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XIe
et XIIe siècle.
La France
des premiers Capétiens est le berceau
de la littérature française, et
le XIe siècle entendit ses bégaiements.
Elle a commencé par l'épopée. La première
forme musicale que la langue française adopta est la longue strophe monorime
et irrégulière consacrée aux exploits des paladins de Charlemagne.
Rien n'était mieux fait pour venir en aide à la mémoire de ces vieux
poètes qui savaient émouvoir ou peindre avec énergie, et qui ne savaient
pas écrire.
La Chanson de Roland ,
par un art véritable de composition, par la conviction sérieuse et ferme,
par la force des images et quelquefois la beauté de l'expression, mérite
le nom d'épopée. Mais en est-il beaucoup d'autres? Faut-il nommer du
nom d'épopées cette foule de compositions qui ont amusé les Médiévaux
sans autre intention visible que celle d'enchérir sur les conceptions
merveilleuses du prédécesseur, ou même de faire rire les auditeurs aux
dépens de Charlemagne et des héros du temps passé? Quoi qu'il en soit,
si la littérature française n'a pas son Virgile,
elle a eu Ennius, un Ennius anonyme; car le Théroulde
à qui certains critiques font honneur de la Chanson de Roland est
un poète problématique qui a été gratifé d'une existence posthume.
Quant à l'époque de cette vieille épopée, il serait intéressant de
penser que ces strophes imposantes dans leur vétusté sont celles-lÃ
mêmes que fit entendre le trouvère guerrier
Taillefer, chantant Roland, dans la bataille qui
décida, en 1066, de la conquête de l'Angleterre ;
mais ces vers frustes, que nous possédons, sont encore d'une langue rajeunie
par rapport à ceux que Taillefer jetait au milieu de la mêlée, et la
Chanson de Roland ,
telle qu'elle existe; paraît être des premières années du XIIe
siècle.
On appelle Chansons
de geste les poèmes du cycle carolingien
consacrés à Charlemagne, à sa famille
et à sa cour. Ce nom exprime plutôt les prétentions que la nature de
ce genre littéraire. Ces chanteurs ou rapsodes qui débitaient des couplets
de quinze ou vingt vers de dix syllabes terminés par une assonance,
en s'accompagnant de la viole, ce n'était rien moins, à les en croire,
que les historiens des guerres de Charlemagne contre les Arabes et les
Saxons. Dire le vrai est la principale vertu
dont ils se piquent, et leur protestation de véracité est le premier
de leurs lieux communs.
Comme ces fruits qui perdent leur saveur
en mûrissant, la vieille poésie épique
française semble s'être corrompue à mesure que la forme des vers se
perfectionnait. Malgré l'assonance devenue à la fin du XIIe
siècle une véritable rime, malgré l'essai du croisement des rimes dans
un même couplet, la Chanson de geste tomba
dans le discrédit. Elle fut peu à peu remplacée par les poèmes de la
Table ronde, et par les romans
d'Alexandre ou de la guerre de Troie ;
oeuvres plus savantes, plus polies, mais il leur manqua le souffle héroïque
et l'heureux hasard d'un génie créateur.
Lambert le Court
et Alexandre de Bernay écrivirent vers
la fin du XIIe siècle, non plus pour des
auditeurs qu'assemblait la vielle du trouvère,
mais pour des lecteurs et pour des esprits un peu lettrés, le Roman
d'Alexandre, ou Quinte-Curce singulièrement
enrichi de peintures chevaleresques, de prodiges et de magie. Ils nous
ont donné le vers alexandrins, le
vers français par excellence. Cependant on se ferait illusion, si l'on
croyait qu'il a jailli tout armé du cerveau de notre trouvère de Bernay.
Le vers de Corneille et de Racine
est né monorime comme celui des Chansons de geste;
ou plutôt c'étaient deux vers de six pieds, dont le second seulement
se terminait par une rime ou sept fois répétée.
Trois noms de rois dominent la poésie
épique de ce temps, Charlemagne, Alexandre,
Arthur. Alexandre est considéré comme le type
idéal d'un monarque brillant, prince victorieux, esprit passionné pour
la science et les arts, en un mot tel que pouvaient le désirer les poètes.
Mais Alexandre n'était pas populaire : il n'y avait pas, par le pays de
légende sur son compte. Son nom n'était pas attaché à ce torrent, Ã
ce rocher, à ce précipice, hantés par l'imagination du peuple. Arthur,
au contraire, avait sa légende et sa chronique comme Charlemagne, mais
plus délicate, Plus raffinée. Les Chansons
de geste carolingiennes sont tout animées de l'esprit guerrier; elles
ne connaissent qu'une vertu, le courage; qu'un crime, la trahison. La légende
d'Arthur se complique de toutes les nuances de l'amour,
de la chasteté, du mysticisme chevaleresque,
répandues sur un fond touchant et mélancolique ( La
littérature courtoise). La Bretagne ,
qui a trouvé dans son coeur cette légende, racontait qu'Arthur, son roi,
combattant contre les Saxons, envahisseurs de son royaume, avait disparu.
