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Histoire de l'Ariège
jusqu'en 1900
[Géographie de l'Ariège]
L'Ariège est, de tous les départements pyrénéens, celui qui possède le plus grand nombre de grottes sépulcrales (51) et de monuments mégalithiques. Les populations d'origine inconnue qui occupèrent, aux temps préhistoriques, les vallées de cette contrée, ont laissé, comme témoins de leur passage, des peintures pariétales, des foyers, des armes, des instruments en pierre, des bois de renne travaillés, de grossières poteries, dans les grottes devenues célèbres de Niaux, avec ses parois ornées (art magdalénien), du Mas d'Azil, également riche de souvenirs préhistoriques, l'Herm, de Lombrive, de Tarascon, etc. A ces tribus succédèrent ou vinrent s'adjoindre les constructeurs des dolmens du Mas-d'Azil, etc., qui déjà connaissaient les ornements, puis les armes et les instruments en bronze. 

L'Antiquité

Quelques siècles avant notre ère, les Consoranni, peuple aquitain, occupaient, avec la ville d'Austria ou Lugdunum Consoranorum pour capitale, la vallée du Salat, qui devint successivement la cité, le diocèse, le comté et enfin la vicomté de Couserans; quant à la partie de cette région qui forma le comté de Foix, on ignore le nom des peuples qui l'habitaient, et l'histoire des Bébryces, d'Heraclès et de Pyrène, est d'évidence complètement fabuleuse. Ces populations, probablement d'origine ibérique, furent de bonne heure profondément celtisées, et sans doute ensuite refoulées ou absorbées, au moins dans les vallées fertiles, par la puissante confédération des Volces, dont les anciens géographes ne les distinguent pas. Bien des siècles plus tard, Grégoire de Tours désigne la vallée de l'Ariège sous le nom général de la cité tolosane; en outre, jusqu'à une époque relativement récente, tandis que le Couserans, peuplé par des Aquitains, parlait, de même que toute l'ancienne Aquitaine, un dialecte gascon, le comté de Foix, le Donézan et le pays de Sault parlaient des dialectes languedociens.

On ne sait pas au juste si le Couserans fut incorporé à la Province romaine, lorsque (de 122 à 100 avant notre ère) les Volces, clients de la confédération arverne, eurent fait leur soumission et reçu le titre de fédérés du peuple romain, après la défaite de Bituit, roi des Arvernes; mais le pays qui, à l'époque féodale, devint le comté de Foix, en fit certainement partie.

Lors de la guerre de Sertorius, la province soutint d'abord ce général, puis se soumit, et, pendant les campagnes de César dans les Gaules, les Provinciaux ne prêtèrent aucun secours à Vercingétorix. Auguste réunit les Consoranni à la Novempopulanie pour former l'Aquitaine; la vallée de l'Ariège, continuant à dépendre de la Civitas Tolosa, suivit pendant toute la durée de l'Empire romain la fortune de la province des Cinq puis des Sept-Peuples.

Dès la fin du IIIe siècle, le christianisme est prêché dans toute cette région par les disciples de saint Saturnin; à la même époque ou au cours du siècle suivant, saint Valère ou Vallier s'établit dans la cité de Couserans, qui fut jusqu'à la fin du XIIIe siècle la seule ville épiscopale du territoire de l'Ariège. Au IVe siècle viennent les partisans de Vigilance et les hérétiques priscilliens, qui, chassés d'Espagne, se réfugient dans les montagnes du versant nord des Pyrénées et propagent parmi ces populations, encore à moitié païennes, la doctrine manichéenne. Vraisemblablement, ainsi que le fait remarquer dom Vaissette, ces manichéens se perpétuèrent dans le pays, et c'est d'eux que plus tard les sectaires albigeois tirèrent une partie de leurs doctrines.

Le Moyen âge

Vers 407, les Vandales, les Suèves, les Alains pendant trois ans, saccagent tour à tour le pays et vont ensuite se répandre en Espagne. En 412, nouvel afflux de Barbares : cette fois, ce sont les Wisigoths, auxquels, vers 419, Honorius cède la partie de la Gaule qui s'étend de Toulouse à l'océan Atlantique; le roi Wallia fait de Toulouse la capitale de son royaume, distribue à ses guerriers les deux tiers des terres, laissant le dernier tiers aux indigènes. A la dévastation désordonnée succède alors un certain ordre, et cette riche région, désignée par Sidoine Apollinaire sous le nom de Septimanie, peut enfin respirer.

