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Rues et monuments de Paris
Basilique du Sacré-Coeur
Basilique du Sacré-Coeur, dite du Voeu national, sur la Butte Montmartre, à Paris. Sa construction fut décidée par une loi du 23 juillet 1873, sur les plans de Paul Abadie. Les dépenses furent couvertes par des quêtes, souscriptions, etc. La pose de la première pierre eut lieu le 16 juin 1875. La basilique est construite dans le style romano-byzantin du XIIe siècle. 
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Paris : la basilique du Sacré Coeur, à Montmartre.
La basilique du Sacré-Coeur, vue du Sud-Est.

L'architecte a donné une hauteur de 80 mètres environ au dôme et une hauteur de 90 mètres au clocher. La cloche la Savoyarde, offerte par le diocèse de Chambéry, pèse 26 215 kilogrammes. La basilique fut complètement terminée en 1914 et fut consacrée en 1919.

L'origine de la basilique du Sacré-coeur

La dévotion du Sacré-coeur.
Les dangers que courut la France lors de la Guerre de 1870, et ensuite les désordres de la Commune de Paris en 1871, jetèrent dans nombre d'esprits pieuses un trouble profond. A l'exemple des Lyonnais, qui avaient fait voeu de reconstruire l'église de Fourvières, si leur ville était préservée de l'invasion, un catholique parisien, Alexandre Legentil, eut l'idée de mettre Paris et la France entière sous la protection du Sacré-Coeur.

Ce n'est pas le lieu de raconter en détail les origines de la dévotion au Sacré-Coeur. Rappelons, seulement, qu'en 1675, une visitandine de Paray-le-Monial, Marguerite-Marie Alacoque (qui devait être béatifiée le 18 septembre 1864, sous le titre de « la bienheureuse Marguerite-Marie»), prétendit avoir eu une vision où le Christ, raconta-t-elle, lui ordonna de faire consacrer le premier vendredi qui suit l'octave du Saint-Sacrement à la célébration d'une fête en l'honneur de son Sacré-Coeur. Secondée par le P. de La Colombière, jésuite, son directeur, elle obtint, dix ans plus tard, en 1686, que la fête fût célébrée à Paray-le-Monial. En 1697.

le pape Innocent XII autorisa cette fête dans toute la Visitation. Marguerite-Marie exposa sa mission dans un écrit, qui fut publié en 1698 par le P. Croiset, sous le titre de la Dévotion au Coeur de Jésus. Les débuts de la nouvelle dévotion furent assez lents, bien que la reine Marie-Thérése s'y montrât favorable. Ce n'est que plus tard, lorsque, pour conjurer la peste de Marseille (1720), l'évêque Belzunce consacra son diocèse au Sacré-Coeur que l'on constate les progrès évidents de ce culte. La reine Marie Leszczynska, en juillet 1765, en recommande la diffusion à l'assemblée du clergé et, cette même année, le pape Clément XIII le permet dans toute l'Eglise. Le Dauphin, fils de Louis XV, fit édifier dans la chapelle du château de Versailles un autel au Sacré-Coeur. Louis XVI, captif, avait fait voeu, s'il recouvrait la liberté, de consacrer lui-même, sa famille et son royaume au Sacré-Coeur. On sait que, lors de la perquisition faite au Temple, les commissaires trouvèrent, avec le texte de ce voeu, une image du Sacré-Coeur.

Le voeu national.
C'est, en somme, le voeu de Louis XVI que voulait faire revivre Alexandre Legentil, en janvier 1871. Il était alors à Poitiers (Paris était investi). Aidé par son beau-frère, Rohault de Fleury, et par quelques amis zélés, il fit autour de lui une active propagande. Ces apôtres projetaient d'ériger une église monumentale dédiée au Sacré-Coeur et qui serait à la fois une protection pour le pays et un acte de pénitence et d'expiation nationale pour les fautes passées, où ils voyaient la cause des malheurs présents. (Notons qu'à cette date, les catholiques, outre les malheurs nationaux, protestaient contre l'entrée à Rome des troupes italiennes, le 19 septembre 1870). Le 11 février 1871, ce projet fut communiqué à Pie IX, qui l'approuva. L'élévation de Mgr Guibert au siège archiépiscopal de Paris fournit à l'oeuvre le chef le plus autorisé. Non sans avoir mûrement réfléchi, il s'y donna tout entier. Légèrement modifié par lui, le voeu prit cette forme définitive (nous mettons en italique la phrase conditionnelle que le prélat supprima) :

