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A la mort d'Owen
(vers 1170), Iorwerth, seul fils qu'il
eut eu de sa première femme, fut écarté du trône
au profit d'Howell, fils de sa deuxième femme, Pyfg. Ce jeune prince,
guerrier et poète, ne régna que deux ans. Il fut vaincu et
tué par son demi-frère révolté, Dafydd, fils
aîné d'une troisième femme d'Owen. Le Nord se trouva
alors morcelé entre les nombreux enfants d'Owen (il avait eu quatorze
fils et trois filles). Le Sud devenait de plus en plus dépendant
de l'Angleterre .
En 1171, Henri II le visita en maître,
investit Rhys; fils de Gruffudd, d'une bonne partie du royaume de son père.
Mais celui-ci dut lui fournir des troupes pour ses guerres en Irlande
et en Normandie .
Le roi d'Angleterre entendait bien
être le vrai souverain de Galles. En 1176,
le clergé de la cathédrale de Saint-David (Pembrokshire),
la principale église du Pays de Galles,
élut pour évêque Giraud de Barri. Giraud était
fils et petit-fils de barons normands. Mais sa grand-mère était
galloise, et de plus le clergé n'avait pas sollicité la permission
préalable du roi d'Angleterre pour procéder à l'élection.
Ces deux faits suffirent pour enflammer de colère de Henri
II. Les biens de la cathédrale
furent confisqués, Giraud de Barri chassé et remplacé
par un Normand d'Angleterre. Vingt-sept ans de démarches à
Rome
et en Angleterre ne purent triompher de l'hostilité des Normands.
Dafydd ab Owen, le roi de Gwynedd, après
s'être montré l'ennemi acharné des Anglais, devint
aussi soumis que Rhys quand il eut épousé Emma, soeur de
Henri II. Celle-ci introduisit dans le Nord les moeurs et les coutumes
normandes. Dafydd, Rhys et les trois petits princes du Powys allèrent
à Oxford en 1175
faire hommage de leurs terres à Henri Il et les recevoir de lui
en fief. Dafydd fournit des troupes à Henri Il pour ses guerres
du continent et il renonça à l'espèce de suzeraineté
que les rois de Gwynedd exerçaient sur le Powys et le Deheubarth.
Les principautés situées dans ces deux dernières contrées
relevèrent désormais directement du roi d'Angleterre. En
1188,
la croisade fut prêchée dans le pays de Galles par Baudouin,
archevêque de Canterbury, Rainulf,
grand justicier d'Angleterre, Pierre, évêque de Saint-David
et Giraud de Barri. Celui-ci nous a laissé sous le titre d'Itinerarium
Kambriae le récit de leur tournée, si précieux
pour la géographie et l'histoire.
Au Nord, Dafydd vit former contre lui une
conspiration. Un adolescent, Llewelyn, fils de Iorwerth (Llywelyn ab Iorwerth),
fut choisi comme prétendant au trône de Gwynedd par les princes
de Powys, ses parents du côté maternel, et les fils de Cynan,
ses cousins. Dafydd fut vaincu à Aberconway (Aberconwy) et
remplacé en 1194 par Llewelyn.
Ce fut, dès sa jeunesse, un prince actif, intelligent et énergique.
En quelques années il détruisit les châteaux
normands bâtis sur ses terres, tenta de faire revivre la suprématie
du Gwynedd sur le Sud désorganisé après la mort de
Rhys ab Gruffydd (1197). Jean
sans Terre essaya de se le concilier en lui donnant en mariage une
de ses filles (1204). Ce fut en vain,
et le roi, à la tête des troupes normandes et des contingents
fournis par les Gallois du Sud, dut envahir le Gwynedd en personne pour
obtenir la soumission de Llewelyn (1211).
Les troubles qui agitèrent l'Angleterre sous le règne de
Jean fournirent au prince de Gwynedd l'occasion de prendre sa revanche.
Bien qu'il ne soit pas nommé parmi les barons qui arrachèrent
la Grande charte
à Jean sans Terre, Llewelyn s'était certainement allié
à ceux-ci, car dans cet acte célèbre on voit le roi
normand s'engager à lui rendre son fils et tous les otages qu'il
retenait, et de plus à restituer aux Gallois les terres qui leur
avaient été injustement ravies.
