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Diffusion
de l'Imprimerie en Italie
Subiaco
et Rome.
Ce sont les bénédictins
de l'abbaye de Subiaco qui ont installé
le premier atelier typographique qui ait fonctionné en Italie. Deux
ouvriers de Mayence, Conrad Sweynheym et
Arnold Pannartz, qui avaient quitté cette ville après le
sac de 1462, répondirent à leur appel et passèrent
les monts dans le courant de l'année 1464. Ils imprimèrent
d'abord un Donat
dont il ne s'est, paraît-il, conservé aucun exemplaire, bien
qu'ils en eussent fait un tirage assez élevé (300 exemplaires).
Ils publièrent ensuite le De Divins Institutionibus de Lactance
(29 octobre 1465), le De Oratore de Cicéron
et la Cité de Dieu
de saint Augustin. Ils quittèrent précipitamment
l'abbaye vers la fin de 1466 et allèrent s'installer à Rome,
in
domo Petri de Maximo. L'évêque d'Aleria, Giovanni Andrea,
s'intéressa à eux et ne dédaigna pas de leur servir
de prote et de correcteur. Aussi purent-ils faire paraître, à
la date du 12 juin 1467, les Lettres de Cicéron. C'est le
premier livre sur lequel ils aient mis leurs noms. Leur succès ne
fut pas de longue durée. La concurrence les ruina. En 1472,
ils n'en avaient pas moins imprimé et tiré, d'après
le catalogue de leur librairie qu'ils ont eux-mêmes publié,
avec les chiffres du tirage, la masse énorme de 12 475 volumes de
format in-fol. ou in-4. Les papes Paul II et Sixte IV ne firent rien pour
eux.
L'année même de leur arrivée
à Rome, un autre typographe étranger, Ulric
Hahn (Udalrichus Gallus, en français Ulrich Le Coq), était
venu s'y installer. Il fut accueilli et patronné par le célèbre
cardinal Jean de Torquemada (Johennes de Turrecremata); aussi fit-il des
Méditations
de son protecteur l'objet de sa première publication. Elles parurent
là 31 décembre 1467. G.-A. Campano, évêque de
Teramo, fut son correcteur. D'autres imprimeries ne tardèrent pas
à s'ajouter à ces deux premières. Il nous suffira
d'en signaler quelques-unes, sans entrer dans le détail de leurs
produits. Ce furent, en 1470; George Laver, protégé par le
cardinal Caraffa, et G.-Ph. de Lignamine, l'éditeur de la fameuse
Chronique
pontificale, dont nous avons plusieurs fois parlé. Vinrent ensuite
Adam Rot, clerc du diocèse de Metz, Léonard
Pflug, de la Saxe (1472); George Saschel de Reichenhal (1474), E. Planck
de Passau, Martin d'Amsterdam, Hugo de Gengenbach et enfin Eucharius Franck
ou Silber de Wurzbourg à qui on doit le premier livre imprimé
en caractères éthiopiens
(1513).
Venise.
Jean de Spire
s'établit à Venise au commencement
de 1469. On voit, en effet, qu'il avait déjà imprimé
deux ouvrages, les Lettres de Cicéron
et l'Histoire naturelle de Pline, lorsque
le Sénat lui accorda, sur sa demande, à la date du 18 septembre
de cette année, un privilège de cinq ans. C'est le plus ancien
document de ce genre qu'on puisse citer. La mort l'empêcha malheureusement
de jouir des avantages qui lui étaient ainsi accordés. Il
commença une édition de la Cité de Dieu de
saint
Augustin, mais ne put la finir. Elle parut néanmoins, en 1470,
par les soins de son frère Vindelin, qui fut le digne héritier
de son nom et l'habile continuateur de ses travaux. On mit alors, en marge
du registre du Sénat, sur lequel se trouvait transcrit le privilège
de Jean, la note suivante :
«
Nullus est vigoris quia obiit magister, et auctor. »
Cette circonstance permit à des concurrents
de s'établir. L'année même de la mort de Jean de Spire
arrivèrent à Venise deux imprimeurs
qui devaient y acquérir une juste célébrité
: le Champenois Nicolas Jenson et Christophe Valdarfer de Ratisbonne.
