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Les comètes
dans l'histoire
Aperçu Premiers regards La connaissance des comètes Mais toujours des fantasmes...

Jalons
La connaissance des comètes

Newton et Halley.
C'est à Newton et à Halley que l'on doit d'avoir au bout du compte réussi à insérer définitivement les comètes dans le territoire qui est aujourd'hui le leur, et qui est bien celui de l'astronomie. Cette étape a été franchie en montrant que les comètes obéissent en tous points aux lois qu'observent les autres corps célestes, à commencer par la loi d'attraction universelle. Newton, ayant trouvé qu'un corps soumis à l'attraction du Soleil peut décrire non seulement une ellipse, comme les planètes, mais une branche d'hyperbole ou de parabole, jugea même que les comètes pourraient bien être souvent dans ce dernier cas, ce qui expliquerait pourquoi certaines, après s'être montrées dans le voisinage du Soleil, peuvent ensuite disparaître pour toujours. L'apparition de deux comètes servira de support à ces avancées : celle de la comète de Newton, en 1680, et de la comète de Halley en 1682.

La comète de Newton.
Cette comète fut découverte à Cobourg (Saxe) par G. Kirch le 14 novembre 1680, à cinq heures du matin tout près de Régulus (Lion). Le 4 décembre, elle devint invisible, perdue dans les rayons du Soleil. Le 24 décembre, on la revit au commencement de la nuit. Le noyau était un peu plus gros que Régulus et entouré d'une chevelure assez étendue. Sa queue mesurait 62°. En 1681, son noyau fut assimilé par Picard et La Hire à une étoile de deuxième grandeur; sa queue avait environ 30 degrés de longueur. Newton étudia sa marche et reconnut qu'elle décrit une orbite elliptique autour du Soleil en 575 ans. A son passage au périhélie, estima-t-il, elle était à 60 000 lieues du Soleil et devait éprouver une chaleur 28 000 fois plus considérable que celle de la Terre (Newton estime cette température 2000 fois plus élevée que celle du fer rouge). A son aphélie, elle se trouve à 4 500 millions de lieues et doit subir un froid extrême... si quelque autre soleil ne lui donne aucune chaleur. Newton émet par ailleurs, à propos des comètes en général, et qui attachée à celle-ci en particulier, va être appelée à un certain avenir :

« Les comètes vont porter aux autres corps célestes l'eau et l'humidité dont ils ont besoin pour réparer leurs pertes. Si la réparation est, nécessaire aux planètes, elle ne peut manquer d'être funeste aux habitants, à cause de la grande différence des nouveaux fluides. Ils infectent sans doute l'air et les eaux, et la plupart des habitants périssent; mais la nature sacrifie les petits objets au bien-être général de l'univers. Elles réparent les pertes que le soleil éprouve par l'émission continuelle de la matière dont il est formé. Quand une comète passe auprès de cet astre, elle s'en rapproche de plus en plus à chaque apparition, et tombe enfin dans ce feu immense pour lui fournir un nouvel aliment : car sans doute ses vapeurs et son atmosphère, qui peuvent inonder les planètes, ne sont pas capables d'éteindre le Soleil. ».
La comète de Halley.
La comète de Newton avait été la première dont Halley ait essayé de calculer la trajectoire. Mais la première dont il ait vraiment réussi à montrer qu'elle était effectivement périodique, et dont le retour ait pu être prédit par lui est la comète qu'il découvrit en 1682; Halley en calcula les éléments d'après les observations de La Hire, Picard, Hévélius et Flamsteed. II appliqua les mêmes calculs aux observations d'une belle comète parue en 1607, étudiée par Képler et Longomontanus, et il lui trouva les mêmes éléments. Une autre observation, faite en 1531 par Apian, lui fournit les mêmes résultats, de sorte qu'Halley crut pouvoir attribuer ces trois apparitions à un même astre, dont la périodicité serait d'environ 76 ans.