« En présence des malheurs qui désolent la France et des malheurs plus grands, peut-être, qui la menacent encore, en présence des attentats sacrilèges commis à Rome contre les droits de l'Eglise et du Saint-Siège et contre la personne sacrée de Jésus-Christ, nous nous humilions devant Dieu et, réunissant dans notre amour l'Eglise et notre Patrie, nous reconnaissons que nous avons été coupables et justement châtiés; et, pour faire amende honorable de nos péchés et obtenir de l'infinie miséricorde du Sacré-Coeur de N. S. Jésus-Christ le pardon de nos fautes, ainsi que les secours extraordinaires qui, seuls, peuvent délivrer le Souverain Pontife de sa captivité et faire cesser les malheurs de la France, nous promettons [lorsque ces grâces nous auront été accordées] de contribuer [selon nos moyens] à l'érection d'un sanctuaire dédié au Sacré-Coeur de Jésus. »
La dédicace de la future église devait être :
CHRISTO. EJUSQUE. SACRATISSIMO. CORDI.
GALLIA. POENITENS. ET. DE VOTA.
Un comité de douze membres, présidé par Léon Cornudet, fut constitué en vue de l'édification du monument que Guibert appelait « une sorte de paratonnerre sacré-». Sur l'invitation de l'archevêque, le dimanche du Bon Pasteur, le P. Monsabré prêcha à Notre-Dame, pour éveiller le zèle des fidèles. Le 31 juillet 1872, un bref de Pie IX apporta une nouvelle approbation pontificale.
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La butte Montmartre et les religions

Il semble que, de mémoire d'homme, ce « haut lieu » ait toujours été un endroit sacré. Primitivement couverte de bois, égayée de sources assez nombreuses, la colline aurait été le théâtre de cérémonies celtiques. A leur tour, les dieux romains s'y installent, et les deux temples de Mars et de Mercure font donner à la colline les noms de Mons Mercurii ou de Mons Martis. Mais ces souvenirs païens s'effacent devant une longue suite d'évènements religieux, qui, aux yeux des catholiques, ont fait de Montmartre, selon une expression qu'on prête au roi Jean, « le coeur de la France ».

D'après une tradition, saint Denis y aurait préché et même fondé un oratoire dédié à la Vierge. Il devait y trouver son martyre. En compagnie du prêtre Rustique, du diacre Eleuthère et de nombreux chrétiens, il y eut la tête tranchée. Sur le lieu de son supplice fut élevée la chapelle du Martyre, ou Martyrium; elle se dressait à mi-côte, sur l'emplacement occupé aujourd'hui par la chapelle des Dames auxiliatrices de la rue Antoinette (auj. rue Yvonne Le Tac). La colline fut, dès lors, désignée sous le nom de Mont des Martyrs, Mons Martyrum, dont on a fait Montmartre. Il convient, du reste, d'ajouter que, suivant une autre tradition, le supplice de saint Denis eut lieu non à Montmartre, mais au village de Catulliacus, aujourd'hui Saint-Denis, là où furent édifiés son tombeau et la basilique de Saint-Denis.

Quoi qu'il en soit, Montmartre n'a cessé, depuis ces temps lointains, d'être le lieu d'élection d'une foule d'événements intéressant l'histoire de l'Eglise et le rendez-vous de personnages illustres dans les fastes religieux. Rappelons très sommairement les principaux faits. Sainte Geneviève, dit-on, y vint prier. 

Vers 1095, les religieux de Saint-Martin-des-Champs établissent sur la butte un prieuré, qui, en 1134, est remplacé par un couvent de religieuses bénédictines. Leur chapelle fut consacrée sous le vocable de Saint-Pierre, le 21 avril 1147, par le pape Eugène IlI, assisté de saint Bernard et de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny : c'est la vieille église qui subsiste encore sous le nom de Saint-Pierre-de-Montmartre. La reine Adélaïde ou Alix, femme de Louis le Gros, qui avait fondé ce couvent, s'y retira en 1153. Montmartre reçut la visite de saint Thomas de Canterbury, de saint Thomas d'Aquin, peut-être de Jeanne d'Arc, lorsque, du 6 au 8 septembre 1424, elle fit camper ses troupes au pied de la butte. C'est dans la chapelle du Martyre que, le 15 août 1534, Ignace de Loyola et ses six compagnons posent les fondements de l'ordre des Jésuites. C'est un fait extrêmement remarquable que nombre de fondateurs d'ordres sont venus sur la colline prendre leurs inspirations. C'est saint Vincent de Paul qui y séjourne à diverses reprises, instruisant les ouvriers des carrières. Ce sont, en 1604, les premières religieuses au Carmel de France qui montent à Montmartre, avant de s'enfermer dans le cloître. C'est, en 1612, le cardinal de Bérulle, qui y consacre l'Oratoire. En 1642 et en 1645, J.-J. Olier, fondateur de la société de Saint-Sulpice, accompagné de deux disciples, vient s'y consacrer à son tour. Le P. Eude, fondateur des eudistes, fut quelque temps confesseur des Dames bénédictines et, avant la vision de Marie Alacoque, y fit célébrer l'office du Sacré-Coeur.

