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Histoire de la chimie
Aux origines de la chimie pratique
Aperçu Antiquité Moyen âge XVIe s. XVIIe s.   XVIIIe s. XIXe s. XIXe s.
Aperçu 
A moins d'aimer forcer le trait jusqu'à remonter à de temps immémoriaux et premier usage qui a été fait de l'eau (qui est un dissolvant) pour se laver les mains, on pourrait faire commencer l'histoire de la chimie à l'époque de la maîtrise du feu, il y a environ 500.000 ans. A partir de là, une emprise nouvelle sur la matière apparaît. On peut transformer les aliments par la cuisson; on peut durcir la pointes des armes en bois par le feu; on dispose aussi avec lui d'un extraordinaire outil de destruction. De nouveaux modes de transformation de la matière apparurent ensuite : certains allaient encore impliquer le feu (la poterie, la métallurgie, etc.), mais d'autres allaient s'avérer très différents. Et déjà dans la préparation des aliments.

Pain. vin. vinaigre. huile.
La fabrication du pain et du vin marqua une première avancée importante. Depuis un nombre inconnu de siècles, les humains mangeaient, sans aucune préparation, les graines de certaines graminées et les baies de la vigne sauvage, lorsqu'il vint, on ne sais ni d'où ni comment, à l'un ou à plusieurs d'entre eux, l'idée de broyer les graines et d'exprimer le jus des baies, de faire avec la farine une pâte, de ne la manger que cuite ou grillée, et de ne boire le jus des raisins qu'après l'avoir laissé fermenter. Ces premiers produits de la première industrie humaine, méritaient bien qu'on leur attribue des divinités, qui vinrent se placer aux côtés des dieux associés aux phénomènes naturels. Démeter fut ainsi, en Grèce, la déesse des céréales, et Dionysos (Bacchus) le dieu de la vigne. Les poètes - grands pontifes des temps archaïques - chantèrent ces divinités, et les peuples les adorèrent...

La fabrication du pain.
La pratique précède la théorie : c'est ce que montre l'antique usage des premiers produits de la fermentation. La théorie de cet important phénomène chimique, démonstration évidente, naturelle, de la métamorphose de la matière, ne date pour ainsi dire que d'hier; mais il y a plus de trois mille ans qu'on savait mettre la fermentation à profit pour varier le goût des aliments et des boissons.
Les auteurs de la Genèse, rédigée à partir du VIe siècle av. notre ère, connaissaient déjà l'emploi du levain dans la panification. Car, en prescrivant aux Israélites la manière de manger l'agneau pascal, ils leur faisaient défendre par Moïse, entre autres, de manger du khamets, c'est-à-dire du pain fermenté. Pourquoi? Sans doute parce que la fermentation, dont on ne pouvait pas méconnaître l'analogie avec la putréfaction, était regardée comme impure. Mais le pain non fermenté ne formait pas la nourriture habituelle des Hébreux, ainsi que cela résulte d'un passage explicite d'un des livres du Pentateuque, où il est dit 

« que les Israélites, lors de leur sortie d'Égypte, mangèrent du pain sans levain et cuit sous la cendre, parce que les Egyptiens les avaient si fort pressés de partir, qu'ils ne leur avaient pas même laissé le temps de mettre le levain dans la pâte (Exode, XII, 39). »
L'histoire, qui perpétue la mémoire de tant de héros inutiles, n'a pas conservé le nom des observateurs qui les premiers découvrirent qu'un morceau de pâte aigrie, d'un goût détestable, faisait gonfler la pâte fraîche à laquelle on l'ajoutait, et que celle-ci donnait, par la cuisson, un pain plus léger, plus savoureux et d'une digestion plus facile. Pour arriver à ce résultat, il fallut incontestablement beaucoup de temps et plus d'un observateur.

La fabrication du vin et du vinaigre.
La découverte du vin devait être incomparablement plus aisée. Exprimer le suc des raisins, et mettre en réserve celui qu'on ne buvait pas immédiatement, c'était là une idée qui pouvait se présenter à l'esprit du premier venu. Or il suffisait de conserver ce suc dans des vases ouverts pour le faire fermenter et le convertir en vin. Une chose digne de remarque, c'est que le mot hébreu yine, qui veut dire vin, signifie, d'après son étymologie, produit de la fermentation. Ce même mot se retrouve, avec de légères modifications, non seulement dans toutes les langues sémitiques (phénicienne, syriaque, arabe), mais dans tous les idiomes indo-européens, car l'inos (oinos) des Grecs ou le vinum des Romains a passé dans toutes les langues néolatines et germaniques, comme l'attestent les mots vino, wein, wine, etc. Le vin, en tant que simple produit de la fermentation alcoolique, s'offrit donc en quelque sorte spontanément à ceux qui en firent les premiers usage. Nous laissons ici, bien entendu, de côté les raffinements qu'y apporta plus tard l'industrie. Mais, pour faire adopter le vin comme boisson, il fallut soumettre l'appareil gustatif à une véritable éducation; car toutes les choses, même celles qui finissent par flatter le palais, répugnent naturellement à celui qui n'en a pas l'habitude. Ainsi, l'eau-de-vie ne fut longtemps qu'un médicament; et pendant plus d'un siècle on ne put s'accoutumer au goût de la pomme de terre, du moins en France.