Dès l'année 1757, les astronomes explorèrent attentivement le ciel. Le 15 novembre 1758, Clairaut annonça à l'Académie des sciences de Paris que les perturbations exercées par Jupiter et Saturne sur la marche de la comète, qui passait dans leur voisinage, retarderaient son retour au périhélie de 618 jours environ, savoir : 100 jours dus à l'action de Saturne, 518 à celle de Jupiter. L'événement confirma la prédiction de Clairaut, qui avait donné la date du passage au périhélie à un mois près. En 1835, elle revint au périhélie le 15 novembre, à moins d'un jour de la date calculée par de Pontécoulant. Ce savant a aussi cherché l'époque de son retour suivant qui, selon lui, aura lieu le 16 mai 1910 vers 11 heures du soir... .

Orbites.
Un nouveau pas vers une meilleure coonnaissance des comètes est franchi quand Olbers propose, dans sa Méthode nouvelle pour calculer les orbites des comètes, d'aborder la détermination d'une orbite cométaire, au moyen d'un certain nombre d'observations géocentriques, ce problème que Newton regardait déjà comme extrêmement difficile, longe difficillimum, avait été traité successivement par La Caille, Euler, Lambert, Bouguer, Lagrange, Boscovich et Laplace.


La méthode de Laplace exigeait beaucoup de calculs préparatoires, tellement fastidieux, que les calculateurs, à bout de patience, abandonnaient quelquefois leur travail, sans avoir obtenu aucun résultat satisfaisant. Ce fut en 1790 qu'Olbers annonça au baron de Zach qu'il était en possession d'une méthode infiniment supérieure à toutes celles qu'on avait employées jusqu'alors [1]. Cette méthode est une extension du principe que Lambert avait établi pour l'orbite cométaire, et qui consiste en ce que le rayon vecteur moyen divise la corde de l'orbite terrestre en proportion des temps écoulés entre les trois observations nécessaires pour calculer l'orbite d'une comète. Cette méthode sert à déterminer, en très peu de temps, tous les éléments de l'astre avec une très grande approximation; quelques interpolations donnent ensuite facilement une connaissance plus exacte des éléments.

Le recensement des comètes.
Pingré (1711- 1790) entreprit le premier un recensement général de toutes les comètes observées depuis l'Antiquité jusqu'en 1782, dans sa Cométographie, ou Traité historique et théorique des Comètes (Paris, 1783, 2 vol. in-4), Son exemple a été suivi, et au siècle suivant on trouvera enregistrées dans les catalogues, plus de 600 comètes d'une constatation suffisamment authentique. Si l'on tient compte des innombrables comètes télescopiques qui devaient échapper aux Anciens, on n'est peut-être plus éloigné de croire à cette époque avec Kepler qu'il y a autant de comètes au ciel que de poissons dans l'océan.

La masse des comètes.
On a d'abord attribué aux comètes des tailles et des masses comparables à celles des planètes (c'était bien par exemple, l'opinion de Whiston). Mais il est vite apparu que la masse des comètes est tellement faible que le passage de ces astres à une très petite distances des planètes et de leurs satellites n'a jamais apporté la moindre perturbation dans le mouvement de ces corps; ce sont au contraire les comètes qui ont subi des déviations dans leur marche.

Témoin la comète de 1770, appelée aussi comète de Lexell. Cette belle comète avait été découverte par Messier en juin 1770. Lexell, en 1716, calcula ses éléments et lui trouva une période de 5,5 ans. Malheureusement, on ne l'avait pas observée en 1776; on ne la revit pas davantage au passage suivant, en 1781, bien qu'alors on la cherchât avec soin. On crut d'abord à une erreur dans les calculs de Lexell. Mais, en examinant attentivement la marche qu'elle avait dû suivre dans le ciel, Lexell reconnut qu'en août 1779, elle s'était approchée beaucoup de Jupiter : sa distance de cette planète n'était alors que 1/500 de sa distance au Soleil. L'action de Jupiter, devenue prépondérante, avait donc altéré complètement le mouvement de la comble et l'avait empêchée de revenir au périhélie en 1781. Il reconnut, de plus, qu'en mai 1767, la comète avait aussi passé très près de Jupiter, qui en avait modifié l'orbite. De sorte qu'après avoir donné à la comète sa courte période de 5 ans 1/2, c'est encore l'influence de Jupiter qui nous l'a peut être définitivement enlevée, car on ne l'a plus revue depuis lors.