La chapelle du Martyre et l'église conventuelle (Saint-Pierre) étaient les deux centres de nombreux pèlerinages. Le plus célèbre était la procession solennelle que, depuis le règne de Dagobert Ier, les religieux de l'abbaye de Saint-Denis, en grande pompe et portant le chef de leur patron, accomplissaient tous les sept ans, au milieu d'un immense concours de peuple.

En 1622, un couvent annexe, dit « prieuré des Martyrs », fut construit près de la chapelle de Saint-Denis et, en 1681, les religieuses du couvent d'en haut, qui menaçait ruine, vinrent s'y établir. Diverses chapelles de secours, qui, plus tard, devinrent des églises paroissiales, et plusieurs communautés avaient été fondées sur les flancs de la colline. Le couvent des bénédictines, réformé en 1598 par la 35e abbesse, Marie de Beauvilliers, et complété par l'adjonction d'un pensionnat, les dominait de son prestige et de son ancienneté.

A peu près tout cet héritage des siècles disparut à la Révolution. Le 16 août 1792, les religieuses reçurent l'ordre d'abandonner le couvent. Le 24 juillet 1793, la 43e abbesse, duchesse de Montmorency-Laval, vieille et sourde et, pour cette raison, accusée par Fouquier-Tinville de conspirer sourdement, fut guillotinée, avec quinze de ses religieuses. La chapelle du Martyre fut détruite. L'abbaye fut vendue et démolie. L'église Saint-Pierre, pillée le 17 novembre 1793, saccagée et profanée, subsista, pourtant. Elle devait être rendue au culte le 30 mai 1795. Napoléon eut le projet d'élever sur la colline un temple à la paix. 

Eventrée depuis plusieurs siècles par des carrières à plâtre, la butte, bien qu'appelée à jouer un rôle presque chaque fois que Paris était menacé d'une invasion ou d'une révolution, semblait, en apparence, à jamais dépouillée de sa connotation religieuse.

Divers emplacements furent proposés. L'archevêque choisit Montmartre, tant à cause de son passé religieux que parce que, dans l'immense panorama qu'on découvrait du sommet de la colline, elle semblait dominer toutes les églises de Paris.

Le 5 mars 1873, Guibert écrivit au ministre des cultes, qui était alors Jules Simon, pour prier le gouvernement de proposer à l'Assemblée nationale un projet de loi approuvant l'érection d'un temple sur la colline de Montmartre. Il ne sollicitait aucune subvention : mais une déclaration d'utilité publique était indispensable à l'accomplissement des expropriations nécessaires. Il demandait aussi que les archevêques successifs du diocèse fussent reconnus propriétaires incommutables de l'édifice. Le gouvernement consentit. Le projet de loi fut présenté en juillet par Batbie, successeur de Jules Simon, et renvoyé devant une commission, dont Emile Keller fut rapporteur. La discussion eut lieu le 23 juillet 1873. Défendu par de Belcastel, de La Bassetière, Chesnelong, Cazenove de Pradine; et combattu par de Pressensé, Bertauld, Corbon, Tolain, Ed. Lockroy, le projet de loi fut adopté par 382 voix contre 138, soit avec une majorité de 244 voix. Il ne mentionnait pas la consécration de l'édifice au Sacré-Coeur; il se bornait à envisager son affectation au culte catholique. Le 31 juillet 1873, le pape Pie IX adressa un bref d'approbation à l'archevêque de Paris, avec une offrande de 20.000 francs. A la fin de 1873, les souscriptions atteignaient 1 million. L'architecte prévoyait une dépense de 7 millions de francs : il était loin du chiffre final. L'achat du terrain, qui fut payé 833.000 francs, exigea dix-huit expropriations : la superficie était de 12.449 mètres, dont 10.313 réservés pour l'édifice.

Une commission artistique composée de : Alphand, Ballu, de Cardaillac, Chesnelong, Cornudet, Duc, de Guilhermy, Guillaume, Labrousse, Legentil, A. Lenoir, Rohault de Fleury père, rédigea en 21 articles le programme du concours ouvert entre les architectes du 1er février 1874 au 30 juin. Soixante-dix-huit projets furent déposés. Six jurés, élus par les concurrents (Ch. Garner, Vaudremer, Germain, Questel, Coquart, Lefuel), furent adjoints à la commission. Le projet romano-byzantin de Paul Abadie fut classé premier; les dix suivants reçurent des indemnités de 15.000 à 20.000 francs.
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Basilique du Sacré Coeur : la statue de Saint-Michel.
La statue de saint-Michel et un lanternon, au Nord de la basilique du Sacré-Coeur.