Le royaume de Toulouse eut une durée de 89 ans, et ce fut, avec la période romaine, l'époque la plus heureuse de cette partie de la Gaule méridionale, assez indifférente, semble-t-il, à l'arianisme de ses possesseurs. Mais les Wisigoths s'étaient étendus jusqu'à la Loire; un de leurs rois, Euric, persécuta le clergé catholique, et les évêques du nord de la Garonne, en haine de l'arianisme, désiraient vivement passer sous la domination franque, depuis que le roi Clovis s'était fait baptiser. Vers 497, saint Volusien, évêque de Tours, soupçonné de connivence avec les Francs, est exilé dans la cité tolosane, puis massacré par son escorte près de Varilhes, dans la vallée de l'Ariège.

En 506, saint Lizier, évêque de Couserans, assiste au concile d'Agde, réuni par le roi Alaric, qui venait de promulguer le code théodosien; le royaume des Wisigoths, qui comprenait toute la Narbonnaise et s'étendait de plus en plus en Gaule et en Espagne, était parvenu à une grande prospérité. Mais la guerre éclate entre le Nord et le Midi : Alaric est vaincu et tué à la bataille de Vouillé (507); Clovis s'empare de Toulouse (508), ne laissant aux Wisigoths que la Narbonnaise, qui prend le nom de Septimanie ou de Gothie, et leurs possessions d'Espagne. Le pays toulousain devient un duché bénéficiaire, qui suit les vicissitudes des partages des royaumes francs. Toulouse, en 650, est un instant la capitale d'un royaume, mais bientôt elle se trouve sous la domination des puissants ducs d'Aquitaine.

Vers 715 commencent à paraître les Sarrasins qui, maîtres de l'Espagne, s'emparent de la Narbonnaise et font des incursions dans le pays toulousain. S'il faut en croire les traditions locales, ils auraient occupé une grande partie de la vallée de l'Ariège et détruit la cité de Couserans. En 721, le duc Eudes leur fait subir une sanglante défaite sous les murs de Toulouse. En 751, les Sarrasins reviennent. Cette fois ce n'est plus une razzia mais une véritable invasion; tout le midi de la France est ravagé. Eudes appelle à son secours son ennemi Charles Martel et, en 732, les Sarrasins sont vaincus à la bataille de Poitiers.

Charles Martel, ou plus probablement son petit-fils Charlemagne, aida les évêques de Couserans à relever leur ville, qui prit dès lors son nom actuel de Saint-Lizier et appartint temporellement à ses prélats.

Pépin le Bref force le duc d'Aquitaine à le reconnaître comme souverain; en 778, Charlemagne fait de Toulouse la capitale d'un royaume comprenant tout le midi de la France et les marches d'Espagne. Ce royaume eut une durée nominale d'un siècle; mais, lorsque Louis le Bègue le réunit à la couronne de France, les ducs bénéficiaires qui, en 848, n'avaient pu empêcher les Vikings de piller Toulouse, étaient déjà les véritables souverains de toute cette partie de la France.

Le premier document historique qui fasse mention du pays et du château de Foix date de l'an 1002. A cette époque, Roger, comte de Carcassonne, comte du Couserans et possesseur d'une partie des comtés de Razès et de Comminges, partage ses domaines entre ses fils : Bernard a une partie du Couserans et la viguerie de Sabartès, qui s'étend dans l'ancien Toulousain, du pas de la Barre jusqu'aux limites du diocèse d'Urget et comprend le pays et le château de Foix.

Roger, fils de Bernard, paraît avoir pris le premier, vers 1036, le titre de comte de Foix, comme étant de maison comtale; c'est un des rares exemples d'un comté créé de toutes pièces, en dehors du territoire d'une cité antique ou d'un diocèse.