Laplace reprit la question et montra que l'action exercée par Jupiter en 1770 ayant en un effet contraire à celui de 1767, avait éloigné pour toujours la comète de Lexell du Système solaire, Enfin Le Verrier s'occupa aussi de cette comète, il prouva que la trajectoire devenue elliptique s'était transformée en hyperbole, ce qui confirmait les conclusions de Laplace. Roche, à Montpellier, a calculé les masses des comètes de Donati et d'Encke. Ses recherches lui ont donné les résultats suivants : la masse la comète de Donati rapportée à celle de la Terre prise pour unité est : 0,000 047, soit un peu moins d'un vingt millième, ou à peu près cinquante-trois fois la masse de l'atmosphère terrestre. Évaluée en eau, elle équivaudrait à une sphère de 400 km de rayon, soit deux cent soixante-huit millions de milliards de tonnes. La masse de la comète d'Encke est à peu près la millième partie de celle de la Terre. La densité du noyau de la comète de Donati en octobre 1858était la huitième partie de celle de l'eau, tandis que la densité de l'enveloppe nébuleuse n'était guère que la cent cinquante-quatre millième partie de celle de l'air constitué notre atmosphère. Bien que ces estimations aient très largement surévalué la masse des comètes, elles ont suffi à beaucoup d'astronomes pour considérer cette masse comme une quantité négligeable. Babinet, Faye, C. Wolf sont en tout cas de cet avis.


La comète de Donati (1858). 
On lui attribuait à l'époque
un noyau de 9000 km de diamètre.


 

[1] Mémoire publié dans Goettingische Anzeigen, 21 janvier 1797; mémoire réédité, revu et augmenté par Encke; Berlin, 1847.

La fragmentation des comètes.
Au cours du XIXe siècle, les astronomes vont assister plusieurs fois à un phénomène inattendu : la fragmentation (ou, comme ils disent alors : la segmentation) des comètes. Le premier exemple leur en a été fourni par la comète de Biela. Découverte en 1826, cette comète périodique réapparaît, comme on l'avait prévu en 1846, mais cette fois son noyau est dédoublé dédoublé, et il le sera encore en 1852, lors de son passage suivant, qui sera aussi le dernier.

Le second exemple de comète double a été observé seulement par Liais. Cet astronome, alors directeur de l'observatoire de Rio de Janeiro, découvrit le 26 février 1860, à Olinda (Brésil), une comète double qu'il suivit jusqu'au 13 mars de la même année. La première composante, deux fois plus brillante que la seconde, avait l'éclat d'une étoile de neuvième grandeur et un diamètre d'environ 1'. Elle montrait de grandes variations de forme et d'éclat. Liais y observait des traces de lumière polarisée. La seconde composante était distante de la première d'environ 1 000 km, (0,0025 de la distance de la Lune à la Terre).

Le troisième exemple de segmentation d'une comète fut observé fin septembre 1882. La belle comète visible à l'oeil nu les 18 et 19 septembre après son passage au périhélie le 17, avait à la fin du mois de septembre une queue de 20° de longueur et lare de 1° 30', entourée d'une sorte de gaine lumineuse qui s'étendait à 3° 30' au-dessus de la tête, du côté du Soleil. Le noyau, d'abord arrondi, se dédoubla, et les deux parties s'écartèrent de plus en plus. A Washington, on observa quatre noyaux; on en aperçut même un cinquième très faible à Rio de Janeiro, le 15 janvier 1883, et le 13 octobre, E. Barnard, à Nashville, voyait un peu au Sud jusqu'à huit objets nébuleux diffus. Le 8 octobre, Schmidt, à Athènes, apercevait à 4° au S. O. de la comète une nébulosité très faible, très diffuse et très étendue, qui, tout en suivant la comète dans sa marche, avait un mouvement un peu plus rapide. Pendant trois jours, il a pu suivre cette nébulosité observée également par Hartwig. Le 20 octobre, Brooks, à Phelps, voyait à l'Est de la comète une masse cométaire d'une étendue de 2°. Enfin, La Caille trouvait à Olinda, le 16 novembre, une faible nébulosité qu'il pouvait encore observer les 20, 22 et 26 novembre. Les noyaux 2, 3 et 4 (dans l'ordre de leurs distances du Soleil) ont été observés plusieurs fois. Partant de ces observations, Tisserand estime qu'ils ont probablement formé trois comètes dont les durées des révolutions autour du Soleil sont respectivement 772, 885 et 972 ans. Le noyau 1 a dû fournir, croit-il, une comète à plus courte période.