Construction 

La première pierre (un bloc de marbre rose qui a été déplacé depuis et se trouve aujourd'hui dans la crypte) fut posée le 16 juin 1875 par le cardinal Guibert, assisté de douze évêques et au milieu d'un grand concours de peuple. 

La question des fondations faillit tout arrêter. Pour supporter une masse de pierre aussi considérable, la butte serait-elle assez résistante? Un puits d'exploration permit de constater que les anciennes carrières ne s'étendaient pas au-dessous de l'emplacement prévu, sauf sous une petite partie du portail. Il restait à considérer la nature du terrain. Au-dessus da l'épaisse couche de gypse qui constitue la partie inférieure de la butte, s'étend une couche de marnes blanches et vertes, puis à la surface une couche de sable. Sur des marnes et sur du sable matériaux instables et sujets aux glissements, il ne fallait pas songer à appuyer les fondations, même au moyen d'un lit de béton, comme le voulait Abadie. AIphand proposa de creuser 83 puits de 33 mètres de profondeur, que l'on comblerait de meulière et de chaux hydraulique et qui, joint par d'épaisses arcatures, constitueraient de solides fondations. Ce projet représentait des dépenses énormes (l'établissement des seules fondations coûta plus de quatre millions), qui firent un moment hésiter le cardinal. Pourtant, confiant dans la générosité des fidèles, il contresigna le projet, le 26 mai 1876. En attendant que la future basilique pût abriter les cérémonies et pour satisfaire au désir de Pie IX, une chapelle provisoire fut établie et bénie le 3 mars 1876; elle était desservie par les missionnaires Oblats de Marie-Immaculée, secondés par les Frères de la Sainte-Famille de Belley. Dès ce moment, les pèlerinages affluèrent.

Le travail des fondations commença la 5 juin 1876: il dura deux ans. Voici, sommairement, les principales dates de la construction :

Célébration de la première messe dans la chapelle Saint-Martin, 21 avril 1881; crypte, 1878-1883; pourtour du choeur et porche, 1883-1884; absides, 1885; inauguration de la crypte et de l'abside par Mgr Richard, successeur de Mgr Guibert, 19 novembre 1886; voûte et couverture du choeur, 1886-1887; façade méridionale, 1889; façades occidentale et orientale, et en hauteur 56e assise, 1890; ouverture de l'église au culte, 5 juin 1891; achèvement des quatre petits dômes, 1896; pose de la clef de voûte du grand dôme, 11 décembre 1898; bénédiction de la croix, 17 octobre 1899; inauguration solennelle du dôme et des coupoles, le 22 juin 1900; construction du campanile, 18 juin 1905-14 juin 1912; pose de la dernière pierre, 2 août 1914.
Cependant un certain nombre d'événements notables marquèrent l'histoire de la basilique. D'abord, une opposition violente contre le principe même du Voeu national. Le 5 octobre 1880, le conseil municipal de Paris adressa au gouvernement une pétition pour lui demander le retrait de la loi du 24 juillet. En 1882, un projet d'abrogation de cette loi fut présenté au Parlement par Delattre. Le cardinal Guibert s'attacha à démontrer qu'il était impossible d'arrêter une oeuvre à l'achèvement de laquelle plus de 3.500.000 souscripteurs étaient intéressés et pour laquelle 12 millions de francs avaient été déjà dépensés. Le ministre de l'intérieur, Goblet, s'opposa au vote d'urgence, et le projet d'abrogation fut abandonné. Il fut repris en 1891 (proposition Dumay) et en 1897 (proposition Gérault-Richard) sans plus de succès.
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Basilique du Sacré-Coeur : une gargouille.
Une des gargouilles du sacré-Coeur.

L'architecte, P. Abadie, étant mort le 2 août 1884, fut remplacé par Daumet, l'architecte du Palais de justice. Celui-ci voulut apporter au projet de son prédécesseur des modifications qui ne furent pas approuvées par le Comité et se retira en 1886. Il fut remplacé par Rauline et Laisné. En revanche, le plan d'Abadie ne parut pas suffisamment poussé en ce qui concernait le campanile. Ceux de Daumet et de Rauline, également écartés, l'un comme trop modeste, l'autre comme trop élevé, c'est Lucien Magne, successeur de Rauline en 1904, qui fit prévaloir le sien, et les substructions durent être refaites à cet endroit.

