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L'Egypte.
Dès son début l'art
égyptien
apparaît complet et les conditions hiératiques qui imprimaient
leur cachet sur toutes les productions furent observées fidèlement
jusqu'à la chute de l'empire romain ,
qui avait fait de ce pays une des provinces de son immense territoire.
Cette longue période n'est pourtant pas exempte de différences
sensibles dans les procédés d'exécution. On remarque
dans les monuments des dynasties primitives une recherche de la vérité
qui s'atténue dans les temps moins anciens, pour disparaître
sous l'influence du style grec. L'ameublement égyptien, étroitement
uni avec le style des monuments ( L'architecture
égyptienne), présente la même succession d'efflorescence
et de déclin.
Les nombreuses peintures
qui décorent les tombeaux et les temples nous révèlent
tous les détails de la vie égyptienne, et les hypogées
de ce sol conservateur ont rendu au jour des spécimens de tous les
objets qui meublaient les maisons de cet ancien peuple. Comme dans tout
l'Orient, les habitations formaient de vastes cours ou des jardins entourant
une fontaine centrale, avec des pièces
étroites et impénétrables au soleil, qui servaient
de chambres à coucher. Des peintures à
fresque décoraient l'intérieur de ces habitations et
les couleurs en étaient variées avec un goût très
original. Les scènes qui y sont représentées étaient
empruntées à divers jeux, aux travaux de la campagne, aux
bienfaits des inondations du Nil
et aux épisodes de la chasse.
Trône
égyptien.
Le même sentiment de la réalité
dirigeait la composition des meubles que l'on voyait dans les demeures
des riches Egyptiens. Les lits étaient
supportés par des pieds de lion, de chacal, de taureau ou de sphinx,
tandis que le chevet était formé par les têtes de ces
mêmes animaux; les fauteuils,
les chaises, les tabourets
étaient souvent ornés de griffes et de jambes d'animaux revêtus
de couleurs brillantes; d'autres s'appuyaient sur des figures de
vaincus. Les pieds de certains sièges
pliants suivaient les lignes du cou et de la tête du cygne. D'autres
fauteuils, dont les musées possèdent des spécimens,
étaient en bois de cèdre incrusté d'ivoire
et d'ébène avec des sièges en jonc solidement tressé.
Des nattes et des tapis aux couleurs vives
et quelquefois historiés revêtaient les sièges de ces
meubles ou couvraient le sol des appartements. Des guéridons, des
tables
rondes, des tables de jeu et des boîtes de toute grandeur répondaient
à l'éclat du reste du mobilier. Des ustensiles de toilette
travaillés en bronze, en os ou en bois
et dont les manches imitaient des fleurs, des
animaux ou des personnages humains, ainsi que des vases
en matières précieuses et en faïence
émaillée, servaient d'accompagnement au luxe intérieur
que déployaient les Pharaons et leurs grands officiers.
Le style de toutes ces pièces d'ameublement
démontre que l'art égyptien
était pourvu d'une véritable originalité et qu'il
s'appuyait sur l'étude de la nature autant que le lui permettait
la constitution hiératique qui le régissait. On y constate
en même temps un sentiment de la couleur qui donne à chaque
objet un éclat polychrome. Ces
deux tendances, nettement accusées, forment un contraste frappant
entre la vie morale de ce peuple assujetti aux étroites abstractions
d'un mysticisme rigoureux ( La
Religion
égyptienne), tandis que le principal objectif de son art est
de saisir les diverses manifestations de la vie extérieure dans
toute leur liberté.
La Mésopotamie.
Les populations du Levant et de la Mésopotamie
nous ont laissé moins de renseignements que les populations des
bords du Nil. Les découvertes des villes de Ninive
et de Babylone, celles faites en Chaldée
, etc. donnent cependant une idée du mobilier qui existait au cours
des deux ou trois derniers millénaires avant notre ère dans
cette région du monde. On trouve par ailleurs, dans les grands bas-reliefs
de Ninive, la représentation de pièces monumentales du mobilier
des anciens monarques orientaux. Ce sont des trônes,
des tables dont les pieds à griffes de
lion reposent sur des cônes renversés qui rappellent la forme
des pieds en toupie des meubles modernes; des tabourets du même style;
des chars avec un siège décoré
de figures de cheval, dont les bras sont appuyés sur des bustes
de captifs. Les collections publiques possèdent des fragments nombreux
de bronze qui ont servi de revêtement
à des meubles de ce genre et quelques débris en bois qui
ont été exhumés des ruines de l'Assyrie .
Dans ces monuments, l'art des bords du
Tigre apparaît moins délicat et moins souple que celui de
l'Egypte .
Si la statuaire de l'Assyrie connaît le drame et le mouvement, qui
furent toujours étrangers aux peuples du Nil, elle pousse souvent
l'énergie jusqu'à l'exagération de la force, aux dépens
du goût que leurs rivaux observaient toujours. La Phénicie
et la Judée ,
voisines et vassales le plus souvent de l'empire assyrien, n'ont jamais
été en possession d'une esthétique particulière.
Les vestiges que l'on a découverts sur leur sol sont peu importants.
Les villes de Tyr
et de Sidon
ont surtout servi d'intermédiaires entre les peuples de l'Asie
et les habitants de l'Europe ,
auxquels ils apportaient les ustensiles et les marchandises de l'Orient.
La Grèce.
La Grèce
avait des occasions fréquentes de connaître les produits de
l'art oriental, par suite de l'établissement des colonies
helléniques dans l'lonie .