L'imprimerie prit un tel développement dans cette ville que, pendant
les trente dernières années du XVe
siècle, on y vit fonctionner, si on tient compte des imprimeries
claustrales, plus de deux cents ateliers. En 1500, il y en avait encore
près de cinquante en exercice. Aussi de nombreux perfectionnements
y furent-ils apportés à l'art nouveau. Jean de Cologne fit,
pour la première fois, usage des signatures, en 1474, dans son Commentaire
sur le Code de Baldo (degli Ubaldi) et dans son Commentaire
sur Martial de
Calderino.
Andrea Torregiano d'Asula, le beau-père d'Alde l'Ancien, imprima,
en 1488, des Lettres de saint Jérôme dans lesquelles
est constaté, pour la première fois, l'emploi simultané
des chiffres, des réclames et des signatures. Ottaviano Petrucci
obtint du Sénat, le 25 mai 1498, un privilège pour ses impressions
musicales en caractères mobiles et fondus. Il convient encore de
citer, parmi les imprimeurs qui exercèrent `à Venise, à
la fin du XVe siècle, Clément
de Padoue, le premier Italien, dit-on, qui
ait appris la typographie; Léonard Achates, qui s'installa ensuite
à Vicence; Franck Remer de Hailbrunn, Gabriel Petri de Trévise,
le Français Jacques Le Rouge (Jacobus Rubeus ou Giacomo de Rossi),
Ehrardt Ratdolt d'Augsbourg, Gérard
de Flandres, Regnault de Nimègue, Henri de Haarlem, Jean Herbord
de Seligenstadt, Luc-Antonio Giunta,
qu'on retrouvera à Milan; Jean-Baptiste
de Sessa, originaire de Milan; Aldus Pius Romanus, le Crétois Zacharias
Caliergi, etc.
Lucques.
Des offres furent faites, en 1470 et 1472,
par les consuls de la ville, à Clément de Padoue, pour qu'il
quittât Venise et vint s'installer chez eux, mais on ne sait pas
si elles furent acceptées. Le premier livre imprimé à
Lucques paraît être le Pétrarque
de Barthélemy de Civitale (1477). Henri de Cologne et Henri de Haarlem
s'y établirent en 1490.
Foligno.
L'imprimerie y fut introduite, vers la
fin de 1469, par Jean Numeister, l'un des ouvriers de Gutenberg ,
qui paraît être resté à Mayence jusqu'à
la mort de son maître. Son premier livre porte la date de 1470 :
Léonard
Arétin, De bello Italico adversus Gothos. Il imprima,
deux ans après, en 1472, la Divine Comédie
de Dante. C'est la première édition
qui en ait été donnée.
Milan.
Les origines de l'imprimerie à
Milan
sont assez obscures. Ce qui paraît le plus probable, c'est que l'art
nouveau y fut introduit grâce à Filippo de Lavagna qui, après
avoir fait venir de Parme l'imprimeur Antonio Zarotto (de Zarotis) supporta
les frais de premier établissement de son atelier. Le plus ancien
livre sorti de ses presses ne porte pas son nom, mais l'attribution n'en
est pas douteuse. C'est le Liber de verborum significatione de Pompeius
Festus, daté du 3 août 1474. Lavagna attira, un peu plus tard,
dans sa ville natale, un second imprimeur, Christophe Valdarfer, qui avait
déjà fait ses preuves à Venise. Le premier volume
qu'il publia à Milan, en 1474, est un traité de saint
Ambroise, Liber de officiis. Parmi les imprimeurs qui s'installèrent
ensuite dans cette ville, on cite Jean Wurster de Campidonia, Léonard
Pachel d'Ingolstadt, Ulric Scinzenzeler, Bonino et Antonio de Honate, Domenico
de Vespolate, Jac. de Marliano, etc. C'est par l'un d'eux, Denis de Paravesino,
précédemment imprimeur à Côme, que fut éditée,
en 1476, la Grammaire grecque de Lascaris, que l'on regarde comme
le premier livre imprimé en grec.
Bologne.
C'est un Bolonais d'origine, Balthazar
Azzoguidi, qui introduisit l'imprimerie à Bologne.
Son premier volume contient les Oeuvres complètes d'Ovide.
Il est daté de 1471.
Florence.