La dépense totale dépassa 40 millions de francs. Elle fut couverte par les souscriptions des fidèles, inscrites dans le Bulletin du Voeu national. Les contributions prirent toutes les formes. Il y en eut un grand nombre d'extrêmement modestes. Si tel diocèse, telle communauté, telle association professionnelle souscrivait pour toute une chapelle ou un autel dans la future basilique, d'autres se contentaient d'un pilier ou d'une simple pierre. Une pierre valait 300 ou 120 francs et, pour les plus humbles donateurs, on avait établi des carnets de 300 et 120 francs, divisés en tickets de 0,10 F. Le zèle des fidèles non seulement a toujours répondu aux demandes, mais, le plus souvent, les a devancées.

Consécration définitive.
L'église, terminée, devait être inaugurée le 17 octobre 1914. La cérémonie fut ajournée par la guerre, qui, du reste, multiplia le nombre des pèlerinages et le nombre des adhérents aux diverses associations de Sacré-Coeur. Le 5 août 1919, une lettre pastorale du cardinal Amette, archevêque de Paris, annonçait que la consécration de l'église du Voeu national au Sacré-Coeur de Montmartre aurait lieu le 16 octobre 1919, en l'octave de saint Denis, sous la présidence du cardinal Vico, cardinal-évêque de Porto, et Sainte-Rufine, préfet de la Congrégation des Rites, légat du pape, et qu'elle serait suivie (les 17, 18, 19) d'un triduum.

La cérémonie eut lieu au jour dit, conformément à la liturgie grandiose des dédicaces. Le cardinal-archevêque devait consacrer le maître-autel et vingt autres évêques les quatorze autres autels de la basilique et six autels de la crypte :

Saint-Michel, Mgr Guérard; Saint-Louis, Mgr Gibier; B. Marguerite-Marie, Mgr Berthoin; Saint-Labre, Mgr Julien; Saint-Joseph, Mgr Roland-Gosselin; Saint-Coeur de Marie, Mgr Germain; Saint-Luc, Mgr Chollet; Saint-Ignace, Mgr Schaepfer; Sainte-Ursule, Mgr Chesnelong; Saint-Vincent-de-Paul, un vicaire apostolique lazariste; Sainte-Radegonde, Mgr de Durfort; La Marine, Mgr Leroy. 

Crypte : Sainte-Geneviève, Mgr Marbeau; Saint-Dominique, Mgr Altmayer; Saint-Bruno, Mgr Déchelette; Saint-François, Mgr de Gibergues; Saint-Pierre, Mgr Lemonnier; Mater Dolorosa, Mgr Péchenard.

A 5 h 1/2, les reliques des martyrs Pius, Demetrius, Pacificus et des saints honorés dans la basilique, exposées la veille à Saint-Pierre, furent transportées dans un oratoire édifié entre cette église et le Sacré-Coeur. A 7 h 1/2, le cardinal-archevêque bénit la basilique et en fit trois fois le tour, en frappant trois fois à la porte, qui ne s'ouvrit qu'à la troisième. Pénétrant dans l'église, il traça sur la cendre les alphabets grec et latin et bénit le « sépulcre », cavité réservée dans l'autel pour y déposer les restes des martyrs. Puis ont alla quérir ces reliques au reposoir; on les porta en procession, et elles furent déposées, puis scellées, dans les sépulcres, A 10 h 1/2, les fidèles furent admis; à 11 h 1/2, le légat célébra la messe pontificale : 8 cardinaux français, le cardinal anglais Bourne, 110 membres de l'épiscopat, de nombreux curés assistaient à la cérémonie. Dans l'après-midi, le cardinal-légat procéda à l'érection de l'église en basilique (titre qui confère à une église certains privilèges honorifiques), et le P. Janvier, prédicateur de Notre-Dame, prononça un sermon, qui fut suivi d'un salut solennel.

Description de la basilique

Extérieur
Les principales dimensions de l'édifice sont les suivantes : longueur, 85 mètres; largeur, 35 mètres, longueur de la nef, 60,90 m; altitude du lanternon de la coupole au-dessus du sol, 83,33 m; hauteur de la coupole sous clef de voûte, 54,94 m; diamètre de la coupole, 16 mètres; altitude de la croix du campanile, 91,04 m.

La basilique est construite en pierre blanche et dure des carrières de Souppes, près de Château-Landon. Elle appartient au style romano-byzantin. Si sa partie antérieure, caractérisée par un amas de coupoles, a bien l'aspect byzantin, sa partie postérieure, avec ses absides et absidioles, se rattache aux traditions romanes. Tout l'édifice est recouvert d'un robuste dallage à écailles.