Pendant longtemps les artistes grecs s'inspirèrent des oeuvres des
Perses
et des Chaldéens, mais à la
suite des guerres contre Darius et Xerxès,
leur essor se développa avec un éclat incomparable.
Les peintures
des vases antiques retracent toutes les conditions
de la vie civile dans la Grèce. On y retrouve les occupations du
gynécée
avec les meubles et les ustensiles qui garnissaient les habitations privées.
Ces tableaux ont souvent engagé les archéologues à
tenter la restitution intérieure des maisons athéniennes,
malgré la difficulté que présente ce travail spécial
auquel il manque toujours la note exacte du fait contemporain.
L'habitation antique était au reste
bien différente de nos demeures modernes. Les anciens auteurs apprennent
que la majeure partie des ustensiles figurant dans les maisons étaient
en bronze et que les plus précieux étaient
incrustés de métaux précieux. C'était à
proprement parler moins des meubles que des oeuvres d'art.
Le travail du bois
n'était pas inconnu en Grèce .
Athènes,
la grande ville manufacturière du monde ancien, à laquelle
aucune manifestation de l'art n'était étrangère, envoyait,
jusque dans les colonies grecques
du Palus-Méotide, des objets d'ameublement dont l'exquise délicatesse
excite notre admiration. Ces pièces, destinées à servir
d'échange avec les grains des plaines de la Scythie ,
ont été retrouvées dans les tombes des rois barbares
du Bosphore Cimmérien .
Rome.
Nulle part l'amour du luxe intérieur
ne fut poussé plus loin qu'à Rome
où affluèrent toutes les richesses du monde ancien lorsqu'il
eut été soumis par les armées
de la République .
La catastrophe, heureuse pour l'archéologie, qui a enseveli sous
des torrents de boue et de lave incandescente, les villes d'Herculanum
et de Pompéi, nous a conservé
tous les détails de la civilisation romaine
à son époque la plus florissante. Ces deux cités campaniennes ,
relativement voisines de la capitale, étaient habitées par
une population à demi grecque, qui aimait à s'entourer des
productions de l'art hellénique. Les maisons de Pompéi, rendues
à l'air libre, présentent le spectacle historique le plus
intéressant qu'il soit possible de contempler; le visiteur y retrouve
vivante l'habitation antique avec sa distribution intérieure et
le caractère de sa décoration. L'ameublement tout entier
de ces demeures a été transporté dans les salles du
Musée national de Naples. C'est là
seulement que l'on peut connaître la variété des meubles
qui garnissaient les appartements et la perfection d'exécution que
porte chacune de ces pièces. Comme nous l'avons vu en Grèce ,
la plupart des objets mobiliers sont en bronze.
On y remarque des lits à pieds formés
par des balustres travaillés au tour
avec des têtes de bélier ou de cheval; des sièges
pour une ou pour plusieurs personnes offrant la même disposition;
des banquettes, des tables et des trépieds
dont les montants sont supportés par des figures ou par des animaux
fantastiques; des candélabres dont les motifs sont d'une variété
inépuisable, et des grands coffres dont
les ais de bois moulés dans la cendre ont pu être reconstitués
pour recevoir leurs appliques primitives de bronze.
-
Trépied
romain.
(musée
de Naples)
L'ébénisterie
de luxe était très en faveur à Rome et les intarsieurs
luttaient avec les mosaïstes pour la
finesse d'exécution de leurs panneaux décoratifs. Pline
l'Ancien donne des renseignements complets sur les diverses essences
de bois employées pour l'ameublement romain. Il signale les folies
que faisaient les amateurs de son temps pour l'acquisition des tables de
citre (thuya) , dont le prix avait atteint des proportions inouïes.
Certaines fresques de Pompéireproduisent
des scènes d'intérieur, mais aucune ne peut lutter avec l'intérêt
que présentent, à cet égard, les peintures de la maison
découverte sur le mont Palatin
à Rome et que l'on croit avoir été
l'habitation de Livie. Nous ajouterons que les
bibliothèques du Vatican
et de Milan conservent des manuscrits
dont les miniatures, exécutées
au Ve siècle
de notre ère, fournissent les plus précieuses indications
sur les détails intérieurs de la vie romaine qui resta la
même, jusqu'au moment où l'empire succomba sous la pression
des Barbares.
Un rameau puissant s'était détaché
du vieux tronc romain, lorsque Constantin,
adoptant la ville de Byzance, y transporta la capitale de l'empire. Constantinople,
moins exposée que Rome aux invasions,
défendit plus longtemps son indépendance politique et garda
mieux, par suite, ses traditions artistiques. Elles subirent cependant
une transformation, au contact de l'Orient, et ce nouvel élément
donna, naissance à l'art byzantin ,
dont les assises primitives reposent sur la conception grecque. Les mosaïques
de l'ancienne basilique de Sainte-Sophie,
à Constantinople; celles de la ville de Ravenne
et les nombreuses peintures des manuscrits conservés dans nos bibliothèques
publiques, montrent les dispositions intérieures des palais de Justinien
et de ses successeurs. On y voyait des galeries et des salles soutenues
par des colonnes de marbres
rares, avec des draperies de pourpre, dans lesquelles le souverain apparaissait
comme une divinité, assis sur un trône de métal précieux
orné de pierreries. Le faste oriental tendait sans cesse à
remplacer le goût artistique par la richesse de la matière.
La valeur intrinsèque de ce mobilier devait amener promptement sa
disparition et il n'en subsistait que de rares souvenirs, lorsque la conquête
de Constantinople par les Ottomans vint
implanter la domination musulmane sur les bords du Bosphore .
(A. de Champeaux). |
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