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Curateur (histoire romaine)

 A Rome, on entendait par Curateur, sous le régime républicain, tous les commissaires extraordinaires. Ce nom était aussi donné au magistrat placé à la tête de chaque tribu, curator tribus, dont l'office était de dresser la liste des citoyens pour le recensement, les votes et les distributions de blé. C'est surtout sous l'Empire que l'on trouve de nombreux fonctionnaires désignés sous le nom de curatores. Nous allons en énumérer les principaux en précisant leurs attributions.

Curatores regionum Urbis. On désignait sous ce nom les membres d'un conseil chargés d'assister le préfet de la ville, dont ils constituaient, au nombre de quatorze, le conseil de préfecture, comme nous dirions aujourd'hui.

Curator rei frumentariae. C'était un fonctionnaire préposé aux approvisionnements.

Curatores alimentorum. Ils avaient la surveillance des capitaux affectés par les empereurs à des fondations alimentaires. Le but de ces fondations était de nourrir et de doter les enfants des familles pauvres.

Curatores aquarum. Ils étaient au nombre de trois, chargés de l'entretien des aqueducs. On les désigne aussi sous le nom de consulares aquarum.

Curatores riparum. Ils s'occupaient de la surveillance du Tibre, aussi leur appliquait-on quelquefois la dénomination de curatores Alvei Tibris. Les questions contentieuses relatives au régime des eaux et aux droits des riverains rentraient également dans leurs attributions. Ils étaient enfin chargés du service des égouts (cura cloacarum). On en comptait cinq.

Curatores viarum. Leur nom indique qu'ils avaient à s'occuper des routes et de leur entretien. Leur nombre était proportionné à celui des routes.

Curatores operum publicorum. Ils étaient chargés de la surintendance des bâtiments publics.

Curatores actuum senatus. On entendait par là des secrétaires chargés de la rédaction des comptes rendus des séances du Sénat.

Curator reipublicae. A côté de ces curatores, qui étaient des fonctionnaires impériaux, on trouve un certain nombre de curateurs municipaux. Celui dont le rôle était de beaucoup le plus important était le curator reipublicae ou civitatis. Nous, allons quelque peu insister sur l'origine de cette magistrature et les attributions de celui qui s'en trouvait investi. Et d'abord, pour se rendre compte des besoins auxquels répondit la création du curator reipublicae, il faut rappeler la situation dans laquelle se trouvaient, au début de l'Empire, les villes de l'Italie ou des provinces. Cette situation n'était certes pas prospère, car d'une part les empereurs faisaient preuve à leur égard d'une grande parcimonie; les travaux qu'ils faisaient exécuter, construction et réparation des routes, dessèchements des lacs et des marais, étaient des travaux d'intérêt général tout à fait en dehors de la compétence municipale; d'autre part, les cités n'étaient pas alors considérées comme des personnes civiles capables de recevoir par donation ou par testament. 

Il était défendu de faire d'une ville son héritière : nec municipium, nec municipes, heredes institui possunt, nous dit, Ulpien (Regulae, 22, 5). Les fidéi-commis étaient eux-mêmes impossibles; la ville au profit de laquelle ils avaient été faits ne pouvait en exiger la restitution par les voies légales. Cet état de choses, qui rendait passablement exigu le budget des cités, s'améliora peu à peu. En pratique, tout d'abord, il arriva souvent qu'une personne donnât ou léguât à une ville une partie ou même la totalité de sa fortune. Sous Auguste, il intervint déjà des libéralités de ce genre. Cette pratique fut consacrée législativement sous les Antonins, qui, d'un coté, se montrèrent très généreux et doublèrent les revenus des villes; de l'autre, les investirent de la personnalité morale qui leur permit de recevoir des dons et legs. Les dispositions de ce genre alors devinrent très fréquentes. 

Nous savons par une inscription que la ville de Terracine recueillit un legs d'un million de sesterces qui lui fut fait par Caelia Macrina. Pline le Jeune donna de son vivant 1 million 600.000 sesterces à la ville de Côme, dont il était originaire, et lui légua 500.000 sesterces, plus une rente de 112.000 sesterces affectée à une destination déterminée. On voit, par cet exemple, l'importance que prirent, à partir de cette époque, les budgets municipaux. Cette importance et aussi ce fait qu'une grosse partie du budget était alimentée par l'empereur lui-même, furent l'origine du curator. Il était de toute nécessité de confier à un fonctionnaire spécial une administration financière devenant de jour en jour plus étendue et plus absorbante, et comme une moitié des capitaux provenait du trésor impérial et se trouvait bien souvent affectée à une destination déterminée, on ne pouvait en confier la gestion aux magistrats municipaux. C'est sous Nerva qu'apparaît, pour la première fois, le curateur reipublicae. Nous nous placerons successivement, pour préciser les attributions de ce fonctionnaire, ainsi que les conditions qu'il devait remplir, d'abord aux IIe et IIIe siècles, puis ensuite à l'époque du Bas-Empire.