La façe méridionale, qui regarde Paris, présente d'abord un porche à terrasse, précédé d'un escalier et divisé en trois arcades, auxquelles correspondent les trois portes de la basilique. Les tympans de ces portes sont ornés chacun d'un bas-relief (au centre le soldat Longin perçant le coeur de Jésus, par Fagel; à droite, Saint Thomas met sa main dans le côté ouvert de Jésus, par H. Lefebvre; à gauche, Moïse frappe la pierre du désert, par Fagel, 1903-1904). Les trois portes elles-mêmes, en bronze fondu, posées tardivement (celle de droite ne l'était pas encore le jour de la consécration), oeuvres de l'architecte Lucien Magne et du sculpteur Séguin, sont ornées dans la partie supérieure de six bas-reliefs d'Hippolyte Lefebvre représentant des scènes de l'Evangile. Au-dessus du porche, s'étend une surface percée de trois baies, celle du centre entièrement ouverte, les deux autres garnies dans leur tympan d'un bas-relief (à droite, Jésus et la Samaritaine, par André d'Houdain; à gauche, Marie-Madeleine aux pieds de Jésus, par Louis Noël). Le fronton triangulaire qui domine la façade est coupé en son sommet par une niche où est logée la statue du Sacré-Coeur, par Michel, haute de 5 mètres; sur le socle, on lit : 

Cor Jesu sacratissimum, miserere nobis. 
La grande coupole s'élève sur la croisée de la nef et du transept. Du dehors, on distingue la rangée des vingt haute fenêtres; plus haut, la corniche ornée de corbeaux, gui sont des portraits des collaborateurs de l'oeuvre; puis l'arcature de la galerie extérieure; le dôme; le lanternon, le dôme du lanternon et la croix. Les quatre petites coupoles occupent les quatre angles, entre les quatre bras de la croix. Les deux façades latérales Est et Ouest, avec leurs baies étroites, sont d'une décoration très sobre, presque nue. L'abside, surmontée de la statue de Saint Michel, en cuivre, par Sicard (inaugurée le 26 juin 1908), est entourée de six absidioles et terminée par le campanile qui fait face au nord. Tout autour de l'édifice, court un saut-de-loup, large de 4 mètres, profond de 8 mètres, sur lequel prennent jour, faiblement du reste, les fenêtres de la crypte.
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La Basilique du Sacré Coeur, à Montmartre.
La façade méridionale de la basilique du sacré Coeur, avec sa silhouette massive.

Intérieur.
Si, pénétrant à l'intérieur de la basilique par la porte principale, on passe en revue les chapelles, toutes décorées de statues, de vitraux, de mosaïques et de dallages multicolores dont les sujets et les motifs décoratifs sont empruntés à la légende du ou des saints qui y sont honorés, on trouve, en commençant par la droite :

1° La Chapelle Saint-Michel ou de l'Armée, toute garnie d'ex-voto militaires, placée aussi sous le patronage de Jeanne d'Arc (sur l'autel, statue de l'archange Saint Michel, par Louis Noël; sur le côté, statue de Jeanne d'Arc, par Fagel; 

2° Chapelle de Saint-Louis ou du Barreau; 

3° Tribune du Commerce et de l'Industrie, terminant le transept Est, due aux souscriptions des habitants de Lyon et de Tourcoing, décorée de la grande verrière de la Vierge d'après Marcel Magne;

4° Chapelle de la Bienheureuse Marguerite-Marie, enrichie d'un luxueux autel

5° (de 5 à 11, nous rencontrons les chapelles absidiales) la Chapelle de Saint-Labre, contenant le monument de L. Veuillot, par L. Fagel; 

6° Chapelle Saint Jean-Baptiste, offerte par le Canada et l'ordre de Malte;

7° Chapelle Saint-Joseph; 

8° Chapelle de la Vierge on du Saint-Coeur-de-Marie, qui, selon l'usage le plus habituel, est la chapelle du chevet et occupe par conséquent la base du campanile; elle est remarquable par le détail de son architecture, par l'autel que surmonte la Vierge de Crauk et par la mosaïque de l'Assomption (70 m², exécutée par René Martin d'après les cartons de Marcel Magne);

9°,puis, en revenant par la gauche, nous voyons : la Chapelle des Saints Luc, Côme et Damien ou des Médecins;

10° la Chapelle d'Ignace de Loyola, consacrée à l'ordre des jésuites

11° Chapelle Sainte-Ursule, où se trouve une Sainte Geneviève de Bogino, payée par 300.000 souscriptions à 10 centimes;

12° Chapelle de Saint-Vincent-de-Paul; 

13° Tribune de l'Agriculture, terminant le transept Ouest, éclairée par la verrière de la Nativité, d'après Marcel Magne;

14° Chapelle de Sainte-Radegonde et des Saintes reines de France, due principalement au diocèse de Poitiers;

15° Chapelle de la Marine, avec la statue Stella Maris, de Fagel.