Le prototypographe de Florence
est un orfèvre appelé Bernardo Cennini. Il travaillait aux
portes du Baptistère avec Lorenzo Ghiberti, lorsque l'imprimerie.
se répandit en Italie. Les résultats de l'art nouveau l'enthousiasmèrent
et il résolut de faire jouir sa patrie d'une si belle découverte.
«
Seul, dit P. Deschamps, sans notions typographiques, sans guide, sans autre
aide que celle de ses deux fils, il découvrit les procédés
jusqu'alors employés, et par une sorte de divination prodigieuse,
mais qui était bien le fait des artistes florentins de cette époque,
il sut se les approprier et parvint à mettre au jour, de 1471 à
1472, un Commentaire de Servius sur Virgile, en 1 vol. in-fol. »
On ne connaît pas d'autre ouvrage de
lui. Le second imprimeur de Florence fut un certain « Johannes Petri
de Mogontia », c.-à-d. Jean, fils de Pierre ou Jean de Mayence.
On lui doit la première édition du Philocolo de Boccace
(12 novembre 1472). Parmi les imprimeurs qui s'installèrent ensuite
dans cette ville, il convient de citer Nicolas, fils de Laurent de Breslau,
qui publia le Monte santo di Dio d'Antonio da Sierra (1477), le
premier ouvrage dans lequel se trouvent des planches gravées en
taille-douce; les frères Nerli qui imprimèrent, pour la première
fois, les oeuvres d'Homère, et enfin Philippo
et Luc-Antonio Iunta, les chefs de l'illustre famille de typographes qui
porte ce nom.
Naples.
L'imprimerie fut portée à
Naples
par un prêtre de Strasbourg, appelé
Sixtus Riessinger. Son premier livre parut en 1471 : Bartolus de Saxoferrato,
Lectura super Codice. Il eut comme concurrents Arnaud de Bruxelles,
à partir de 1472, Berthold Rying de
Strasbourg, et le célèbre
Mathias d'Olmutz (Mathias Moravus), à partir de 1475.
Autres
villes.
Le nombre des villes d'Italie dans lesquelles
s'établirent, avant la fin du XVe
siècle,
des ateliers typographiques, est trop
grand pour que nous puissions faire connaître ici les premiers produits
de chacun d'eux. Nous nous contenterons d'énumérer ces villes,
d'après l'ordre alphabétique, et de donner, avec la date
d'introduction de l'imprimerie, le nom du ou des premiers imprimeurs.
L'imprimerie fut introduite, à Aquila,
en 1482, par Adam de Rotwill qui venait de Venise; à Ascoli, en
1477, par « Golielmo de Linis, de Alamania »; à Barco,
en 1497, par R. Gerson, fils du juif Moïse de Soncino, le premier
imprimeur hébreu de l'Italie; à Brescia, en 1472, par un
imprimeur inconnu et plus ancien que Thomas Ferrando, dont on trouve ensuite
le nom; à Cagli, en 1475, par Robertus de Fano et Bernardines de
Bergamo; à Carmagnola, en 1497,
par un typographe ambulant dont le nom n'est pas connu; à Casai,
en 1481, par « Gulielmus de Canepa Nova »; à Casal Maggiore,
en 1485, par les juifs Josué et Moïse de Soncino; à
Cividale del Friuli, en 1480, par Gérard le Flament, appelé
aussi Gerardus de Lysa ou Lysae; à Colle (Toscane), en 1478, par
« Johannes Allemanuss de Medemblick »; à Côme,
en 1474, par Ambroise « de Orcho » et Denis de Paravesino;
à Cosenza (Calabre ),
en 1478, par Octavianus Salomonius de Manfridonia; à Crémone,
en 1472, par Denis de Paravesmo et Etienne « de Merlinis de Leucho
»; à Ferrare, en 1474, par le
Français André Beaufort, qui signe Andreas Gallicus, Andreas
Belforti ou Andreas de Francia; à Fivizano, en 1472, par un ouvrier
de Venise, dont le nom n'est pas connu, qui avait dû travailler soit
avec les frères de Spire, soit avec Jenson ou Valdarfer; à
Forli, en 1495, d'un côté par Paul « Guarinus de Garinis