Le jus de la treille eut bientôt ses succédanés. Le suc du palmier et celui d'autres végétaux furent transformés en liqueurs alcooliques par la fermentation. Les céréales ne servaient pas seulement à donner le pain; on les faisait fermenter dans l'eau, pour en retirer une boisson enivrante. La bière était une boisson aimée des nations les plus diverses : elle se rencontrait chez les Egyptiens et chez les Gaulois. Et les Germains faisaient, au rapport de Tacite,

« un breuvage avec de l'orge, et converti, par la fermentation, en une sorte de vin : Potus ex hordeo factus et in quarndem sirnilitudinem vini corruptus. » 
C'était, en effet, de la véritable bière. Hâtons-nous d'ajouter que, le houblon étant d'un emploi récent, la bière des Anciens devait facilement tourner à l'aigre.

La connaissance du vin et de la bière fait supposer celle du vinaigre. Car ces liquides, quoique déjà fermentés, peuvent, dans les conditions atmosphériques ordinaires, éprouver une seconde fermentation : dans celle-ci il se produit de l'acide acétique aux dépens de l'alcool, de même que dans la première fermentation l'alcool s'était formé aux dépens du sucre contenu dans le suc fraîchement exprimé. Mais ce qui mérite surtout d'être signalé, c'est que le mot hébreu khometz, qui se retrouve dans toutes les langues sémitiques, a pour racine khamets, qui signifie ferment, de même que yine, vin, dérive du verbe yavane, faire effervescence, comme pour indiquer le mouvement (dû au dégagement de l'acide carbonique) qui se produit pendant la transformation du moût en vin.

La fabrication de l'huile.
L'idée d'écraser les fruits pour en retirer, soit la fécule, soit le suc, devait conduire à la découverte de l'huile. Concurremment avec le pain et le vin, on voit en effet l'huile, particulièrement l'huile d'olive, entrer dans l'alimentation primitive, aussi bien que dans les pratiques religieuses des peuples de l'Orient. L'huile avait reçu encore un autre usage : dès l'époque des Pharaons on employait en Égypte les lampes à mèche imprégnée d'huile comme moyen d'éclairage.

La métallurgie antique
La haute antiquité de la métallurgie est d'abord attestée par les objets en or, argent, airain, fer trouvés dans les plus vieilles sépultures, comme celles de la Mésopotamie. Quant à l'importance que la métallurgie, art du feu par excellence, prit chez les peuples qui possédaient cette technologie, elles transparaît dans toutes leurs traditions mythologiques. Dans la mythologie grecque, on connaît le mythe de Prométhée ravissant le feu du ciel, celui, surtout, de Héphaïstos forgeant avec ses cyclopes les foudres de Zeus, les Cabires et autres peuplades réelles ou imaginaires habiles à travailler les métaux, etc. Dans l'Ancien Testament, apparaissent les idoles d'or, Tubal-Caïn, habile à forger toutes sortes d'instruments d'airain et de fer, Abraham et ses richesses en argent; 

Parmi les découvertes métallurgiques de l'Antiquité, il faut mettre au premier rang celles dont nous sommes redevables à la civilisation grecque : la soudure, inventée par Glaucos vers le VIIe siècle av. J.-C., et le moulage, qui permit à Théodoros, un insulaire de Samos contemporain de Périclès, de couler d'un jet la première statue d'airain par ce procédé à cire perdue encore en usage aujourd'hui. Dans l'Odyssée, Homère (VIIIe s.) compare le bruit que fit l'épieu enflammé plongé par Ulysse dans l'oeil de Polyphème à celui que fait une hache quand, après l'avoir chauffée au rouge, on la plonge dans l'eau froide. Ce trait paraît montrer que les Grecs connaissaient et appliquaient le phénomène de la trempe.

Substances diverses. 

Le soufre.
Le soufre naturel, si commun autour du Vésuve et de l'Etna, était connu dès la plus haute antiquité. C'est celui que les Grecs et Romains appelaient qeion apuron, sulphur vivum, parce qu'il n'avait pas besoin d'être préalablement traité par le feu comme une autre espèce de soufre, nommé gleba (minerai de soufre). L'odeur caractéristique qu'il répand par sa combustion (odeur due à la formation de l'acide sulfureux) et la flamme livide avec laquelle il brûle et qui, comme dit Pline, «-communique, dans l'obscurité, aux figures des assistants, la pâleur des morts-», 
l'avaient fait choisir de bonne heure pour l'accomplissement de certaines cérémonies religieuses. A raison de sa prétendue origine on lui supposait aussi une vertu purificatrice; car le soufre passait pour « renfermer en lui une grande force de feu, ignium vim magnam einesse. »

Ce n'était là qu'une vue théorique. Mais elle fut avidement recueillie et singulièrement commentée : le soufre fut pendant longtemps regardé comme une condensation de la matière du feu, dont on fit plus tard une singulière entité sous le nom de phlogistique.

