 |
Esthétique,
n. f. - Science de la beauté dans les arts. Théorie philosophique
de l'art. La priorité dans l'emploi de ce vocable appartient à
l'Allemand
Alexandre Baumgarten, qui a publié
en 1750-1758 un ouvrage en deux volumes sous le titre Aesthetica;
mais le mot se lit dès 1753 chez un auteur français, Beausobre,
qui le trouve approprié à désigner une métaphysique
du beau. Le domaine de l'esthétique musicale est mal délimité
: aussi les auteurs qui s'y sont engagés l'ont-ils abordé
par des voies très différentes, où Combarieu a distingué
quatre orientations, que l'on pourrait appeler celles des mathématiciens,
des physiologistes, des psychologues et des musiciens, et dont aucune,
si elle est uniquement adoptée, ne suffit à faire atteindre
le but. Les représentants de la première essaient de découvrir
la source de la beauté musicale dans l'analyse du son et dans le
degré de simplicité des rapports des sons; mais leurs observations,
impuissantes déjà à fixer sur une base certaine le
concept de la dissonance, ne peuvent s'appliquer qu'à la mélodie
nue ou à des harmonies isolées;
elles ne peuvent ni éclairer l'auditeur, ni guider le compositeur
d'une oeuvre tant soit peu complexe.
Pour pouvoir inscrire au frontispice de
son grand ouvrage théorique le titre d'esthétique musicale,
Durutte (1855) a dû s'efforcer d'y concilier les données scientifiques
de son éducation de mathématicien et de la doctrine de Wronski
avec les principes d'harmonie pratique qu'il tenait de Barbereau; son système
a eu peu d'adeptes. La théorie physiologique, qui étudie
les effets sensoriels de la musique pour en déduire les lois fondamentales
du beau, est en quelque sorte personnifiée par Helmholtz,
dont le traité est devenu classique (1863); malheureusement, dans
cette oeuvre si importante et si personnelle, les parties qui ont le plus
vieilli sont justement celles qui se rapportent à l'étude
de la perception auditive; toutes les déductions relatives aux «
fibres de Corti », notamment, se sont
écroulées. On reprendra plus tard l'étude sur nouveaux
frais, et, en faisant à dessein porter leur expérimentation
sur une forte proportion de sujets non musiciens, les physiologistes s'éloigneront,
au moins provisoirement, de l'art et de son esthétique.
Le troisième groupe, qui est le
plus nombreux, est formé par les philosophes et les littérateurs
qui reconnaissent dans la musique le langage du sentiment et qui s'efforcent
à en déchiffrer les expressions, soit par l'étude
des oeuvres, soit par l'analyse des impressions qu'elles font naître;
il n'est pas surprenant que, dans cette catégorie de travaux, les
auteurs allemands forment la majorité, à la fois par leur
nombre et par l'épaisseur de leurs volumes, dont ils consacrent,
d'ailleurs, une bonne part à se réfuter mutuellement; l'autorité
dont jouissent certains d'entre eux a pour caution un ensemble de doctrines
étrangères à la musique, et auxquelles celle-ci se
trouve soumise degré ou de force; tel est le cas pour Schopenhauer,
dont l'influence s'est exercée jusqu'à l'extrême.
Les musiciens « purs »,
enfin, qui constituent le quatrième groupe d'esthéticiens
musicaux, et dont Hanslick est resté le chef (vers 1870), étudient
la beauté musicale en soi, et prétendent en découvrir
le criterium unique dans la perfection des formes.
Aucune de ces méthodes, si elle
reste unilatérale, ne permet d'approcher du but. L'esthétique
est, dans le sens le plus large du mot, une « philosophie »,
une haute critique de l'oeuvre d'art, qui doit en pénétrer
tous les éléments et en favoriser la compréhension.
Elle sera donc à la fois scientifique, comparative et historique.
(M.B.).
«
Étudions l'art dans son progrès, dit excellemment L. Laloy,
et comparons les divers systèmes de musique qui nous sont offerts
par les différentes civilisations passées ou contemporaines.
Alors seulement nous pourrons, non pas établir une théorie
définitive d'un art mobile et variable entre tous, mais peut-être
saisir quelque loi générale de son mouvement et de sa variation.
»
|
|