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L'enchanteresse
lagune
de Venise, ensorcelante et suggestive par le calme de ses eaux, la
vision splendide de ses panoramas, la grandeur de ses souvenirs, qui lui
valent une renommée mondiale, suscite l'admiration de tous les visiteurs
et forme la principale attraction de Venise.
La Lagune est un vaste bassin fermé
qui s'étend des bras du Sile au nord jusqu'à Brondolo au
sud, sur une longueur de 48 km contre 14 de largeur et qui mesure 571 km²
de superficie. Du côté de la mer
Adriatique, le bassin est protégé par une langue de terre
appelée Lido, sur qui s'ouvrent cinq baies ou ports dont
les principaux sont ceux du Lido de Malamocco et de Chioggia.
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La
lagune de Venise. Source : Nasa World Wind / i-cubed
Landsat.
De grandes digues et des murs colossaux
défendent les ports et la plage contre la fureur des vagues; parmi
ces ouvrages de défense, il faut citer particulièrement celui
connu sous le nom de Murazzi, qui atteste la puissance économique
de l'ancienne République de Venise;
il sert à garantir l'existence de Venise et des îles avoisinantes
de façon efficace. Cette immense muraille en maçonnerie,
de 10 m de hauteur et 12 de largeur, composée de gros blocs en marbre
istrien équarris et joints entre eux par du ciment hydraulique,
s'allonge parallèlement aux rivages sur une longueur de 20 km. Cet
ouvrage, dont l'invention est due à Coronelli,
fut commencé en 1744 et achevé en 1781 sous la direction
de l'ingénieur Bernardino Zendrini.
La Lagune se divise en deux parties : la
partie vivante et celle dite morte.
La partie vivante, où
est située Venise, subit le flux
et le reflux périodiques de la mer, en sorte que ses eaux, lorsque
le vents se met de la partie, sont sujettes à
des fluctuations et envahissent quelques points de la ville, en particulier
la Place Saint Marc. C'est
le phénomène de l'acqua alta.
La partie morte subit les alluvions
constantes des fleuves qui y débouchent
et vient former plusieurs petits bassins appelés valli d'où
l'on tire de la chasse et de la pêche en abondance.
Bassin de Saint Marc.
On appelle bassin de Saint Marc la nappe
d'eau devant la petite place
Saint-Marc, nappe qui s'étend le long de la Rive des Esclavons
(Riva degli Schiavoni) et qui
grâce à sa profondeur se prête même au mouillage
des plus grands navires de croisière.
Iles de la Lagune.
Les îles qui
entourent la Lagune de Venise sont nombreuses; quelques-unes d'entre elles
conservent encore aujourd'hui leur ancienne floraison et prospérité,
d'autres déchurent peu à peu à la suite de cataclysmes
naturels, d'autres enfin disparurent totalement sous l'action de la mer
et des fleuves. Parmi ces dernières dont il ne reste plus que le
souvenir dans l'histoire, nous citerons Eraclea, Iésolo, Chioggia
mineure et l'ancien Malamocco.
Les îles actuelles sont celles du
Lido de Malamocco, de Saint Georges Majeur (San Giorgio Maggiore), de la
Giudecca, de Chioggia, de Murano et Burano, de Saint Michel (San Michele),
de Saint Clément, de Saint Nazare des Arméniens, de Saint
Servile, de Torcello et d'autres moins importantes.
Le
Lido.
Cette longue bande de terre, part des
Alberoni et va jusqu'au port de Malamocco, à travers la puissante
mer
Adriatique, formant une barrière à la violence des flots
pour leur empêcher d'envahir et d'endommager les îles de la
Lagune, porte le nom de Lido (lido signifie rivage). C'est ici qu'on
célébrait jadis la fête solennelle
des Épousailles de la mer. C'est ici, où au XIe
siècle le doge Dominique Contarini faisait
construire le couvent des Bénédictins
et l'église annexe, qu'au tout début XXe
siècle l'industrie italienne a fait surgir, comme par enchantement,
des édifices superbes, des hôtels splendides, des endroits
de cure, de réunion et de plaisir à la mode du temps. On
créa des parcs et jardins agréables, des allées ombragées
et des rues commodes, des très élégants et grandioses
hôtels, villas, châlets, restaurants et du théâtre.
