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Le jeu d'échecs
[Histoire du jeu d'échecs]

Le jeu d'échecs (du persan shah = roi, ou de l'ancien haut-allemand schâh = butin) se joue à deux, sur un échiquier de 64 cases, et avec 32 pièces (16 pour chaque joueur). Ces pièces sont : le roi, la dame, 2 tours, 2 cavaliers, 2 fous et 8 pions. Les tours occupent les cases extrêmes de la première ligne de l'échiquier; les cavaliers se placent chacun près d'une tour; les fous, près des cavaliers; le roi et la dame, entre les deux fous; les 8 pions, sur les 8 cases de la deuxième ligne de l'échiquier, et devant les pièces précédentes. 

Chaque pièce a sa marche propre : les tours marchent rectangulairement; les fous, diagonalement; la dame, rectangulairernent et diagonalement. Ces trois pièces avancent et rétrogradent aussi loin que le permet l'échiquier. Le roi peut aller de sa case à toutes les cases contiguës. Le cavalier peut sauter à toutes les deuxièmes cases de couleur opposée qui entourent celle qu'il occupe. Les pions marchent droit devant eux, sans jamais reculer : au départ, ils peuvent franchir deux cases; après ce coup, ils n'avancent plus que case par case. 
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Anguissola : la partie dd'échecs entre les deux soeurs de l'artiste.
La partie d'échecs (entre les deux soeurs de l'artiste), par Sophonisbe Anguissola (1555).

Toutes les pièces, le roi excepté, peuvent se prendre réciproquement. La pièce qui prend se substitue à la place de la pièce prise. En général, les pièces prennent dans le même sens qu'elles marchent; mais les pions qui marchent droit devant eux prennent diagonalement comme les fous. 

Le but du jeu est de faire le roi mat, c.-à-d. de le réduire à l'impossibilité d'échapper. Le premier des deux joueurs qui fait mat gagne la partie.

Les combinaisons relatives à l'emploi le plus rapide et le plus efficace des pièces constituent une véritable science, ayant sa langue, ses méthodes, ses écoles, son histoire, sa littérature et ses journaux. 

Certains voient dans le jeu des échecs un image de la guerre, du pouvoir (le roi n'est rien sans ses pions..), d'autres une métaphore de la vie. C'est, avant tout, un jeu. On a voulu en faire honneur à Palamède, qui l'aurait inventé au siège de Troie. Il est plus probable qu'il fut inventé en Inde vers le VIe siècle de notre ère, qu'il se répandit rapidement dans la Chine et la Perse, et s'introduisit en Europe pendant les croisades. En Inde, ce jeu s'appelle çaturangâ ou tschaturangâ, c.-à-d. les quatre parties d'une armée; les pièces sont en effet 8 fantassins, 2 chariots, 2 cavaliers, 2 éléphants, et pour les commander, un généralissime et le roi. (L'Histoire des échecs).

Description de l'échiquier et des pièces

L'échiquier est une planche divisée en soixante-quatre cases alternativement blanches et noires. On le dispose de manière que la case angulaire de la dernière ligne à droite du joueur soit blanche. Bien que cette règle soit sans influence sur la marche même du jeu, il convient de l'observer, sinon on se trouverait déplacer de droite à gauche et vice versa les fous et la dame qui occupent une couleur déterminée.
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Echecs : position initiale.
1. - L'échiquier. Dans la notation de Philidor, la case de la sixième
colonne et quatrième rangée, par exemple; est marquée f4.

Chaque joueur possède seize pièces dont la position au début de la partie est représentée par la figure 3. Ce sont : un roi (le roi blanc sur la case e1, le roi noir sur la case e8), une dame ou reine (d1 et d8), deux cavaliers (b1 et g1, b8 et g8), deux tours (a1 et h1, a8 et h8), deux fous (c1 et f1, c8 et f8), huit pions (lignes 2 et 7).

Les pièces de la première ligne se nomment grosses pièces, par opposition aux pions. Ceux-ci sont souvent désignés d'après le nom des grosses pièces devant lesquelles ils se trouvent : pion du roi, pion du fou du roi, pion de la tour du roi, pion de la tour de la dame, etc.
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échecs : représentation symbolique des pièces.
2. - Représentation symbolique des pièces.

On remarquera qu'au début de la partie, le roi blanc est sur une case noire, le roi noir sur une case blanche. Les dames au contraire sont sur des cases de leur propre couleur (regit regina colorem).