Les « sels ».
Le borith et le neter étaient employés chez les Hébreux pour le blanchiment des étoffes. ils préparaient la première de ces substances en filtrant de l'eau à travers des cendres végétales, et évaporant jusqu'à siccité la liqueur filtrée. Le borith était donc du carbonate de potasse (sel végétal) impur. Quant au neter, c'était, non pas le nitre, comme son nom pourrait le faire supposer, mais le natron ou carbonate de soude impur, fort commun dans certains lacs d'Afrique. On savait qu'il fait effervescence avec le vinaigre; de là son nom de neter, qui signifie faire effervescence. Le borith se distinguait facilement du neter parce qu'il est déliquescent au contact de l'air humide, tandis que le neter (carbonate de soude), placé dans les mêmes conditions, est efflorescent.

Le nitre (nitrate de potasse) proprement dit, qui ne fait pas, comme le neter, effervescence avec le vinaigre, on le retirait en énormes quantités des cavernes de l'Asie, appelées calyces, qui rappellent les cavernes de l'Amérique méridionale, si riches en nitrate de soude. L'usage du nitre était très borné dans l'Antiquité; les médecins de Rome l'employaient comme diurétique. Vers le IXe siècle, il entra dans la composition de la poudre à canon; il acquit dès lors une grande importance, et reçut le nom de sel de pierre ou de sal pêtre (sal petrae).

Le sel marin (chlorure de sodium) était le sel par excellence. Le nom de sel, sal, vient, d'après Isidore de Séville, de exsilire = décrépiter. Le sel marin décrépite, en effet, sur les charbons ardents. Dans les premiers temps de Rome, les rations militaires consistaient en pain et en sel; de là le nom de salaire, d'abord appliqué à la solde des troupes. On obtenait le sel marin par l'évaporation naturelle des eaux de mer qu'on faisait, au moyen d'écluses, arriver dans des étangs disposés à cet effet. C'était le système des marais salants, tel qu'il se pratique encore aujourd'hui. Il y avait de ces marais, salinae, dans l'île de Crète et sur plusieurs points du littoral de l'Italie et de l'Afrique. En Sicile et en Cappadoce on exploitait des mines de sel gemme (sel fossile), beaucoup plus pur que le sel marin, qui était également employé pour les usages culinaires, ainsi que pour conserver les viandes et les poissons. Certains peuples, tels que les habitants des bords du Rhin, remplaçaient le sel marin et le sel fossile par les cendres des plantes qu'ils brûlaient (Varron, De re rustica, I, 7).

De la Cyrénaïque, principalement des environs du temple de Jupiter Ammon, venait le sel, nommé arnmos, qui signifie en grec sable. C'était le sel ammoniac, facile à distinguer du sel marin par sa forme cristalline, fibreuse.

« Le sel ammoniac (to ammwniakon) est, dit Dioscoride, facile à diviser. »
Les Grecs et les Romains donnaient le nom d'alumen et de stypteria non seulement à l'alun, mais à tous les sels d'un goût astringent, comme le sont les sels de fer. Les aluns les plus estimés venaient des îles de Milo et de Chypre. On les employait, dans les arts, pour la préparation des laines et des cuirs, et en médecine pour arrêter les hémorragies, pour nettoyer les plaies putrides, toucher les ulcères de la bouche, etc. C'est un usage que retiendra la médecine. On en retirait, par la calcination et le lavage, une poudre blanche, légère, happant à la langue, connue sous le nom de terre de Samos, terre de Chio, terre Cimolienne; c'était l'alumine (argile pure). On croyait l'alun composé de terre et d'eau (ex aqua limoque) (Pline).

La chaux.
Le nom de calx, chaux, s'appliquait primitivement à toutes les pierres calcaires, propres à faire du mortier ou à servir de matériaux de construction. Les Romains paraissent cependant avoir connu la chaux proprement dite, la chaux caustique, telle qu'on l'obtient par la calcination du carbonate calcaire; nous en voyons la preuve dans le passage suivant de Pline

« La chaux est d'un grand usage en médecine; fraîchement préparée, et non mouillée, elle brûle et dissipe les ulcères et les empêche de prendre du développement. »
L'argile.
Les anciens étaient loin de se douter que l'argile, la base de la faïence, de la poterie, des briques et des tuiles, était identique avec la substance blanche (alumine) qui entre dans la composition des aluns. Depuis les temps les plus reculés, on savait façonner l'argile rouge (ferrugineuse) de manière à en faire des assiettes, des coupes, des jattes, des tuiles, etc. Les ruines de Babylone et de Thèbes en Egypte sont là pour l'attester. Les villes de Cumes, d'Adria, de Rhégium, de Tralles, étaient, dans toute l'Antiquité, célèbres pour leurs fabriques de poterie. Les amphores de Cos étaient particulièrement recherchées. Les principaux édifices d'Athènes, le temple de Zeus à Patras, le palais d'Attale à Tralles, le palais de Sardes, le mausolée à Halicarnasse, tous ces monuments, qui existaient encore à l'époque de Pline, étaient en briques. Le silex tranchant, la roche siliceuse, le cristal de roche, le sable, étaient primitivement considérés comme des substances de composition différente. Ce n'est qu'après de longs siècles d'efforts qu'on reconnut par l'analyse que ces substances ne sont au fond que de la silice qui, calcinée avec les bases alcalines et métalliques, se comporte comme un véritable acide (acide silicique).