Ce prince, idéal nouveau d'une royauté aimée, quoique malheureux, elle
l'ornait de toutes les vertus, et l'entourait des chevaliers les plus parfaits.
Mais en passant de Bretagne en Angleterre
et en France ,
cette loyale et religieuse histoire d'Arthur et de la recherche du Saint-Graal
s'altéra profondément. Pour le fond, elle ouvrit carrière à l'imagination
romanesque, et devint le répertoire de la galanterie de ces temps reculés.
Sans doute l'esprit français y apprit à exprimer ces délicatesses de
la pensée et du sentiment, qu'il goûte si bien. D'autres altérations
plus graves firent de ces poèmes du cycle d'Arthur de longues histoires
d'un amour qui n'était pas toujours l'amour ingénu, et la reine Guenièvre,
représentée d'un pinceau trop fidèle et trop curieux, fit tomber sur
le roi Arthur des malheurs qui n'ennoblissaient plus sa destinée. Pour
la forme, ces poèmes plus raffinés s'affranchirent de l'antique vers
monorime de six syllabes, et adoptèrent le vers octosyllabique à rimes
plates.
Le XIIIe
siècle.
Le XIIIe
siècle passe pour l'âge d'or de la littérature
française du Moyen âge ,
et, en effet, il est plus complet que le siècle précédent, plus créateur
que le suivant. Cette rare fécondité se répandit surtout en récits.
Outre des poèmes de chevalerie, la France de Louis
IX a fourni l'Europe
de narrations de toute sorte, pieuses, historiques,
fictives, allégoriques. A cette époque, il y eut toute une littérature
de fabliaux, pleine de peintures animées.
Ici point de bel esprit, point de pédanterie savante, chevaleresque ou
autre; encore moins d'intentions édifiantes ou morales.
Si le XIe
et le XIIe siècle ont inventé les Chansons
de geste, le XIIIe a créé la grande
épopée ironique du Roman de Renart ,
dont il n'est pas nécessaire aujourd'hui de faire l'éloge, et le Roman
de la Rose ,
autrefois jouissant d'une incroyable popularité, aujourd'hui peut-être
menacé d'une réaction injuste. Jusqu'au XIIIe
siècle, le Roman de Renart n'est qu'un canevas dont l'invention
même est disputée à la France par l'Allemagne ,
la Flandre ,
les Pays-Bas .
C'est le germe dont parle Pascal, et qui n'a pas
encore produit son arbre. Arbre est le mot propre pour caractériser cette
forêt, cette puissante végétation de trente mille vers, partagés en
une trentaine de branches ou gabets. Ces branches sont de différents auteurs;
quatre seulement se sont fait connaître, entre lesquels Pierre de Saint-Cloud
et Richard de Lison. Cette ample comédie aux cent actes divers a pour
personnages des animaux, mais représentant les passions humaines et les
vices du siècle; Noble, le lion, juge et souverain, le Charlemagne de
l'époque des bêtes; puis les seigneurs, Ysengrin le loup, ou la force
accompagnée de la sottise et de la voracité; Renart le goupil (Renart
est le nom d'un personnage du temps), ou la ruse triomphant partout en
ce monde; puis la plèbe, Chante-cler ou le coq, pauvre mari; Pinte ou
dame poule, image du sexe faible; Coarz, le lièvre fuyard; Drouineau,
le misérable moineau; sous ces masques la société tout entière décrite,
non pas en de longues énumérations , comme dans les poèmes allégoriques,
mais en action et dans des récits qui ne languissent pas, voilÃ
le roman de Renart.
Le Roman de Renart
avait ses précédents, non pas son modèle, dans les fables
d'Ésope, ou, comme on les appelait alors, les
ysopets (ou isopets). Le Roman de la Rose
a aussi ses sources et son origine, et ce sont les chansons d'amour. Non
seulement on y trouve le même sujet, mais la même manière de le traiter,
allégories galantes, abstractions fines. Thibaut,
comte de Champagne ,
dut à ses chansons gracieuses, quelquefois délicates, une réputation
qui passa même les Alpes. Sans doute ses chansons rappellent trop
les canzoni provençales et italiennes
pour avoir tout le prix de l'originalité; mais elles ont leur caractère
propre : la passion n'en exclut pas la finesse et même l'enjouement. Grâce
à une certaine perfection de style pour laquelle je le nommerais volontiers
le premier en date de ces poètes français classiques les vers de Thibaut
sont les plus modernes de tout le XIIIe
siècle; mais est-il bien sûr qu'ils n'aient pas été retouchés çÃ
et là ? Ajoutons qu'il a la bonne fortune d'avoir croisé les rimes masculines
et féminines : bonne fortune en effet, puisqu'il le doit à la musique
sur la quelle ses vers étaient mesurés. Voilà donc à sa source la grâce
principale du vers français : musicale tout ensemble et dédaigneuse,
elle a jailli de la viole de quelques grands seigneurs.