Notation
La notation que nous suivons ici est la notation algébrique imaginée par Philidor; elle a été adoptée par La Bourdonnais dans son traité. Elle est usitée universellement aujourd'hui. C'est la plus simple et la plus claire de toutes. Les cases diverses de l'échiquier sont désignées au moyen d'un système combiné de lettres et de chiffres, où les colonnes (lignes) sont labelisées de a à h, et les rangées (rangs) de 1 à 8 (figure 1).
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Echecs : position initiale.
3. - Position initiale des pièces sur l'échiquier.

Comme tout coup consiste à mouvoir une pièce d'une case à une autre, on indique la case d'où part la pièce et la case ou elle se place. Pour apporter encore plus de clarté,
on désigne les pièces du jeu par la lettre initiale de leur nom : R, roi; D, dame; T, tour; F, fou; C, cavalier; quand la notation du coup n'est précédée d'aucune lettre, c'est le pion qu'il faut jouer. La prise d'une pièce est désignée à la fin du coup par deux points (:) ou, le plus souvent, une croix (x) entre les deux cases, ou encore par la lettre p.; l'échec au roi adverse par le signe +. Le mouvement du roque est exprimé par 0-0 du côté du roi, et par 0-0-0 du côté plus étendu de la dame. 

Dans l'énoncé des coups, on commence par celui des blancs.

Le signe! représente le meilleur coup possible dans la position où l'on est arrivé; le signe? indique que le coup est faible. 

Les journaux et périodiques français ont souvent adopté une autre notation dans laquelle on se borne à désigner la pièce qui joue par son initiale, et à noter simplement la case où elle arrive. Cette case est désignée par sa distance à la pièce qui occupe le bord de l'échiquier dans la même ligne. Ainsi : C3FD, signifie que le cavalier joue à la troisième case devant le fou de la dame: les coups ci-après serviront de modèle comparatif entre cette notation et celle de Philidor.

Mat de l'écolier ou du berger.

Description des coups :
Blancs
Noirs
1. Pion à la 4e case du roi.
2. Fou du roi à la 4e case du fou de la dame. 
3. Dame à la 3e case du fou du roi.

4. Dame prend le pion du fou (Echec).

Pion à la 4e case du roi.
Fou du roi à la 4e case du fou.

Cavalier de la dame à la 3e case du fou. 
Mat.

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Echecs : Mat du berger. Position après le troisième coup des noirs.
4. - Mat du berger. Position après le troisième coup des noirs.
"Notation française" :
Blancs
Noirs
1. P 4e R
2. FR 4e FD
3 D 3e FR
4. D p. PF (Ec)
P 4e R
F 4e FD
CD 3e F
Mat
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Notation algébrique de Philidor :
Blancs
Noirs
1. e2-e4
2. Fd1-c4
3. Dd1-f3
4.Df3 p. f7 +
e7-e5
Ff8-c5
Cb8-C6
Mat

Marche des pièces. 
Les grosses pièces se meuvent en avant, en arrière ou de côté; les pions au contraire ne peuvent qu'avancer. Le mouvement d'une pièce dans une direction déterminée est arrêté s'il existe sur son trajet une autre pièce; si celle-ci est de la même couleur, la première ne peut pas la remplacer; mais, si elle est d'une couleur différente, c.-à-d. appartient au camp ennemi, elle peut être prise. La pièce qui prend se met à la place de celle qu'elle vient de prendre.

La tour.
La tour se meut suivant une ligne droite, perpendiculairement aux côtés de l'échiquier. Une tour placée en c4 par exemple, peut aller sur toutes les cases de la ligne c, ou sur toutes celles du rang 4. On voit que sur un échiquier complètement libre la tour commande 14 cases : mais, si sur la ligne c ou sur le rang 4 il se trouve une pièce de même couleur ou de couleur différente, la marche de la tour est entravée. Supposons que la tour placée en c4 soit une tour noire et qu'il se trouve un pion blanc en c2 et un pion noir en c7; la tour ne pourra pas aller occuper les cases c1 ou c8 qui sont derrière ces pions; elle ne pourra non plus occuper la case c7 qui est occupée par un pion de sa couleur ; mais elle pourra prendre le pion blanc et se mettre à sa place sur la case c2. Aux échecs, on n'est pas forcé de prendre; on ne le fait que si on le juge avantageux. Le roi ne peut se placer ou prendre que sur les cases qui ne sont pas commandées par une pièce adverse.
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Echecs : marche de la tour.
Marche de la tour.

