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Thulé,
Thoule, est, pour les anciens géographes
à partir de Pythéas, l'île
la plus éloignée vers l'Océan boréal, au Nord-Ouest
de l'Europe![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Le
voyage de Pythéas.
Il fit le tour de la péninsule ibérique On ne voit pas qu'il ait visité
les Cassitérides (nous parlons ici des îles Scilly Au retour de ses voyages, il a composé deux ouvrages : De l'Océan et Le tour du monde. Ces deux ouvrages sont malheureusement perdus, et l'on n'a plus pour reconstruire son périple que les fragments cités par ses contradicteurs. On sait toutefois qu'il a vu la pointe
sud-est de la Grande-Bretagne L'hypothèse
islandaise.
A cette latitude, on ne trouve qu'un seul
groupe d'îles : les Feroé. A six jours de navigation des Feroé Pythéas ne put savoir si Thulé
était île ou continent. Ce doute se comprend si l'on place
Thulé en Islande; il ne se comprendrait ni pour les 85 îlots
qui composent le groupe des Shetland D'après Strabon, qui cite Polybe, Pythéas aurait dit qu'au-delà de Thulé on ne rencontre plus ni terre, ni mer, ni air, mais une concrétion de ces divers éléments semblable au poumon marin, qui tient en suspension et réunit par un lien commun la terre, la mer et l'air et ne permet plus à l'homme de marcher ou de naviguer. Les auteurs ont beaucoup discuté sur ce poumon marin et l'ont transformé successivement en fumée projetée par le volcan Hékla, en glaces polaires, en pierres ponces provenant de volcans qui semblent exister vers le 75° degré. Pythéas connaissait assez la fumée, la glace et la pierre ponce pour ne pas les comparer au poumon marin, peut-être du plancton. Mais s'il a vu l'Islande pendant l'hiver,
il l'a trouvée frissonnante sous un épais manteau de neige,
enveloppée d'une atmosphère sombre et fumeuse, souvent remplie
de particules glacées. Peut-être aperçut-il, pendant
une éclaircie, des icebergs flottant à l'horizon ou
l'un de ces nuages blancs, épais, effroi des navigateurs, qui se
rencontrent fréquemment au Svalbard Un marin qui n'avait encore vu que le beau
ciel bleu de la Méditerranée Pythéas ne s'en tint pas à ce détail qui rappelle les vagues traditions des Phéniciens sur la mer Hespérienne : il détermina la latitude de Thulé par des observations astronomiques dont Strabon lui-même a reconnu l'exactitude. A Thulé, dit-il, le tropique d'été se confond avec le cercle arctique, et le jour solsticial est de vingt-quatre heures. C'est aussi ce que disent , après Pomponius Mela et Pline, Solin, qui vivait un siècle et demi après eux, Dicuil, qui prétend que toute la nuit comme en plein jour, un homme peut travailler et chercher ses poux dans sa chemise, Horrebows, qui observa que de la mi-mai au mois de septembre « on voit assez clair pour lire toute la nuit, » et que, dans la région du cap Nord le soleil reste sur l'horizon du 12 juin au 1er juillet. D'après les calculs de Strabon, la terre ainsi décrite se trouverait sous le 66e degré de latitude boréale, à 46,200 stades de l'équateur. C'est précisément la position qu'Hipparque et les géographes modernes donnent à l'Islande. De l'avis unanime des anciens, Pythéas
est le seul qui s'aventura si près du pôle et proclama l'habitabilité
des régions arctiques. C'est d'après lui, selon toute apparence,
qu'Aristote étendit la zone habitable
jusqu'au 67e degré « d'où
l'on voit toujours la couronne d'Ariane, où le jour solsticial d'été
est de vingt-quatre heures ».