Tour à tour ami de Jean et des barons
révoltés, Llewelyn s'empare de Shrewsbury, envahit le Sud
de Galles et agit en souverain des Gallois. Cependant, en 1218,
il dut, comme le roi d'Ecosse ,
se soumettre au célèbre Guillaume le Maréchal, comte
de Pembroke, et faire hommage du Gwynedd à Henri
III. Il lui fallut même s'engager à appliquer les lois
normandes aux Anglo-Normands établis dans sa principauté;
il est vrai qu'en revanche on reconnut sa suprématie sur le Powys
et le Deheubarth, Mais le Grand Maréchal mourut (1219)
et Llewelyn n'hésita pas à entreprendre la lutte contre les
comtes de Pembroke, ses successeurs. Il s'attira ainsi l'hostilité
du roi. Henri III commença par solliciter l'intervention de la papauté.
Honorius
III jeta l'interdit sur le Pays de Galles (5 octobre 1223),
puis le roi envahit la contrée. Mais, acculé dans une position
désastreuse, il dut solliciter la paix du chef gallois (1225).
La mort de Guillaume II le Maréchal (1231)
amena la répétition des mêmes péripéties.
Les Gallois se jetèrent sur les Normands, furent excommuniés,
une expédition de Henri III n'eut que peu de résultats et
les deux ennemis se restituèrent leurs prises. Le mécontentement
des barons contre le roi d'Angleterre
amena deux ans après une nouvelle prise d'armes; Richard le Maréchal,
comte de Pembroke, et le comte de Kent ,
craignant le ressentiment de Henri III, se réfugièrent en
Galles. Les Gallois et les Anglo-Normands insurgés ravagèrent
le "border".
Le 11 novembre 1233
ils surprirent pendant la nuit l'armée royale près de Hereford
et la mirent en pleine déroute. Mais l'année suivante Llewelyn
conclut une trêve avec l'Anglais. Il se sentit envahi par la paralysie
et, de plus, son fils aîné, Gruffudd, s'était révolté
pour la troisième fois. Aussi Llewelyn assembla les princes vassaux
et leur fit rendre hommage à un autre fils, Dafydd, comme héritier
du trône de Gwynedd. Dafydd était né de son mariage
avec Jeanne, fille naturelle du roi Jean.
Pour lui assurer la couronne, Llewelyn s'offrit même à reconnaître
formellement la suzeraineté du roi Henri
III (1238). Llewelyn ab lorwerth,
surnommé le Grand, mourut deux ans plus tard. Les dissentiments
de ses fils et des infirmités prématurées l'empêchèrent
seuls de faire valoir jusqu'au bout ses prétentions à la
souveraineté entière des Gallois. Ses fils n'avaient pas
attendu sa mort pour s'entre-déchirer. En 1239,
Gruffudd, qui comptait de nombreux partisans, fut attiré dans un
guet-apens par Dafydd et fait prisonnier. L'évêque de Bangor
lança l'excommunication contre Dafydd, et Henri III feignit d'embrasser
la cause de Gruffudd. Mais, quand Dafydd lui eut remis son prisonnier et
lui eut rendu hommage, l'Anglais jugea bon de garder Gruffudd et l'envoya
à la Tour de Londres (1241).
Le malheureux se tua (1244) en essayant
de s'évader.
Llywelyn ap Gruffydd.
A cette nouvelle le Pays
de Galles se souleva et reconnut pour chef Dafydd, déjà
las de la suzeraineté anglaise. Mais celui-ci mourut en 1246.
Les Gallois décidèrent alors que les fils de Gruffudd, Owen
le Rouge (Owain Goch), Llewelyn et Dafydd régneraient conjointement.
Leur jeunesse et leur faiblesse les obligèrent pour plusieurs années
à se résigner à subir la domination anglaise. En 1255,
Owen et Dafydd essayèrent de priver Llewelyn de sa part de souveraineté.
