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Atlantes

Des Atlantes sont des figures mâles, parfois isolées, parfois adossées à des piliers ou à des parties de construction et servant à supporter un membre d'architecture, un entablement complet, la charpente d'un édifice ou même un motif décoratif. L'origine des atlantes, appelés par les latins Telamones (Vitruve, VI, 7), peut être recherchée dans l'antique Egypte; mais leur nom, dérivé de celui du géant Atlas, a pour radical le verbe grec tlaw = supporter, duquel vient aussi le nom propre Télamon qui désigne un héros grec dont le fils Ajax, surnommé le Télamonien, dut à sa vigueur peu commune d'avoir donné son nom aux telamones. Il ne faut pas confondre les atlantes ou télamons avec les Caryatides, ce dernier terme d'un sens plus général, quoique désignant surtout les figures féminines. Cependant, vers la fin des guerres médiques, un portique fameux, construit à Sparte, du butin fait sur les Perses, était supporté par des colonnes de marbre blanc sur lesquelles, d'après Pausanias (Laconie, Xl), étaient figurés différents chefs de l'armée ennemie et, parmi eux, Mardonius et Artémis, reine d'Halicarnasse. Ce portique était dit des Perses ou persique et des auteurs modernes ont conservé ce dernier nom à un ordre d'architecture dans lequel les colonnes sont remplacées par des statues d'hommes rappelant les atlantes ou les persiques, réservant ainsi plus particulièrement le nom d'ordre des Caryatides à l'ordre dont les supports consistent en figures féminines.

Les anciens Egyptiens ont tiré un assez grand parti, dans la décoration de leurs monuments, de figures colossales appliquées sur des piliers portant la construction; mais ces figures, qui présentent généralement le pharaon constructeur du monument avec les attributs du dieu Osiris, d'où le nom d'Osiriaques donné aux piliers qu'elles décorent, ne sont pas de véritables atlantes et n'en remplissent pas la mission, laquelle est, comme autrefois celle d'Atlas, de porter un fardeau. En revanche, l'Egypte vit s'élever de véritables atlantes vers l'an 655 avant notre ère, dans la cour construite par Psammétique à Memphis, pour le "boeuf" Apis (Hérodote, II, 153) et, bien avant cette époque, dans le pavillon royal de Ramsès Ill, à Médinet-Abou (ruines de Thèbes), pavillon dont les façades, construites sur la cour, offrent de vastes dalles saillantes supportées par des prisonniers prosternés et comme écrasés sous leur fardeau. 

Les anciens empires de l'Asie, dans leurs édifices aussi gigantesques que ceux de l'Egypte, virent aussi employer, à état de supports, des figures humaines ou des représentations d'animaux. C'est ainsi que nombre de divinités fantastiques sculptées sur les parois des temples de l'Inde, nombre de lions ou de taureaux ailés à tête humaine formant jambages de portes à l'entrée du palais de Persépolis ou des palais de Nimroud et de Khorsabad répondent parfaitement à l'idée qu'exprimaient chez les Grecs les figures symboliques servant de supports qu'ils appelaient atlantes. Il en est de même de certaines sculptures trouvées dans les ruines du Yucatan et sur d'autres points de l'Amérique centrale, tant, fut à peu près général, à toutes les époques et sous toutes les latitudes, ce besoin de symbolisme inhérent à l'art et transformant un élément de construction en un motif de sculpture historique. 

Un des plus anciens exemples d'atlantes que nous offre le monde grec peut être reconstitué dans les ruines d'Agrigente, sur l'emplacement du temple célèbre de Zeus Olympien dont il faut faire remonter la construction vers la fin du Ve siècle avant notre ère. D'après l'ingénieuse restauration de Cockerell, les murs de la cella ou travée centrale de ce temple étaient remplacés par douze piliers carrés correspondant aux points d'appui des ailes et sur ces piliers carrés intérieurs s'élevaient, formant comme un second ordre plus petit ou ordre d'attique, supportant la charpente du toit de la cella, de grandes et fortes figures, à l'allure quelque peu barbare, hautes de plus de sept mètres et demi et dont de nombreux tronçons gisent encore sur le sol. Mais de tous les atlantes que l'art grec nous ait légués, les plus curieux modèles sont les atlantes provenant du théâtre de Dionysos, à Athènes. De ces atlantes en marbre représentant des satyres nus et datant d'une belle époque de l'art grec (vers l'an 330 av. notre ère), quatre au musée du Louvre et un au musée de Stockholm étaient connus sans qu'on puisse en soupçonner l'origine véritable et ce n'est qu'à la suite des fouilles faites, en 1862, par l'architecte Strack, sur l'emplacement du théâtre de Dionysos, que d'autres atlantes, retrouvés non loin de leur place primitive et que l'on suppose avoir décoré le mur du fond de la scène, vinrent attester par leur analogie frappante une communauté d'origine indéniable avec les quatre atlantes du musée du Louvre dont nous reproduisons un ici.