Le verre.
Lorsqu'on commençait à renoncer aux armes de silex, les roches siliceuses étaient converties en moules ou l'on faisait fondre des ouvrages d'airain. Le cristal de roche, qu'on appelait phengite à cause de sa transparence, était employé en guise de miroir. Le temple de la Fortune de Seïa avait été tout entier reconstruit en cristal de roche par ordre de Néron : les phénomènes de coloration que ce temple présentait dans son inférieur par suite de la réfraction de la lumière, étaient mis au nombre des merveilles du monde.

Mais c'est surtout pour la fabrication des verres incolores et colorés que la silice était utilement employée. Les Egyptiens paraissent avoir connu de temps immémorial l'action vitrifiante des sels alcalins, chauffés au contact de la silice. Il résulte, en effet, de l'examen des monuments qui nous restent de l'antique Egypte, qu'on fabriquait du verre à Thèbes et à Memphis, probablement bien avant que les Phéniciens eussent établi des verreries à Sidon.

La fabrication du verre coloré était presque aussi ancienne que celle du verre blanc ou incolore. Cela se comprend. Le vert-de-gris, la rouille de fer ou tout autre oxyde métallique pouvait d'abord colorer accidentellement une pâte vitreuse. Des débris de verre coloré, imitant l'émeraude, le saphir, l'améthyste, ne sont pas rares dans les tombeaux d'Egypte. Les pierres bleues, figurant des scarabées, des perles, etc., paraissent avoir été obtenues par la fusion d'une masse vitreuse avec l'oxyde de cobalt. Ce que Hérodote, Théophraste et Pline nous racontent des statues, des colonnes et mettre des obélisques en émeraude de l'Egypte et de la Phénicie, ne saurait s'appliquer qu'à des basses vitreries, colorées par un oxyde métallique.

Les carreaux de vitre, qui nous font jouir du bienfait de la lumière à l'abri de toutes les variations de température, ne paraissent guère avoir été connus antérieurement au Ier siècle de notre ère. Avant cette époque, les riches employaient, au lieu de vitres, la corne, la pierre spéculaire, le cristal de roche etc.; les pauvres restaient exposés à toutes les injures de l'air. On a trouvé dans les ruines de Pompéï des salles de bain garnies de fenêtres en verre, aussi belles que les nôtres.

La matière qui servait à la fabrication des vases murrhins était probablement du cristal opaque. Ces vases, qui présentaient beaucoup d'analogie avec les porcelaines de la Chine et du Japon, ne furent connues à Rome que vers la fin de la république. Ils étaient fort chers; car une coupe murrhine, de la capacité d'environ un litre, se vendait jusqu'à 70 talents. Néron en acheta une au prix de 300 talents. A cette occasion Pline se demande, en gémissant, comment un père de la patrie pouvait boire dans une coupe si chère; et il ajoute que Néron ne rougissait pas de recueillir jusqu'aux débris de ces vases, de leur préparer un tombeau et de les y placer, à la honte du siècle, avec le même appareil que s'il se fût agi de rendre les derniers honneurs aux cendres d'Alexandre.

Les étoffes. 
L'art de tisser remonte aux temps les plus anciens. Le lin était cultivé en Egypte de temps immémorial. Il fournissait l'étoffe employée surtout pour les vêtements des castes inférieures. Le coton était réservé à l'habillement des personnes du plus haut rang. Il portait primitivement le nom de byssus, de boutz (xylon ou gossipion des Grecs) , et provenait d'une espèce de noix (capsule) qui croissait sur une espèce d'arbuste.

« On ouvrait cette noix, pour en tirer la substance, que l'on filait et dont on faisait des vêlements. » (Philostrate, Strabon).
Cette différence des étoffes suivant les rangs des personnes se retrouve dans les enveloppes des momies égyptiennes. Par ses fibres aplaties, rubannées, le coton (vu au microscope) est facile à distinguer du lin, qui a les libres arrondies, droites, garnies d'entre-noeuds comme les bambous.

Les Romains faisaient venir leurs toiles principalement des Gaules et de la Germanie, où le lin et le chanvre paraissent avoir été depuis longtemps cultivés et travaillés sur une grande échelle. A son avènement à la dictature, Jules César fit couvrir de toiles le grand forum de Rome, ainsi que la Voie Sacrée, qui allait de son palais au Capitole.