Le fou.
Le fou se meut obliquement par rapport aux côtés de l'échiquier; il reste, par suite, toujours sur la même couleur. Un fou placé en c4, pourra par suite aller en a2, b3, d5, e6, f7, g8, ou bien en a6, b5, d3, e2, f1. Dans cette position, il commande 11 cases, mais de d5 il en aurait commandé 13 et, si on l'approche du bord, il n'en commande plus que 9 ou 7. Chaque joueur a un fou des blancs et un fou des noirs, c.-à-d. un fou qui ne se meut que sur les cases blanches et un autre qui ne se meut que sur les cases noires. Le fou placé à droite de soi est nommé fou du roi, l'autre, fou de la dame.
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Echecs : marche du fou.
Marche du fou.

La dame.
La dame ou reine se meut en droite ligne ou en ligne oblique; elle possède donc à la fois le mouvement de la tour et celui du fou. C'est la plus forte pièce du jeu. Une dame placée en d5 commande 27 cases; quand elle se rapproche du bord elle n'en commande plus que 25, 23 ou 21.
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Echecs : marche de la dame.
Marche de la dame.

Le cavalier.
La marche du cavalier est la plus difficile à comprendre. Il ne se place jamais sur une case attenante à celle qu'il occupe, il saute par-dessus cette case pour aller occuper une des cases situées au delà et de couleur différente de sa case initiale. S'il y a des pièces situées sur une des cases attenantes à sa case initiale, comme il saute par-dessus, son mouvement n'est pas entravé. Si nous supposons un cavalier en c4, les cases sur lesquelles il pourra se placer sont b2, d2, a3, e3, a5, e5, b6, d6. On remarquera qu'un fou ou une tour placée en c4 ne pourrait se rendre sur aucune de ces cases. Peu importe d'ailleurs qu'il y ait ou non des pions sur les cases b3, b4, b5, c3, c5, d3, d4, d5. Un cavalier placé sur l'une quelconque des 12 cases du milieu, commande 8 cases; s'il est sur le bord ou sur les lignes adjacentes, il n'en commande plus que 6, 4, 3 ou 2.
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Echecs : marche du cavalier.
Marche du cavalier.

Le roi. 
Le but de tout le jeu est d'amener le roi dans une situation déterminée qui sera définie plus loin et où on dit qu'il est mat. C'est donc la pièce la plus importante du jeu. Sa marche est très simple; il va de sa case sur toute case voisine sans pouvoir faire plus d'un pas. Un roi placé en c4 peut aller en eb3,c3, d3, b4, d4, b5, c5, d5. Pourtant il ne peut pas se placer sur une case commandée par une pièce ennemie. Dans un coin il commande 3 cases; sur un des bords de l'échiquier 5; sinon 8. Le roi a le droit de faire une fois dans une partie une manoeuvre spéciale, étudiée plus loin et nommée le roque.
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Echecs : marche du roi.
Marche du roi.

Les pions. 
Au début de la partie se trouvent sur les lignes 2 et 7 un ensemble de pions qui arrêtent toutes les pièces à l'exception des cavaliers. Bien qu'isolément assez faibles, ils représentent dans leur ensemble une des forces principales de chaque camp.
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Echecs : marche des pions.
Marche du pion.

Le mouvement des pions s'écarte de celui de toutes les autres pièces et est assez anormal. Le pion ne peut faire qu'un pas et en ligne droite, ou bien, de sa place initiale, de faire deux pas en avant : cet avantage a pour effet de hâter le début de la lutte en mettant plus rapidement les pions adverses en contact.

Mais il prend obliquement à droite ou à gauche. Soit par exemple un pion blanc placé en c4, une pièce noire en b5, une autre en d5, le pion peut soit pousser en c5, soit prendre l'une des pièces b5 et d5. Si l'une des pièces noires avait été en c5, le pion n'aurait pas pu la prendre. 
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Echecs : prises avec les pions.
Prises avec les pions. A droite : principe de la prise en passant.

La prise en passant. - Le pion qui avance de deux pas s'expose à être pris en passant. Voici ce que l'on entend par là. Soit un pion blanc en f2, un pion noir en g4. Le pion blanc, n'ayant pas encore bougé, peut aller soit en f3, soit en f4 (déplacement 1). Mais dans ce dernier cas, comme il saute par-dessus la case f3, que commande le pion noir g4, celui-ci peut, s'il le juge convenable, le prendre en passant, c.-à-d. l'enlever de l'échiquier et se placer lui-même en f3 (déplacement 2). Cette règle, assez singulière et généralement mal comprise des débutants, n'a été introduite qu'à la fin du XVIIIe siècle. Ce n'est pas d'ailleurs la seule particularité qu'offre le pion. La suivante est d'une importance capitale :