A la même époque se constituent de puissantes seigneuries féodales, vassales plus ou moins dociles des comtes de Foix, et protégées par des forteresses presque inaccessibles, bâties comme des nids d'aigles sur des rochers escarpés. Alors naquirent les maisons de Lagarde, de Miglos, de Lordat, de Pailhès, de Rabat, de Léran, de Mirepoix, qui tinrent le pays, presque jusqu'à la Révolution, sous le joug le plus despotique. Mais dès lors aussi, on ne sait pourquoi, semble baisser la domination des vicomtes de Couserans, qui remontaient à Charles le Chauve et qui, étrangers dans leur propre capitale, possédée par les évêques de Couserans, tenaient leur pauvre cour à Massat ou dans le château peu redoutable d'Encourtiech. Dans les pays d'Ariège, l'avenir devait appartenir aux comtes de Foix, et leur haute fortune fut en grande partie due à leur inexpugnable forteresse.

L'histoire des premiers comtes de Foix est peu connue. Roger II prend part à la première Croisade et, revenu de Palestine, fait construire le château d'Apamiers, près de l'abbaye de Saint-Antonin de Frédéias (1111), origine de la ville de Pamiers, puis, en 1119, le château de Saverdun. Roger-Bernard, fils de Roger III, fut, paraît-it, un excellent prince; lorsqu'it mourut, en 1188, à sa maison de Mazères, il laissa à ses sujets « un indicible regret...; c'était un prince sage, modéré, valeureux, patient, doux et pieux. » Il fut enterré dans l'abbaye de Boulbonne, comblée de bienfaits par les comtes de Foix.

Son fils, le batailleur Raymond-Roger (1188), prend part à la Croisade, revient en France et bataille sans cesse contre son voisin, le comte d'Urgel. A fin de se ménager des appuis en Catalogne, il marie (1202) son fils à la fille unique d'Arnaud, vicomte de Castelbou, qui abandonne à son gendre, Roger-Bernard, entre autres domaines, ses droits sur les vallées d'Andorre. En 1208, le roi d'Aragon, qui vient d'hériter du comté d'Urgel, en échange des droits de Raymond sur ce comté, et aussi pour acquérir un puissant vassal, lui donne la vicomté d'Evol et la seigneurie de Donézan avec les châteaux du Son et de Quérigut, qui dépendaient du comté de Cerdagne. C'est peu après (1209) qu'a lieu la terrible Croisade des Albigeois.

Depuis longtemps déjà le midi de la France, pays riche, lettré, de moeurs brillantes, fort tolérant pour les Juifs, et de façon générale avec toutes les doctrines religieuses, était suspect d'hérésie. Manichéens et ariens avaient trouvé des refuges assurés dans les montagnes du pays toulousain, où, dès le VIe siècle, s'étaient cachés les priscilliens; le dualisme de Manès, les doctrines orientales des gnostiques, l'arianisme des Goths, mêlés aux croyance indigènes, autochthones, avaient préparé le terrain à la foi cathare, mélange complexe de toutes ces doctrines; aussi, dès la fin du Xe siècle, cette religion, désignée plus tard sous le nom des Albigeois, fit-elle de nombreux progrès dans la France méridionale et surtout dans le haut et bas Languedoc; à la fin du XIIe siècle, malgré les prédications faites par saint Bernard à Toulouse, les sectaires s'étaient ouvertement organisés, opposant les évêchés cathares de Toulouse, d'Albi, de Carcassonne, du val d'Aran et d'Agen aux évêchés catholiques.

Les Cathares, qui admettaient un Dieu bon et un Dieu mauvais, et croyaient à la transmigration des âmes, avaient su se créer de nombreux protecteurs dans les rangs de la noblesse, surtout irritée par le pouvoir envahissant de l'Eglise, en attribuant aux seigneurs les domaines et les dîmes ecclésiastiques; ils avaient séduit les populations par la pureté des mœurs et par la simplicité de vie de leurs parfaits (le peuple les appelait les bonshommes), qui contrastaient avec le genre d'existence des prélats et des abbés catholiques, seigneurs féodaux peu désireux de ressembler aux Apôtres, et dont le luxe effréné excita l'indignation de saint Dominique.