Matériaux et enduits incombustibles. 
On rencontre çà et là, dans les roches de formation primitive, une substance minérale, blanchâtre, filamenteuse, douce au toucher, qu'on prendrait au premier aspect pour une étoffe végétale; c'est l'amiante. Son incombustibilité lui fit donner des Grecs le nom d'asbeste. Les patriciens de Rome se servaient de nappes d'asbeste, qu'après le repas ils jetaient au feu pour les blanchir. Avant l'établissement de la république on enveloppait avec la même substance les corps des rois morts afin que leurs cendres ne se mélassent pas avec celles du bûcher. Emerveillés de celle incombustibilité d'une matière d'apparence organique, les alchimistes lui donnèrent le nom de laine de salamandre, parce que, d'après leurs croyances, la salamandre était à l'épreuve du feu.

Le problème de rendre les constructions incombustibles a été souvent agité dans les temps modernes. Or, les architectes grecs et romains l'avaient déjà résolu. Pour rendre le bois de construction réfractaire au feu, ils le trempaient dans des liqueurs alcalines et alumineuses. Sylla, assiégant le Pirée, ne put, malgré tous ses efforts. parvenir à brûler une tour construite en bois, et qui défendait l'entrée de ce port d'Athènes. Il se trouva que le bois de cette tour avait été enduit d'alun (Aulu-Gelle, Nuits attiques).

Embaumement
L'origine de l'art d'embaumer les morts parait remonter à plus de cinq mille ans. Hérodote nous a laissé les détails, les plus circonstanciés sur les procédés d'embaumement en usage chez les Egyptiens, et où le vin de palmier, l'huile de cèdre, la saumure de natron et les aromates de différentes espèces jouaient un grand rôle.

Dans tous leurs procédés de conservation, les Anciens avaient pour but d'empêcher l'accès et l'influence de l'air, comme s'ils eussent entrevu que ce fluide contient un élément très propre a hâter la décomposition des substances animales et végétales. Spiramentum omne udimendum, disaient les Romains, comme nous dirions aujourd'hui : Evitez le contact de l'oxygène. C'est pourquoi le miel, la cire et la résine passaient pour les meilleurs préservatifs de la fermentation. Pour conserver les grenades et d'autres fruits très altérables, ils les recouvraient d'une couche de résine ou de cire. Ils conservaient les raisins dans des vases d'argile exactement fermés et enfouis dans du sable à plusieurs pieds de profondeur. Quelquefois ils faisaient bouillir les substances fermentescibles dans l'eau, avant de les enfermer dans des vases. Ce dernier procédé rappelle une méthode (la méthode d'Appert), qu'on avait cru d'invention récente.

Teinture. Couleurs. 
Dans le Pentateuque il est souvent parlé d'étoffes teintes, en rouge, en pourpre et en écarlate. Les héros d'Homère portaient des ornements en pourpre. Les habitants de Tyr et de Sidon s'étaient acquis une grande réputation dans l'art de teindre; leurs étoffes en pourpre étaient fort estimées.

On a beaucoup discuté pour savoir d'où les Phéniciens tiraient leur pourpre. Une chose certaine, c'est qu'il existe plusieurs mollusques de mer, tels que les murex brandaris, purpura lapithus, janthina prolongata, qui donnent un liquide pourpre. La dernière espèce paraît avoir été le plus ordinairement employée dans les teintureries anciennes. Elle vit dans la Méditerranée, et se trouve quelquefois jetée sur les côtes de Narbonne, de manière à joncher les grèves. Or, on voyait à Narbonne, du temps des Romains, des ateliers de teinture en pourpre, de création phénicienne ou carthaginoise. Il y avait des pêcheries (le pourpre, non seulement sur les bords de la Méditerranée, mais encore dans plusieurs endroits de la côte Atlantique de l'Europe et de l'Afrique.

La pourpre, tirée du règne animal, s'appelait maritime, pour la distinguer de la pourpre végétale. Celle-ci se préparait avec la garance (erythrodanum de Dioscoride) et avec une autre plante, que Vitruve et Pline nomment hysginum, et qui parait être le bleu de pastel (isatis tinctoria). C'est ainsi qu'avec le bleu et le rouge on obtenait le violet pourpre, si estimé des Anciens.

Pour fixer les couleurs d'une manière durable sur les étoffes, il fallait connaître l'usage des mordants. Les Egyptiens paraissent avoir été de bonne heure initiés à cette connaissance. Voici les renseignements que Pline nous a donnés à cet égard.

