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Littérature allemande
La littérature allemande au XVIIe siècle
Aperçu
Le Moyen Âge
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La Réforme, qui avait imprimé d'abord un si vigoureux élan à la vie intellectuelle, finit par exercer sur la littérature une influence funeste. Dès la seconde moitié du XVIe siècle, on s'aperçoit que l'habitude des controverses religieuses a engendré une scolastique nouvelle : protestants et catholiques s'enfoncent dans des discussions insipides; plus d'inspiration, plus de vie intellectuelle et morale; la lettre a tué l'esprit. Une rupture se fait entre la science et la littérature : séparée du monde et de la littérature qui en est l'interprète, la science se perd de plus en plus dans les vides formules du pédantisme; séparée de la science, la littérature tombe dans la platitude et la vulgarité. Ajoutez à ces causes de dissolution la lutte du nord et du midi, le pays déchiré, les horreurs de la guerre de Trente Ans puis, après le traité de Westphalie, une paix aussi fatale que la guerre, l'asservissement de l'Allemagne à des moeurs qui ne sont pas les siennes, l'imitation absurde de la France de Louis XIV, la langue de Luther défigurée par des courtisans ridicules, les insupportables allures d'une diplomatie gourmée remplaçant la loyauté germanique et l'expression sincère de la nature. Jamais les lettres n'ont été plus pauvres; jamais la littérature allemande n'a traversé une période plus stérile.

La Silésie, qui a moins souffert de la guerre de Trente Ans que tout le reste de l'Allemagne, est le seul foyer qui reste encore; c'est de là que sortiront les principaux représentants de cette triste littérature du XVIIe siècle. On distingue dans cette période deux écoles silésiennes. La première est fondée par Martin Opitz (1597-1679), poète correct, esprit régulier, chef d'une réaction utile contre le désordre et la platitude de la poésie du temps du XVIe siècle. Martin Opitz offre plus d'un rapport avec Malherbe : il fixe les règles de la prosodie, et discipline la versification. A lui se rattachent Paul Flemming, écrivain aimable, qui visita la Russie et la Perse, et chanta, non sans noblesse, la mort de Gustave-Adolphe; André Gryphius, le fondateur du théâtre moderne; Frédéric de Logau, âme de poète dans un siècle sans poésie, et qui, longtemps inconnu et dédaigné, a mérité d'être remis en lumière par Lessing; enfin, André Tscherning, Enoch Glaeser, Henri Buchholz, auteurs de poésies lyriques, où l'on remarque toujours, à défaut d'inspiration, le goût de la correction et le désir de l'élégance.

Entre la première et la seconde école silésienne, se placent des poètes auxquels l'histoire doit aussi un souvenir: Jean Rist, presque aussi célèbre au XVIIe siècle que Martin Opitz lui-même; Robert Roberthin, Simon Dach, Paul Gerhardt, Knorr de Rosenroth, Gottfried Arnold, Wofgang-Christophe Dessler. Réservons une place à part, une place unique, au tendre et mystique poète Jean Scheffler, connu sous le nom d'Angelus Silesius (1624 -1677). C'est une apparition extraordinaire que celle de ce mélodieux chanteur. Ce n'est pourtant qu'une apparition isolée; une fleur de mystique poésie s'est épanouie tout à coup parmi les ronces; une humble voix s'est fait entendre au milieu des discussions pédantesques, comme pour attester que le coeur de l'Allemagne battait encore. Ce soupir si doucement exhalé n'arrêtera pas le bruit des controverses. Angelus Silesius n'a pas eu de maître au XVIIe siècle; il n'aura pas de successeur.