En 1165, a lieu le colloque de Lombers. Les Cathares y sont condamnés par l'Église. Deux ans après (1167), forts de leur popularité, leurs chefs, les parfaits ou bonshommes, se réunissent ouvertement en concile à Saint-Félix-de-Caraman, et, malgré une première tentative de Croisade (1181), le manichéisme envahit de plus en plus tout le Midi.

La population du comté de Foix avait, en grande partie, adopté les doctrines de la secte; l'exemple part de haut : Esclarmonde, soeur du comte, est au nombre des Parfaits, et Raymond-Roger laisse construire (1206) sur les domaines de sa soeur, le château de Montségur, destiné à devenir la forteresse inaccessible de l'Église cathare. Quant au comte lui-même, il reste catholique, mais sans grande ferveur, semble-il, puisque, en 1207, alors que depuis trois ans Innocent III demande au roi de France de laisser prêcher une Croisade contre ces nouveaux païens, Raymond, qui assiste dans son château de Pamiers à un colloque entre l'évêque d'Osma et les Parfaits, reçoit à sa table, à tour de rôle, un jour les prédicateurs catholiques, le jour suivant les Cathares.

En 1208, Philippe Auguste cède aux instances du pape et laisse prêcher la Croisade. Le Nord catholique et pauvre se rue sur le Midi à moitié païen et fort riche. En 1209 a lieu le sac de Béziers; la cité de Carcassonne est prise, et Simon de Monfort, élu chef des troupes et « de la conquête », appelé par l'abbé de Saint-Antonin de Pamiers, se jette sur le comté de Foix. Il s'empare de Mirepoix, l'un des centres hérétiques, occupe le château de Pamiers et oblige Raymond-Roger à lui donner comme otage son fils Amaury, jusqu'à ce qu'il se soit purgé des accusations d'hérésie formées contre lui. Le comte de Foix cède pour laisser passer l'orage; mais bientôt, s'apercevant que Montfort en veut surtout à ses seigneuries, Raymond-Roger se jette dans le parti de son suzerain Raymond VI, comte de Toulouse, taille en pièces (1211), près de Monjoire, un corps de 6000 croisés allemands qui venaient à la curée du Midi, secourt Raymond assiégé par les croisés dans Toulouse, et contribue a faire lever le siège de cette ville.

Mais après la défaite de Castelnaudary, Raymond-Roger voyant son comté saccagé par Montfort, prend pour médiateur près de l'Eglise le roi Pierre d'Aragon, auquel il remet tous ses châteaux comme preuve du désir qu'il a de se soumettre. Sa demande de réconciliation, d'abord accueillie favorablement par le concile, est ensuite repoussée, grâce aux intrigues de Simon de Montfort, qui convoite le comté de Foix. Pierre d'Aragon, indigné de tant de duplicité, prend en main la défense des seigneurs du Midi, et assiège Simon dans Muret; mais il est battu et tué à la célèbre bataille de Muret (1213), et les comtes de Foix, de Comminges et de Toulouse sont mis en fuite.

Le comte de Foix fait alors sa soumission, qui est acceptée il remet son château de Foix entre les mains du légat, signe une trêve de 15 ans avec Simon de Montfort, et il se rend à Rome, au concile de Latran, où il obtient la main-levée de ses biens. En 1217, nouvelle querelle; Montfort, par ses agissements dans le comté de Foix, le force à rompre la trêve; Raymond-Roger se jette dans Toulouse révoltée et assiégée de nouveau. Montfort est tué (25 juin 1218), et les croisés sont obligés de lever le siège. Peu après, les seigneurs confédérés du Midi, commandés par Raymond VII, par le comte de Comminges et par le comte de Foix, remportent sur les Croisés la victoire de Baziège, et le comte de Foix, qui en 1222 reprend le château de Mirepoix, recouvre toutes ses possessions.