De Sainte Marie Elisabeth du Lido, à droite, une route agréable,
qui longe la mer, conduit à Malamocco, aujourd'hui fraction de la
Commune de Venise et centre d'une importance
spéciale, à laquelle quelques canaux lui donnent un certain
charme. Cette localité possède un Palais Communal et l'église
de Saint Nicolas. En sortant de l'église, juste en face de l'embouchure
du port du Lido, on voit se dresser le château ou fort de
Saint André, construit par Sammicheli en 1544. A l'extrémité
du Lido, il y a, d'une part, le port de Malamocco, de l'autre, le
Fort degli Alberoni qui regarde le port même.
Les
autres Lidi.
Outre le Lido déjà décrit,
qui est celui de Malamocco, il y a autour de Venise trois autres lidi,
à savoir : le Lido de Pellestrina, où se trouve le château
et le village de San Pietro in Volta; le Bourg de Portosecco et le pays
de Pellestrina, où se font les fameuses dentelles du même
nom et où il existe deux églises; le Lido de Saint Erasme
et le Lido de Sottomarina, où est notable la bourgade homonyme,
fraction de la commune de Chioggia.
Chiogga.
Près du Lido de Malamocco, s'étend
la pittoresque ville de Chioggia, qui, par sa position heureuse au milieu
des eaux de la Lagune et les belles choses qu'elle possède. Cette
ville est reliée au continent par un pont, et à l'intérieur
l'île est partagée en deux parties par un canal.
Saint
Lazare.
En revenant par le vaporetto du Lido à
Venise,
on aperçoit à gauche l'île de Saint Lazare, avec un
monastère et une église
appartenant aux Pères Méchitaristes, qui y possèdent
également une bibliothèque arménienne très
riche. Dans l'église, on admire plusieurs oeuvres appréciables
de sculpture et quelques très bonnes peintures de Palma
le Jeune, du Prete Genovese, de Francesco Zugno, de Maggiotto, etc.
Cette île fut le séjour cher
au poète Lord Byron, dont on conserve beaucoup
de souvenirs.
San
Servolo.
A côté de Saint Lazare, il
y a l'île de San Servilio ou Servolo, anciennement la demeure des
Frères Bénédictins, ensuite de Réligieuses
et successivement des Pères Fate-bene-Fratelli, qui y installèrent
un Hôpital transformé ensuite en l'asile d'aliénés
pour hommes.
Sant'Elena.
En face de San Servolo, formant l'extrémité
orientale du quartier de Castello, on voit l'île de Sainte-Hélène,
reliée par un pont à la place d'armes voisine. Par le passé,
cette île était une des plus pittoresques de Venise;
elle possédait au XIIe siècle
un hospice pour les pèlerins, et au XVe
siècle on y construisit, pour les moines Olivétains une belle
église, riche en oeuvres précieuses, mais après en
avoir chassé les moines, ce qui arriva en 1806, l'église
fut dépouillée, et seulement les murailles en restèrent.
La
Giudecca.
La Giudecca, ainsi appelée parce
qu'elle servait jadis de demeure aux juifs;
il s'y trouvaient deux synagogues, qui
furent démolies au XIXe siècle.
Avant de devenir le quartier des juifs, cette île s'appelait Spinalunga
(arête longue), à cause de sa forme, et c'était le
jardin de délices de nobles sybarites : Michel-Ange
Buonarrotti aussi y habita. Elle eut des palais majestueux et des églises
très riches, parmi lesquelles on conserve aujourd'hui l'église
du Rédempteur, construite par André
Palladio.
Outre l'église du Rédempteur,
il y a dans cette île d'autres églises moindres, soit celle
des Zitelle (vieilles filles et de Sainte Euphémie, les autres ayant
été transformées en usines industrielles, parmi lesquelles
mérite d'être mentionné le Mulino (Moulin) Stucky.