Enfin, la quatrième comète segmentée du XIXe siècle date de 1889. Découverte le 6 juin par Brooks, elle donnait un nouvel exemple de segmentation le 1er août. Barnard, astronome de l'observatoire Lick (mont Hamilton), voyait quatre noyaux dont les trois principaux avaient une petite queue. La troisième comète de 1881, très brillante, n'a pas montré de segmentation bien nette, mais on voyait autour de la tête quatre bras qui paraissaient vouloir se détacher pour former des comètes isolées. 
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L'origine des étoiles filantes

Antérieurement aux deux pluies d'étoiles filantes, des 27 novembre 1872 et 1885, Schiaparelli et Le Verrier, étudiant les éléments des comètes 1862 (III) et Tempel (1866), avaient formulé l'opinion suivante, dans laquelle les astronomes vont très rapidement reconnaître l'expression exacte de la transformation de certaines comètes en étoiles filantes :

« Sous l'influence probable de l'attraction des planètes, la masse de certaines comètes peut s'éparpiller dans le voisinage du soleil en un immense courant continu de forme parabolique, pouvant mettre des années et même des siècles à effectuer successivement son passage au périhélie. Lorsque l'orbite de notre globe rencontre un de ces chapelets météoriques, la terre a son atmosphère sillonnée par une quantité innombrable d'étoiles filantes d'autant plus nombreuses que la région traversée est plus ou moins profonde et riche en corpuscules. Ces étoiles filantes peuvent être déviées de leur route sous l'influence de l'attraction de la Terre, tomber à la surface du sol et constituer des météorites; elles peuvent aussi illuminer pendant quelque temps les hauteurs de l'atmosphère terrestre. »
Les observations des 27 novembre 1872 et 1885 viennent donc corroborer les conclusions de Le Verrier et Schiaparelli. Le savant astronome italien avait prouvé que l'essaim des Léonides du 10 août a la même orbite que la troisième comète de 1862. L'essaim des Perséides (13 novembre) a les mêmes éléments que la première comète de 1866, découverte par Tempel; celui du 20 avril est identique à la première comète de 1864. Les trois principaux essaims paraissent donc remplacer des comètes disparues ou plutôt, comme on le dit à l'époque, n'être qu'une modification de ces astres.

Des comètes remarquables.
Beaucoup de comètes très remarquables par leur forme ou leur éclat ont fait leur apparition, et dont le passage n'a été accompagnée d'aucune des perturbations signalées par Forster. Elles n'en ont pas moins été particulièrement intéressantes pour les astronomes... mais pour d'autres raisons. Parmi ces comètes nous citerons : la comète à queues multiples de 1744 (comète de Chéseaux), dont le noyau égalait, le 12 février, en éclat, la plus brillante étoile du ciel, Sirius; elle était un moment visible en plein jour, comme la comète de 1843, dont la lumière fut comparée par Arago à la lumière zodiacale.


La comète de Chéseaux.

Nous y ajouterons les comètes de 1769, 1811 et 1858 (comète de Donati), si remarquables par leur éclat et la grandeur de leurs queues. W. Herschel aperçut dans la comète de 1811, qui coïncida avec une abondante récolte de vin d'une qualité fort recherchée (on parla alors du "vin de la comète", et le marketing de l'époque tenta de refaire le coup avec la comète de 1858...), des filets lumineux qui semblaient éprouver des variations de longueur fréquentes et rapides; il on conclut que l'astre tournait sur lui-même. Un semblable mouvement de rotation parait avoir été observé par Dunlop, directeur de l'observatoire de Sidney (Australie) dans la comète de 1825, dont la queue se composait de cinq branches distinctes, de longueurs inégales.