Le Roman de la Rose
appartient au XIIIe siècle par sa première
partie, et par son auteur, Guillaume de Lorris.
Est-il digne de la même admiration que le Roman de Renart ?
Oui, disent ceux qui tiennent grand compte du détail, et qui n'admettent
pas qu'une popularité de plusieurs siècles soit une erreur non, disent
ceux qui gardent rancune de l'ennui que leur ont causé les allégories
de la Rose, de Bel-Accueil, de Loisir, de Richesse. L'auteur de la première
partie de ce poème sur les peines et les plaisirs de l'amour
se distingue par le choix du détail, la naïveté des couleurs, la simplicité
au milieu même du raffinement. Cette vision d'un riant jardin où se cache
la Rose, allégorie de la Beauté, est un cadre ingénieux de la galanterie
de ce temps, non plus héroïque comme dans les romans
de la Table ronde ,
mais encore distinguée, aristocratique, telle qu'elle pouvait être pratiquée
par des classes riches, cultivées, et libres de leur temps. Ce n'est pas
seulement le code de l'amour; c'est le code de la politesse dans un siècle
qui sortait à peine de la barbarie et de la grossièreté. Avec Jehan
de Meung ce n'est plus simplement la clarté, la précision, la délicatesse,
qui font notre plaisir : c'est la vigueur des pensées, l'énergie des
peintures, quelquefois même l'éloquence du discours, que nous admirons.
En un mot, Guillaume de Lorris est un doux et agréable poète d'un temps
primitif, et Jehan de Meung un rare écrivain, d'une époque plus mûre,
quoique d'un siècle plus troublé. Jehan de Meung oublie, il est vrai,
son sujet qui était l'art de plaire : il en fait un cadre pour des discours
satiriques. Mais cette faute même fait sa supériorité : et que nous
importe à nous si l'amant va par le bon chemin à la conquête de la Rose?
Ne voilà -t-il pas un beau dénouement d'épopée?
J'aime bien mieux les quatre ou cinq digressions dans lesquelles Raison,
l'Ami, Nature, Génius, et surtout Faux-Semblant, touchent à toutes les
questions morales, politiques, sociales, et y laissent l'empreinte d'un
génie audacieux sans doute et désordonné, mais puissant et original.
D'ailleurs, ce que le goût sans système a jugé sur ce point, l'événement
le confirme; c'est Jehan de Meung qui a fait la grande popularité du Roman
de la Rose. Les allégories, lieu commun du Moyen âge ,
doivent être pardonnées à une oeuvre qui a porté la parleure délitable
dans toute l'Europe ;
c'est à travers ces allégories que la littérature
française, émancipée pour la première fois, et secouant un instant
tous les jougs, a essayé sa jeune liberté.
Les
Preux. - Dans les plus anciens textes français, dès la Chanson
de Roland, on constate l'existence du mot preux avec le sens de vaillant
et aussi de sage. Il était conforme à l'esprit du Moyen âge de chercher
à personnifier le type du preux; dans ce but, on fit choix de 3 héros,
3 païens ou Sarrasins, Hector, Alexandre, César; 3 juifs, Josué, David,
Judas Macchabée; 3 chrétiens, Artus, Charlemagne, Godefroy de Bouillon,
et c'est dans les voeux du Paon, poème composé par Jacques de Longuyon
vers 1312, que les neuf preux apparaissent pour la première fois. Mais,
au XIIIe siècle déjà , on avait eu l'idée
de prendre dans chacun des trois mondes chrétien, païen et juif des modèles
de ce que doit être le preux, puisqu'on trouve réunis dans la Chronique
de Philippe Mousket, de 1243, les noms d'Ogier, d'Hector et de Judas Macchabée.
C'est sans doute par erreur que l'on a quelquefois rangé, parmi eux, d'autres
personnages que ceux qui viennent d'être indiqués, mais il est certain
du moins que Du Guesclin a été considéré souvent comme un dixième
preux.
Les neuf preux jouent
un rôle dans les cérémonies publiques des XIVe
et XVe siècles. Monstrelet raconte que
les neuf preux à cheval accompagnaient le roi d'Angleterre à son entrée
dans Paris en 1431. Oh les représentait avec des barbes d'or et avec des
manches de satin tailladées et ornées de paillettes d'or. Les armoiries
des preux, qui se trouvent décrites d'abord dans la Chronique de Valenciennes,
à l'année 1336, ont été insérées ensuite dans plusieurs traités
héraldiques avec quelques variantes. On distinguait ces preux les uns
des autres par leurs armoiries et par des inscriptions eu vers qui offrent
des variantes parfois également. Ils étaient regardés comme les fondateurs
de la chevalerie et de l'art héraldique. Le succès de la légende est
attesté encore par ce fait que la série des neuf preux, bien des fois
gravée depuis, est représentée dans des estampes xylographiques : celles
d'une date antérieure à 1455, qui sont jointes à l'armorial du héraut
d'armes Berry, et les fragments de 1450 à 1460 trouvés à Metz.