Raymond-Roger mourut en 1223, laissant le renom d'un vaillant homme de guerre. Il avait marié, en 1202, son fils Roger-Bernard avec Ermessinde, fille d'Arnaud, vicomte de Castelbon ou de Cerdagne, à laquelle il avait assigné pour douaire le Lordadais, dont le château, aujourd'hui en ruine, était considérable. Roger Bernard continue à soutenir la cause du comte de Toulouse. Excommunié (1228) au concile de Narbonne, et abandonné à ses seules forces par Raymond VII qui vient de se soumettre à l'Église et au roi de France, il souscrit à son tour (1229) à toutes les conditions qui lui sont imposées par l'Église et par Louis IX. La trêve dura huit ans. Cité (1237) devant le tribunal des inquisiteurs de la foi (institué en 1229), il refuse de comparaître, est de nouveau excommunié, se soumet (1240), prend l'habit monastique dans l'abbaye de Boulbonne et meurt en 1241.

Sous le règne de son fils Roger IV, le château de Montségur, le dernier asile des chefs de l'Église cathare ou albigeoise, est assiégé et pris. Le comte de Toulouse Raymond VII, repoussé une première fois (1238), fait de nouveau le siège de cette formidable forteresse, construite au milieu des précipices du Pic Saint-Barthélemy (1244). Les chefs albigeois, après avoir soutenu plusieurs assauts, font évader quatre d'entre eux chargés de sauver le trésor de la secte, puis, ne pouvant prolonger la défense, se rendent à discrétion ; près de deux cents d'entre eux, évêques et Parfaits, sont Immédiatement brûlés vifs, sans jugement (14 mars 1244). La prise du château et le massacre des chefs désorganisent l'Église cathare; peu à peu la noblesse retire sa protection aux Albigeois; les évêques cathares se réfugient à l'étranger, et, vers le milieu du siècle suivant, après le massacre des faidits ou proscrits réfugiés dans les grottes d'Ornolac (1328), on perd peu à peu la trace de ces étranges sectaires.

Roger, tour à tour ami ou ennemi de son suzerain le comte de Toulouse, se détacha de son hommage et se fit admettre en 1243 par le roi de France comme vassal immédiat de la couronne. Sa vie fut employée à de continuelles querelles à propos de ses seigneuries de Catalogne, tantôt avec le roi d'Aragon, tantôt avec le comte d'Urgel.

Roger-Bernard III, son fils, lui succède (1265). La situation politique du Midi s'était complètement modifiée depuis la fin de la Croisade des Albigeois : en 1249, à la mort de Raymond VII de Toulouse, Alphonse de Poitiers, gendre de ce comte et frère de saint Louis, était devenu possesseur des immenses biens de la maison de Toulouse, qui, en 1271, furent réunis aux domaines de la couronne; de plus, en 1258, le traité de Corbeil avait réglé d'une manière définitive les droits et possessions des couronnes de France et d'Aragon sur les deux versants des Pyrénées. Par ce traité, les remuants seigneurs de Foix se trouvaient sans appui, en face de la royauté française.

Le comte Roger eut le tort de ne pas comprendre la portée de ce changement; en 1272, un an après la réunion du Languedoc à la France, le comte de Foix, époux de Marguerite, fille du seigneur de Béarn, ose attaquer, de concert avec le comte d'Armagnac, son beau-frère, le château de Sompy près d'Eause, placé sous la sauvegarde du roi de France. Cité à comparaître devant le roi, il refuse, s'empare du bagage de Beaumarchais, sénéchal de Toulouse, et, malgré les instances de Gaston de Béarn, il s'obstine à ne pas se soumettre.

Bientôt assiégé dans la ville de Foix par l'armée royale, et voyant que le roi fait saper les rochers qui supportaient le château, il se remet entre les mains de Philippe le Hardi, qui le fait conduire au château de Carcassonne où il reste prisonnier jusqu'à la fin de l'année 1275. Le comte, appelé alors à la cour, est comblé d'honneurs, fait chevalier par le roi, mais il ne rentre en possession complète de ses domaines que vers 1277.

Le 8 septembre 1278, Roger-Bernard, pour mettre fin à ses démêlés avec l'évêque d'Urgel, signa le fameux acte de paréage, qui règlera désormais entre la France et l'Espagne le régime politique de la souveraineté des vallées neutres d'Andorre.

