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Le municipe
(municipium) était, à l'origine, une communauté
politique subordonnée à Rome,
mais conservant une certaine autonomie administrative. Lorsque les conquêtes
s'étendirent tellement qu'on ne put ni annexer purement et simplement
territoires et habitants aux territoires et citoyens romains, ni les incorporer
dans la confédération latine, ou bien lorsque, pour châtier
une résistance prolongée, on voulait placer dans une situation
subordonnée la cité domptée, on créa cette
catégorie nouvelle du municipe. Ce fut en 381 pour la ville de Tusculum.
Le citoyen du municipe (civis municeps) avait le droit
de cité romain (commercium, connubium), à l'exclusion
des droits politiques (de voie et d'éligibilité aux honneurs);
il gardait l'administration intérieure de sa cité; cela le
distingue de la praefectura qui n'a plus son autonomie municipale;
la condition ressemble fort à celle de la colonie
qui ne s'en distingue que par les citoyens romains qui y sont campés;
elle diffère tout à fait de celle des villes fédérées,
qui ont gardé leur statut personnel. Cette condition se propagea
en Italie avec la conquête,
mais prit fin après la grande révolte dite guerre sociale,
lorsque la loi Julia de l'an 90 accorda à tous les municipes, en
même temps qu'aux villes fédérées, le droit
de cité romain dans toute son étendue.
Dès lors, le mot municipe,
commun à toutes les villes d'Italie, change d'acception et s'applique
à toute commune autonome dont les habitants sont citoyens romains.
Les relations des communautés avec Rome
furent réglées séparément par des lois dites
municipales, qui leur sont données par un délégué
du peuple romain, investi de l'imperium. Celles-ci nous sont connues par
les inscriptions, en particulier la loi Rubria de 49 et la loi Julia de
45 av. J.-C., qui fixa les principes d'après lesquels devaient être
rédigées les chartes municipales. Les municipes, assimilés
en Italie, se retrouvent dans les provinces; les empereurs surtout, à
partir de César, conférèrent
cette qualité à des cités isolées et même
à des provinces entières, surtout dans l'Orient, plus civilisé.
Le municipe provincial est tantôt une commune jouissant du droit
de cité, tantôt une ville pourvue par Rome d'une constitution
municipale et dotée du droit romain. On sait qu'en 212 Caracalla
finit par étendre à tout l'Empire
le droit de cité complet. Dès lors, le nom de municipe désigna
toute commune par opposition à Rome. Les municipalités provinciales
sont connues dans leur organisation intérieure par des inscriptions
de Salpensa et Malaga qui nous révèlent
celle de ces deux municipes espagnols vers l'an 82 à 84.
Dans un municipe, la population se divisait
en citoyens (cives) jouissant de tous les droits et répartis
en curies et habitants (incolae) originaires d'autres cités
et qui participaient aux charges, nais non aux droits du municipe où
ils avaient immigré. L'assemblée du peuple élisait
les magistrats, lesquels portaient le même nom qu'à Rome,
dictateur, préteur, édile; après la période
républicaine, ils furent abandonnés peu à peu.
Le municipe fut régi par un collège de quatre élus
annuels, deux investis du pouvoir judiciaire des préteurs (duoviri
jure dicundo) et deux des pouvoirs de police et d'administration des
édiles (duoviri oediles). Tous les cinq ans, ils font office
de censeurs. Certains municipes ont des questeurs, des tribuns
de la plèbe. Souvent les duoviri se font remplacer par des préfets.
Le conseil communal, correspondant au Sénat romain, constitua l'ordre
des décurions, habituellement composé de 100 membres choisis
à vie, d'après le même système qu'à Rome;
celui-ci tendit, comme dans la capitale, à se substituer à
l'assemblée du peuple pour la désignation des magistrats.
La religion officielle, culte
des empereurs, fit surgir une nouvelle classe, celle des Augustales,
qui s'effaça après l'adoption officielle du christianisme.
La vie municipale fut très florissante
au début de l'Empire, la paix extérieure et sociale assurant
aux cités un calme qu'elles n'avaient guère connu. Mais,
à mesure que se développa la centralisation administrative,
l'autonomie des municipes fut restreinte; comme toujours; les abus ou l'incapacité
des autorités locales furent l'occasion de ces empiétements,
non moins que les exigences croissantes du fisc. Au IIe
siècle, on créa des curateurs chargés de surveiller
la gestion financière des municipes. A partir de Dioclétien,
ils furent élus par les décurions; mais ceux-ci devinrent
des
fonctionnaires de César chargés
de la perception des impôts dont ils étaient responsables
et, dans bien des cas, à la fin de l'Empire, lorsque se furent multiplies
les privilèges et exemptions et que l'épuisement de la population
et les guerres continuelles eurent ruiné le pays, les fonctions
municipales furent envisagées comme une lourde charge. Les communes,
ne pouvant plus agir par elles-mêmes, reçoivent en 364 un
défenseur élu pour cinq ans par le clergé et les plus
imposés.
On a beaucoup discuté pour savoir
comment la constitution municipale romaine disparut; elle était
déjà très affaiblie dans ses traits essentiels lors
de la constitution de royaumes barbares sur le sol romain, et c'est à
tort qu'on a voulu en faire dériver les communes
du Moyen âge. Il est en tout cas
indispensable de distinguer entre les régions où la vie urbaine
disparut à peu près complètement, comme ce fut le
cas dans la France septentrionale au cours du VIIe
siècle, et où elle se reconstitua autour de monastères
ou par des associations, et les régions demeurées en contact
avec l'empire romain d'Orient (Italie, rivages de la Méditerranée)
où survécurent, grâce aussi à des conditions
géographiques plus favorables, les villes antiques. (A.-M.
B.). |
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