Au chapitre des comètes remarquables, mais cette fois pour son intérêt proprement astronomique, il convient aussi d'ajouter la Comète de Brorsén. Le 26 février 1846, Brorsén découvrait, de l'Observatoire de Kiel, une comète périodique, présentant une intéressante particularité : tous les Quatre-vingt-quinze ans environ, elle passe assez près de Jupiter pour que cette planète, substituant son action à celle du Soleil, modifie presque complètement la forme de sa trajectoire et puisse, par exemple, d'elliptique la rendre hyperbolique. Le phénomène avait justement eu lien quatre ans auparavant, le 27 mai 1842; d'Arrest, et plus tard Harzer, en ont étudié les conséquences. Cependant van Galen ayant commis une erreur dans le calcul des éphémérides pour les prochains retours et donné des dates trop éloignées, on rechercha vainement la comète en 1851, et on doutait déjà de sa périodicité, lorsque Bruhns la retrouva à Berlin, d'une façon tout à fait indépendante, le 18 mars 1857. Elle avait 3' de diamètre et une faible queue de 11'. Les observations durèrent jusqu'au 22 juin. Elles ont pu être renouvelées du 11 avril au 23 juin 1868, du 1er septembre au 16 octobre 1873 et du 17 février au 23 mai 1879; en 1862 et en 1885, la comète n'a pu être vue. Harzer en a calculé deux systèmes d'éléments, l'un avant, l'autre après le phénomène du 27 mai 1842. Schuze a également donné un système, déduit de l'apparition de 1879, et dont voici les principaux chiffres : durée des révolutions sidérales: 5 ans, 462 ; distance périhélie : 0,590 ; distance aphélie 5,613.

La lumière des comètes.
Parallèlement à ses considérations, l'étude des comètes s'est poursuivie. On a étudié leur lumière, leur spectre. Ces astres étant constitués par une matière éminemment subtile et légère, les Anciens avait déjà supposé que la lumière qu'ils nous envoient est, comme celle des planètes, de la lumière solaire réfléchie. Arago est le premier astronome qui ait appliqué les méthodes d'observation de la physique à l'étude des astres. Il a reconnu que la grande comète de 1819 et celle de Halley dans sa septième réapparition, constatée en 1835, nous envoyaient de la lumière partiellement polarisée. Le fait a été constaté pour la plupart des comètes; la lumière du noyau et celle de la chevelure, estiment alors les astronomes, sont certainement polarisées en partie; celle de la queue l'est peut-être : l'indécision provient de la difficulté de séparer l'effet appartenant à la lumière de la queue de celui qui est propre à notre atmosphère, laquelle nous renvoie toujours do la lumière polarisée dans le même plan contenant le Soleil. Les contemporains d'Arago en concluent avec lui qu'une portion de la lumière du noyau et de la chevelure est de la lumière solaire réfléchie par une matière solide ou liquide, probablement condensée dans le noyau et pulvérulente dans la chevelure.

L'analyse spectrale va permettre d'aller plus loin. La spectroscopie des comètes a commencé en 1858. Le spectre d'une comète se compose d'une bande lumineuse très pâle, de largeur égale au diamètre de la tête, due à la lumière réfléchie par la matière pulvérulente de la chevelure. Sur cette bande large se détache un ruban très brillant et très étroit de lumière presque continue. Si cette continuité est parfaite, ce spectre est celui de la lumière propre du noyau solide ou liquide, porté à l'incandescence. Les observations de Huggins en Angleterre et les photographies de spectres cométaires, ainsi que les observations de C. Wolf, à Paris et de Secchi, à Rome, ont montré sur ce ruban étroit la présence des principales lignes noires du spectre solaire; cela prouve qu'une portion au moins de la lumière du noyau est de la lumière solaire réfléchie. Enfin, ce spectre du noyau est coupé transversalement par trois ou quatre bandes lumineuses, une jaune, une verte, une bleue et quelquefois une violette très pâle.
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Un des premiers spectres de comète à avoir été photographié.