Célébrés vers
1370 par Guillaume de Machaut, puis dans deux ballades d'Eustache Deschamps,
ils sont, au XVe siècle, le sujet de tout
un roman de chevalerie, le Triomphe des neuf Preux, où apparaissent
aussi les neuf preuses. On avait voulu, en effet, dresser de même une
liste de preuses, mais il n'en a jamais existé une qui soit bien fixée
; on trouve notamment, honorées de ce titre, Sémiramis, Tomyris, Déiphile,
Créuse, puis les reines des Amazones, Ménalippe, Lompédo, Orithye, Penthésilée,
Hippolyte; de même que les noms de cinq des neuf preux se retrouvent sur
plusieurs figures du jeu de cartes, il est vraisemblable que les quatre
dames de ce jeu, Judith, Pallas, Rachel et Argine, avaient été mises
au nombre des preuses.
Les preux et les
preuses sont constamment reproduits dans les tapisseries des XIVe
et XVe siècles, mais non toujours tous
à la fois; des pièces étaient souvent consacrées à l'histoire d'un
seul personnage. Ils étaient représentés aussi par des statues dans
les châteaux de Coucy, de Pierrefonds, de La Ferté-Milon, où ils donnaient
leurs noms à de grandes salles ou à des tours, et l'on peut voir encore
à la mairie de Hondschoote (dép. du Nord) des peintures figurant les
preuses auxquelles Jeanne d'Arc se trouve adjointe. La popularité des
preux n'a pris fin qu'au XVIe siècle.
(M. Barroux).
XIVe
siècle
Avec le seul nom de Jehan
de Meung, on fait l'histoire de la poésie au XIVe
siècle. Sa continuation du poème de Guillaume de
Lorris, suite quatre fois plus longue que le commencement, est une
image de son siècle tout entier. Dans l'art comme dans la poésie,
dans les cathédrales comme dans les romans,
le XIVe siècle est un continuateur. Mais
avec ce respect de la tradition il mêle une singulière indépendance;
il entre dans le plan des devanciers, en y apportant un esprit nouveau.
Après Jehan de Meung, la vieille poésie
française, celle qui était née en plein coeur du Moyen âge, ayant pour
cadre la langue d'oïl, et pour forme dernière
le vers babillard de huit syllabes à rimes plates, semble finie : elle
se répète, se raffine, et s'épuise. C'est maintenant le tour de la prose;
non que le XIIIe siècle n'ait prouvé
en ce genre encore sa fécondité : outre Villehardouin
et Joinville, il a des romans déjà en prose,
des fablauxdesrimés; il a Aucassin et
Nicolette ,
moitié en prose, moitié en vers; il a même des moralistes, si l'on peut
donner ce nom à l'auteur du Trésor, Brunetto
Latini, le maître de Dante, cet Italien
qui préféra notre parleure à la langue de la Vita nuova. Mais
Froissart est le premier prosateur de profession
; le premier entre les grands noms, il a entrepris de plaire sans employer
la mesure et la rime. Les vers qu'il a faits, en trop grand nombre, semblent
placés à côté de ses Chroniques pour mieux marquer la langueur
de la poésie et le triomphe de sa rivale.
Au sein d'un peuple cultivé, tout ce qui
arrive est de l'histoire; il n'en est pas de même des époques primitives
: il faut alors des événements extraordinaires, des spectacles puissants,
pour faire naître le sentiment du grand, sans lequel l'histoire n'est
pas. En France ,
les deux premiers textes historiques sont nés des Croisades ;
mais le sentiment du gand est surtout visible dans l'oeuvre de Geoffroy
de Villehardouin : sa Conqueste de Constantinople, narration
souvent éloquente sans le secours de l'art, est une belle inauguration
de l'histoire dans un siècle chrétien
et chevaleresque. La Chronique de Joinville,
plus conforme aux qualités familières de l'esprit français, est le premier
modèle de ces Mémoires où excelleront plus tard les écrivains
français. Merveilleux du pays lointain, admiration du roi Louis
IX, personnalité franche et naïve, on ne sait lequel des trois prête
le plus de charme du récit du bon sénéchal.