Si, dans l'ensemble, l'intérieur de la basilique ne paraît pas aussi bien éclairé qu'on le désirerait d'une église romane et byzantine, l'effet de la grande coupole, vue obliquement des bas côtés, n'en est pas moins fort imposant. Sur les quatre pendentifs, figurent quatre anges, sculptés par Barrias, Michel, Louis Noël et Fagel. Au-dessus, une rangée d'arcades aveugles, puis la ligue des vingt hautes fenêtres, qui se trouvent malheureusement placées un peu trop haut pour éclairer le choeur; au bas des fenêtres, court un balcon intérieur, d'où l'on a une vue intéressante du choeur et des offices.
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Plan du Sacré Coeur.
Paris : l'intérieur du Sacré-Coeur.
Plan de la basilique du Sacré-Coeur.
L'intérieur du Sacré-Coeur.

Entre le dôme extérieur et la coupole intérieure, un espace est aménagé, où sont logés les quatre arcs-boutants qui soutiennent le lanternon et l'escalier à jour qui y conduit.

A gauche, au milieu de l'arc du transept, la chaire en marbre de Carrare, à laquelle on accède par un double escalier, s'élève sur des colonnettes de marbre précieux, avec des ornements en mosaïque d'émail. En face, le banc d'oeuvre, également en marbre de Carrare, est surmonté d'un monolithe où est sculpté, du côté de la nef, le Christ en croix et, vers les bas côtés, la Vierge (par H. Lefebvre).

Le choeur est richement orné. Les rampes d'accès sont décorées des écussons des chapitres. L'appui de communion est en fer forgé et en cuivre repoussé. Le dallage est formé d'un entrelacement de marbres multicolores et de mosaïques. La voûte, en cul-de-four, est destinée à être revêtue d'une vaste mosaïque de 375 mètres carrés, oeuvre de Marcel Magne, L.-O. Merson et R. Martin. Les dix-huit stalles sont construites en bois d'essences variées, y compris le fameux cèdre du Liban, envoyé par le patriarche des Maronites. Les panneaux des dossiers représentent David, Elie et les prophètes : c'est un curieux travail de marqueterie, où trente-six bois divers ont été employés, Le maître-autel, en marbre de Sienne, est l'oeuvre de Rauline. Le retable représente Jésus en croix et, de chaque côté, les apôtres. Au-dessus, s'élève l'exposition monumentale ou ciborium, où, depuis le 1er août 1885 et grâce à un roulement établi entre les fidèles volontaires, le Saint-Sacrement est perpétuellement exposé. Une statue de Saint Pierre, en bronze, réplique de celle de Saint-Pierre de Rome, est adossée au choeur.

Les douze croix de consécration fixées aux piliers représentent, sur des fonds de mosaïque, les douze apôtres.

La crypte.
La crypte, haute de 9 mètres, reproduit, au moins dans son pourtour, la disposition de l'église supérieure. L'entrée, qui se trouvait primitivement sous le porche principal et qui, maintenant, donne dans le saut-de-loup à gauche, est fermée par des portes en bronze, copies de celles du baptistère de Florence.

De droite à gauche, nous trouvons successivement les chapelles :

1° Sainte-Geneviève;  2°Saint-Denis; 3° Saint Dominique; 4° Saint-Jean-l'Evangéliste (ou Saint-Alphonse-de-Liguori ou N. D. du Perpétuel-Secours); 5° Saints Benoît, Bernard, Gertrude; 6° Saint-Bruno; 7° Jésus enfant et enseignant; 8° Sainte-Famille (dans le sous-sol du campanile et sons la chapelle de la Vierge), 9° Sainte Thérèse; 10° Saint-Latuin et Sainte-Opportune; 11° Sainte-Anne et Sain-Joachim; 12° des Amis de Jésus (Sainte-Madeleine, Saint-Lazare et Sainte Marthe); 13° Sainte-François d'Assise, Sainte-Claire et Sainte-Colette; 14 Saint-Martin (la première inaugurée en 1881); 15° Saint-Rémy.
Au centre de la crypte est la chapelle des Morts, avec ses trois nefs et ses trois autels; au-dessus de l'autel central, la Pieta, de Coutan. Dans les angles, les statues agenouillées des cardinaux Guibert et Richard. Dans les degrés de l'autel, s'insère la première pierre, en marbre rose. Adossée à cette chapelle et faisant face à celle de la Sainte Famille, au milieu de l'abside, la chapelle de Saint-Pierre, par l'heureuse disposition rayonnante de ses sept arcs, commande les sept chapelles de l'abside. Ces deux chapelles centrales ne peuvent recevoir qu'une lumière artificielle.
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Plan du Sacré Coeur.
Plan du Sacré Coeur.
L'église et son campaniles vus du Nord. 
© Photos : Serge Jodra, 2013.

