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Le
mot intĂ©rĂȘt (=
IntĂȘrest, de Interest = il importe,
verbe impersonnel, de
inter-esse = ĂȘtre entre, assister) possĂšde
plusieurs nuances de sens. L'intĂ©rĂȘt c'est :
a) ce qui
est avantageux, soit par le profit qu'on en retire, soit par un avantage
quelconque qu'on y trouve.
b) ce qui touche
par la part qu'on y prend, mĂ» par sympathie, bienveillance pour les autres.
c) ce dont l'attrait
excite un sentiment personnel, ex. : de curiosité, d'émulation.
L'intĂ©rĂȘt est un des
motifs de nos actions et consiste dans le bonheur individuel regardé comme
le but Ă atteindre. L'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral est le bonheur de tous.
Les morales de
l'intĂ©rĂȘt.
On appelle morales
de l'intĂ©rĂȘt celles qui consistent a poser l'intĂ©rĂȘt particulier ou
l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral comme rĂšgle de toutes nos actions. Plusieurs philosophes
ont dĂ©veloppĂ© des morales de l'intĂ©rĂȘt :
âą La
morale de l'intĂ©rĂȘt individuel (hĂ©donisme Ă©clairĂ©) d'Ăpicure.
- Ăpicure conçoit l'intĂ©rĂȘt comme la recherche du plaisir et l'Ă©vitement
de la douleur. Cependant, il ne s'agit pas de rechercher les plaisirs immédiats,
mais de viser les plaisirs durables et la tranquillité d'esprit (ataraxie).
Il prÎne une gestion rationnelle des désirs : privilégier les désirs
naturels et nécessaires, tout en évitant ceux qui mÚnent à l'insatisfaction.
L'intĂ©rĂȘt personnel, bien compris, conduit Ă une vie heureuse et Ă©quilibrĂ©e,
en harmonie avec les autres.
âą L'utilitarisme
classique de JĂ©rĂ©my Bentham. - Bentham dĂ©finit l'intĂ©rĂȘt comme
ce qui maximise le bonheur global (principe du plus grand bonheur pour
le plus grand nombre). La morale de l'intĂ©rĂȘt repose sur le calcul des
plaisirs et des peines. Les actions moralement justes sont celles qui augmentent
le bonheur total. L'intĂ©rĂȘt individuel est pris en compte, mais
il doit ĂȘtre subordonnĂ© Ă l'intĂ©rĂȘt collectif.
âą L'utilitarisme
perfectionné de John Stuart Mill. - Mill reprend et approfondit Bentham,
distinguant les plaisirs supérieurs (intellectuels, moraux) des plaisirs
inférieurs (physiques). Il insiste sur l'importance de l'éducation et
de la culture pour permettre Ă l'individu de discerner et de poursuivre
les intĂ©rĂȘts qui contribuent Ă un bonheur durable. L'intĂ©rĂȘt moral
ne se réduit pas à un simple calcul utilitaire : il inclut le respect
des droits et la promotion du progrĂšs social.
âą L'Ă©volutionnisme
moral de Herbert Spencer. - Spencer intĂšgre l'intĂ©rĂȘt dans
une perspective Ă©volutionniste, oĂč la morale dĂ©coule des lois de la
nature et de l'adaptation sociale. Il considĂšre que l'intĂ©rĂȘt individuel
et l'intĂ©rĂȘt collectif tendent Ă sâharmoniser dans des sociĂ©tĂ©s
Ă©voluĂ©es, oĂč la coopĂ©ration remplace la compĂ©tition brutale. La morale
de l'intĂ©rĂȘt repose sur le dĂ©veloppement progressif de comportements
altruistes, favorables Ă la survie et au progrĂšs de lâespĂšce.
âą La morale
sociale de Ămile Durkheim. - Durkheim critique les morales individualistes
et utilitaristes, insistant sur le fait que la morale ne peut se réduire
Ă l'intĂ©rĂȘt personnel. Pour lui, lâintĂ©rĂȘt est avant tout social
: les normes morales sont issues de la conscience collective et visent
Ă maintenir la cohĂ©sion sociale. Lâindividu doit subordonner ses intĂ©rĂȘts
particuliers Ă lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, dĂ©fini par les valeurs et institutions
sociales.
âą Le solidarisme
de LĂ©on Bourgeois. - Bourgeois dĂ©veloppe une morale de lâintĂ©rĂȘt
fondée sur l'idée de dette sociale. Chaque individu hérite des bienfaits
de la sociĂ©tĂ© et a lâobligation morale de contribuer Ă son tour. LâintĂ©rĂȘt
individuel et collectif sont interdépendants : en agissant pour le bien
commun, chacun favorise indirectement son propre intĂ©rĂȘt. La solidaritĂ©
est au cĆur de sa vision morale, transcendant les clivages entre individualisme
et collectivisme.
Les morales de l'intĂ©rĂȘt
diffĂšrent des morales du plaisir en ce qu'elles recommande la poursuite
d'un plaisir calculé : dans ce calcul on tient compte de l'intensité,
de la pureté, de la certitude des plaisirs et c'est l'objet, selon Bentham,
d'une véritable arithmétique des plaisirs.
Les morales de l'intĂ©rĂȘt
semblent impuissante a expliquer le fait de l'obligation morale. Quand
elles tiennnent compte de la qualité ou de la dignité des plaisirs, comme
chez Stuart Mill, elles se transforme en un utilitarisme d'ordre trĂšs
élevé qui les rapproche des morales du devoir au point de les confondre
et de donner exactement les mĂȘmes rĂšgles de conduite. |
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