Un spectre c'est aussi souvent un puzzle. Et, à cette époque, les astronomes disposent de peu d'outils pour en démêler les mystères. Ils ne baissent pas pour autant les bras. La bande verte, note-t-on, est toujours la plus brillante et la plus longue; nettement tranchée sur son bord le moins réfrangible, elle s'estompe et va s'affaiblissant peu à peu de l'autre côté, en diminuant aussi de longueur. La bande jaune est moins lumineuse, la bleue est beaucoup plus pâle, et toutes deux sont moins longues et plus diffuses que la première. La lumière de la queue montre parfois au spectroscope les bandes lumineuses jusqu'à une certaine distance de la tête; mais, en général, ces bandes s'effacent très vite, et il ne reste qu'un spectre continu extrêmement pâle. La queue d'une comète contient donc certainement, pense-t-on, une matière pulvérulente solide ou liquide, mais on ne peut dire si cette matière brille par elle-même ou réfléchit la lumière du soleil.

En revanche, la chevelure est surtout formée d'une substance gazeuse, lumineuse par elle-même et la même pour toutes les comètes, puisque tous les spectres observés sont identiques. Cette substance est différente de celle qui constitue les nébuleuses, puisque le spectre de ces dernières se réduit à une, deux, trois ou quatre lignes brillantes dont la position n'est pas la même que celle des lignes cométaires, sans bande large ni ruban étroit montrant les principales lignes noires du spectre solaire. C'est William Huggins, qui le premier, s'est aventuré en 1868, à reconnaître quelques substances supposées présentes dans la chevelure. La nature du spectre cométaire indique dans l'atmosphère de ces astres un ou plusieurs gaz composés, et les observations comparatives faites sur les sources de lumières terrestres ont montré, comme le signale Hasselberg, astronome à Pulkovo, l'identité de ces bandes avec celles du spectre des hydrocarbures, probablement de celui dans lequel ils se résolvent tous par l'action de la chaleur, l'acétylène. De plus, on voit aussi dans la partie la plus réfrangible, qui est révélée par la photo, des bandes attribuées au cyanogène [b]. On conclut donc que l'on trouve dans les comètes de l'hydrogène, du carbone, de l'azote et peut-être même de l'oxygène.

[b] En fait, il s'agit de CN, et non de cyanogène (C2N2).
De plus, les astronomes pensent, comme on la vu, que certaines comètes se sont transformées en étoiles filantes. Qu'en est-il alors, se demandent-ils, de la comparaison des spectres de ces deux types d'objets? Le spectre des étoiles filantes, apparaît-il, accuse la présence du sodium, du magnésium et du fer; l'analyse chimique des météorites y montre une vingtaine de corps simples : il semble dès lors, qu'il faille les retrouver dans les comètes, et c'est en effet ce qui est arrivé en 1882 dans l'observation des deux comètes Wells et Finlay, qui se sont approchées assez près du Soleil pour que la chaleur de ces astres ait pu rendre visible dans leur spectre la double raie D du sodium et un grand nombre de bandes brillantes, que l'on pense probablement dues au magnésium et au fer, dans la partie ultraviolette photographiée. Quand ces deux comètes se sont éloignées du Soleil, leur spectre est redevenu semblable à tous ceux que l'on a observés jusqu'ici. Par ailleurs, les expériences de Wright, Odling, Huggins et Vogel ont montré que des morceaux de météorites, placés dans un tube vide d'air, puis chauffés, dégagent des gaz qui, par le passage de "l'effluve électrique", deviennent lumineux et reproduisent le spectre normal des comètes. Les astronomes de la fin du XIXe siècle en concluront que les comètes et les météorites ont une composition chimique identique.
La formation des comètes.
Les résultats obtenus à partir de l'étude de la lumière des comètes ont conduit étudier leur mode de développement. Le corpuscule ou l'amas de corpuscules qui forme le noyau de la future comète, explique-t-on, nous arrive froid et obscur des espaces célestes. Dès qu'il a subi l'action attractive du Soleil, il en éprouve en même temps l'action calorifique; les matières gazeuses se dégagent et forment une atmosphère qui devient lumineuse. Là se borne le développement des comètes qui restent à grande distance lors de leur passage au périhélie, et qui ne s'approchent donc guère du Soleil. Si au contraire la comète passe très près du soleil, elle s'échauffe davantage le sodium, le magnésium et le fer distillent, et leurs vapeurs incandescentes se manifestent pendant un certain temps pour disparaître ensuite. Cependant, on oppose rapidement quelques objections à une explication aussi simple. Pourquoi toutes les comètes éloignées du Soleil nous offrent-elles le même spectre ? Ces corps d'origine si variée dans l'espace et dans le temps contiendraient donc tous les mêmes gaz, alors que les étoiles donnent, selon les conceptions de l'époque, quatre spectres différents et les nébuleuses deux autres ? Où est pour une comète la source de chaleur qui dégage le gaz ? Est-ce cette chaleur qui la rend incandescente ou bien faut-il voir une action électrique dont l'origine est à discuter? Les comètes deviennent visibles et présentent le spectre des hydrocarbures quand elles sont à une distance du Soleil égale à celle de Jupiter...

