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L'infinitif
L'infinitif est un mode impersonnel des verbes marquant l'état ou l'action d'une manière indéfinie, et, dès lors, sans aucun rapport exprimé de nombre ni de personne : dire, avoir, aimer. En français, l'infinitif est susceptible des trois temps à l'actif et au passif : présent, frapper, être frappé; passé, avoir frappé, avoir été frappé; futur, devoir frapper (peu usité, surtout au passif). En latin, il a, de plus, le futur passé, mais à l'actif seulement. En grec, il a le présent, le futur, l'aoriste, le partait, et le futur passé aux trois voix.

Dans les trois langues, l'infinitif fait fonction ou de sujet ou de régime (= complément), soit direct, soit indirect; mais, en grec et en français seulement, on peut le faire précéder d'une préposition. En grec, cela est toujours possible, pourvu qu'il y ait un article; en français, seulement avec quelques prépositions : ainsi, dans, en, sur, contre, à cause de, etc., ne peuvent aller devant un infinitif; à, de, pour, sans, sont les plus usitées. Cette faculté de mettre une préposition devant l'infinitif est suppléée en latin par l'usage du gérondif. Néanmoins les poètes, fort rarement les prosateurs, emploient l'infinitif à la place du gérondif; ils l'emploient aussi là où l'usage général de la langue demandait un supin en um ou en u : " Quod si tantus amor casus cognoscere nostros," au lieu de cognoscendi; - " Non ferro Libycas populare pennates Venimus",  au lieu de populatum; - "Niveus videri", pour visu.

Dans les trois langues, surtout en grec, l'infinitif devient quelquefois un véritable substantif : le savoir, le devoir, le pouvoir, le vivre, le dormir, le manger, le boire, le rire; tel est son dire;

Avec son marcher lent quand arriverait-elle?(La Fontaine, Fables, XII, 15.)

Ou plutôt que ne puis-je, au doux tomber du jeter...  (Lamartine).

Perse a dit  : scire tuum; nostrum istud vivere. 

Ces observations s'appliquent généralement aussi aux langues telles que l'italien, l'espagnol, l'allemand, l'anglais : seulement ces deux dernières langues offrent cette particularité que, dans l'une, l'infinitif est précédé de la particule zu, et, dans l'autre, de la particule to. Autrefois le français faisait un usage plus hardi de l'infinitif employé comme complément soit avec, soit sans l'article; les auteurs du XVIe siècle en offrent des exemples remarquables, ceux-ci entre autres : " Gardant ses gens d'être oisifs", , c.-à-d. de l'oisiveté, " Fuyant l'être souvent vus du peuple", etc. Ce sont des hellénismes qu'on cherchait à introduire dans la langue, mais auxquels on a renoncé, parce qu'ils ont quelque chose d'étrange et de contraint.

En grec, en latin, en français, l'infinitif employé comme complément joue le rôle d'une proposition complétive précédée de oti, quod, que. En français, cela a lieu seulement lorsque le sujet des deux propositions est le même : "Crésus croyait être le plus heureux des mortels", c.-à-d. Crésus croyait qu'il était. En grec, les deux syntaxes étaient facultatives et ont toujours existé simultanément, excepté avec les verbes boulomai, dei, cron, et quelques autres analogues. En latin, l'infinitif fut longtemps seul admis : "Craesus se esse felicissimum omnium putabat", l'usage de quod, remplacé quelquefois par quia, quoniam, ne devint général qu'au Ve siècle après J.-C.: "Craesus putabat quod esset felicissimus". Ce tour eût semblé barbare au siècle d'Auguste. En français et dans toutes les langues modernes, l'infinitif a été généralement remplacé par l'emploi de la conjonctionque et de celles qui y correspondent.

Un usage remarquable de l'infinitif en français, c'est de suppléer quelquefois l'impératif; nous disons : Rechercher les origines de telle institution; au lieu de : qu'on recherche, ou on recherchera. Il en est de même en grec.

L'infinitif présent s'emploie très souvent en latin à la place du présent et de l'imparfait de l'indicatif dans le style de l'histoire et dans les narrations de tout genre; c'était une manière de donner plus de rapidité et d'entrain au style. Le sujet est toujours au nominatif : " Numidae, alii postremos caedere, pars a sinistra ac dextera lentare". Cette syntaxe, inconnue aux Grecs, a passé en français, mais seulement dans le style familier; l'infinitif, en ce cas, est toujours précédé de la préposition de :

Rats en campagne aussitôt, 
Et le citadin de dire : 
Achevons tout notre rôt.
(La Fontaine, Fab. I, 9. )
Cette préposition de s'employait fréquemment autrefois lorsque l'infinitif, jouant le rôle de sujet, commençait la phrase; ainsi l'on disait : " De mentir, c'est bien honteux",  comme nous disons encore aujourd'hui : " Il est bien honteux de mentir".  On lit dans Boileau :
Mais de blâmer des vers ou durs ou languissants, 
De choquer un auteur qui choque le bon sens,
De railler un plaisant qui ne sait pas nous plaire, 
C'est ce que tout lecteur eut toujours droit de faire.
L'infinitif s'emploie dans de nombreuses les langues pour marquer l'étonnement, l'indignation :
Moi, le faire empereur! Ingrat, l'avez-vous cru? (Racine, Britannicus, IV, 2.)

...Mene Incepto desistere victam. (Virgile, Enéide, I, 41).

L'infinitif s'emploie très souvent en français après les mots interrogatifs, que la phrase soit directe ou indirecte: Que faire? Pourquoi rester? Comment sortir? Ils ne surent que trouver, comment s'y prendre, où aller? etc. En grec et en latin, l'infinitif s'employait aussi, mais dans un cas différent, après les interrogatifs et les exclamatifs; c'était dans les discours indirects. (P.).
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