La promotion du pion. - Quand un pion atteint la dernière ligne de l'échiquier (c.-à-d. la première ligne du camp adverse), il se change au gré du joueur en telle pièce qui lui plaît : dame, tour, cavalier, etc. Peu importe que ces pièces existent encore dans le camp auquel il appartient : par suite, il peut arriver qu'un même jeu ait trois dames, trois cavaliers, etc.
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 Deux problèmes classiques

A la marche des pièces se rattachent deux problèmes curieux :

Problème du cavalier.
Il faut que le cavalier parcoure toutes les cases de l'échiquier une, fois, seulement et que de sa case finale il puisse revenir à sa case, initiale. Ce problème a longtemps passé pour très difficile. De grands mathématiciens, comme Euler, s'en sont occupés. On en connaît aujourd'hui diverses solutions, l'une, des plus simples, s'obtient par la règle suivante : 

« Placez chaque fois le cavalier dans la case d'où il peut sauter sur le plus petit nombre de cases encore inoccupées. »
Problème des huit dames.
Placez sur l'échiquier huit dames sans qu'aucune soit en prise des autres. Le nombre des solutions est de quatre-vingt-douze. En voici une : placez les dames en h1, c2, a3, f4, b5, e6, g7, d8.

L'échec et le mat. 
Quand un joueur, au cours de la partie, met en prise le roi de son adversaire, il est tenu de dire : « Echec au roi » ou simplement : « Echec ». Quand le roi est en échec et qu'il ne peut pas se mettre hors de prise, on dit qu'il est mat. « On ne prend pas le roi aux échecs » est un vieux proverbe devenu populaire par la réponse que fit le roi Louis le Gros à un archer anglais qui croyait l'avoir fait prisonnier pendant la bataille de Brenneville. On ne prend pas le roi; mais on peut l'attaquer et le tuer. L'attaquer, c'est le mettre en échec; le tuer, c'est le mater. Lorsque le roi est mat la partie est  terminée. Le but du jeu est donc de faire mat le roi adverse. 
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Igmar Bergman : le Septième sceau.
Le jeu d'échecs comme métaphore de l'existence humaine.
Image extraite du film d'Igmar Bergman, le Septième sceau (1957).

Il y a trois manières de parer à un échec, suivant les cas. La première consiste à prendre la pièce qui donne l'échec (au cas, bien entendu, où elle est en prise). La seconde consiste à déplacer le roi. La troisième consiste à le couvrir en interposant une pièce entre lui et la pièce adverse. On remarquera que cette dernière méthode n'est pas applicable si l'échec est donné par le cavalier. Si le roi mis en échec ne peut employer aucun de ces trois procédés, il est mat. 

Il y a deux manières de mettre le roi adverse en échec. La première consiste à amener une pièce dans une position où elle le menace. La seconde, qui est plus dissimulée, se nomme échec à la découverte : ce n'est pas la pièce que l'on déplace qui donne l'échec, mais elle en découvre une autre qu'elle masquait. Ainsi, soit la position suivante :

Blancs: roi en h1, fou en g2, tour en f3.
Noirs : roi en a8, tour en g8, pion en a7.
Il suffit aux blancs de déplacer la tour f3 pour que le fou g2 qu'elle masquait mette en échec le roi noir. Ce qui rend l'échec à la découverte particulièrement dangereux, c'est que la pièce que l'on déplace est libre d'occuper des cases importantes et d'entreprendre des coups d'attaque, car l'adversaire est obligé de se couvrir contre l'échec et se trouve souvent empêché de parer à l'attaque engagée par la pièce déplacée. Parfois, en combinant les mouvements de la pièce qui se déplace et de celle qu'elle démasque, on peut faire le roi adverse mat, en particulier si la première pièce donne aussi échec au roi. C'est ce qui arrive dans l'exemple donné plus haut si la tour blanche joue de f3 en f8. Si la tour ou le fou des blancs étaient seuls, les noirs pourraient prendre l'un ou l'autre avec leur propre tour, mais, par suite du double échec, le roi est mat.

Voici quelques autres positions qui montrent quels résultats heureux on peut attendre d'un échec à la découverte :
Blancs : roi en h1, fou en f3, tour en e4. 
Noirs : roi en a8, dame en g7.
Le blanc joue sa tour de e4 en e7 : il met ainsi le roi en échec par le fou f3; la dame par la tour e7. Celle-ci est prise au coup suivant, et le blanc gagne.
Blancs : roi en hl, tour en al, cavalier en a5.
Noirs : roi en a8, tour en d8, pion en b7.
Le blanc joue son cavalier de a5 en c6, et donne l'échec et le mat.
Blancs : roi en d6, fou en e5.
Noirs : roi en b8, tour en a8, pions en al et b7.
Les blancs jouent le roi de d6 en d7 et font les noirs échec et mat.
Blancs : roi en f2, fou en f4, pion en d6.
Noirs : roi en b8, tour en e8, dame en h7, pions en a7 et b7.
Les blancs jouent et gagnent.