« En Egypte, on teint, dit-il, les vêtements par un procédé fort singulier. D'abord on les nettoie, puis on les enduit, non pas de couleurs, mais de plusieurs substances propres à user la couleur. Ces substances n'apparaissent pas d'abord sur les étoffes; mais, en plongeant celles-ci dans la chaudière de teinture, on les retire, un instant après, entièrement teintes. Et ce qu'il y a de plus admirable, c'est que, bien que la chaudière ne contienne qu'une seule matière colorante, l'étoffe qu'on y avait trempée se trouve tout à coup teinte de couleurs différentes suivant la qualité des substances fixatives (mordants) employées. Et ces couleurs, non seulement ne peuvent plus être enlevées par lavage, mais les tissus ainsi teints sont devenus plus solides. »
Voilà comment les teinturiers égyptiens faisaient de la chimie, sans s'en douter. Ils connaissaient, par la pratique, l'action que les alcalis ( = bases), les acides et certains sels métalliques peuvent exercer sur les matières colorantes. Lorsqu'une première immersion de l'étoffe dans le bain tinctorial ne suffisait pas pour fixer la couleur, ils l'y plongeaient une seconde fois. C'est ce qui avait lieu particulièrement pour l'écarlate. Les étoffes ainsi préparées s'appelaient dibophes, c'est-à-dire deux fois trempées. 

Les couleurs employées dans la peinture à fresque étaient appliquées humides à la surface d'un stuc formé de marbre pulvérisé et lié par de la chaux. Les stucs des bains de Titus et de Livie, ainsi que des Noces Aldobrandines, sont d'un très beau blanc, presque aussi durs que le marbre, et on y distingue facilement la pierre calcaire pulvérisée à différents degrés de finesse. Les couleurs y étaient fixées par une sorte d'encaustique.

Théophraste, Dioscoride, Vitruve, Pline, parlent d'un grand nombre de matières colorantes. Mais comment s'assurer de leur identité avec les couleurs qu'on trouve sur les monuments anciens, dans les peintures et les ornements des bains de Titus, dans les ruines appelées les bains de Livie, dans les débris des autres palais de l'ancienne home, et dans les ruines de Pompéi? La démarche paraît évidente aujourd'hui, aucun chimiste ne s'y était livré avant Humphrey Davy qui, au commencement du XIXe siècle soumit à une patiente analyse toutes les couleurs antiques dont il avait pu se procurer des échantillons. 

Davy trouva, en résumé, que le rouge pourpre était un mélange d'ocre rouge et de bleu de cuivre, que le rouge vif était tantôt du minium (oxyde de plomb), tantôt du cinabre (sulfure de mercure); que le rouge pâle était un mélange d'ocres jaune et rouge; qu'il y avait trois sortes de jaunes, dont deux étaient des ocres mêlées avec des quantités variables de carbonate de chaux, et le troisième une ocre jaune, mêlée avec de l'oxyde rouge de plomb; que le fameux bleu d'Alexandrie et de Pouzzoles, dont Vitruve a donné la description, était une espèce de fritte, résultant de la fusion de la soude avec l'oxyde de cuivre : elle avait été employée pour l'ornementation de quelques moulures détachées du plafond des chambres des bains de Titus; que les couleurs vertes étaient des carbonates de cuivre, résultant probablement d'une transformation lente des acétates originairement employés; enfin que les couleurs noires ou brunes étaient principalement composées de poudre de charbon ou de noir de fumée, ainsi que l'avaient indiqué les auteurs classiques. Dans un vase antique, rempli de couleurs mélangées, Davy décela différentes espèces de brun : l'une d'elles avait la couleur du tabac, une autre était d'un rouge brun, et la troisième d'un brun foncé. Les deux premières furent reconnues pour des ocres mêlées d'une matière organique (noir de fumée); la troisième contenait de l'oxyde de manganèse et de l'oxyde de fer.

L'oxyde de manganèse entrait aussi dans la composition des verres colorés. Un vase pourpre romain, dont Davy avait analysé deux fragments, avait été coloré par cet oxyde, qui se rencontre dans la nature à l'état d'une poudre noire.

Encres et papier
Autant, dans l'Antiquité,on aimait, en teinture, les couleurs éclatantes, autant on préférait, pour l'écriture, les couleurs sombres. L'encre la plus ancienne avait pour principal ingrédient le noir de fumée : c'était une espèce d'encre de Chine. On faisait encore usage, quoique rarement, de l'encre rouge ou bleue, que l'on appliquait, comme l'encre noire, avec des pinceaux. L'encre proprement dite (tannate de fer), préparée avec du vitriol vert (sulfate de fer) et une infusion de noix de galle (solution d'acide tannique), est d'invention plus récente : elle ne remonte guère au delà de trois siècles avant notre ère.

Dès le IIe siècle av. J.-C., la ville d'Alexandrie était renommée pour la fabrication du papier. Ce papier était fait avec la moelle de la tige du papyrus (cyperus papyrus), coupée par tranches très minces, disposées en croix, collées et fortement aplaties.