Mais Froissart
est à Villehardouin et à Joinville
ce que Jehan de Meung est à Guillaume
de Lorris. Il est un écrivain : nous pourrions même dire un lettré;
car messire Jean Froissart, prêtre de Valenciennes,
raconte par vocation, pour son plaisir et pour celui des lecteurs, ce qu'il
sait, non pour y avoir mis la main comme homme de guerre, mais pour l'avoir
vu et entendu comme savant clerc, habile en beaux récits. Peintre admirable
de toutes les scènes anecdotiques de son temps, il excelle à mettre sous
les yeux des situations. A ceux que les redites perpétuelles de la poésie
de ce temps attristent, il faut recommander la lecture de Froissart; ils
ne seront pas tentés de déclarer le XIVe
siècle un siècle de décadence. Au reste, ce siècle, que nous voyons
à travers les désastres de Crécy et de Poitiers,
à travers les troubles des minorités, des révoltes, de la guerre civile,
et le nuage sanglant de la Jacquerie, effaça
le précédent par les splendeurs, par la richesse, par la puissance. Il
est le siècle de la chevalerie jetant son plus vif éclat au moment de
sa ruine, et Froissart, qui dit si bien-:-"Si
suis venu au monde avec les faits et les aventures", en est le miroir
le plus fidèle. Le brave clerc flamand, né au pays des Rubens
et des Teniers, vécut entre la France
et l'Angleterre ,
se trouvant chez lui partout où il voyait princes, cours brillantes et
chevalerie. Ses pages sont tout empreintes du goût du monde et de l'amour
de la société. Il est peut-être le premier de nos lettrés qui ont vécu
dans les cours, et créé une littérature de l'aristocratie sans en être,
cherchant curieusement ses informations de toutes parts, mais, comme il
dit à merveille, "aux coûtages des hauts seigneurs de son temps".
XVe
siècle.
Le XVe
siècle est un temps d'arrêt dans toutes les littératures de l'Europe
: l'esprit moderne, Ã son confluent avec le courant de la Renaissance ,
sembla troublé, hésitant, avant de reprendre son cours grossi d'un si
magnifique tribut. Mais cette lenteur du XVe siècle
n'est pas tout à fait stérile : nous lui devons la ballade,
le rondeau, et la chanson,
telle qu'elle est parvenue jusqu'Ã nous; on lui doit le commencement
du théâtre français. La littérature
commence dès lors à présenter l'image d'un conflit qui devient manifeste
au siècle suivant, la lutte des petits genres avec des genres plus ambitieux
et plus savant. Alain Chartier et Christine
de Pisan sont les poètes savants de ce siècle; ils suivent le modèle
du Roman de la Rose ,
qui est le prototype de la poésie savante; surtout sous la plume de Jehan
de Meung; mais ils ont de plus hautes visées littéraires; ils passent
par-dessus Jean de Meung et Guillaume de Lorris
pour se mettre au niveau de Boèce et de Cicéron;
ambition louable, s'ils avaient été mieux servis par la langue, instrument
très imparfait et surtout par leur style plus imparfait encore.
Le Songe de Scipion et la Vision Boèce dominent toutes
leurs conceptions, et leur exemple sera fidèlement et ennuyeusement suivi
jusqu'à Jehan Marot, le père de Clément Marot
: toujours des visions, politiques, philosophiques, morales; la vision
est le cauchemar de la vieille littérature
française.
-
La maladie
du roi Charles VI, ballade
« Nous devons bien
sur tout autre dommage
Plaindre cellui
du royaume de France,
Qui fu et est le
regne et heritage
Des crestïens de
plus haulte puissance.
Mais Dieu le fiert
ados de poingnant lance,
Par quoy de joie
et de soulas mendie;
Pour noz pechiez
si porte la penance
Nostre bon Roy qui
est en maladie.
C'est grant pitié,
car prince de son aage
Ou monde n'iert
de pareille vaillance,
Et de tous lieux
princes de hault parage
Desiroient s'amour
et s'aliance.
De tous amez estoit
tres son enfance;
Encor n'est pas,
Dieu merci, refroidie
Icelle amour, combien
qu'ait grant grevance
Nostre bon Roy qui
est en maladie.
Si prions Dieu de
tres humble courage
Que au bon Roy soit
escu et defense
Contre tous maulz,
et de son grief malage
Lui doint santé,
car j'ay ferme esperance
Que, s'il avoit
de son mal allegance,
Encor seroit, quoy
qu'adez on en die
Prince vaillant
et de bonne ordonnance
Nostre bon Roy du'
est en maladie. »
(Christine
de Pisan).
|
Alain Chartier,
mieux inspiré dans ses traités moraux et politiques, trouva la prose
plus docile à ses imitations de la période cicéronienne ou florentine
et je veux croire que le baiser dont Marguerite d'Écosse honora les lèvres
du poète endormi, était destiné au prosateur. Quant à Christine de
Pisan, elle fut savante; et femme de lettres comme on en trouvait plus
d'une en son pays d'Italie .
Ses poésies sur les malheurs de la France,
son poème destiné à venger les femmes des méchancetés du Roman
de la Rose ,
contiennent quelques vers gracieux, mais bien moins que dans des ballades
dont peut-être elle ne faisait pas grand état.