Ainsi qu'il a été dit, le roi est obligé, s'il est mis en échec par un cavalier qui n'est pas en prise, de quitter sa place. S'il est complètement entouré de ses pièces, il peut être fait mat par impossibilité de se mouvoir. Ce cas se présente dans la position suivante, où c'est aux blancs à jouer :

Blancs : roi en a4, cavalier en b5.
Noirs : roi en a8, tour en b8, pions en a7 et b7.
Les blancs matent en jouant le cavalier en e7. C'est ce qu'on nomme le mat à l'étouffée.

Le mat du lion.
Le mat du lion est le moyen le plus rapide de terminer une partie aux échecs. On a pu dire que plus que d'un mat, il s'agissait d'un suicide assisté, et l'on veut croire qu'aucune partie réelle ne s'est jamais déroulée ainsi :
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Blancs
Noirs
1. f2-f3
2. g2-g4
Mat.
e7-e5
Dd8-h4 +

Le mat de Legal.
Le mat de Legal, du nom François Antoine de Kermur de Legal  (1702 - 1792), est le terme d'une partie également très courte, et que son inventeur a réussi à jouer contre Saint-Brie en 1750 :
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Blancs
Noirs
1. e2 - e4 
2. Cg1 - f3 
3. Ff1 - c4 
4. Cb1-c3 
5. Cf3 p. e5 
6. Fc4 p. f7+ 
7. Cc3 - d5+
e7 - e5
d7 - d6
h7 - h6
Fc8 - g4
Fg4 p. d1
Re8 - e7
Mat

Le roque.
D'après les principes du jeu, on ne peut remuer qu'une pièce à la fois. Cette règle souffre cependant une exception; dans le roque (de roc, l'ancien nom de la tour), on déplace à la fois le roi et la tour. Cette manoeuvre a pour but d'enlever le roi du centre du jeu, où il est souvent très exposé, et de le mettre dans une position plus sûre dans un coin, aussi bien que de lier les deux tours et d'augmenter ainsi dès le début les forces offensives ou défensives du jeu. Un joueur ne peut roquer qu'une fois au cours d'une partie, et ce droit est soumis à certaines restrictions. 

Voici comment l'on roque. On amène la tour près du roi, et l'on place le roi de l'autre côté de la tour. On roque d'ailleurs aussi bien avec la tour du roi qu'avec la tour de la dame. Voici par conséquent la position des pièces avant et après le roque :

Roque avec la tour du roi.

Blancs. 
Avant : roi en e1, tour en h1. 
Après : roi en g1, tour en f1.

Noirs.
Avant : roi en e8, tour en h8. 
Après : roi en g8,, tour en f8.


Roque avec la tour de la dame.

Blancs. 
Avant : roi en e1, tour en a1. 
Après : roi en c1, tour en d1.

Noirs.
Avant : roi en e8, tour en a8. 
Après : roi en c8, tour en d8.

Pour que le roque soit permis, il faut : 
1° qu'il n'y ait sur la première ligne entre le roi et la tour aucune autre pièce; 

2° que ni le roi, ni la tour n'aient encore bougé depuis le commencement de la partie ; 

3° que le roi ne soit pas en échec; 

4° qu'il ne traverse dans son mouvement aucune case commandée par une pièce ennemie, qu'il ne se mette pas en échec en roquant. 

Ainsi supposons que les blancs aient un cavalier en e6; le roi noir sera par cela seul empêché de roquer soit avec la tour du roi, soit avec la tour de la dame, puisque le cavalier commande les cases d8 et f8.

Cas de nullité.
Une partie ne se termine pas toujours par le mat. Elle peut rester indécise dans divers cas : c'est ce qui arrive quand aucun des deux joueurs n'a les forces nécessaires pour mater son adversaire. Ainsi, s'ils se trouvent tous deux en présence avec le roi ou une autre pièce, ou bien le mat est impossible, ou bien il ne le serait que par une grave inadvertance de l'un d'eux. Souvent, malgré un avantage de forces, le mat n'est pas possible c'est le cas de roi et fou ou de roi et cavalier contre roi seul.