Atlante.
Atlante, d'après un marbre
du musée du Louvre.

D'autres atlantes, trouvés dans les ruines du même théâtre et figurant des silènes accroupis, supportaient la corniche du proscenium et montraient ainsi les deux attitudes le plus généralement affectées par les anciens à ce genre de supports. Au reste, les Grecs, comme avant eux les Egyptiens et plus tard les Romains, les peuples du Moyen âge et les artistes modernes, n'hésitèrent pas à employer les atlantes ou les caryatides en dehors de ce rôle et appliquèrent la figure humaine dans des données toutes d'ornementation : c'est ainsi que, si des atlantes servaient de supports à la tente sous laquelle Alexandre le Grand donnait des audiences royales après la conquête de l'empire perse aussi bien qu'au plancher supérieur du fameux vaisseau construit par ordre de Hiéron II de Syracuse (Athénée, V, 208); pour les objets mobiliers, cuillers de bois ou de bronze, lampes, pieds de miroir en métal, pieds de table et de candélabre en marbre ou en bronze, les tombeaux égyptiens et grecs et plus tard les villes ensevelies sous les laves du Vésuve nous en ont conservé un grand nombre sur lesquels ces figures humaines, utilisées avec charme, élégance et parfois grande originalité, rappellent les atlantes primitifs. 

L'art romain n'eut garde de négliger l'emploi de statues comme supports ou consoles, et des atlantes agenouillés sont encore en leur place primitive dans les ruines du petit théâtre et des thermes à Pompéi, ainsi qu'aux thermes de Corneto, tandis que les ruines du Portique des Eponymes permettent de reconstituer à Athènes même des atlantes de l'époque romaine. L'art funéraire ne dédaigna pas non plus l'emploi des atlantes pour supporter ou décorer les sarcophages, et le Moyen âge, à son tour, les prodigua dans les poses les plus diverses et parfois les plus licencieuses au milieu des stalles des églises de l'époque ogivale. 
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Fenêtre de l'Hôtel Fieubet, à Paris (4e arrondissement).
Atlantes del'Hôtel Fieubet, à Paris. (© Photo : Serge Jodra, 2009).

Avec la Renaissance, les atlantes furent employés comme dans l'Antiquité le plus souvent ainsi que des caryatides et mêlés parfois à ces dernières, mais parfois aussi tout à fait isolés : c'est ainsi qu'un des plus anciens exemples d'atlantes, sous la Renaissance, est offert par le tombeau de Philippe Pot, tombeau du XVIe siècle, conservé de nos jours à Dijon et qui représente l'effigie du défunt couchée sur une dalle que supportent huit moines encapuchonnés. Michel-Ange et avec lui les plus grands artistes de cette période, comme après eux leur élèves, tirèrent grand parti des atlantes, et, sous Louis XIV, nous voyons le célèbre Pierre Puget préluder aux oeuvres qui lui assurèrent une si grande place dans l'histoire de l'art, en ornant d'atlantes et de caryatides les nefs royales que lui commanda le grand amiral de France, M. de Brézé, et en sculptant les fameux atlantes de l'hôtel de ville de Toulon

Enfin, au XIXe siècle, à l'extérieur des édifices comme dans leur décoration intérieure, dans l'ameublement comme dans l'orfèvrerie, les atlantes se rencontrent fréquemment alternés avec les caryatides, ainsi qu'en fournissent de beaux exemples les édifices publics ou les riches habitations des grandes villes. (Charles Lucas).

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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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