Mais Llewelyn était aimé de son peuple. Il n'eut pas de peine
à recruter une armée et ce fut lui qui fit prisonnier ses
deux frères. Depuis lors il fut le seul et vrai chef des Cymry,
Dès 1256, les habitants du Cheshire
et des Marches opprimés par les fonctionnaires royaux se soulèvent,
pillent Chester
et les possessions du prince Edouard. Ils prêtent serment de fidélité
à Llewelyn, qui obtint l'année suivante l'alliance de princes
de Powys et de Deheubarth. Il se trouva alors à la tête de
15.000 hommes armés à la légère et de 230 chevaliers
équipés lourdement, tactique toute nouvelle chez les Gallois;
en 1258, Llewelyn relâcha son
frère Dafydd et se réconcilia avec lui. Henri
III, tout occupé de ses luttes contre les empiétements
des barons, ne fit aucune expédition hostile contre le prince gallois
et se contenta de négocier pendant plusieurs années.
En 1263,
Llewelyn conclut une alliance avec le célèbre Simon
de Montfort, comte de Leiceister .
L'année suivante Henri III était battu et fait prisonnier
à Lewes par les barons révoltés et leurs auxiliaires
gallois (13 mai 1264). Simon de Montfort
resserra alors ses biens avec Llewelyn en lui promettant en mariage sa
fille Aliénor encore enfant. Ce dernier ne tarda pas à conclure
la paix avec Henri grâce à l'intercession de son puissant
beau-père. Par le traité du 19 juin 1265,
Llewelyn, « prince de Galles et seigneur du Snowdon », reconnaît
tenir sa principauté et toutes ses possessions du roi
d'Angleterre ,
comme ses prédécesseurs. II s'engage à faire la paix
et à payer 3000 marcs sterling. De son côté, Henri
III reconnaissait (22 juin) à Llewelyn tous les lieux dont il
s'était emparé, lui donnait en outre le cantrev d'Ellesmore,
la seigneurie de Whittington, les châteaux
de Hawarden et de Montgomery
avec leur territoire. Enfin il lui cédait, ainsi qu'à ses
successeurs, la souveraineté sur tout le Pays de Galles, sans réserve
de l'hommage dû à la couronne d'Angleterre. Ce traité
si avantageux et si honorable pour le Gallois n'eut pas le temps d'être
exécuté. Quelques jours plus tard (4 août 1265),
Simon de Montfort était vaincu et tué à Evesham par
le prince Edouard, et Henri III délivré du joug de ses barons.
Le roi employa une fois de plus contre
les Welches les armes spirituelles. A son instigation le pape Clément
IV, par une bulle du 13 septembre 1265,
ordonnait à Llewelyn de restaurer les châteaux anglais et
de se soumettre entièrement au roi. Les deux parties, après
avoir longtemps cherché un accommodement conclurent une trêve
à Shrewsbury (25 septembre 1267).
Après la mort de Henri III (16 novembre 1272),
Llewelyn refusa pendant trois ans, sous toutes sortes de prétextes,
d'aller porter son hommage à Edouard
Ier, et
les relations redevinrent très tendues avec l'Angleterre. La fiancée
du prince gallois, Aliénor, résidait en France
à Montargis
avec sa mère (demi-soeur de Henri III), sous la garde du roi de
France. En 1275, Llewelyn la réclama
pour procéder aux cérémonies du mariage. Elle partit
sous l'escorte de son frère Amaury. Mais le navire qui les portait
dans le Pays de Galles fut capturé (décembre) par des marins
anglais sur l'ordre d'Edouard. En même temps, celui-ci sommait pour
la dernière fois Llewelyn de venir lui rendre hommage à Winchester
le 20 janvier 1276. Le prince gallois
refusa de se déplacer à moins qu'on ne lui accordât
des garanties sérieuses pour sa vie et sa liberté. Il fut
proclamé rebelle et excommunié par l'archevêque de
Canterbury
(novembre 1276), En juin 1277,
Edouard est à Chester où il rassemble des troupes. Il est
accompagné de Dafydd. Celui-ci ayant échoué deux ans
auparavant dans un complot contre son frère s'était réfugié
chez ses ennemis. Après avoir vu prendre Anglesey
et les châteaux de Flint et de Rhuddlan,
Llewelyn demanda la paix.