Le comte avait été fort maltraité dans sa lutte contre la royauté française; il fut plus maltraité encore dans la lutte qu'il engagea avec la royauté aragonaise. Héritier de la vicomté de Castelbou et de grands biens en Catalogne, il prend part a toutes les prises d'armes des seigneurs catalans; en 1280 il est fait prisonnier par le roi Pierre d'Aragon, qui le retient pendant plusieurs années en captivité. En 1285, on retrouve le comte de Foix au nombre des seigneurs qui accompagnent Philippe le Hardi dans sa folle expédition en Roussillon et en Catalogne.

En 1290, ayant hérité de la seigneurie de Béarn, du chef de sa femme Marguerite de Moncade, seconde fille de Gaston de Béarn, il se trouve mêlé à toutes les guerres des Français et des Anglais, devient gouverneur et lieutenant du roi de France en Gascogne (1295), et meurt en 1303 laissant tous ses domaines a son fils Gaston.

Ce fut pendant son règne que le pape Boniface VIII érigea le monastère de Saint-Antonin de Pamiers en évêché en faveur de son abbé Bernard de Saisset, qui fut son principal appui dans la lutte qu'il soutint contre Philippe le Bel (1296). Le comté de Foix cessa alors de faire partie du diocèse de Toulouse, et en 1317-1318 le pape Jean XXII créa l'évéché de Mirepoix.

Malgré ses luttes diverses, le XIIIe siècle, après la soumission des comtes de Toulouse, fut pour les contrées ariégeoises une période de reconstitution politique et sociale. Un grand nombre de villages, villes ou bourgs furent érigés en communes, avec des chartes très libérales, et purent s'adonner à l'agriculture et à l'industrie. Les guerres ayant détruit plusieurs villes anciennes, d'autres furent créées, et quelques-unes sur un plan régulier, avec des rues tirées au cordeau. Ces nouvelles villes furent appelées bastides. Ainsi furent fondées Saint-Ybars, en 1241; Mazères, en 1252; La Bastide-de-Sérou, en 1256; le Mas-d'Azil, avant 1286. Mirepoix, détruite par une inondation en 1289, fut aussitôt rebâtie sur son emplacement actuel. Bourd-sous-Vic commence, à la même époque, de porter son nom actuel de Saint-Girons, sous lequel elle devait bientôt éclipser l'antique cité de Couserans (Saint-Lizier). Mazères devint la résidence des comtes de Foix, qui y réunirent une cour brillante toutes les fois que les nécessités de la guerre ne les forcèrent pas de s'enfermer dans le donjon de leur capitale.
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Maison ancienne à Saint-Ybars (Ariège).
Façade d'une maison ancienne, à Saint-Ybars (Ariège),
Photo : © Serge Jodra (2023).

Avec Roger-Bernard se termine l'existence individuelle du comté de Foix, dont le sort est désormais lié à celui de la seigneurie de Béarn. Le comté conserve son organisation particulière, ses états, ses franchises, que les comtes ont grand soin de maintenir contre les tentatives des sénéchaux royaux du Languedoc, mais il n'est plus, sauf sous Gaston Phoebus, qu'un des nombreux comtés possédés par les seigneurs de Béarn, et Gaston Ier (1503-1515), Gaston II (1315-1343), résident surtout à Orthez.

