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Amphibiens
Les Gymnophiones
(ou Apodes)
Préambule historique. 
« On trouve dans l'Amérique du Nord un singulier animal, vermiforme, cylindrique, à peine atténué à ses deux extrémités, presque également obtuses, qu'au premier abord on pourrait prendre pour un Ver de terre, à cause de cette similitude des deux extrémités. La peau est nue et visqueuse, la tête plus petite que le corps, la bouche très peu fendue et retirée en dessous. 

Avant Linné, cet animal était indiqué dans les récits de quelques voyageurs dans l'Amérique du Sud et, entre autres, dans celui de Margrave, au Brésil, publié par Pison; il était même figuré et signalé par l'iconographe Séba; mais aucun méthodiste, si je ne me trompe, ne l'avait introduit dans le système zoologique.

Linné est donc le premier qui donna la description et la figure d'une espèce de Serpent de ce genre, auquel il donna le nom de Cécilie. Mais le célèbre naturaliste ne se borna pas à la description de l'espèce et à la caractéristique du genre; il en fait une comparaison d'abord avec les Poissons et surtout avec les Anguilles, parmi lesquelles on croirait, dit-il, facilement devoir le placer; quoique à tort, ajoute-t-il, parce que la Cécilie manque de nageoires, caractère essentiel de tous les Poissons, ainsi que d'ouvertures branchiales, étant au contraire pourvue de poumons et de narines; et ensuite avec les Serpents, dont elle diffère principalement parce qu'elle manque de queue, l'anus extrêmement petit étant très voisin de l'extrémité du corps, disposition qui n'a jamais été observée chez les Serpents, et parce qu'elle est dépourvue d'écailles et même d'anneaux conformés comme en ont les Amphisbènes, son corps étant entièrement nu. Enfin, la forme particulière de la lèvre supérieure débordant l'inférieure, comme dans les Poissons cartilagineux, et l'existence de deux barbillons vers le bout du museau, à la manière des Limaces, semble à Linné exiger l'établissement d'un nouveau genre de Serpents, qu'il, caractérise suivant ses principes d'une manière nette et précise, ainsi que l'espèce.

Cecilie.htm
Une Cécilie.

Depuis Linné jusqu'à Schneider, en 1804, c'est-à-dire pendant plus de cinquante ans, on peut assurer que la connaissance de la Cécilie n'avança en aucune manière, tous les auteurs particuliers ou généraux de zoologie qui eurent à parler de cet animal s'étant bornés à abréger, ou mieux à tronquer ce que le premier en avait dit, en plaçant ce genre ou à la tête de l'ordre, comme Linné le fit d'abord, ou à la fin des Serpents, par lesquels, à cette époque, tous les zoologistes systématiques terminaient le groupe d'animaux désignés aujourd'hui sous le nom de Reptiles, et, par conséquent, immédiatement en contact avec la classe des Poissons, qu'ils commençaient par les Lamproies.

 J. Hermann allait encore plus loin, puisque la Cécilie, pour lui, était un genre intermédiaire aux Serpents et aux Vers, à la tête desquels on mettait alors, il est vrai, le genre Myxine, rapporté par Bloch à la classe des Poissons, vers 1780.

Ce fut donc Schneider, auquel l'erpétologie doit une partie de ses progrès, à la fin du XVIIIe siècle, qui commença, plus de trente ans après le mémoire de Linné, à faire connaître les singularités de l'organisation intérieure de la Cécilie, comme celui-ci l'avait fait pour l'extérieure. Ayant en effet pu étudier le squelette d'un individu qu'on lui avait donné desséché, il reconnut très bien la forme des vertèbres dont le corps est excavé aux deux extrémités, les petites côtes qui s'y articulent la structure si remarquable du crâne et des mâchoires, et même celle de la langue, d'après un nommé Seutzen, qu'il cite, et dont je ne connais pas le travail. »

Ainsi s'exprime de Blainville dans un intéressant mémoire qu'il publia en 1839.

Sans vouloir entrer ici dans tous les détails que donne l'auteur sur la classification des singuliers animaux qui sont l'objet de ce chapitre, nous dirons que c'est incontestablement à de Blainville que l'on doit d'avoir assigné à la Cécilie la véritable place qu'elle doit occuper dans la série zoologique; ce savant a nettement établi le premier que la Cécilie, malgré son apparence étrange, n'est ni un Serpent ni un Lézard, mais bien un Batracien, et qui , malgré sa singularité, présente tous les caractères anatomiques fondamentaux qui caractérisent les Batraciens.