San
Giorgio Maggiore.
A l'extrémité Est de la
Giudecca se trouve l'Ile de San Giorgio, qui est celle qui frappe le visiteur
davantage, et où s'élève, en face de la Piazzetta
de Saint-Marc, la belle église dénommée Saint
Georges Majeur, avec son campanile élancé.
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L'île
de san Giorgio Maggiore.
Au delà de la Giudecca, sur une
étendue riante d'eau de la Lagune, sont éparpillées
plusieurs petites îles parmi lesquelles :
La
Grazia.
La Grazia, autrefois le siège d'un
hospice pour les pèlerins de Terre Sainte, ensuite d'un couvent,
plus tard amenagé en sanatorium pour les maladies infectieuses;
San
Clemente.
San Clemente, ayant déjà
appartenu aux Moines Camaldolais, et fut occupée ensuite par l'asile
d'aliénés pour femmes;
Lo
Spirito Santo.
Lo Spirito Santo, où plus rien
n'est resté de l'église de Sansovino
et du couvent des Augustiniens, qu'elle possédait dans des temps
reculés;
Poveglia.
Poveglia, qui a accueilli le lazaret communal,
construit avant la chute de la République.
San
Michele.
C'est dans cette île, aujourd'hui
habitée par les moines Réformistes, qu'il y a le Cimetière
communal, commencé en 1872 d'après le plan de l'ingénieur
Annibale Forcellini. Un couvent et l'église homonyme sont annexés
au cimetière.
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L'île
de San Michele, avec son église et son cimetière.
Murano.
L'île de Murano est considérée
à juste titre comme le berceau de l'école
vénitienne de peinture, et des très fins travaux de verroterie,
appréciés et estimés dans le monde entier. L'industrie
du verre et des perles remonte au XIIe
siècle et fut apportée à Venise
par des ouvriers byzantins. On dit que
Marco
Polo contribua quelque peu au développement de cet art, parce
qu'il fut le premier, en pays lointains, à faire connaître
les perles et les autres travaux qu'on exécutait dans l'île.
Cette industrie, qui alla se perfectionnant toujours davantage, prospéra
singulièrement au XVe et XVIe
siècle; mais elle s'affaiblit avec la décadence de la République
pour s'épanouir de nouveau, plus prospère et universellement
admirée, sous le gouvernement libre de l'Italie
unifiée.
Plus tard, grâce à la compagnie
fondée en 1866 sous le titre de Venise-Murano, la fabrication s'est
étendue non seulement aux perles et verreries artistiques, telles
que lustres, glaces, vases, etc., mais aux mosaïques
monumentales, aux porcelaines. bronzes,
aux statues de marbre et aux meubles sculptés.
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L'île
de Murano. © Photos : Serge
Jodra, 2012.
Murano possède à l'instar
de Venise, des calli, campi, fondamenta, rii (petits canaux) et
un large canal. Elle possède le célèbre Palais Da
Mula et trois belles églises appelées de San Donato (cathédrale);
de Saint Pierre Martyr et de Sainte Marie des Anges. ( Les
églises
de Venise)
En outre dans le palais Municipal de Murano,
il y a un musée de Verrerie très intéressant, où
sont réunis tous les produits de la verrerie de Murano de tous les
temps, de façon qu'on peut embrasser d'un coup d'oeil l'évolution
de cet art même à travers les siècles, depuis son origine
jusqu'à nos jours.
Anciennement, cette île était
l'endroit de villégiature préféré des aristocrates
vénitiens, qui y construisirent des villas magnifiques et des palais
splendides.
Burano.