La partie sera également déclarée nulle si les deux joueurs répètent indéfiniment les mêmes coups. Le cas le plus curieux est celui de l'échec perpétuel. Supposons la position suivante :

Blancs : roi en b4, pions en a2, b2, c2, tour en b3, fou en a6.
Noirs : roi en a8, tour en e8, pions en a7 et e7, dame en d2, tour en h2.
Les blancs jouent et annulent la partie, qu'ils seraient certains de perdre par un échec perpétuel :
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Blancs
Noirs
1. Fa6-b7+
2. Fb7-a6+
3. Fa6-b7+
etc.
Ra8-b8
Rb8-a8
...........

On voit par là que, dans les positions difficiles, il faut examiner soigneusement si l'on ne peut annuler par un échec perpétuel. En voici deux autres exemples :

Blancs : roi en g1, pions en f2, h2, g3, dame en f6. 
Noirs : roi en g8, tour en f8, pions en f7, h7, tour en e4, dame en b1, fou en d1.
Les blancs jouent
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Blancs
Noirs
1. Df6-g6+
2. Df5-g6+
3. Df6-g5+
Rg8-h8
Rh8-g8
etc.
Blancs : roi en h1, tour en e1, cavalier en g4, pion en g2, dame en h2.
Noirs : roi en g8, pions eu f7, g7, fou en b6, cavalier en h3.
C'est aux noirs à jouer.
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Blancs
Noirs
1. ..........
2. Rh1-g1
3. Rg1-h1
Ch3-f2+
Cf2-h3+
Ch3-f2+
etc.

La partie est encore nulle dans les deux cas suivants : si un joueur, à la fin de la partie, bien que possédant des forces suffisantes pour forcer le mat n'y réussit pas après cinquante coups prescrits d'avance et comptés suivant les règles du jeu et enfin si le jeu est pat.

Le pat. 
Quand le joueur au tour duquel c'est à jouer n'est pas en échec et qu'il ne peut pas déplacer son roi sans le mettre en échec, il est pat. Ce qui distingue la pat du mat, c'est que le roi n'est pas en échec. La partie est déclarée nulle dans ce cas.

Une position de pat qui se présente souvent dans la pratique est la suivante : roi noir en b8, roi blanc en b6, pion blanc en b7. C'est au noir à jouer, il est pat. Voici encore une autre position de pat pour les noirs : roi blanc à volonté, dame blanche en b6, roi noir en a8. Il arrive parfois que l'on réussisse en sacrifiant des pièces à se faire faire pat au lieu de perdre la partie. 

Voici trois positions de pat empruntées à des parties réellement jouées. C'est aux blancs à jouer dans le premier cas, aux noirs dans les deux autres :

Blancs ; roi en a5, pion en d3.
Noirs : roi en a7; pions en b7, c6, e6, f6; dame en d4. 

Blancs : roi en f8, fou en e4, pion en h4, tour en e1.
Noirs : roi en h4, fou en g1, cavalier en g2, tour en h2, pion en h3.

Blancs : roi en d6, pions en b2 et a3, cavalier en e6, fou en g6.
Noirs : roi en e8, tour en f7, pions en a4 et b3.

Valeur des diverses pièces.
La valeur des pièces dépend de leur position, mais en peut admettre d'une manière générale que la dame vaut huit pions, la tour quatre pions, le fou ou le cavalier trois pions. Par suite, la dame peut être échangée sans désavantage contre deux tours et le fou contre le cavalier ou réciproquement.

Règles du jeu

I. L'échiquier doit être disposé de sorte que la case angulaire à gauche de chaque joueur suit une case noire. Si l'échiquier a été mal placé, on devra le remettre dans la bonne position avant que le quatrième coup ait été joué, mais non après. 

II. Si une pièce a été mal placée ou n'a pas été placée du tout sur l'échiquier, la partie est annulée. Si l'erreur a eu lieu au cours de la partie, il faut remettre les choses en état ou, si on ne le peut pas, déclarer la partie nulle.

III. Le droit de jouer le premier est tiré au sort; si deux joueurs font plusieurs parties de suite, ils jouent alternativement. 

IV. Une pièce touchée doit être jouée à moins que le joueur au moment de toucher ne dise : « J'adoube. »

V. Si un joueur touche une pièce de son adversaire sans dire : « J'adoube» ou tout autre mot en ce sens, son adversaire peut l'obliger à prendre, ou, si les règles du jeu s'y opposent, à jouer son roi. 

VI. Si un joueur fait une fausse marche, son adversaire peut le forcer ou de laisser la pièce sur la case où il l'a placée ou de la mettre, selon les règles du jeu, sur une autre case, ou de jouer son roi en remettant la pièce à sa place. 

VII, Si un joueur, sans dire échec attaque le roi adverse, celui-ci n'est pas obligé d'y faire attention. Si le roi a été en échec pendant plusieurs coups, on doit remettre ces coups.

