras qu'il fit représenter, Lodoïska (1791 ), le  Mont-St-Bernard (1794), Médée (1797), les Deux Journées ( 1800). Sur les traces de Méhul et de Cherubini on vit marcher Lesueur, qui mit pourtant un cachet d'individualité dans la Caverne (1793), Paul et Virginie (1794), Télémaque (1796), et Berton, qui jeta les fondements de sa renommée dans Montana et Stéphane et dans le Délire. Quant à Boieldieu, il ne faisait encore que préluder à ses brillants succès par Zoraïme et Zulvar. - L'art du chant dut aux Italiens ses premiers progrès sérieux. En 1790, une troupe italienne, où l'on remarquait Raffanelli, Mandini, Viganoni, Rovenido et Mme Morichelli, vint donner des représentations à Paris et de salutaires exemples aux artistes français. Puis Garat; dont le goût et la méthode s'étaient formés à cette école, devint à son tour le maître et le modèle d'un grand nombre de chanteurs. Enfin la création du Conservatoire de musique et de déclamation eut pour but de former des artistes pour tous les genres.

Après la tourmente révolutionnaire, quand on aspirait au calme et aux émotions douces, un jeune compositeur, Della Maria, excita un grand enthousiasme par son opéra du Prisonnier, dont la musique simple et naturelle répondait aux besoins nouveaux du public. Solié, Gaveaux, Tarchi, eurent des succès avec des romances et des chansonnettes. Le système suivi depuis quelques années au théâtre en fut momentanément ébranlé : Méhul, modifiant sa manière, donna l'Irato, Une Folie, et le Trésor supposé; Boïeldieu, pendant la période du Consulat et de l'Empire, fit jouer successivement le Calife de Bagdad, Ma tante Aurore, Jean de Paris, le Nouveau Seigneur de village; Nicole écrivit son Joconde, et Berton Aline, reine de Golconde; la réaction fut favorable à Grétry, à Monsigny et à Dalayrac, dont les opéras furent entendus de nouveau avec faveur. Deux chanteurs aimés du public, Elleviou, Martin, aidèrent par la nature de leur talent au triomphe de la musique gracieuse, spirituelle et légère, et l'opéra comique éclipsa alors le grand opéra, où Catel et Spontini eurent seuls de brillants succès. La musique religieuse, qui avait disparu depuis que la Révolution avait supprimé les maîtrises des cathédrales, reprit avec Cherubini et Lesueur un éclat qui devait se prolonger jusque sons le gouvernement de la Restauration. L'institution du Conservatoire de musique et de déclamation commençait aussi à produire ses fruits : de là sont sortis Nourrit père, Dérivis, Ponchard, Levasseur, Mme Branchu, Duret, Boulanger, Rigaut, Mlle Cinti (Mme Damoreau). Les professeurs rédigeaient des Méthodes pour les diverses parties de la musique : Kreutzer, Rode et Baillot, une Méthode de violon; Adam, une méthode de piano; Reicha, un Traité de composition ; Catel, une Méthode d'harmonie; Dauprat, une Méthode de cor, etc.

La révolution opérée par Rossini dans la musique dramatique ne fut connue en France que longtemps après avoir été accomplie. Quand enfin on eut entendu le Barbier de Séville, Otello, Sémiramis, cette musique originale devint inévitablement un objet d'imitation : les musiciens français, tout en conservant ce qu'il y avait d'individuel dans leur talent, s'approprièrent les découvertes et les procédés du grand compositeur italien. L'école produisit alors la Dame blanche et les Deux Nuits de Boïeldieu , le Zampa et le Pré aux Clercs d'Hérold; Auber, dans une foule de charmants ouvrages, tels que : la Neige, Léocadie, le Maçon, la Muette de Portici, l'Ambassadrice le Domino noir, les Diamants de la Couronne le Cheval de bronze, la Sirène, etc.; puis Adolphe Adam, Halévy, Carafa, se mirent ensuite à sa tête, et, depuis la Révolution de 1830, la scène a été occupée avec des mérites divers et inégaux par Ambroise Thomas, Monpou, Maillart, Félicien David, Boïeldieu fils, Niedermeyer, Montfort, Bazin, Reber, Massé, Clapisson, Gounod. Il faut ajouter que Rossini, Donizetti, et surtout Meyerbeer, ont remporté sur nos théâtres plusieurs de leurs plus grands succès. Des compositeurs belges, Grisar, Limmander, Gevaert, se sont également fait connaître en France. - La romance est devenue, au XIXe siècle, un véritable genre, brillamment créé par Boïeldieu et Carat. Parmi les compositeurs qui s'y sont distingués, on doit citer Plantade, Bruguière, Barateau, Dalvimare, Blangini, Meissonnier, Romagnesi, Lagoanère, Panseron, A. de Beauplan, Labarre, F. Bérat, Henrion, Arnaud , A. de Latour, Masini, Loïsa Puget, Nadaud, etc. - L'art du chant, de plus en plus négligé, n'a été représenté que par un petit nombre d'exécutants hors ligne, Ponchard, Adolphe Nourrit Duprez, Chollet, Barroilhet, Roger, Mlle Falcon, Mmes Dorus-Gras, Viardot, Stoltz, Ugalde, Miolan-Carvalho, etc.

La musique instrumentale a fait des progrès considérables. Pour la composition, Onslow et Berlioz se sont placés au premier rang. Les instrumentistes en réputation sont : pour le violon, Boucher, Lafont, Mazas, Habeneck, Alard, Girard, Herman, Ch. Dancla; Maurin, Armingaud; pour l'alto, Urhan, Casimir Ney ; - pour le violoncelle, Duport, Lamarre, Baudiot, Benazet, Norblin, Chevillard, Seligman, Offenbach, Franchomme; - pour la contre-basse, Gouffé; - pour le cornet à piston, Dufrêne et Forestier; - pour le trombone, Dieppo; pour le hautbois, Gilles, Vogt, Brod, Triebert, Barré, Verroust aîné; - pour la clarinette, Berr, Dacosta, Klosé; - pour le cor, Colin, Dauprat, Meifred, Baneux, Gallay; - pour le basson, Judas, Gebauer, Henry, Villent, Jancourt, Barizel, Koken ; - pour la flûte, Berbiguier, Tulou, Camus, Dorus, Coche, Rémusat; - pour la harpe; Bochsa, Labarre, Pollet, Godefroid. - Quant aux pianistes, le nombre en est considérable: Zimmermann, Panseron, Rigel , Mozin, Jadin, Lemoine, Hermann, Kalkbrenner, Jacques et Henri Herz, De Garaudé, Pradher, Bertini, Stamaty, Alkan, Prudent, Goria, Ravina, Mmes Pleyel, Farrenc, etc. Fessy, Simon, Miné, Boëly, Benoist, Lefébure-Wély sont connus comme organistes. (B.).

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Dictionnaire Musiques et danses
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