» et Jean-Jacques « de Benedictis », et de l'autre par
« Hieronymus Medesanus Parmensis »; à Gaëte, en
1487, par André Fritag, qui s'établit ensuite à Rome
vers 1491; à Gênes, en 1474, par Mathias d'Olmütz, qui
alla ensuite à Naples, mais à une date plus ancienne par
un imprimeur inconnu; à Iesi (marche d'Ancône ),
en 1472, par Frédéric de Vérone
ou Fredericus de Comitibus; à Mantoue,
en 1472 et peut-être en 1470, grâce à l'intervention
du patricien Pietro Adamo de Michaelis, par deux ouvriers allemands, appelés
Georges et Paul, et natifs de Putzbach; à Messine, en 1473, par
Heinrich Alding, appelé par les Italiens maestro Rigo, qui avait
vainement tenté de s'installer à Catane; à Modène,
en 1475, par l'Allemand Jean Wurster, de Kempten; à Mondovi, en
1472, par Antonius Mathias, d'Anvers; à
Nonantola (duché de Modène), en 1480, par les frères
Georges et Antoine « de Mischmis »; à Novi, en 1483,
par Nicolao Ghirardengo; à Mozzano, près de Lucques, en 1486,
mais d'une façon temporaire, par deux imprimeurs de Lucques, Henri
de Cologne et Henri de Haarlem; à Padoue, en 1472, par Bartolommeo
de Valdezochio et son associé « Martinus de Septem Arboribus
»; à Palerme, en 1477, par André de Worms;
à Parme, en 1472, par Andrea Portilia; à Pavie,
en 1474, par un imprimeur inconnu; à Pérouse,
vers 1475 , par un imprimeur inconnu; à Pescia, en 1485, par Francesco
Cenni; à Pignerol, en 1479, par le Français Jacques Le Rouge
(Giacomo de Rossi, Jacobus Rubeus) qui s'était d'abord installé
à Venise; à Pise, en 1482, grâce à l'intervention
d'un Pisan appelé Bartolomeo de Sancto Concordio, par Ser Lorenzo
et Ser Agnolo; à Piova di Sacra, en 1475, par un imprimeur juif
dont le nom n'est pas connu; à Plaisance, en 1470, par Johannes
Petrus de Ferratis; à Polliano (près de Vérone), en
1476, par trois imprimeurs dont on ne connaît qu'un volume contenant
divers traités de Pétrarque; à Portesio (province
de Brescia), en 1489, par Bartolomeo de Zanis de Giovanni, qui n'y imprima
qu'un volume et s'installa ensuite à Venise; à Reggio, en
1480, par les frères Bottoni ou de Bruschis; à Saluces, en
1479, par Jean Lefèvre de Langres,
que le marquis Louis II de Saluces avait décidé à
quitter Turin pour quelques mois et à
venir fonder un atelier typographique dans la capitale de son marquisat
à Savigliano (Piémont), vers 1470, par un Allemand appelé
Hans Glim ou Glein et un bourgeois du pays appelé Beggiano; à
Savone,
en 1474, par le religieux Augustin Bono Giovanne, qui travailla naturellement
dans le couvent de l'ordre; à Scandiano (près de Modène),
en 1495, grâce à l'intervention du comte Matteo
Maria Bojardo, par Peregrino Pasquali; à Sienne,
en 1484, par Henri de Cologne; à Trévi (près de Pérouse),
en 1470, par l'Allemand Johann Reynard; à Trévise, en 1474,
Gérard de Flandre ou de Lisa, qui avait d'abord travaillé
à Venise probablement dans l'atelier de Jenson; à Toscolano,
en 1479, par « Gabriel Petri Trivixiani »; à Turin,
en 1474, par Hans Glim, dont il a été déjà
question pour Savigliano; à Urbino,
en 1484, par un imprimeur inconnu; à Verceil, en 1485, par Giacomo
ou Giacomino Suigo da S. Germano; à Vérone, en 1472, par
un bourgeois de la ville appelé Jean; dans le bourg de Sant' Orso,
aux portes de Vicence, en 1472, et, dans la ville même, en 1474,
par Léonard Achates de Bâle et Jean du Rhin, et, enfin, à
Viterbe,
en 1488, par un imprimeur inconnu qui ne semble y avoir imprimé
qu'un volume. (C. Couderc). |
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