Peut-on admettre qu'à cette distance la chaleur solaire suffit à dégager le gaz occlus dans les corpuscules et à les rendre lumineux? Ou bien, si l'atmosphère existe préalablement, et c'est la même pour toutes les comètes, quelle est la cause des décharges électriques qui doivent s'y produire? Beaucoup d'astronomes admettent facilement des phénomènes électriques dans les comètes : ils en voient la source dans l'action inductive du Soleil qu'ils supposent lui-même chargé d'électricité à haute tension, ainsi que dans la vaporisation des matières provenant du noyau. pour eux, les aigrettes, les secteurs lumineux mobiles de la tête des comètes sont des jeux de lumière électrique semblables à ceux des aurores boréales. Des spéculation qui ne convainquent pas toujours. Certains notent, par exemple, que l'on ne sait pas grand chose à propos des aurores polaires et qu'il est bien hasardeux d'identifier à ce phénomène le développement de la lumière cométaire qui se produit dans des conditions atmosphériques inconnues et certainement différentes des nôtres.

En raison de l'analogie que présentent apparemment les météorites avec les comètes non seulement au point de vue de leur composition chimique, mais aussi en raison de l'illumination des météorites quand ces corps pénètrent dans notre atmosphère, Wolf dans ses Hypothèses cosmogoniques (1886) présente l'hypothèse suivante : 

On ne peut admettre l'existence d'un milieu interplanétaire matériel; car malgré toute la ténuité possible, sa résistance se ferait sentir à la longue sur le mouvement des planètes et y introduirait des perturbations que rien ne démontre. En revanche, c'est une opinion généralement admise que dans les espaces interplanétaires circulent de nombreux corpuscules, débris probables de la nébuleuse solaire primitive, qui ne se sont pas agglomérés en planètes, mais qui suivent isolément des orbites fermées en obéissait aux lois de Kepler et de Newton. Comme les astéroïdes, et pour les mêmes raisons, ces corpuscules peuvent décrire des orbites très inclinées sur le plan de l'écliptique et former autour du Soleil, surtout dans son voisinage, une vaste sphère d'astéroïdes extrêmement petits. Il n'est pas improbable que des essaims de pareilles poussières contribuent pour leur part à l'illumination de la couronne solaire et à la production de la lumière zodiacale.

Ces poussières peuvent être aussi les débris des comètes qui, depuis l'origine des temps, sont venues se perdre dans notre système. Elles n'influencent pas les mouvements des planètes. Il en est tout autrement pour une comète. Quand un de ces corps arrive de l'infini, tout froid et tout obscur, avec une vitesse constamment accélérée, il croise dans sa route les orbites de ces corpuscules, et les chocs successifs de tous ceux qu'il rencontre ainsi engendrent, par une action purement mécanique, la chaleur nécessaire au développement de l'atmosphère cométaire et au dégagement d'une vive lumière. Si même l'atmosphère de la comète préexiste à son entrée dans le système planétaire, ce qui est admissible, le passage des corpuscules à travers cette atmosphère y produit des averses d'étoiles filantes, et par conséquent un dégagement de lumière, sans troubler d'ailleurs d'une manière sensible le mouvement orbital de la comète. Celle-ci peut donc briller et s'échauffer même bien loin du soleil; mais le spectre que nous observons alors est celui de la lumière des corpuscules volatilisés par le choc du noyau ou la traversée de l'atmosphère.

