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![]() | La croisée d'ogives est l'organe caractéristique du système d'architecture![]() ![]() La présence de ce genre de voûte est le signe qui permet de distinguer un édifice gothique de tout autre ; il a eu pour corollaires immédiats l'arc-boutant et le tiers-point. L'emploi simultané de ces trois éléments - voûtes à nervures, contreforts à longue portée contre-butante ou arcs-boutants, arcs brisés ou en tiers-point vulgairement appelé ogives, caractérise l'édifice gothique complet. Mais toute construction où se montre d'une façon systématique la voûte d'arêtes appareillée sur nervures appartient par son essence à la famille gothique. Cet artifice de structure est le facteur unique de tous les progrès, de toutes les transformations. Tout en dérive avec une logique merveilleuse : la forme des baies, des arcs et des points d'appui. Sans l'admirable découverte de la croisée d'ogives, l'architecture du Moyen âge On comprendra qu'un artifice de construction qui a produit de tels résultats, mérite un examen attentif. Il convient, d'abord, de définir la fonction mécanique de cette membrure architectonique. Les constructeurs romans étaient restés aux prises avec la voûte en berceau et la voûte d'arêtes en blocage que leur avait léguées les Romains. Ceux-ci avaient en quelque sorte éludé les points vifs du problème des voûtes par l'emploi d'un ciment qui donnait à leurs voûtes l'homogénéité d'une concrétion métallique et noyait l'effort des poussées dans l'épaisseur des piles de soutien. ![]() Croisées d'ogives dans la cathédrale d'Amiens. © Photo : Serge Jodra, 2009. Malgré les modifications ingénieuses qu'ils y avaient apportées, tels qu'adjonction des contreforts à l'extérieur, des arcs doubleaux à l'intérieur, emploi des moellons taillés et appareillés pour les voûtes d'arêtes, etc., les architectes de l'époque romane n'avaient pu remédier au vice intrinsèque de cette forme de construction : à l'effort diffus et continu des poussées. Les voûtes romanes s'étaient presque toutes effondrées; tout au moins se fendaient-elles et se gauchissaient-elles sous l'action des poussées obliques. Quant aux plafonds de bois, les risques d'incendie les avaient fait depuis longtemps abandonner. C'est alors que, pour remédier à cet état de choses désastreux, quelques constructeurs avisés eurent l'idée d'appuyer leurs voûtes d'arêtes appareillées, d'une épure si difficile, surtout lorsqu'il s'agissait des voûtes tournantes, sur plan irrégulier, d'un rond-point absidal, d'appuyer, dis-je, ces voûtes sur une armature de pierre indépendante, une croisée de nervures, en un mot, sur laquelle les segments de voûte vinrent s'appliquer résolument en ramenant sur ces nervures toute la charge et, par suite, toute l'action des poussées. Cet expédient, en apparence naïf, avait en lui-même une valeur immense; il devait acquérir rapidement l'efficacité d'une formule scientifique et permettre de résoudre sans difficulté les problèmes les plus complexes du système d'équilibre. Cet admirable artifice permit désormais de couvrir sans danger de larges espaces, de jeter dans les airs des voûtes hardies, de diminuer progressivement l'épaisseur des piles, de résoudre avec aisance le problème, jusque-là insoluble, des déambulatoires, de s'adapter avec une liberté parfaite aux plans les plus mouvementés et au développement magnifique des ronds-points à doubles collatéraux. La découverte de la croisée d'ogives émancipa l'architecture religieuse et fit sortir du sombre et lourd vaisseau roman la svelte construction gothique. Elle associa définitivement le plan basilical au principe des poussées obliques et devint l'expression suprême du système d'équilibre. Tout l'art gothique est là. ![]() Croisées d'ogives de Notre-Dame de la Sède (Saint-Lizier). © Photos : Serge Jodra, 2009 - 2011. Ceci posé, on doit aborder la question si délicate et si controversée des origines de la croisée d'ogives. Deux points sont à élucider. La croisée d'ogives fut-elle connue et pratiquée des Anciens? A quel moment et dans quelle région apparaît-elle dans la structure des églises? Sur le premier point les opinions ont beaucoup varié. Quicherat, qui penchait à lui attribuer une origine orientale et même antique, émit l'opinion que les fameux cancri, sur lesquels reposait le phare d'Alexandrie, l'oeuvre colossale de Sostratès de Cnide, qui subsista jusqu'au XIIIe siècle, étaient de véritables branches d'ogives à la façon des nervures gothiques. Mais, si habilement groupés que soient les arguments mis en cause par le savant auteur, l'explication des documents reste hypothétique. Il suffit de faire remarquer qu'il serait, en vérité, bien étonnant que les Grecs, s'ils eussent connu et pratiqué sur une telle échelle un artifice de construction aussi remarquable que la voûte sur une croisée d'ogives, ne l'eussent pas appliqué à d'autres édifices, et surtout que les Byzantins, si habiles en l'art de bâtir et incessamment préoccupés d'augmenter les ressources du système d'équilibre, ne s'en soient pas emparés. Les croisés, de leur côté, pas plus que les rares pèlerins qui avaient gagné la Palestine Au contraire, tout tend à prouver que la croisée d'ogives est née en Occident, au nord de la Loire L'architecture romane y avait eu des débuts modestes, presque pauvres, mais dégagés de toute influence étrangère. L'école d'architecture qui s'y était fondée devait presque tout à son propre fonds; elle avait cette dose de liberté nécessaire au développement de l'initiative. L'étude attentive de cette école, pendant le cours du XIe siècle, met en évidence ses qualités individuelles : un goût pour la nouveauté, la fertilité d'invention, le besoin de logique et de méthode, un sentiment très délicat de la mesure de l'harmonie, un mélange singulier de prudence et de hardiesse. On doit tenir compte aussi de l'essor de prospérité, qui entraîna comme une fièvre de construction, dans ce petit pays de France, au début du XIIe siècle, et qui coïncida avec un grand mouvement religieux. Dans cette région, les changements caractéristiques de la structure des voûtes y suivent un développement régulier, synchronique et d'uune rigueur presque mathématique. Le classement et le groupement comparatif des églises rurales, théâtre d'élaboration du nouveau système, devaient jeter une lumière décisive sur une question demeurée jusque-là fort obscure. Viollet-le-Duc en était resté à Saint-Denis et au choeur bâti par Suger, de 1144-1150; Verneilh, à Saint-Louis de Poissy |
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