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Évolution.
- En opposition avec l'idée de révolution, c.-à-d.
de changement soudain opéré dans la nature
ou dans l'histoire par des causes
imprévues et exceptionnelles ou par des volontés
violentes, l'évolution sera une manière soit d'exister, soit
d'agir, où prédomine l'idée de changement continu
et graduel, de transformation progressive selon une loi de développement
naturel. Considérons ici l'évolution comme principe
d'une explication des choses ou partielle
ou généralisée, c. -à-d. dans les différentes
sciences
ou en philosophie. Dans chaque science portant
sur un ordre d'existences données dans
la durée et sur le mode et les conditions de ces existences, c.-à-d.
en astronomie, géologie, biologie,
psychologie
et sociologie, on devait être conduit,
plus tôt ou plus tard, à chercher les lois
présidant au développement des différents êtres,
à la continuité et aux phases de leur transformation; puis
on en vint à chercher les lois qui ont présidé à
l'apparition elle-même des différentes sortes d'êtres,
en envisageant celles-ci comme des produits de causes
et comme les résultats de formations naturelles. Dans chaque science
où cela est possible, on s'est donc élevé du point
de vue statique, c. -à-d. de la description des formes et de la
théorie
des propriétés et fonctions,
au point de vue dynamique et génétique, qui est celui des
changements et de la liaison naturelle des changements, ceux-ci étant
envisagés soit dans telle forme d'existence une fois donnée,
soit dans les conditions qui préparent
cette forme et dans les antécédents qui l'ont produite au
jour. Enfin, si on parvenait à relier entre elles et les différentes
formes présentées dans un même ordre d'êtres
et celles des différents ordres par des rapports de continuité
et de filiation généalogique, on aurait alors une théorie
positive évolutionniste du monde. Nous devons considérer
dès lors comment l'idée d'évolution a été
prise pour principe d'une explication générale
des choses en philosophie.
A ce point de vue,
l'idée de l'évolution du monde s'oppose à celle de
sa création, et l'idée des espèces vivantes, ou plus
généralement l'idée des différentes formes
de l'existence regardées comme provenant les unes des autres suivant
une réelle genèse, s'oppose à l'idée des espèces
créées, ou plus généralement des différentes
formes de l'existence spécifiquement irréductibles entre
elles et toutes préétablies à l'origine.
L'univers est considéré par l'évolutionniste comme
un tout qui, par un changement continu et graduel, par une transformation
progressive dont il a en lui-même le principe, déroule spontanément
la suite de ses états et a produit dans le temps la série
des formes inorganiques, vivantes et autres, chacune étant liée
aux précédentes dont elle résulte, dont elle procède
par voie de développement.
L'école pythagoricienne, tout en faisant appel dans l'interprétation de l'univers à des notions du genre rationnel et non plus simplement physique ou physiologique, et tout en affirmant que le développement du monde se fait dans le sens du mieux, semble avoir professé un développement spontané du monde, sans principe dirigeant doué de pensée consciente ; et elle faisait sortir le supérieur de l'inférieur par voie de développement et de progrès naturels. Anaxagore posait, il est vrai, à l'origine une Intelligence, ou Nous, mais seulement comme principe du mouvement qui doit séparer ou rapprocher, pour former des êtres déterminés, les éléments confondus en une masse immobile. En faisant toutefois son principe «indépendant» et «sans mélange», et d'autre part en affirmant la différence primitivement qualitative des éléments ou homoeméries, au lieu de faire provenir les différentes qualités d'une transformation, il modifiait profondément les données de l'évolutionnisme grec. Les stoïciens
(après Platon et Aristote,
qui plaçaient diversement dans le parfait et dans l'intelligible
pur et séparé la principe premier du changement et du mouvement
au sein de la nature) reviennent à la matière active et vivante
d'Héraclite; ils accentuèrent
le caractère de raison, sagesse et providence
dans le principe actif immanent au monde, ainsi
que l'universel enchaînement des phénomènes,
et ils adoptèrent un système d'évolution
universelle reproduisant indéfiniment les mêmes phases identiques,
par anéantissement et retour périodiques, comme chez Héraclite
et Empédocle; enfin le caractère
franchement optimiste est un élément considérable
de l'évolutionnisme stoïcien. Le néoplatonisme,
en opposition avec le dogme hébraïque Averroès,
au Moyen âge, commenta l'aristotélisme dans le sens du développement
nécessaire,
éternel et continu de l'univers. Giordano Bruno,
à la Renaissance, présente, dit Renouvier,
un panthéisme à formes rajeunies,
en mélangeant les imaginations des platoniciens
ou pythagoriciens et des cabalistes ( Leibniz
expliquait le monde par un Dieu Charles Bonnet, attaché à quelques-unes des pensées de Leibniz, comme après lui Robinet, employait et soulignait le mot évolution dans ses conceptions palingénésiques, où figure également l'idée de révolutions et la théorie un peu flottante de l'emboîtement des germes. Dans le panthéisme allemand qui succède à la philosophie de Kant, dans celui de Hegel essentiellement, les affirmations principales sont : l'immanence divine, la primitive identité des contraires, le devenir éternel et nécessaire, Dieu évoluant à travers la série des formes de la vie et prenant conscience de lui-même dans l'homme. L'identification de l'idéal et du réel fait de l'évolution historique du monde une évolution logique, une dialectique vivante. Schopenhauer, dissociant les idées d'évolution et de progrès bienfaisant, expose un système de pessimisme à la fois idéaliste et évolutionniste. A la fin du XIXe siècle, enfin, en Angleterre, Herbert Spencer a tenté de construire une théorie intégrale de l'évolution des êtres et une synthèse positive du développement ou processus évolutif des choses, à partir d'un état primitif défini sous les caractères de matière et de force. Il embrasse dans une parfaite continuité de transformation graduelle la nature inorganique, la vie et les formes vivantes ou espèces, la conscience psychologique, les formes et principes de la pensée et de la conscience morale, les faits et formes de l'existence sociale. Cette vaste composition philosophique, d'apparence scientifique, avait été préparée et rendue presque inévitable partout un ensemble d'antécédents qui sont : 1° dans les sciences de la nature, l'hypothèse de la nébuleuse, de Kant et de Laplace; les nouvelles conceptions géologiques; la théorie de la transformation ou de l'équivalence des forces, en physique; les découvertes biologiques en paléontologie, anatomie comparée |
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