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![]() | L'Escurial, ou El Escorial ou plus exactement San Lorenzo, en Espagne![]() ![]() - ![]() Le palais de l'Escurial (San Lorenzo). L'édifice se dresse au milieu d'une plaine rocheuse et dénudée, tourmentée par les vents, et est, par son aspect général, en harmonie avec ce site sauvage. Sa masse énorme, aux lignes droites, en granit jaunâtre et blafard, laisse une impression de torture et d'écrasement; on voit que l'on a devant soi non un palais ou une église, mais un couvent maussade et froid. « La ligne est perpendiculaire, disait Achard, l'angle droit, l'architecture aride et nue, l'ornementation proscrite; de grands murs, percés d'innombrables fenêtres, ferment les cours; les arêtes plates des toits se profilent sur le ciel. Aucune fantaisie, aucun fleuron, aucune sculpture ne rompt la monotonie des ligues. On sent partout l'oeuvre d'un esprit taciturne qui avait haussé la règle au rang du devoir. »Th. Gautier dit à peu près de même : « Rien n'est plus monotone à voir que ces corps de logis à six ou sept étages, sans moulures, sans pilastres, sans colonnes, avec leurs petites fenêtres écrasées qui ont l'air de trous de ruches. C'est l'idéal de la caserne et de l'hôpital; le seul mérite de tout cela est d'être en granit.»Par un caprice, bien caractéristique de son imagination sombre et bizarre, Philippe II voulut que le monument élevé à saint Laurent rappelât par sa forme le gril sur lequel le saint ![]() ![]() Le palais de l'Escurial. La façade principale de l'édifice occupe le côté qui regarde vers l'Ouest; elle est décorée de trois portails, construits avec des blocs d'une grosseur extraordinaire et dont celui du milieu est surmonté d'une grande statue en pierre de saint Laurent; de là, un vaste vestibule voûté conduit dans le Patio de los Reyes, place quadrangulaire de 62 mètres sur 36, bordée de hautes constructions à cinq étages; cette entrée ne s'ouvrait pour les rois d'Espagne et les princes de leur maison que dans deux occasions solennelles, la première fois, après leur naissance, lorsqu'on les portait à l'Escurial, la seconde lorsqu'on allait déposer leur dépouille mortelle dans le caveau funéraire. Au fond de la cour s'élève la façade de l'église avec un beau péristyle, surmonté de six statues colossales en granit représentant six rois de Juda : à David et à Salomon le sculpteur s'est efforcé de donner la ressemblance de Charles-Quint et de Philippe II. L'église même, où l'on pénètre ensuite, est un vaste édifice, construit en granit et orné fort sobrement, avec des piliers énormes où sont taillés des escaliers tournants et qui supportent une vaste coupole terminée par une lanterne; une boule creuse en bronze de 2 mètres de diamètre, terminée par une croix, s'élève à 95 mètres du sol et domine tout cet ensemble. L'église a 48 chapelles, avec de beaux tableaux des maîtres espagnols pour retables; la capilla mayor, décorée avec une richesse extraordinaire de marbres précieux, de statues de bronze doré, de peintures Les nefs voûtées sont décorées aussi de belles fresques de Lucas Giordano et datant seulement du règne de Charles II. Ce qui, aux yeux des Espagnols pieux, forme la principale richesse de cette église de l'Escurial, c'est la grande quantité de reliques
Sous l'église se trouvent les caveaux qui servent à la famille royale d'Espagne. Un large escalier, aux marches de granit, et plus bas, de marbre précieux, mène d'abord à un caveau, comme l'antichambre des morts, qu'on appelle le Pudridero; c'est là qu'on laisse les morts achever leur décomposition, avant de les descendre plus bas, soit dans la Panthéon, soit dans le caveau des infants et des reines. Le premier de ces caveaux, qui sont à droite et à gauche de l'escalier, est une pièce octogone, haute et grande, revêtue de marbres précieux et d'ornements de bronze doré, avec des niches sur les côtés, renfermant des cippes de marbre noir pour recevoir la dépouille des rois et des reines qui ont laissé succession. Vingt-six tombes sont occupées; la plus ancienne est celle de Charles-Quint. Le caveau des infants et des reines sans succession est plus simple et on compte cinquante et une niches occupées.
Derrière l'église, l'Escurial présente une cour et au delà un autre corps important de bâtiments qui constituent le cloître inférieur et le cloître supérieur et la bibliothèque. Une cour carrée, entourée de galeries d'un joli style et avec des pavés précieux, est à remarquer dans le cloître inférieur; un grand escalier, chef-d'oeuvre de Jean-Baptiste Castello, avec de belles fresques de Giordano représentant la bataille de Saint Quentin, est peut-être ce qu'il y a de mieux au point de vue de l'art dans tout le monument. La bibliothèque des imprimés est dans une vaste salle de 52 mètres de long, décorée de belles fresques de Carducci et de Pellegrini, meublée de tables de marbre et de porphyre les volumes, au nombre de 130 000, sont généralement reliés avec luxe, et quelques-uns sont remarquables par leur rareté ou parce qu'ils ont appartenu à de grands personnages. La bibliothèque des manuscrits, qui se trouve dans une salle au-dessus, est une des plus précieuses collections de ce genre; elle renferme 4300 manuscrits arabes, persans, grecs, où Casiri, Dozy, Hartwig Derenbourg, Codera comme orientalistes, Miller et Graux comme hellénistes, ont fait d'intéressantes découvertes; on cite parmi les manuscrits curieux une bible grecque qui a appartenu à l'empereur Cantacuzène, des codes espagnols, un code arabe de 1049, un magnifique Ptolémée, un Coran Il faut encore mentionner, parmi les corps de bâtiments de l'Escurial, le collège, un couvent de hiéronymites, le palais. Cette dernière partie de l'édifice est une suite d'appartements meublés dans le style des diverses époques, suivant le goût des divers monarques qui y ont séjourné. Des meubles précieux, de vieilles tapisseries espagnoles ou flamandes, des tableaux de toutes les époques, même des Teniers, les décorent, mais les meilleures toiles, qui autrefois en formaient un musée des plus riches, ont été heureusement réunies à celles du musée de Madrid (Prado). « On y rencontre, dit encore Th. Gautier, plus d'architecture que de végétation; ce sont de grandes terrasses et des parterres de buis taillé qui représentent des dessins pareils à des ramages de vieux damas, avec quelques fontaines et des pièces d'eau verdâtre. »L'Escurial, après Philippe II, demeura surtout un couvent, occupé par 200 hiéronymites; l'été seulement, la cour y venait passer quelques semaines et amenait un peu de vie. Elle préfèrera ensuite à ce morne séjour les frais ombrages de La Granja, de San Ildefonso ou les plages de l'Océan, et le monument n'est plus occupé que par les moines. Il attire toutefois encore le visiteur par sa vieille réputation, par son site et son architecture extraordinaires, par ce qui lui reste de richesses artistiques et littéraires. (E. Cat.). |
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