Campanile.
On y distingue trois parties : 

1° le soubassement, qui contient la chapelle de la Vierge et qui est creusé sur chaque face d'une arcade à trois baies; 

2° le clocher proprement dit, où l'on distingue, entre les colonnettes, l'escalier de pierre, et qui se termine, parla réunion envoûte de ses piles d'angles, en une sorte de loge, destinée à contenir le carillon (aux quatre angles, on aperçoit les quatre anges, de Dampt); 

3° la flèche conique, reposant sur une galerie de colonnades et portant le lanternon.

C'est en bas du clocher, au-dessus de la chapelle de la Vierge, qu'est suspendue l'énorme cloche surnommée la Savoyarde. Offerte par la Savoie, fondue à Annecy en 1891, baptisée le 20 novembre 1895 sous le nom de Françoise-Marguerite du Sacré-Coeur, elle est la plus grosse cloche de France, pèse 18.835 kilogrammes, a 3,06 m de haut et 3,04 m de diamètre. Elle est décorée de sculptures et d'une inscription latine. Elle donne l'ut d'en bas. Le battant pèse 850 kilogrammes. Pour ne pas trop ébranler l'édifice, on se contente habituellement de la faire tinter au moyen d'un mécanisme électrique : elle ne sonne à toute volée que dans les occasions solennelles.

Vue d'ensemble.
Le choix d'un emplacement tel que le sommet de la butte Montmartre pour la construction d'un édifice religieux dans la capitale d'un pays laïc comme la France peut être discuté et l'a été, surtout à l'époque où la IIIe République instaurait la séparation des églises et de l'Etat
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Statue du chevalier de La Barre.
Le chevalier de la Barre. - Un lutte sourde n'a cessé d'opposer à travers des symboles, autour de la basilique du Sacré-Coeur les Républicains laïcs et les Catholiques. Ainsi, la statue du chevalier de La Barre, supplicié et tué pour n'avoir pas ôté son chapeau lors d'une procession religieuse, et que les Républicains firent ériger devant le parvis de l'église en construction, en 1885. 

Cette statue fut déplacée dans l'actuel square Nadar (Rue Saint-Eleuthère), tout près de là, en 1927, puis enlevée et détruite sous le régime de Vichy, en 1941. Une nouvelle statue la remplace au même endroit depuis 2001. 

Le nom donné en 2003 au square Louise-Michel, devant le parvis de l'église, en référence à une des héroïnes de la Commune, relève de même antagonisme. (La butte Montmartre avait été un des hauts-lieux de cette révolte, et l'édification du monument avait été motivé, entre autres raisons, pour "l'expiation des crimes de la Commune"). 

L'architecture de la basilique a aussi été fort critiquée. Beaucoup ont regretté de ne  pas voir s'élever, à la pointe de la butte, la silhouette élancée d'une église gothique. Mais il est remarquable que, sur les 78 projets présentés, il y en ait eu tout au plus 5 ou 6 de style gothique. Il y a sans doute à cette préférence une raison péremptoire, et c'est la forme du terrain. La longueur en est, relativement à la largeur, tout à fait insuffisante pour l'établissement d'un plan gothique. En outre, une église gothique eût été d'une construction encore plus lente, plus coûteuse et beaucoup moins résistante aux intempéries qui s'exercent sur cette hauteur. La plupart des concurrents ont dû choisir des églises d'une forme ramassée, ce qui les a conduits, le plus souvent, à proposer des édifices du type de Saint-Augustin. Cela admis, il faut reconnaître que la basilique, vue de près, donne d'abord une déception par ses proportions écrasées (de même qu'en dedans la nef manque de profondeur); on la trouve plus petite que l'on n'avait pensé. Il est juste d'ajouter aussitôt que, quand son entourage aura été mis au point, les baraques et chantiers enlevés, qu'on y accédera par une rampe monumentale courant autour d'un château d'eau et que les jardins de ses flancs auront été aménagés, elle réalisera plus complètement; même de près, les voeux de son architecte. Mais c'est surtout de loin qu'elle reprend son avantage. Qu'on la regarde du nord de Paris, par exemple du boulevard de Courcelles, soit que sa masse blanche apparaisse éclatante dans le soleil, soit qu'elle s'estompe mystérieusement dans le brouillard, elle domine partout Paris de sa silhouette mystique, et l'effet qu'elle produit est très grand. (Robert La Jarrie).

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Dictionnaire Villes et monuments
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