Par le traité d'Aberconway (10 novembre
1277),
Llewelyn s'engageait à payer 50.000 livres sterling, à relâcher
son frère Owen et les nobles gallois qu'il retenait prisonniers;
enfin il reconnaissait la juridiction des justiciers des Marches. En revanche,
Edouard admettait sa suzeraineté sur le Powys et le Deheubarth et
lui rendait Anglesey, mais moyennant une rente annuelle de 1000 marcs.
Un an après (13 octobre 1278),
Llewelyn épousait Aliénor à Worcester
en présence des rois d'Angleterre
et d'Ecosse. Grâce peut-être
à l'influence de cette jeune femme, les relations avec l'Angleterre
furent amicales pendant quelques années. Mais elle mourut (24 juin
1281)
et Dafydd, mécontent de se voir traiter par le roi en simple baron
et non en prince, s'enfuit auprès de son frère. Il obtint
son pardon et l'excita contre l'Anglais. Llewelyn, exaspéré
déjà par les empiétements des justiciers royaux qui
se mêlaient de juger selon les lois normandes ses propres sujets,
ne demandait qu'à recommencer les hostilités. Le 22 mars
1282,
Dafydd se jette sur le château de Hawarden,
capture et tue le justicier Roger de Clifford, tandis que son frère
attaque les forteresses de Flint et Rhuddlan.
Les Marches et les possessions royales
sont mises à feu et à sac. Edouard
fut aussitôt inrrormé de la révolte. Dès le
28 mars, il écrivait à l'archevêque de Canterbury
d'excommunier les rebelles. Il rassemblades troupes de toutes parts et,
en juin, il était à Chester. Cette fois, il était
décidé à en finir coûte que coûte avec
les Gallois et il apporta dans l'exécution de son plan une ténacité,
une habileté et aussi une férocité extraordinaires.
Pendant que dans le Sud ses lieutenants infligeaient une défaite
sanglante aux Cymry à Llandeilo Fawr, lui-même reprenait Anglesey
et Rhuddlan où il établit son quartier général.
L'archevêque de Canterbury offrit ses bons offices en faveur de la
paix. Edouard offrit à Llewelyn une baronnie en Angleterre
en échange de sa principauté. Le chef gallois repoussa avec
dédain une pareille proposition. Mais en décembre il se trouva
acculé au Snowdon. La forteresse bâtie sur cette montagne
était imprenable de vive force. Il la confia à son frère
Dafydd et sortit pour ravager les établissements anglais. Le 11
décembre, il fut tué dans une escarmouche par Adam de Francton,
écuyer d'Edmond de Mortimer. Sa tête fut portée à
Edouard qui la fit exposer sur la Tour de Londres
avec une couronne de lierre. Ainsi périt le dernier des grands princes
gallois, peut-être le plus habile et le plus vaillant de tous.
A la nouvelle de sa mort quelques chefs
proclamèrent son frère Dafydd. Il était inexpugnable
sur le Snowdon, mais ses sujets découragés et aigris le chassèrent.
Il erra six mois, avec sa femme et ses enfants, de montagne en montagne,
de forêt en forêt et fut livré en juin par un traître.
Condamné par le parlement de Shrewsbury, il fut décapité
et sa tête alla rejoindre à la Tour celle de son frère
(septembre 1283). Tout le Pays de Galles
était soumis. Edouard le parcourut pendant trois ans en vainqueur
et maître absolu. Dès le 7 mars 1283,
par les statuts de Rhuddlan, il divisa le pays en comtés (Anglesey ,
Caernarvon ,
Merioneth, Flint ,
Caermarthen, Caerdigan ),
soumis à l'autorité de vicomtes (sheriffs), coroners, baillifs.
Chester fut choisi pour siège de l'Echiquier et de la Trésorerie
de Galles. Quant aux Gallois, Edouard et ses successeurs utilisèrent
leur courage en les enrôlant contre les Ecossais et les Français.
Ce fut une analogie de plus avec la conquête de la Gaule
par César. Le 25 avril 1284,
la reine Aliénor, étant au château de Caernarvon, accoucha
d'un fils qui reçut le nom d'Edouard. Le roi assembla, dit-on, les
chefs gallois à Rhuddlan et leur présenta cet enfant comme
leur prince. Il se peut que cet acte ait été inspiré
par une conception politique habile. Son fils aîné, Alphonse,
mourut an mois d'août, et Edouard de Caernarvon se trouva ainsi l'héritier
du trône d'Angleterre .