Ainsi que l'ont bien montré de Blainville et Constant Duméril, certains caractères extérieurs eux-mêmes séparent la Cécilie des Serpents. C'est ainsi que chez ceux-ci le cloaque se termine par une ouverture transversale, tandis que chez la Cécilie, cette ouverture est circulaire, parfois plissée d'une manière plus ou moins régulière, comme chez les Anoures, qui ont toujours des pattes.

« Chez les Serpents, l'os de l'occiput présente au-dessous du tronc vertébral une seule éminence articulaire, arrondie, en condyle unique, tandis que chez les Cécilies, comme chez les Batraciens, la partie supérieure du crâne porte deux saillies articulaires, semblables à celles qui, chez les Mammifères, s'articulent avec l'atlas ou avec la première vertèbre.

Les mâchoires, dans la généralité des Ophidiens, ont une disposition toute particulière, que nous devons rappeler. La supérieure est composée de pièces mobiles qui peuvent s'écarter et dont quelques-unes même sont susceptibles d'être portées en avant. L'inférieure est constamment formée de deux branches principales qui, à cause de leur Longueur excessive en arrière, dépassent le grand trou occipital. Ces branches maxillaires ne sont pas soudées entre elles par l'extrémité qui correspondrait au menton, elles sont retenues là par un ligament élastique, de sorte qu'elles peuvent s'éloigner l'une de l'autre ou s'écarter transversalement de manière à élargir considérablement l'ouverture de la bouche. Dans les Batraciens que nous étudions, la mandibule supérieure fait partie continue de la tête à cause de la solidité des sutures qui unissent les os de la face entre eux et avec le crâne. Les pièces osseuses ne sont susceptibles d'aucun mouvement partiel, et la mâchoire inférieure, qui est généralement très courte, ne forme véritabléniient dans l'état adulte qu'un seul os, parce que, dans la partie antérieure arrondie, les deux branches qui la constituent se pénètrent et se confondent à peu près comme chez tous les Sauriens. Il résulte de cette disposition que l'articulation de cette petite mâchoire, qui ressemblerait assez à celle d'une Chauve-Souris, a lieu bien en avant du trou occipital. Cette soudure des branches de la mâchoire et leur brièveté diminuent considérablement en hauteur et en largeur l'ouverture de la bouche, qui se trouve ainsi réduite à un fort petit diamètre.

Enfin, et ce dernier caractère est fort remarquable, dans tous les Serpents la mâchoire inférieure ne s'articule pas directement avec les temporaux. Il y a entre le crâne et la cavité condylienne de la bouche, en arrière, un petit os mobile qui joue un très grand rôle dans la communication de mouvement que les muscles opèrent sur les os de la bouche; c'est ce qu'on appelle l'os carré ou intra-articulaire. C'est d'ailleurs la même disposition de structure qui se retrouve dans tous les Oiseaux et chez tous les Sauriens. Dans les Céciloïdes, il n'y a pas de pièce mobile intermédiaire libre. Cet os, s'il existe, est soudé au crâne, qui présente ainsi de chaque côté une sorte de condyle saillant, comme dans les Tortues et dans tous les autres Batraciens, de sorte que la mâchoire inférieure ne peut ni reculer ni se porter en avant; elle ne se meut qu'en s'élevant pour fermer la bouche, ou en s'abaissant pour l'ouvrir. »

Caractères généraux. 
« S'il existe, écrit Wagler, des Batraciens qui méritent de former un ordre à part, ce sont certainement les Gymnophiones ou Apodes. Quoique leur aspect extérieur rappelle les Serpents ou les vrais Fouisseurs, par leur organisation interne, ce sont cependant de véritable Batraciens. Ils ressemblent beaucoup aux Amphisbénidées, mais s'en distinguent essentiellement en ce que leur corps est nu, qu'ils n'ont pas de queue, et que l'anus, qui est arrondi, est placé à l'extrémité du corps qui, également épais dans toutes ses parties, ressemble à un cylindre émoussé à ses deux extrémités; le corps est pourvu de sillons annulaires plus ou moins serrés, ou bien il est complètement lisse et recouvert d'un mucus épais.

Tous les Gymnophiones ont des dents semblables entre elles, creuses, toutes coniques et implantées au côté interne de la mâchoire, leur pointe étant un peu recourbée en arrière. La langue s'insère par toute sa surface au menton, de telle sorte qu'elle n'est pas protractile. Il existe aussi des dents au palais, et ces dents, par leur ensemble, forment un fer à cheval. L'os hyoïde est extrêmement remarquable en ce qu'il consiste en trois paires d'arcs qui embrassent les branchies dans les premiers temps de la vie de l'animal. Les ouvertures nasales externes sont placées sur les côtés, ou à la pointe du museau, et s'ouvrent intérieurement au palais. Les yeux sont tellement recouverts par la peau qu'ils ne peuvent servir à la vision. Au voisinage de la narine on remarque une petite fossette avec un appendice rétractile et protractile. L'appareil auditif, comme chez les Urodèles, est absolument noyé dans les chairs; il consiste en une simple petite plaque cartilagineuse qui repose sur la fenêtre ovale.