La seconde école silésienne, inaugurée par Hoffmann de Hoffmannswaldau (1613-1679), semble annoncer d'abord un revirement d'inspirations assez curieux; à la sécheresse savante de Martin Opitz, Hoffmann fait succéder une grâce toute voluptueuse. II n'y a pas d'écrivain allemand sur lequel les critiques soient moins d'accord : tandis qu' il est dénigré par les uns comme un imitateur de Guarini et de Marino, comme un rimeur emphatique, langoureux, toujours occupé à mourir par métaphore, d'autres juges, et  Gervinus à leur tête, aiment en lui un esprit joyeux, plein de grâce, qui proteste contre le pédantisme de Martin Opitz et d'André Gryphius. Ces deux opinions contiennent une part de vérité, et ne demandent peut-être qu'à être fondues ensemble. Hoffmann, comme Martin Opitz, a eu des disciples dévoués; les principaux sont Daniel-Gaspard de Lohenstein, Henri Muhlpfort et Christian Hallmann. On voit enfin apparaître vers la fin du XVIIe siècle quelques poètes mieux inspirés, les uns joignant la correction d'Opitz à la grâce d'Hoffmann, les autres attaquant avec vivacité les deux écoles silésiennes, tous en un mot, par des mérites divers, indiquant l'approche d'une période meilleure; c'est d'abord Christian Gunther, puis Christian Wernicke, le baron de Canitz et Henri Brockès.

Parmi les prosateurs du XVIIe siècle, nous signalerons en première ligne Buchner, professeur à Wittemberg, qui fit dans maintes dissertations ce que Martin Opitz faisait dans ses poésies, et fut avec lui la grande autorité littéraire de son temps. Citons ensuite les romanciers Philippe de Zesen, Henri Buchholz, le duc Antoine-Ulrich de Brunswick et Samuel Greifenson d'Hirschfeld. Ces deux derniers indiquent   les deux tendances opposées de la littérature romanesque : Samuel Greifenson est l'auteur d'un roman populaire intitulé Simplicissimus, vive peinture du monde réel, dramatique tableau des désordres de l'Allemagne pendant la guerre de Trente Ans; le duc Antoine- Ulrich de Brunswick a écrit, à l'imitation de Mlle de Scudéry, des histoires orientales et romaines, Aramène, Octavie, qui étaient comme le manuel de la société élégante du XVIIe siècle. Les historiens froids et médiocres ne doivent être mentionnés que pour mémoire: nommons donc Wilhelm Zincgref, Siegmund de Birken, Jacques Maskou et Henri de Bunau. Une place à part est due au savant voyageur Adam Oléarius, qui a raconté dans une langue claire et simple son voyage à Moscou et à Ispahan. Nous n'omettrons pas dans cette liste les noms les plus intéressants qu'elle nous présente, l'humoriste Valentin Andreae, le théosophe Jacob Boehme, les conteurs satiriques Michel Moscherosch et Abraham a Sancta-Clara, les philosophes Thomasius et Wolf, et surtout le promoteur d'une régénération pieuse au sein de l'Église protestante, le tendre et dévoué Jacques Spener (Piétisme).

Voilà bien des noms, et quelques-uns d'entre eux ne sont pas sans mérite; que manquait-il donc à cette littérature du XVIIe siècle? Une inspiration commune, peut-être, un caractère bien défini. Tous ces écrivains semblent isolés les uns des autres; aucune force, aucune pensée générale ne les soutient; je ne sais quoi de morne et de languissant domine dans leurs écrits. L'Allemagne se souvient-elle encore de son histoire? Sait-elle ce qu'elle a été au XIIIe siècle? Se rappelle-t-elle l'énergique mouvement d'idées qui précède et accompagne la Réforme? Non; elle s'est perdue elle-même. La première école silésienne imite la France de Louis XIII et la littérature hollandaise; la seconde école silésienne s'attache aux modèles trompeurs d'une littérature italienne en perte d'inspiration. Si un écrivain du premier ordre surgit au milieu de cet affaissement de tout un peuple, ne voyant rien de vivant autour de lui, il écrira pour Europe dans une langue qui n'est pas la sienne : il n'y a pas de place pour Leibniz dans l'histoire littéraire de l'Allemagne; n'est-ce pas là une terrible accusation contre le XVIIe siècle germanique? Il est bien temps qu'une réaction éclate, et que le pays de Wolfram d'Eschenbach, de Walther de Vogelweide, d'Ulrich de Hutten, de Hans Sachs, Luther, d'Albrecht Dürer, retrouve enfin ses traditions et sa haute littérature; ce sera l'oeuvre du siècle suivant, celui de Lessing. (SRT).

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