La science des poisons
Les connaissances doivent, chose triste à noter, beaucoup de ses progrès aux moyens inventés par les fraudeurs, par les faux monnayeurs et par les empoisonneurs. Les Anciens mêmes sont extrêmement réservés en ce qui concerne la préparation des poisons, ce qui n'empêchait pas leurs contemporains d'avoir à cet égard des connaissances très précises. Les seuls qui se soient, au rapport de Galien, étendu sur la matière toxicologique, sont Orphée, surnommé le Théologue, Horus, Mendésius le Jeune, Héliolore d'Athènes, Arate et quelques autres, légendaires ou historiques. Tout en avouant qu'il est imprudent de traiter des poisons et d'en faire connaître la composition au vulgaire qui pourrait en profiter pour commettre des crimes, Galien ne se fait aucun scrupule d'indiquer une série de substances réputées vénéneuses, et qui se retrouvent aussi dans Nicandre, Dioscoride, Pline et Paul d'Egine. On tirait les poisons du règne animal (venins de cantharides, de serpents (aspics), de crapauds, etc.), végétal (opium, jusquiame, aconit, ciguë, champignons, etc.) et minéral (cinabe, litharge, céruse, chaux vive, etc. 

Eaux. Eaux minérales. 
La division des eaux en pures et en impures, en limpides et en troubles, est si naturelle qu'elle devait, dès l'origine, venir à l'esprit de tout le monde. Suivant Rufus, les eaux qui bouillent plus vite sont plus pures que celles qui bouillent lentement. On sait, en effet, que la présence du sel marin et d'autres matières solubles peut retarder l'ébullition de l'eau de 2 à 3 °C.

Les eaux troubles étaient clarifiées au moyen de filtres (cola), et bouillies avec du blanc d'oeuf. La clarification des liquides troubles par le blanc d'oeuf est une pratique assez ancienne. Les matières qui troublent l'eau sont en général non volatiles. Aussi reconnaissait-on, au rapport de Vitruve, la pureté des eaux à ce que les légumes y cuisent bien et que, après avoir été réduites en vapeur, elles ne laissent aucun dépôt au fond du vase. Ce dépôt salin dont on connaissait depuis longtemps l'origine, tout en en ignorant la composition, fut plus tard regardé comme le résultat de la transmutation de l'eau en terre. C'est ainsi que l'erreur vient souvent obscurcir les faits les plus simples.

Les Anciens avaient des idées très intéressantes sur l'origine des eaux minérales :

« Chauffées dans le sein de la terre, et pour ainsi dire cuites dans les minéraux à travers lesquels elles passent, ces eaux, dit Vitruve, acquièrent une nouvelle force et un tout autre usage que l'eau commune. » 
C'est pourquoi ils divisèrent les eaux minérales en sulfureuses, alumineuses, salines, bitumineuses et salées, suivant les terrains où elles avaient passé. 
« Il existe au sein de la terre, dit Sénèque, des routes dont les unes sont parcourues par l'eau, et les autres par des souffles (spiritus). La terre présente l'image du corps de l'homme : de même que le cerveau est logé dans le crâne, la moelle dans les os, qu'il y a de la salive, des larmes, du sang, de même il y a aussi dans la terre des humeurs diverses, dont les unes durcissent et les autres restent liquides. » 
Cette idée, reprise par les alchimistes, fut entièrement dénaturée par les théories imaginaires sur la maturation des métaux au sein de la terre sous l'influence des planètes, sur la grossesse de la Terre, mettant au monde l'or et l'argent après un grand nombre de lunes, etc.

Air. - Corps aériformes.
L'air contient, suivant Héraclite, un élément subtil qui alimente le feu et la respiration. L'énoncé de ce fait important était-il le résultat de l'observation, ou ne s'était-il présenté à l'esprit du philosophe grec que par une sorte, d'inspiration? Voilà ce qu'il est impossible de décider. La démonstration n'en fut donnée que plus de vingt-deux siècles après la mort d'Héraclite. Euripide, disciple d'Anaxagore, dit qu'aucun être ne peut vivre sans air, que la matière ne périt pas, qu'elle subit seulement des transformations, et que tout ce qui est d'air retourne dans l'espace voilà encore une de ces propositions, étonnantes par leur justesse, dont la démonstration n'a été faite que bien plus tard.

Les mots de spiritus, flatus, aura, halitus, etc., qu'on rencontre souvent chez les auteurs classiques, montrent que les anciens avaient quelques notions des corps aériformes que nous appelons gaz. Selon Galien, la flamme est un air incandescent, et le roseau brûle, non parce qu'il est sec, mais parce qu'il contient beaucoup d'air susceptible de s'enflammer. La flamme est, en effet, un gaz hydrogène bicarboné incandescent.

A en juger par un passage de Clément d'Alexandrie, certains auteurs ont déduit qu'on connaissait l'air vital, plus tard appelé oxygène, dès les premiers siècles de notre ère. 

« Les esprits se divisent, y est-il dit, en deux genres un esprit pour le feu divin, qui est l'âme, et un esprit corporel, qui est la nourriture du feu sensible et la base de la combustion. »
Toujours est-il, que de temps immémorial les ouvriers mineurs savaient que dans beaucoup de galeries souterraines leurs lampes s'éteignaient tout à coup, et qu'ils s'exposaient à périr asphyxiés. Ces accidents étaient primitivement attribués, avec raison, à des airs irrespirables. Mais l'erreur des siècles subséquents transforma ces airs en démons ou esprits malins.