Rien n'est plus curieusement  conformé que la tête. En effet, le maxillaire supérieur, les frontaux, et les temporaux sont assemblés de telle sorte que la-tête ressemble à une masse osseuse scutiforme composée d'une seule pièce. La cavité oculaire consiste en une cavité allongée située à l'extrémité supérieure de l'os maxillaire. L'os tympanique est encastré entre les os du crâne. Les branches de la mâchoire inférieure sont réunies par un cartilage à leur extrémité. Le condyle occipital est divisé longitudinalement dans sa partie médiane en deux parties, comme chez les Grenouilles.

Les vertèbres ne se meuvent pas l'une sur l'autre au moyen d'une arthrodie, mais leurs deux extrémités sont creusées et reliées avec les extrémités voisines, au moyen d'une plaque cartilagineuse intercalée entre deux vertèbres. Les côtes sont rudimentaires, le sternum, le bassin et les membres manquent complètement. »

Les caractères donnés par Wagler, qui a bien limité le groupe, sont vrais dans leurs traits généraux. D'autres  recherches permettent cependant d'ajouter quelques détails sur l'anatomie des singuliers Batraciens dont nous parlons ici.

Assez souvent le corps est absolument nu, ainsi qu'on le voit chez les Siphonops, les Typhlonectes.

D'autres fois, comme chez les Gymnophis, les Epicrium, les Caecilies, on trouve dans l'épaisseur de la peau de petites écailles arrondies, imbriquées, qui, vues à un grossissement suffisant, présentent une série de cercles concentriques, et ressemblent assez aux écailles de certains Poissons, des Anguilles par exemple; ces écailles se trouvent tout au moins le long des anneaux qui divisent l'animal en une série de segments, ainsi qu'on le remarque chez les Vers de terre, auxquels certains de ces Batraciens  ressemblent certainement beaucoup par l'aspect extérieur.

Les yeux sont parfois distincts, bien que très petits (Siphonops, Typhlonectes), mais le plus souvent ils sont recouverts par la peau ou cachés sous les os crâniens. Les narines sont placées sur les côtés du museau, et dans beaucoup de genres il existe une petite fossette; ces fausses narines, qui rappellent les fossettes qui existent chez les Crotales ou Serpents à sonnette, aboutissent à des canaux dont la structure est très compliquée, et qui ont été regardés comme devant donner à l'animal des sensations spéciales. On trouve un tentacule dont la position est variable, ainsi que la forme; c'est ainsi qu'il peut être globuleux, conique, aplati en baguette, qu'il est situé entre l'oeil et la narine, près de la lèvre, en dessous de la narine, derrière la narine, contre l'oeil, près de l'angle de la bouche. La membrane du tympan et la caisse tympanique font défaut, de sorte que l'appareil auditif est tout à fait rudimentaire.

Les vertèbres sont biconcaves; leur nombre, toujours considérable, peut s'élever à 250; la corde dorsale est persistante. Le crâne osseux, pourvu d'une double apophyse articulaire, comme chez tous les Batraciens du reste, est solidement uni aux os de la face, de telle sorte que la mandibule inférieure fait partie continue de la tête. D'après Leydig, l'os hyoïde indique, par son développement et par le nombre presque complet des paires d'arcs qui persistent, une respiration branchiale pendant la période larvaire. Sur toute la longueur de la colonne vertébrale, excepté sur la première et la dernière vertèbre, on trouve de petites côtes rudimentaires. Les membres, ainsi que l'épaule et le bassin, manquent complètement.

Les animaux adultes n'ont jamais de branchies, mais respirent toujours l'air en nature. Comme chez les Serpents venimeux, le poumon droit est beaucoup plus développé que le poumon gauche, plus ou moins atrophié.

Développement
Les jeunes ne subissent que des métamorphoses très incomplètes, ce qui ne nous surprendra pas, sachant que ces animaux sont les plus simples et les plus atypiques des Batraciens. Les métamorphoses sont, en effet, d'autant plus considérables que nous prenons des Batraciens plus élevés en organisation, tels que les Anoures.