 VIII. Si un joueur reste à la fin d'une partie avec tour et fou contre tour, ou avec un cavalier et un fou contre le roi ennemi dépouillé, il doit le faire mat en cinquante coups, sinon la partie est réputée nulle. Les cinquante coups commencent à partir du moment où l'adversaire annonce qu'il va les compter. Cette règle s'applique également quand il s'agit de faire mat avec des pièces seulement, telles que la reine contre une tour, etc. 

IX. Si une question litigieuse s'élève, on peut la soumettre aux plus habiles et aux plus désintéressés des assistants.

Il existe d'autres règles qui s'appliquent lors des tournois, notamment pour limiter la longueur d'une partie en temps (utilisation d'une horloge déclenchée alternativement par chacun des joueurs) ou pour interdire les téléphones mobiles.

La manoeuvre des pièces.
La manoeuvre des pièces ne peut guère s'apprendre que par la pratique. On peut pourtant donner à cet égard certains préceptes généraux.

Le roi. 
Toutes les combinaisons du jeu ont le roi pour objet, Celui-ci se distingue de toutes les autres pièces par le fait qu'il ne peut être pris et par la faculté qu'il a de roquer. Le roque change souvent complètement le caractère d'un jeu. En permettant au roi menacé de se mettre en sûreté, il décide du gain ou de la perte de la partie. En général, il est avantageux de roquer de bonne heure, afin de se servir des tours. Toutes les forces du jeu peuvent être consacrées à l'attaque ou à la défense, tandis que le roi à sa place empêche la concentration des pièces. Il vaut mieux roquer en général avec la tour du roi qu'avec la tour de la dame; la première opération est plus prompte, car elle nécessite simplement le déplacement d'un fou ou d'un cavalier, tandis que la seconde exige aussi celui de la dame. De plus, dans le roc avec la tour de la dame, le pion du coin n'est pas protégé. Pourtant, ce mode de roc se recommande dans divers cas; par exemple, si l'on veut diriger avec les pions du côté du roi une attaque vers le roi ennemi qui a roqué avec sa propre tour; ou inversement, si l'on craint une attaque des pions ennemis sur l'aile du roi. Parfois, on renonce au roque en plaçant le roi sur la case f2 (f7), où il peut se trouver mieux qu'en g1 (g8). II suit de là qu'on s'efforcera en général d'empêcher le roque du roi ennemi. Si on l'oblige à se déplacer, il peut arriver qu'il s'oppose ainsi au développement de la tour. Parfois, au contraire, le roque offrira à l'adversaire une occasion qu'il utilisera. C'est ainsi qu'un échec donné en même temps au roi et à la dame au moyen d'une tour on d'un cavalier peut être très dangereux. Jusque vers le milieu de la partie, surtout si les dames n'ont pas été échangées, il est mauvais de conduire le roi au milieu du jeu, où il est trop exposé. Au contraire, après l'échange des dames, on amène souvent le roi vers le milieu du jeu, comme les autres pièces, et la manière dont on le manoeuvre décide souvent du gain du jeu.

La dame.
C'est la plupart du temps la dame qui décide de l'issue du jeu. On évitera de la sortir trop tôt, car elle serait exposée à l'attaque des pièces moins importantes de l'adversaire et pourrait être perdue ou forcée de rentrer dans ses lignes d'une manière désavantageuse. Il vaut mieux commencer l'attaque avec les autres pièces et l'appuyer au moment décisif avec le dame. Le moment où elle intervient dans une partie en marque souvent le moment critique. On évitera de prendre des pièces avec la dame si cette opération l'éloigne du jeu au point de la laisser couper de ses propres forces et de laisser l'attaque à la dame ennemie. Pour éloigner ainsi la dame adverse de son camp, un bon joueur sacrifiera au besoin des pions ou des figures. La force de la dame équivaut à celle de deux tours; on peut faire l'échange, le cas échéant, sans désavantage. Au début, au milieu du jeu, la dame se trouve très bien sur sa propre case d1 (d8), ainsi que sur les cases c2 (c7) et b3 (b6). Certains gambits offrent une exception à ces règles : car la dame peut y être placée de très bonne heure en h4 (h5).