Depuis cette époque, le fils aîné des rois anglais
a porté le titre de prince de Galles.
Même sous le règne d'Edouard
tout sentiment d'indépendance ne périt pas avec Llewelyn
et Dafydd. Rhys ab Maredudd, seigneur d'Ystrad Towy, avait rendu les plus
grands services au roi anglais et en avait été richement
récompensé. Il n'en fit pas moins une tentative de révolte.
Après avoir été contraint à fuir en Irlande,
il revint en Galles, fut vaincu, pris et exécuté (1292).
Ce fut le dernier prince de la dynastie royale du Dinefawr. Les exactions
financières des administrateurs anglo-normands avaient vite lassé
la patience des Gallois. Le Nord se révolta sous la conduite de
Madog ab Maredudd, et le Sud sous celle de Margan, prince de Morganwg.
Le premier, après une victoire sur l'armée royale (15 novembre
1294),
tomba aux mains de ses ennemis et fut envoyé à la Tour de
Londres
(août 1295). Le second fut pris et décapité.
Edouard de Caernarvon, prince de Galles
et comte de Chester ,
vint à Chester en 1301 recevoir
l'hommage des chefs gallois et des barons anglais qui possédaient
des fiefs dans la principauté. Sous son règne (1307-1327)
il n'y eut dans ces pays que des mouvements sans danger sérieux,
et sons celui d'Edouard III rien ne bougea plus.
La conquête du Pays de Galles s'explique
par la division des Gallois et celle-ci par leurs institutions. Le régime
du clan et les partages des principautés entre tous les fils du
chef défunt engendraient des rivalités et des querelles incessantes
dont tout le profit revenait à l'étranger. Pour que le pays
pût conserver son indépendance, il aurait fallu qu'il reconnût
l'autorité d'un prince unique qui aurait transmis son pouvoir à
un seul de ses fils. Tel est le plan qu'exposait très sagement Giraud
de Barri dans les dernières années du XIIe
siècle (à la fin de sa Descriptio Kambriae).
Les moeurs furent les plus fortes et rendirent toute réforme absolument
impossible.
Cependant les Gallois subissaient une oppression
presque aussi dure que les Irlandais. Le plus petit emploi en leur propre
pays leur était refusé. Tous les fonctionnaires devaient
être Anglais ou originaires du continent. Le roi versait leur sang
dans ses guerres contre le roi de France .
Bon nombre de Cymry préférèrent émigrer plutôt
que de subir la tyrannie de leurs conquérants et s'engagèrent
au service du roi de France. C'est sans doute d'eux que descendent les
familles françaises qui portent les noms de Gallois, Le Gallois.
Le plus connu de ces émigrés est un certain Owen, peut-être
descendant de Llewelyn, qui vécut à la cour de Philippe
de Valois et de Jean. Froissart l'appelle
Yvain de Galles. Il suivit Du Guesclin en
Espagne
et eut le plaisir de faire prisonnier un comte de Pembroke. Mais il fut
assassiné en 1378 à l'instigation
du roi d'Angleterre .
Cent vingt ans après la mort de
Llewelyn, les Gallois n'avaient pas encore perdu tout souvenir de leur
indépendance et supportaient avec impatience le joug anglais. Une
dernière tentative d'insurrection se produisit au début du
XVe
siècle et elle dura seize ans (1400-1415).
Elle fut provoquée par une circonstance toute fortuite, et fut dirigée
par un petit seigneur gallois. Il se nommait Owen Glendwr et descendait
de Llewelyn par sa mère. Il avait étudié dans les
universités, avait été « barrister » à
Londres,
puis était devenu écuyer de Richard
II auquel il était fort attaché, Après la captivité
de relui-ci et l'usurpation de Henri de Lancaster,
Owen s'était retiré dans sa seigneurie de Glendwrdu. Il eut
une contestation pour les limites de ses possessions avec un Anglais, lord
Grey de Ruthyn. Celui-ci réussit à le faire convaincre de
haute trahison sous le prétexte mensonger qu'il avait refusé
d'accompagner le roi dans son expédition d'Ecosse .