Les curatores étaient nommés par l'empereur; c'est là un fait qui, s'il n'est pas absolument prouvé, n'en est pas moins très probable. On discute la question de savoir si l'institution de cette magistrature constituait un empiètement du pouvoir impérial, une immixtion de sa part dans  l'administration municipale, ou si, au contraire, elle avait été sollicitée par les villes. Nous n'entrerons pas dans les détails de cette controverse, nous nous bornerons à faire remarquer qu'étant donné les raisons qui amenèrent la création des curateurs, il se peut fort bien que, dans tel cas, un curateur ait été imposé à une ville, que, dans tel autre cas, sa nomination ait été sollicitée par elle. Il ne faut pas oublier que l'institution dont nous nous occupons ne fut pas créée tout d'un coup, comme on crée de nos jours par décret une nouvelle fonction publique; elle s'introduisit au fur et à mesure des besoins auxquels elle était destinée à répondre. Nous avons dit quels étaient ces besoins : accroissement de la fortune des cités. Cet accroissement provenait-il de dons faits par le prince?

Il était assez naturel qu'un fonctionnaire fût spécialement chargé par lui d'en surveiller la destination, et mémé imposé à la ville donataire. Avait-il, au contraire, sa cause dans des libéralités émanant de particuliers, on comprend que l'initiative .soit venue des cités et qu'elles aient sollicité de l'empereur l'envoi d'un fonctionnaire spécial dont le recrutement se fût peut-être fait difficilement dans leur sein. On suivait, en ce qui touche la nomination des curateurs, les règles qui présidaient à celle des gouverneurs de province. C'est ainsi qu'ils ne pouvaient être originaires de la ville où ils exerçaient leurs fonctions. Cette règle ne fut pas toutefois sans souffrir certaines exceptions dans l'examen desquelles nous n'avons pas à entrer. Les curatores étaient de rang sénatorial ou bien de l'ordre équestre, souvent c'étaient d'anciens magistrats municipaux ayant exercé leurs fonctions dans une ville voisine de celle où ils étaient envoyés comme curateurs. Quelles étaient maintenant au juste les attributions du curateur? C'était à lui qu'incombait le soin de gérer les biens qui avaient été donnés ou légués aux cités; c'était même pour cela qu'il avait été institué. Cette gestion comprenait l'exécution de la donation ou du legs. 

Une personne s'était, par exemple, engagée à construire tel ou tel monument dans sa ville natale, mais elle mourait avant que la construction ne fût achevée; il appartenait au curateur de veiller à ce que son obligation fût exécutée et d'agir en ce sens contre les héritiers. Ou bien une somme avait été léguée pour l'embellissement d'un monument, d'un quartier de la ville, le curateur devait, en cas de silence du testament sur ce point, fixer le délai dans lequel les travaux devaient être exécutés. Si la libéralité émanait de l'empereur, comme elle était presque toujours affectée à une destination déterminée, il appartenait au curateur de veiller à l'exécution des volontés du donateur. Au recouvrement des dons et legs vint s'ajouter peu à peu un droit de surveillance sur tous les deniers des villes, quelle qu'en fût d'ailleurs la provenance, et, comme on l'a dit, une espèce de tutelle sur la chose publique des cités. C'est ainsi que le curateur devait veiller à la conservation des biens fonds de la commune en revendiquant ceux qui avaient été usurpés par les particuliers, en donnant l'autorisation d'y bâtir. Il se trouvait, de la sorte, juge entre les particuliers et les villes et avait, en cette qualité, un véritable tribunal et des assesseurs qui pouvaient être pris parmi les habitants de la cité, nais ceux-ci ne devaient jouir d'aucun traitement (Papinien, L. G. Dig., De Asses., XXII, 6).

Toutes les questions relatives à l'aliénation du domaine communal étaient également du ressort des curateurs. Le sénat décidait s'il y avait ou non lieu à l'aliénation, mais sa décision devait être autorisée par le curateur qui avait le pouvoir d'annuler les votes émis à cet égard. Enfin, les capitaux de la ville étaient administrés par un curateur spécial que les textes désignent sous le nom de curator calendarii. Le nom de ce fonctionnaire vient de ce que le registre où se trouvait inscrit le none des débiteurs de la cité s'appelait Calendarium, et cette dénomination vient elle-même de ce que les intérêts des sommes prêtées étaient exigibles aux Calendes. On peut conclure de là que la mission du curator calendarii se restreignait à l'administration de la portion de la fortune publique qui avait été placée à intérêts. Il avait, plus que le curator ordinaire, le caractère d'un fonctionnaire municipal, mais sa nomination appartenait le plus souvent à l'empereur. Telles étaient, d'une manière générale, les attributions des curatores reipublicae telles qu'elles résultent des textes (V. notamment Ulpien, I. IV, Dig., De Decretis ab ordine faciendis, 50, 9, fragment extrait d'un ouvrage de ce jurisconsulte, De Officio curatoris reipublicae), attributions de contrôle et de surveillance, qui ne permettent pas de considérer l'institution de ces magistrats comme destinée à mettre l'administration des villes entre les mains du pouvoir central. Avant comme après leur création, l'initiative appartenait au Sénat; le curateur se bornait à autoriser ou à opposer son veto. En certaines circonstances exceptionnelles, le curator eut des attributions politiques. Des inscriptions nous le montrent présidant à quelque changement dans l'organisation de la cité, présidant, par exemple, les premiers comices chargés de l'élection des ma gistrats municipaux, lorsque ce mode de nomination avait ôté substitué à tout autre, mais c'était là, il faut le répéter, des attributions tout à fait extraordinaires qui leur étaient confiées, sans doute, parce qu'ils étaient dans la ville les seuls représentants du pouvoir central. (Paul Nachbaur).

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