Cette étrange opinion était
à peu d'exception près, celle de toute l'école d'Athènes,
qui s'émerveillait, d'ailleurs avec raison, du voyage que Néarque
avait fait du delta de l'Indus Mais la brillante école d'Alexandrie, mieux à portée d'apprécier le mérite de Pythéas, profita largement des observations de l'illustre marin pour améliorer sa cartographie. C'est l'honneur d'Eratosthènes et d'Hipparque d'avoir fait profiter la science des précieuses découvertes du voyageur marseillais. L'avenir leur a donné raison contre les négations magistrales de Polybe et de Strabon. Un fait nous semble n'avoir pas été suffisamment remarqué, c'est l'indication par Pythéas du voisinage de la mer de glace ou Cronienne. Ce navigateur n'avait pu deviner que les glaces commençaient à un jour de navigation de Thulé. S'il avait placé Thulé au Danemark ou en Norvège, il n'aurait pas vu les glaces du Sund à la distance d'un jour de navigation, mais à quelques encâblures de son navire. S'il avait cru Thulé aux Shetland ou même aux Féroé, l'intensité croissante du froid pouvait lui faire conjecturer l'existence d'une zone glaciale, mais il ne lui était pas possible de s'exprimer aussi affirmativement, surtout avec autant d'exactitude : ces deux archipels se trouvent à la fois trop au sud de la mer Cronienne et trop à l'est de la route des glaces. Il n'a pas dû connaître la
mer de glace proprement dite, mais il a pu voir le treibeis (glace
flottante en fragments) qui apparaît sur la côte orientale
de l'Islande, les icebergs qui flottent à l'ouest de la même
île, les champs de glace qui bordent les côtes du Groenland
et s'étendent du sud-ouest au nord-est derrière l'île
Jan Mayen La limite des banquises est d'ailleurs très variable. En 865, Floki-Rafna vit, de l'Islande, la mer du Nord couverte de glaces flottantes. Dans l'ouvrage qu'il a publié en 1752, Horrebows dit que le nord de l'Islande est souvent encombré par des glaces qui ressemblent à un pays sorti tout-à-coup du sein des eaux. En 1773, le capitaine Phipps ne rencontra les glaces qu'au 80° degré. En juillet 1833, Jules de Blosseville toucha les premiers glaçons par 68° 20' de latitude et la barrière des glaces mobiles par 68° 20' et 68. Ces énormes masses ont souvent descendu beaucoup plus bas. En 1306 et 1695, elles ont emprisonné l'Islande. Parfois, en hiver, des ours blancs ont été apportés par les glaces qui s'accumulent sur les côtes de cette île. On pouvait donc, au temps de Pythéas, indiquer cette terre comme étant à un jour de navigation des mers de glace. Il semble résulter de ces diverses observations que l'Islande est la Thulé de Pythéas. C'était d'ailleurs l'avis de Bède le Vénérable et de Dicuil dont les ouvrages ne furent peut-être pas sans influence sur les navigations du Moyen-âge. Les Romains, venus après Pythéas, n'ont pas dépassé les Orcades. Des Orcades, dit Tacite, Agricola vit Thulé. La Thulé de Tacite n'était certainement pas cette île mystérieuse qui passait pour voisine du chaos. Tacite a beaucoup exagéré le mérite de son beau-père. Il ne faut pas, par un excès contraire, prendre cet imperator pour un homme absolument nul. Si Julius Agricola se contenta de voir Thulé à la distance d'un seul jour de navigation, c'est qu'elle avait perdu son prestige par suite de la découverte d'une autre Thulé plus septentrionale, et non, comme le dit Tacite, « parce que la mer était immobile et résistait aux efforts des rameurs », ou parce qu'il était trop indifférent pour acheter par quelque fatigue le plaisir de voir ce qu'il aurait pris pour la limite du monde et le commencement du chaos. (Gabriel Gravier). L'hypothèse
baltique.
Telle pourrait donc être l'explication de la plus fameuse énigme que renferme la géographie ancienne. Les autres opinions qu'on a proposées à cet égard ne seraient alors fondées que sur des expressions erronées de quelques géographes anciens, qui semblent s'être mépris sur la valeur des stades employés par Pythéas. C'est ainsi qu'Eratosthène, en évaluant les stades à 700 par degré, plaça Thulé à 66 degrés, ou sous le cercle polaire; ce qui est contraire à un passage authentique de Pythéas lui-même, conservé par Geminos, et dans lequel il dit que "les nuits, à Thulé, lui paraissaient être de deux à trois heures". Parmi les défendeurs modernes de l'erreur d'Eratosthène la plupart, séduits peut-être par les auteurs anglo-saxons, y ont ajouté une nouvelle invraisemblance en rapportant cette latitude aux extrémités septentrionales de l'Islande; comme si Pythéas, venant du midi, n'eût pas dû indiquer de préférence la position des côtes méridionales. Quelques Anciens,
choqués de l'invraisemblance d'un voyage aussi lointain, employèrent
sans doute un stade de 750 ou 769 au degré indiqué par Pline
et Hipparque : leur calcul réduisit
la latitude de Thulé à 60 ou 62 degrés; ce qui correspond
à la latitude de la Norvège Nous observerons
seulement que, tout ce que les Anciens ont dit sur Thulé postérieurement
à Pythéas nous paraît vague,
contradictoire et uniquement fondé sur la confusion des stades.
C'est sans doute en cherchant à réunir ces traditions opposées,
que Procope a été conduit à
considérer toute la Scandinavie comme étant comprise sous
le nom de Thulé; les curieux détails dans lesquels il entre
sur les moeurs des Finnois et des Goths en
obser vant même l'orthographe scandinave de ce der-
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