La ballade,
la chanson, le rondeau,
telles sont les oeuvres modestes, mais originales, de la poésie du XVe
siècle. Ces petits genres, qui ne semblaient que des jeux de rimes, furent
l'école, la longue école de la poésie française. Le vers français
y fut pour la première fois coulé en un métal durable. L'envoi qui termine
surtout les ballades, antérieures à Villon,
adressé comme il est au prince du puy,
c'est-à -dire au président du concours de poésie, en rappelant l'origine
de ce genre, est une preuve qu'il était destiné à subir un jugement,
et que la molle facilité des vieux poèmes n'y était, plus admise. Béranger,
un arrière-neveu de Villon, mais plus sage, nous apprend que, le refrain
et le cadre une fois trouvés, sa chanson était faite, mais que le difficile
était de les trouver. Eustache Deschamps,
Charles d'Orléans, Villon, ont été
à leur époque de patients chercheurs de refrains et de cadres pour leurs
ballades. Pour combien faut-il compter le service rendu à la langue française
et à ses vers par des refrains heureux ou naturels, qui s'imprimaient
dans la mémoire du peuple? Eustache Deschamps, poète longtemps ignoré,
montra un des premiers ce que les petits genres pouvaient recevoir de grâce
et de délicatesse de l'esprit français Mais il trouva dans son coeur
de bon citoyen telle ballade qui s'élève à l'accent lyrique.
-
Ballade du
pauvre homme
« Roys, princes,
ducs, chevaliers et barons,
Pappe, clergié,
legalz [= légats] et cardinaulx,
Ausquelz pueples
communs obeissons
Ou temporel et en
foy, de noz maulx
Ont plus de mal
que leurs povres vassaulx,
Et vivent moins;
et dont puet ce venir,
C'uns povres homs
qui maine ses chevaulx
Voit quatre roys
et leur regne fenir [= finir]?
Je m'en merveil,
car ilz ont tous leurs bons,
Et se tiennent moistes,
fourrez et chaulx;
Et un ouvrier et
uns povres chartons [= charretier]
Va mauvestuz [=
mal vêtu], deschirez et deschaulx [= pieds nus];
Mais en ouvrant
prant en gré ses travaulx
Et liement [= gaiement]
fait son oeuvre fenir,
Par nuit dort bien;
pour ce, unz telz cuers loiaulx
Voit quatre roys
et leur regne fenir.
Les roys pensent
plus que nous ne faisons,
Et les prelaz ont
souvent moult d'assaulx
Pour leurs estaz,
pour maintenir leurs noms.
Et leur convient
avoir pluseurs consaulx [= conseillers]
Leurs grans avoirs
ne les font mie saulx [= sauf],
Ainçois [= mais
plutôt] les font souventefoiz languir;
Et uns povres qui
vit joyeus et baulx [= gaillard]
Voit quatre roys
et leur regne fenir.. »
(Eustache
Deschamps).
|
En faisant parvenir Charles
d'Orléans à la publicité, il y a deux siècle, le hasard s'est chargé,
pour ainsi dire, de le mettre en parallèle avec Villon, dont la popularité
n'avait jamais souffert d'éclipse. Le premier, poète princier et royal,
est, avec Thibaut de Champagne, une exception
brillante dans une noblesse qui demeura peu lettrée jusqu'au XVIe
siècle : il peut être aussi revendiqué comme un devancier par ceux des
écrivains français qui, par leur élégance, ont le plus, contribué
à faire de la poésie une poésie de grands seigneurs. Le second, François
Corbueil, décoré du nom de Villon pour ses villonneries ou dérèglements,
enfant de Paris et écolier de l'Université ,
mais écolier qui fuyait l'escolle, est à meilleur droit encore
un ancêtre, et sa lignée plus populaire compte un grand nom, La
Fontaine. Autre différence plus sensible; Charles d'Orléans imite
Pétrarque et les Italiens;
il se comptait aux subtilités allégoriques de Guillaume
de Lorris; Villon, plus gaulois, est admirable d'accent; de ses ballades,
de son Grand Testament, et même de ses Repues franches,
presque rien n'a vieilli, tout est vivant. Enfin Charles d'Orléans est
l'agréable poète d'une seule idée, l'amour; son vers enjoué ou doucement
mélancolique ne sort pas du sourire et des larmes, des charmes du printemps
et des ennuis de l'hiver. Villon a toutes les notes du coeur humain, il
est poète véritable, et on l'amoindrit quand ont en fait un joyeux compagnon
ou un mélancolique; gracieux et fin sans y songer, pathétique par l'énergie
des peintures; il rencontre l'élévation dans la bassesse même.
Sa ballade des Neiges d'antan est un joyau de la poésie
française.
Nous n'avons, pas nommé Olivier
Basselin, le foulon chansonnier de Vire, l'inventeur des vaudevilles,
ou Vaux de Vire; suivant l'étymologie traditionnelle. Mais avons-nous
les vraies chansons bachiques de cet artisan joyeux
et peu belliqueux des premières années du XVe
siècle? Contentons-nous d'avertir le lecteur que les chansons d'Olivier
Basselin ne furent connues qu'au commencement du XVIIe
siècle.