Poussé par un ressentiment personnel, et aussi par sa haine contre
l'usurpateur lancastrien, Owen Glendwr se révolta et saccagea les
terres de son rival pendant l'été de l'année 1400.
Les Gallois, qui n'attendaient qu'un chef depuis longtemps, le reconnurent
dans Owen et la rébellion se propagea avec une rapidité incroyable.
Parmi les nobles qui y prirent part on
cite Rhys et William ab Tewdwr, dont un descendant fonda plus tard la dynastie
des Tudors. Henri
IV qui avait à combattre l'hostilité d'une partie de
l'aristocratie anglaise fut hors d'état de soumettre les Gallois.
Owen Glendwr s'allia à ses ennemis, les deux Percy et Edmond Mortimer,
mais ceux-ci furent défaits dans une bataille sanglante près
de Shrewsbury (1403). L'année
suivante, Owen concluait un traité d'alliance et d'amitié
avec, le roi de France, et en 1405
une petite armée française débarquait à Milfort,
s'emparait de Caermarthen et, traversant le pays de part en part, s'avançait
jusque dans le comté de Hereford. Au mois d'août, elle se
heurta non loin de Worcester à l'armée de Henri IV. Les deux
partis s'observèrent huit jours; les intempéries et le manque
d'approvisionnements les empéchèrent d'entamer une bataille
sérieuse. Au printemps de 1406,
les Français en proie à la famine et fatigués de cette
expédition sans profits se rembarquèrent. L'année
suivante (1407), Henri de Monmouth,
le futur Henri V, battait les Gallois
sur les bords de l'Usk. Néanmoins la guerre traîna encore
plusieurs années et Owen Glendwr maintenait encore son indépendance
quand il mourut le 21 septembre 1415.
Son fils, Maredudd, accepta les offres de pardon de Henri et fit sa soumission
(1416). C'en était fait et pour
toujours de l'indépendance galloise.
Il était réservé cependant
au Pays de Galles
de donner à son tour une dynastie à l'Angleterre .
Catherine
de France, la veuve de ce même Henri V qui l'avait vaincu, épousa,
en 1428, Owen, fils de Maredudd ab
Tewdwr. Ce prince gallois descendait par les femmes de Rhys ab Gruflydd,
souverain de Sud Galles. Owen eut deux fils; le second, Edmond, épousa
Marguerite de Somerset, descendante d'Edouard
III, et eut pour fils Henri, dit de Richmond. Ce dernier après
les massacres de la guerre
des Deux Roses, se trouva le seul prince qu'on pût opposer
à la maison d'York. II vivait à Paris, n'ayant ni croix,
ni pile, comme dit Commines, quand la haine que soulevait
Richard
III l'engagea à tenter une expédition. II s'adressa à
Anne de Beaujeu qui lui fournit un peu d'argent et 3000 hommes de troupe.
Il partit d'Harfleur
et vint débarquer dans le pays de ses aïeux. Les Gallois se
déclarèrent en sa faveur. Le vieux symbole national, le drapeau
rouge, fut déployé sur le Snowdon et quelques semaines après,
le 21 août 1485, Richard III
était vaincu et tué à Bosworth ,
le descendant du compagnon d'Owen Glendwr ceignait la couronne d'Angleterre
et fondait la dynastie des Tudor (Tewdwr). Henri
VII mit dans ses armes le dragon rouge, se fit confectionner une généalogie
le rattachant à Cadwaladr et à Brutus, l'ancêtre prétendu
des Bretons. Mais ce fut à peu près tout ce qu'il fit pour
le pays de ses ancêtres. Les lois contre les Gallois ne furent pas
abolies; à peine furent-elles adoucies. Son fils, Henri
VIII, décréta l'incorporation à perpétuité
de la principauté de Galles à l'Angleterre (1536).
Les Gallois gagnèrent à cet acte d'être admis à
jouir de tous les droits et privilèges des Anglais, mais leurs lois,
leurs moeurs et leur langue furent déclarées abolies et proscrites
avec rigueur. (F. Lot). |
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