Il n'est donc pas étonnant que toutes les comètes nous offrent le même spectre, puisque ce spectre est à peu près indépendant de leur composition chimique et ne dépend que de la région de l'espace traversé. Toutefois, quand la comète, arrivant au voisinage du soleil, se trouve soumise à l'influence de la chaleur de cet astre et reçoit des chocs plus fréquents en raison de la condensation plus grande des corpuscules et de sa vitesse plus considérable, la matière propre de la comète peut se manifester dans son spectre.

L'hypothèse a été favorablement accueillie par les astronomes, car rentrait parfaitement dans ce qui semblait être l'explication la plus probable du développement des queues des comètes. Gergonne et Saigey pensaient ainsi, avec quelques autres astronomes et physiciens, que le noyau de la comète, entouré d'une immense atmosphère, réfracte la lumière du Soleil, et que le faisceau trace une gerbe illuminée.

D'autres savants pensaient que l'atmosphère de la comète, d'une nature chimique spéciale, subit sous l'action des rayons qui ont traversé la tête de la comète une décomposition qui précipite une matière pulvérulente capable de réfléchir les rayons lumineux : c'est l'application des expériences de Tyndall sur laction actinique de la lumière.

L'orientation de la queue.
On explique déjà que la queue est l'atmosphère de la comète projetée dans une direction déterminée par une force répulsive dont l'origine est dans le Soleil. Mais quelle est l'excitation de cette force?. Bessel et Olbers attribuent à cette force une origine électrique; sous l'influence de la polarité électrique du noyau deux flux de matière s'échappent de la comète, l'un opposé au Soleil, l'autre dirigé vers cet astre et repoussé en arrière par la tension électrique du Soleil. Ces deux flux de matière s'expliquent plus naturellement, d'après les recherches de Roche, par une action de marée due a l'attraction solaire sur l'atmosphère de la comète; il en résulte deux queues opposées, et celle qui est dirigée vers le Soleil n'existe généralement pas, en raison, dit Faye, d'une force répulsive exercée par le Soleil à cause de sa très haute température. Elle est proportionnelle aux surfaces et produit sur les corps un effet d'autant plus considérable que la densité est moindre. Cet effet, nul sur les planètes et sur le noyau des comètes, est très grand sur la matière extrêmement ténue qui s'échappe de la tête; il la repousse en arrière et lui fait former l'immense enveloppe qui constitue la queue brillante des grandes comètes.

Enfin, vers 1898, un physicien d'Odessa, Schwedov, a rattaché la formation des queues cométaires à l'existence de ces corpuscules cosmiques mentionnés plus haut. Les chocs des corpuscules avec la comète et la transmission de ces chocs engendrerait la queue opposée au Soleil. L'analyse appliquée à cette question de mécanique assez simple donne pour le système des corps ainsi mis en mouvement une forme géométrique tout à fait semblable à celle du curieux appendice qu'il sagit d'expliquer. De plus, dans cette hypothèse, la lumière de la queue serait celle des corpuscules amenés à incandescence par suite des chocs, ce qui paraît conforme au résultat de l'analyse de cette lumière.

Au début du XXe siècle, et jusqu'à la mise en place de la nouvelle physique, qui point déjà son né en 1900, le choix restera entre les deux dernières hypothèses. Les théories de Roche rendent bien compte des violentes agitations dont la tête de la comète est le siège et de la déperdition de matière que ces astres semblent éprouver. la force répulsive de Faye explique bien l'existence d'une queue unique et le rétrécissement de l'orbite de certaines comètes à courte période. mais les chocs des corpuscules peuvent produire le même effet sur la masse très faible des comètes et ils paraissent expliquer le dédoublement subit de certaines comètes et la désagrégation à laquelle toutes semblent appelées. 

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© Serge Jodra, 2004. - Reproduction interdite.