La prose, abonde au XVe
siècle, et les prosateurs sont rares : des chroniques, qui ne manquent
pas d'ambition; beaucoup de romans et de contes,
vieux poèmes et vieux fablaux desrimés,
parmi lesquels on remarque le nom de Louis XI;
des sermonnaires tels que Menot et Maillard, ingénieux à surprendre,
à émouvoir, à divertir le peuple, et dont nous sommes réduits à deviner
le vrai langage sous un latin qui est la platitude même; des orateurs
tels que Gerson, en de rares occasions politiques;
une prose courante, qui est tout à la fois l'oeuvre et l'instrument de
tout le monde; mais, au milieu de cette médiocrité en progrès, pas un
nom saillant, si ce n'est, à la fin du siècle, Philippe
de Commines.
De Froissart
à Comines il y a la distance du chroniqueur agréable et brillant à l'historien
grave et sérieux, l'intervalle entre la jeunesse et la maturité. Bien
que le conseiller du roi Louis XI n'ait écrit que ses Mémoires;
c.-à -d. ce qu'il a vu et su par lui-même, son livre s'est élevé
à la dignité de l'histoire, parce qu'il
est l'oeuvre d'un politique, et qu'il ne raconte que pour enseigner. Quel,
est cet enseignement? Pour le bien comprendre, il faut, je crois, avoir
lu Machiavel, c.-Ã -d. la loi politique
d'une génération de convoitises et d'astuces sanguinaires. La littérature
française a fait entendre la première, par la voix de Commines, sinon
le véritable accent de vertu indignée, du moins le langage d'une sagesse,
et pour me rapprocher de son style, d'une prud'homie bien inspirée par
l'expérience de la vie. Deux circonstances ôtent un peu de son autorité
à l'enseignement de Commines : il a servi sous Louis
XI, ce qui fait penser aux beaux discours de morale de Salluste;
il a passé de Charles le Téméraire
à Louis, ce qui refroidit un peu, pour nous les belles pages où il peint
la démence des despotes qui courent à leur ruine. Il est beau cependant
qu'en un tel siècle une plume, et celle d'un homme d'État,
se soit chargée de montrer comment; le respect du bien d'autrui et de
la vie humaine est la meilleure des habiletés.
Le
théâtre.
On ne saurait assez admirer le chemin
que le théâtre a fait du seuil des cathédrales,
où il est né, jusqu'à l'enceinte de pourpre, d'or et de lumière que
Louis XIV lui donna à Versailles.
Comme chez les Grecs, ses commencements
furent religieux et municipaux : les échevins de la commune en étaient
les chorèges naturels; le jour de la fête
patronale, on représentait une pièce religieuse, surtout quand le patron
était illustre et que sa légende méritait les honneurs d'un mystère.
L'Église
livrait au théâtre ses parvis, et lui prêtait ses ornements.
Le premier théâtre régulier, durable,
fut fondé à Paris, au commencement du XVe
siècle, par des artisans, sous le nom de Confrérie
de la Passion. On y joua le plus ancien et le plus populaire de ces
drames pieux, celui de la Mort du Christ, mais grossi de tous les
détails que l'entente déjà visible du dialogue amenait avec lui. Le
divertissement prit peu à peu toute la place dans les mystères
: on n'en peut dire autant de l'art; quand le mystère s'émancipa en des
tentatives nouvelles, il était déjà devenu le plaisir de la populace,
et il se perdait dans la vulgarité. Lorsque le parlement défendit, en
1540, la représentation des mystères, le goût public les avait sans
doute déjà condamnés. Ce n'est pas seulement un Eschyle
qui a manqué à ce théâtre religieux : il n'a pas rempli la condition
vitale de tout théâtre, celle de plaire également à tous.
Cependant, reconnaissons que le XVe
siècle, tantôt pédant, tantôt vulgaire, a donné naissance à l'art
dramatique en France .
Outre les mystères, les Confrères
de la Passion jouèrent des moralités,
dont les personnages étaient des vertus et des vices, allégories creuses
qui ne durent un peu de vie qu'Ã la satire morale et religieuse. Les Enfants
Sans-souci, première ébauche d'une troupe d'acteurs,
eurent en partage les Soties ou représentations
des folies humaines : ils mirent en action un texte fort guetté alors
dans toute l'Europe ,
la société tout entière considérée comme une maison de fous. Mais,
outre que ces satires ne vivaient que sous le bon plaisir des rois, elles
devaient s'épuiser bien vite et mourir de leur belle mort.
Les farces
ou comédies populaires, tirées des contes
et des fablaux, furent la seule branche féconde
de cet art encore naissant. Les clercs de la
Basoche, à qui échut en partage ce genre inépuisable comme la gaieté
française, sont les vrais devanciers de Molière.