Suivant Müller, la Cécilie ou Epicrium glutineux possède, pendant l'état larvaire, une ouverture branchiale située de chaque côté du cou et communiquant avec des branchies internes. D'après G. Boulenger, la larve de cette espèce a une tête semblable à celle d'un Poisson, et ressemble à celle de l'Amphiume, mais avec des lobes labiaux plus développés; la langue est libre en avant, comme chez les Salamandres. Le tentacule manque ou est caché par l'oeil, qui est beaucoup plus développé que chez l'adulte. On ne trouve pas de branchies externes, mais de larges fentes. La queue est beaucoup plus distincte que chez l'adulte, très comprimée et pourvue d'un repli simulant une nageoire. Les anneaux circulaires sont bien marqués. L'anus se présente sous la forme d'une fente longitudinale.

Une autre espèce, la Cécilie à queue comprimée, ne présente pas trace d'ouvertures branchiales pendant le jeune âge, d'après Paul Gervais; Peters a cependant observé chez des larves enfermées dans l'utérus de la mère deux vésicules allongées, qu'il regarde comme des branchies.

D'après Paul Gervais, « une observation de J. Müller montre que les jeunes Cécilies du genre Epicrium ont des branchies. Il a, en effet, observé la trace des trous branchiaux sur un de ces animaux que l'on conservait au musée de Leyde.

Toutefois il ne paraît pas en être ainsi pour toutes les espèces du même ordre.

En effet, une femelle de la Cécilie ordinaire de Cayenne (Caecilia compressicauda), qui a été recueillie par Leprieur, a mis bas dans un bocal où ce naturaliste la retenait, six petits vivants chez lesquels on ne distingue, ainsi que nous nous en sommes assuré, aucune trace de branchies ni de trou branchial.

L'examen du crâne des jeunes Cécilies permet de reconnaître comme erronée une opinion de G. Cuvier et de Stannius qui pourrait fournir une objection sérieuse contre la théorie actuelle de la formation du crâne, si elle était réellement fondée.

Le célèbre auteur des Leçons d'anatomie comparée ainsi que du Règne animal, qui a repoussé, comme l'on sait, la plupart des idées d'anatomie philosophique émises de son temps, a écrit, dans le second de ses ouvrages, que chez la Cécilie « les maxillaires recouvrent l'orbite et sont percés d'un petit trou pour l'oeil », et, dans le premier, que les mêmes os sont « seulement percés d'un petit trou dans lequel l'oeil est enchâssé. »
 

D'autre part, de Siebold et Stannius disent que, chez les Cécilies,
« les jugaux sont tellement larges qu'ils forment des plaques qui recouvrent les orbites et les fosses temporales; un petit trou dont ils sont percés tient lieu d'orbite.

En examinant des Cécilies jeunes, et même chez des Cécilies adultes, lorsqu'on apporte à cette étude une plus grande attention, on ne tarde pas à reconnaître que l'os dans lequel est percé l'orbite n'est point un os unique, mais le résultat de la fusion de plusieurs pièces distinctes, qui sont absolument les mêmes que celles dont l'orbite est formé ailleurs. »


Classification.
Duméril formait pour les Cécilies et les autres animaux qui lui sont apparentés le sous-ordre des Péromèles, ou animaux privés de pattes; on adopte généralement aujourd'hui le terme d'Apodes ou de Gymnophiones, et l'on en fait un super-ordre de Batraciens. On peut classer ces Gymnophiones en trois familles vivantes et une famille disparue. La plus importante de ces familles, celle des Cécilidés, se divise en trois sous-familles, entre lesquelles se répartissent 26 genres :
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Cécilidés Typhlonectinés Typhlonectes, Atretochoana, Chthonerpeton, Nectocaecilia, Potomotyphlus.
Caeciliinés Caecilia, Gymnopis, Boulengerula, Brasilotyphlus, Dermophis, Gegeneophis, Geotrypetes, Grandisonia, Herpele, Hypogeophis, Idiocranium, Indotyphlus, Luetkenotyphlus, Microcaecilia, Mimosiphonops, Oscaecilia, Parvicaecilia, Praslinia, Schistometopum, Siphonops, Sylvacaecilia. 
Scolecomorphinés Scolecomorphus, Crotaphatrema.
Ichthyophiidés Ichthyophis, Caudacaecilia, Uraeotyphlus
Rhinatrematidés Rhinatrema, Epicrionops
Famille disparue : Eocaeciliaïdés

Distribution géographique. 
Les parties les plus chaudes de l'Amérique  du Sud et de l'Amérique centrale sont la véritable terre d'élection des Apodes; en Afrique et dans le sud de l'Asie (et dans les îles qui en dépendent) nous notons aussi quelques espèces. (A.E. Brehm.).

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Dictionnaire Les mots du vivant
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