Gaston III, leur successeur, le célèbre Gaston Phoebus, se qualifie volontiers des titres de comte de Foix et de Béarn, et réside tantôt dans le comté de Foix et tantôt dans la seigneurie de Béarn; fort occupé des affaires de Gascogne, il ne s'occupe pas moins des affaires de Languedoc. A l'âge de 13 ans, il commence son règne sous la tutelle de sa mère Éléonore de Comminges; à 14 ans, il fait ses premières armes en Guyenne, contre les Anglais, et acquiert rapidement un brillant renom. Marié à Agnès, fille de Philippe III, roi de Navarre, il est soupçonné (1356) de liaisons contre la France avec son beau-frère, Charles le Mauvais, et retenu en prison pendant un mois, au Châtelet de Paris. Il va ensuite batailler en Prusse auprès des chevaliers Teutoniques, et chasser le renne et l'ours en Suède et en Norvège, revient en France (1358), délivre les princesses de la famille royale assiégée dans la ville de Meaux par les Parisiens révoltés réunis aux Jacques, rentre dans ses états, bat et prend à la bataille de Launac les comtes d'Armagnac et de Comminges, le sire d'Albret et nombre de riches chevaliers, et, grâce à l'énorme rançon de ses prisonniers devient le plus riche seigneur de France. Renommé comme capitaine, habile administrateur, très préoccupé de procurer la paix et la prospérité à ses sujets, il reste neutre entre les Anglais et les Français, et sait faire respecter de tous sa neutralité, jusqu'au moment où, s'étant déclaré contre l'Angteterre, il est nommé par Charles V (1380) lieutenant général de Languedoc, à la grande joie des méridionaux pressurés à outrance par les différents princes du sang qui, tour à tour avaient gouverné ou plutôt pillé cette belle province; le sage Charles V meurt peu après (1381), et le gouvernement de Languedoc est donné par Charles VI à son oncle le duc de Berry. La province se soulève, le duc est battu, mais Gaston Phoebus, au dire d'un historien du temps, « eut pitié du dégât du pays pour sa querelle particulière », et il traita avec le duc.

Gaston Phoebus habitait tour a tour son château d'Orthez, célébré par Froissart, et le château de Mazères; ce fut dans ce dernier château qu'il reçut royalement (1390) le roi Charles VI. Poète, grand chasseur, l'un des plus grands capitaines de son temps, le terrible et brillant comte de Foix mourut subitement en revenant d'une chasse à l'ours dans les forêts des environs d'Orthez (1391), laissant la réputation d'un prince aussi économe des deniers de ses sujets que seigneur magnifique. Ses meutes de chasse comptaient 1600 chiens de races choisies, mais à sa mort on trouva 1 million d'or dans ses coffres, somme énorme pour l'époque. Il n'avait eu qu'un fil, le jeune Gaston, tué de sa main, et dont le meurtre, sans doute involontaire, désola la fin de sa vie. Il avait désigné le roi Charles VI comme l'héritier de ses domaines; mais son cousin Mathieu, vicomte de Castelbou, en Catalogne, ayant gagné a prix d'argent l'appui du duc de Berry, gouverneur du Languedoc, se mit en possession du comté de Foix et se fit reconnaître comme seigneur par les états de Béarn (1391-1398).

La soeur de Mathieu, Isabelle, porte ensuite ce riche héritage dans la maison de son mari, Archambault de Grailli, captal de Buch, qui abandonne le parti des Anglais, prend le nom de la maison de Foix et, reconnu en 1401 par le roi de France, se montre fidèle à son nouveau suzerain.

Les Temps modernes

Le comté de Foix n'a plus alors d'autre histoire que celle des seigneurs de Béarn : Foix-Grailly, Albret ou Bourbon qui, après avoir hérité du royaume de Navarre, arrivent avec Henri IV au trône de France. Le comté, désolé par la peste et les guerres religieuses au XVIe siècle, saccagé tantôt par les catholiques, tantôt par les protestants, est réuni, en juillet 1607, au domaine de la couronne de France et forme un gouvernement séparé, dont les libertés furent respectées par les rois de France.

Le département de l'Ariège a été formé, en 1790, de l'ancien comté de Foix (406,455 hectares.), de presque tout le Conserans ou Couserans (162,509 hectares), qui dépendait de la Gascogne, et d'un certain nombre de paroisses de la province de Languedoc qui composaient la seigneurie de Donézan (Quérigut). En outre, il comprend près de la moitié de l'ancien diocèse languedocien de Mirepoix et une portion de l'ancien diocèse de Rieux. On fit abstraction de toutes les convenances historiques quand on réunit ainsi en une seule circonscription des fragments du Languedoc et de la Gascogne, séparés depuis le temps reculé où la Gascogne était Aquitaine et le Languedoc Narbonnaise. La division du département en arrondissements a été opérée d'une façon plus rationnelle. Le pays de Foix a toujours été partagé en haut et bas comté; or, le Pas de la Barre, à quelques kilomètres au Nord de Foix, qui marque aujourd'hui la séparation des arrondissements de Foix et de Pamiers, marquait autrefois celle des deux comtés. (A. Joanne).

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Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
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