La classique comédie de Patelin
de Brueys et Palaprat, au XVIIe
siècle, n'est qu'une froide copie de la célèbre farce de Maître
Pathelin, faussement attribuée à Blanchet
de Poitiers, et dont nous ne connaîtrons
jamais l'auteur. Peinture de moeurs et de caractères, scènes bien conduites,
bon style, mots heureux qui résument des situations Comiques, enfin tous
les secrets de l'art devinés comme par intuition et avec une avance de
deux siècles, n'est-il pas merveilleux de trouver tout cela dans une farce
anonyme? La meilleure pièce de Molière n'a pas fourni plus de proverbes
et de mots populaires.
Influence
de la littérature française sur les littératures étrangères
L'histoire de la littérature
française au Moyen âge
ne serait pas complète si l'on omettait de dire l'influence qu'elle a
exercée sur les littératures voisines. C'est l'épopée
française qui a joui de la plus grande vogue à l'étranger, et cela sans
doute dès la fin du XIe siècle. On a
traduit en anglais, mais à une époque
assez tardive Roland ,
Fierabras ,
Otinel ,
Ferraguti, les Conquestes de Charlemagne, et enfin Huon
de Bordeaux ,
à qui Shakespeare a emprunté le charmant
personnage d'Obéron du Songe d'une nuit d'été ;
en allemand, Roland (Ruolandes
Liet du curé Chuonrat), Mainet
(Kart Meinet de Stricker), Guillaume d'Orange
(Wolfram d'Eschenbach, Ulrich de Turheim et
Ulrich du Tüirlin); en néerlandais, Roland, Ogier le Danois ,
Guiteclin, Renaud de Montauban ,
Maugis ,
Girard de Vienne ,
Huon de Bordeaux ,
Mainet, Charles et Elegast, les Lorrains ,
Fierabras; en norois, Girard de Vienne, Beuve d'Hanstone et
l'immense compilation sur Charlemagne, la
Karlarnagnus Saga; en italien,
Beuve d'Hanstone, Berte ,
Mainet, Ogier le Danois, Renaud de Montauban, etc. (il faut noter que,
de bonne heure, les Italiens ne
se contentent pas de traduire, mais brodent beaucoup, si bien que la poésie
chevaleresque italienne du XVe et du XVIe
siècle ne se rattache à l'ancienne littérature française que par un
fond assez maigre sur lequel des remaniements successifs ont déposé une
couche épaisse d'italianisme); en provençal, Fierabras. L'Espagne
a connu aussi de très bonne heure la Chanson de Roland, mais au
lieu d'accepter docilement les chants des trouvères,
elle les a étouffés, par chauvinisme, sous des romances
qui en sont la contre-partie, mais qui ne leur en doivent pas moins leur
naissance.
Nous ne pouvons, on le comprendra, passer
de même en revue les imitations en langue étrangère des romans bretons
( Cycle d'Arthur),
des romans d'aventures, de la poésie
lyrique, etc. Il suffit d'indiquer le fait : les détails appartiennent
à l'histoire littéraire de chacun des pays intéressés. Nous notons
simplement que la force expansive de la littérature française va decrescendo
du XIIe au XVe
siècle. Au XIIIe siècle, le Roman
de la Rose
a encore un succès qu'on peut qualifier d'européen; mais, dès le XIVe
siècle, l'Italie
se fait la promotrice de la renaissance de l'Antiquité ,
et, pour un temps au moins, la France perd
peu à peu le singulier privilège qu'elle avait eu au Moyen âge
d'être comme le foyer littéraire de l'Europe
occidentale.
En regard de cette expansion de la littérature
française, les emprunts qu'elle a faits aux littératures étrangères
sont insignifiants. Au XIIe siècle, elle
doit certainement à la littérature
anglo-saxonne plus d'un sujet du cycle breton : c'est d'après l'anglais
que Marie de France compose son recueil de
fables (elle le déclare expressément) et
aussi, sans doute, plusieurs de ses lais. La
littérature allemande, qui a tant
emprunté à la littérature française, est demeurée absolument inconnue
en France au Moyen âge : même dans les légendes relatives à Charlemagne ,
elle n'a rien fourni. De la littérature
italienne, on n'a guère traduit que le Decameron
de Boccace (Dante a attendu
jusqu'au XVIe siècle). Cette traduction,
oeuvre de Laurent de Premierfait, exécutée à Paris
en 1414, a d'ailleurs exercé une influence incontestable sur la littérature
française du XVe siècle : il suffit d'indiquer
les Cent Nouvelles nouvelles .
C'est à une autre oeuvre de Boccace, le Filostrato, que se rattache
aussi la gracieuse nouvelle Troïle et Cressida ,
par Louis de Beauvau.
La littérature
française a une dette vis-à -vis de la littérature
provençale à propos de la poésie lyrique;
qu'on y ajoute, si l'on veut, quelques sujets de chanson
de geste (geste de Guillaume d'Orange ).
Voilà tout ce qui est arrivé en France des littératures voisines en
langue vulgaire. La littérature espagnole,
en effet, ne paraît à aucun degré, avant le XVIe
siècle, avoir agi sur la littérature française. (R. S.
/ A. Th). |
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