La tour.
La tour est, après la dame, la figure la plus forte. Dans les ouvertures, sa marche est entravée par les pions et les figures qui l'entourent. Un bon joueur s'efforcera de la dégager rapidement et de la mettre en rapport avec la seconde tour. Au milieu du jeu, les tours sont bien placées sur des lignes d et c. L'action de la tour est d'autant plus efficace que les lignes qu'elle commande sont plus libres; si l'on a deux tours qui se soutiennent et dont l'une s'est emparée d'une ligne libre, et si l'adversaire lui oppose de même sa première tour soutenue par la seconde, il ne faut pas faire l'échange, mais le lui laisser faire, car on reprend avec sa propre tour et l'on commande de nouveau la ligne libre. Si l'on ne peut pas faire entrer en jeu une tour au moyen du roque, on avancera les pions qui sont devant elle pour lui faire de la place. Quand les dames ont été échangées, les tours décident souvent du sort de la partie en se plaçant sur la rangée des pions (rangée 2 ou 6). II est important dans les fins de partie, quand la tour commande des lignes libres, qu'elle retienne la roi sur le fond de l'échiquier. La tour est, avec la dame, la seule pièce qui puisse, aidée par le roi, faire le roi adverse mat.
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Joueuses d'échecs.
Joueuses d'échecs.
Le fou.
Les deux fous de chaque jeu se meuvent sur des cases de couleurs différentes. Le fou du roi est souvent amené dans les débuts de parties sur les cases c4 (c5), où il menace le pion f7 (f2), qui n'est protégé que par le roi et où il peut empêcher le pion de la dame d'avancer en d5. Si le roi adverse a roqué, le fou du roi sera bien placé en d3 (d6), où il menacera le point h7 (h2), d'habitude protégé par le roi adverse seul. Le second fou ou fou de la dame sert souvent, dans le début, à la défense. On le place parfois en e6 (e3) si le fou adversaire s'est mis en c4 (c5) pour l'attaque. Le concours des deux fous permet de diriger des attaques très vigoureuses contre le côté où le roi ennemi a roqué. Il est souvent désavantageux d'en échanger un contre un cavalier ennemi. Pourtant les fous et les cavaliers sont réputés pièces de même force; leur utilité relative dépend essentiellement de la tournure du jeu. Si l'on a
moins de pions que l'adversaire, on cherchera à conserver ses fous, car ils sont très aptes à arrêter les-pions ennemis.

Le cavalier.
Ce qui rend le cavalier dangereux, c'est sa faculté de sauter par-dessus les pièces de son camp ou du camp adverse. Aussi sa puissance relative diminue-t-elle quand il y a un grand nombre de pièces échangées. On développe souvent le cavalier du roi en f3 (f6), d'où il peut se rendre en e5 (e4) ou g5 (g6) pour menacer f7 (f2) ou h7 (h2). Dans les fins de partie, le cavalier a sur le fou l'avantage de pouvoir prendre les pions ennemis sur les deux couleurs, mais, d'autre part, il est moins apte à les empêcher d'avancer.

Les pions. 
Nous avons vu toutes les anomalies qui caractérisent la marche du pion : la nécessité de toujours avancer, la différence entre la manière dont il avance et celle dont il prend, le droit de prendre en passant, la faculté de faire dame en atteignant la base du camp ennemi. Mais ce ne sont pas les seules causes qui rendent la conduite des pions particulièrement délicate. Souvent on est amené à sacrifier des pions pour dégager des pièces, et il y a toujours lieu de se demander si l'amélioration de la position compense le sacrifice du pion. 

Philidor prescrivait de ne pas placer les cavaliers f3 (f6) ou c3 (c6) avant d'avoir avancé les pions des fous de deux pas, mais cette règle est absolument abandonnée aujourd'hui. La force des pions augmente à mesure qu'on se rapproche du centre de l'échiquier. Les pions des coins sont les plus faibles; ceux du centre les plus forts. Si l'on a le choix, on prendra donc de préférence des côtés vers le milieu. Les deux pions du milieu sont bien placés au début en c4 (c5), d4 (d5), cases où ils gênent les pièces ennemies. En général, on ne doit pousser un pion très en avant que s'il est soutenu par d'autres pions. La force des pions tient en grande partie à leur faculté de se soutenir les uns les autres par le côté. C'est pourquoi un pion doublé peut être à peine plus efficace qu'un seul pion. On évitera d'acquérir par des échanges des pions doublés, sans oublier pourtant que, s'ils peuvent être échangés facilement, ils sont tout aussi forts que d'autres. Les pions ayant le droit de faire dame, il est très avantageux d'avoir des pions passés. Si l'on a un pion passé, on cherchera à le soutenir au moyen d'autres pions, sinon il serait facilement enlevé par les pièces de l'adversaire. Au début et au milieu de la partie, les pions sont consacrés à l'attaque du camp adverse et à la défense de leur camp. A la fin du jeu, au contraire, on cherche surtout à les conduire à dame. (GE.).

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