Feu grégeois et poudre à canon.
Les Romains, qui excellaient dans l'art de s'assommer méthodiquement, s'étaient, dès les premières guerres de !a république, servis de résines, de bitume, de poix et d'autres matières inflammables, pour les lancer sur l'ennemi, pendant le siège des villes. L'ennemi apprit à se servir des teintes moyens pour se défendre contre ses agresseurs. Ainsi, les habitants de Samosate défendirent leur ville assiégée par Lucullus, en répandant, sur les soldats romains, de la rnaltha (bitume) em brasée, provenant des environs d'un lac de la Comagène.

On connaissait depuis longtemps les effets du naphte, dont le nom signifie feu liquide (de na = eau, et phtha = feu, Vulcain). Médée brûla, dit un ancien mythe grec, sa rivale à l'aide d'une couronne enduite de naphte, laquelle prit feu à l'approche de la flamme de l'autel. Anthémius de Tralles embrasa la maison de Zénon le Rhéteur, son voisin, en y lançant la foudre et le tonnerre. Ammien Marcellin, qui avait servi dans les armées de l'empereur Julien, parle de flèches creuses, assujetties avec, des fils de fer, et remplies de matières inflammables. Ces flèches incendiaient les lieux où elles venaient s'attacher. L'eau qu'on y jetait ne faisait que ranimer la flamme; le sable pouvait seul l'éteindre.

Athénée a fait le premier mention du feu automate (pur automaton), qui paraît être identique avec le feu grégeois. Jules l'Africain en a donné la composition. 

« Le feu automate se prépare, dit-il, de la manière salivante : Prenez parties égales de soufre natif, de salpêtre, de pyrite kerdonnienne (sulfure d'antimoine?); broyez ces substances dans un mortier noir, au milieu du jour. Ajoutez-y parties égales de soufre, de suc de sycomore noir et d'asphalte liquide; puis vous mélangerez le tout de manière à obtenir une masse pâteuse; enfin vous y ajouterez une petite quantité de chaux vive. Il faut remuer la masse avec précaution, au milieu du jour, et se garantir le visage; car le mélange peut prendre subitement feu. Mettez ce mélange dans des boîtes d'airain fermées avec des couvercles, et conservez-le à l'abri des rayons du soleil, dont le contact l'enflammerait. »
Suivant Constantin Porphyrogénète, le feu grégeois fut communiqué par un ange à Constantin, premier empereur chrétien, qui devait faire jurer à ses successeurs d'en garder le secret. On voit que ce secret a été assez mal gardé.

Le nom de feu liquide, pur ugron, que portait le feu grégeois, était donné aussi à l'essence de térébenthine et à l'eau-de-vie, appelées aquae ardentes, eaux ardentes. C'est dans un petit traité latin de Marcus Graecus, intitulé Liber ignium, que nous avons trouvé la première description exacte de ces eaux ardentes, ainsi que de la poudre à canon, comme devant entrer dans la composition du feu grégeois.

L'eau-de-vie (aqua ardens) se préparait de la manière suivante : 

« Prenez du vin vieux, ajoutez à un quart de ce vin deux onces de soufre pulvérisé, deux livres de tartre provenant de bon vin blanc,, deux onces de sel commun; mettez le tout dans une cucurbite bien plombée et lutée, et, après y avoir apposé un alambic, vous obtiendrez par la distillation une eau ardente que vous conserverez dans un vase de verre bien fermé. »
Le même auteur donne aussi le nom d'eau ardente à l'huile essentielle de térébenthine, dont il décrit la distillation en ces termes : 
« Prenez de la térébenthine, distillez-la par un alambic, et vous aurez une eau ardente qui brûle sur le vin, après qu'on l'a allumée avec une bougie. »
Ces paroles expliquent pourquoi - ce qui paraissait si merveilleux - le feu grégeois brûlait sur l'eau c'est que par eau il fallait entendre, non pas l'eau commune, mais une eau ardente, telle que l'essence de térébenthine.

Voici en quels termes Marcus Graecus indique la composition de la poudre à canon : 

« Prenez une livre de soufre pur, deux livres de charbon de vigne ou de saule, et six livres de salpêtre. Broyez ces trois substances dans un mortier de marbre, de manière à les réduire en une poudre très fine. »
Cette poudre servait primitivement à faire des pétards et des fusées, appelées faux volants. 
« La fusée (tunica ad volandum), dit le même auteur, doit être grêle, longue et bien bourrée avec ladite poudre, tandis que le pétard (tunica ad tonitruandum) doit être court, épais, seulement à demi rempli de poudre et fortement lié aux deux bouts avec un fil de fer. »
La poudre à canon n'était pas alors employée à lancer des projectiles meurtriers : l'artillerie n'était pas encore inventée. Mais le passage de Marcus Graecus, qui nous apprend qu'on peut faire des feux volants avec des mélanges explosibles et inflammables, introduits dans des tubes ou dans des joncs creux, a pu conduire à l'invention des armes à feu. (F. Hoefer).
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