De Murano, par le même vaporetto
qui des Fondamenta Nuove va jusqu'aux Grandes Portes du Sile, après
un parcours d'environ 9 kilomètres on arrive à Mazzorbo,
île abandonnée aujourd'hui, et d'ici on va, si l'on veut,
à pieds jusqu'à Burano, île autrefois très remarquable
pour son industrie des dentelles, jadis très florissante, puis tombée
en abandon avec le déclin de la République,
mais qui reprit au début du XXe
siècle un nouvel essor principalement par les soins d'Adrienne Marcello,
qui avec d'autres, installa ici une école dentellière. Burano
est connue pour ses maisons aux façades
peintes de couleurs vives. Dans l'île se trouve l'église de
San Martin.
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Les
façades colorées de Burano. Source
: The World Factbook.
Torcello.
A la distance d'à peine deux kilomètres
de Burano, il y a la dernière île de la Lagune dénommée
Torcello, aujourd'hui fraction de Burano, qui était anciennement
une île florissante où se réfugièrent les premiers
fugitifs du continent, échappés à l'extermination
d'Attila et à l'invasion des Lombards.
Torcello
des origines
C'est
seulement vers la moitié du VIIe siècle que les Altinates,
s'enfuyant devant les invasions des Huns et des Lombards, s'établirent
définitivement dans l'île des Torcello. Il n'est pas improbable
pourtant que bien avant cette époque les riches habitants d'Altino
n'eussent fait de Torcello un lieu de plaisance. Déjà Marziale
parle avec enthousiasme des villas d'Altino et rien n'empêche de
supposer l'existence de quelques unes dans un lieu qui devait être
extrêmement fertile.
Un
anonyme habitant d'Altino nous fait croire que les Altinates, avant de
se décider à abandonner leur ville, avaient jeune trois jours
qu'ils auraient passés en prière pour que Dieu daignât
leur indiquer le lieu où ils auraient pu trouver un sûr abri
contre les incursions des barbares.
«
Et après le troisième jour, disent les chroniques, on put
voir les colombes tenant leurs petits dans le bec pré céder
la fuite des hommes et se réfugier dans les îles de la lagune.
»
C'est
peut-être à la suite de cette légende que les colombes
(en fait, les pigeons) ont été toujours aimées, respectées
et nourrie, par les Vénitiens et que l'on en voit encore de nos
jours toute leur ville peuplée.
Aurio
et Aratone son fils, tribuns ou magistrats d'Al tino, conduisirent l'émigration;
des prêtres vinrent à leur aide et ils réussirent à
persuader les fugitifs de se réunir et de prendre une stable demeure
dans les îles, en y construisant des maisons et des églises.
Ainsi plusieurs petites îles, jadis abandonnées, furent choisies
par Ies Altinates qui, en mémoire de leur ancienne ville, les donnèrent
les noms des tours et des monuments qui en étaient l'ornement. Et
l'on eût ainsi et Burano et Mazzorbo et Costanziaco et Ammiano, tandis
que Torcello ou Torricello prit probablement son nom des nom. breuses tours
qu'on y éleva pour la défendre contre les incursions des
ennemis. |
Torcello eut ses temples et ses palais
et se rendit illustre par les exploits de ses habitants; mais par la suite
du paludisme, la population émigra petit
à petit et, en peu de temps, l'île resta complètement
déserte A la suite de cet abandon, les palais et les monuments tombèrent
en ruine, on transporta les choses les plus belles et le reste devint la
proie des outrages dûs aux temps et à la rapacité des
humains.
Ainsi finit Torcello, et aujourd'hui, quoique
le paludisme y ait été depuis
longtemps éradiqué, l'île demeure dans une désolation
constante. Sur sa grande place, on voit, au centre, le siège plus
de dix fois séculaire qui servait de trône aux évêques
et aux gouverneurs de l'île; tout autour il y a les restes du palais
du Conseil, du XIIIe siècle, le
palais des Archives, le Dôme (cathédrale)
et l'église de Sainte Fosca ( Les
églises
de Venise). Dans les salles du palais du Conseil, on a placé
l'important musée où l'on conserve tous les objets de grande
valeur retrouvés sur l'île et sous terre, savoir armes, autels
païen tableaux,
mosaïques, etc.
(A.
Scrocchi). |
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