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Les populations de l'Afrique
Les Toubous (Tibbous)
Les Toubous ou Tibbous sont un peuple nomade et semi-nomade d'origine saharienne, principalement réparti entre le nord du Tchad, le sud de la Libye, le nord-est du Niger et des parties du Soudan. Leur histoire et leur mode de vie sont intimement liés à l'environnement rigoureux du Sahara.

Les Toubous sont généralement divisés en deux grands sous-groupes principaux : les Téda, présents dans le nord (Tibesti, Libye) et les Daza, majoritaires au sud (Borkou, Ennedi, Kanem) . Ces groupes partagent une langue commune, le toubou (ou tedaga), bien qu'ils aient des variations dialectales. Cette langue appartient au groupe linguistique nilo-saharien.

• Les Téda, également appelés Toubou du Nord, habitent dans certaines parties de la Libye et du Niger, mais ilss sont surtout concentrés dans la région du massif du Tibesti, au nord du Tchad. Ce massif, qui culmine au sommet de l'Emi Koussi (3445 m), est un environnement unique qui offre des oasis et des pâturages saisonniers. Leur territoire, bien que difficile d'accès, est stratégiquement important, notamment pour ses ressources naturelles (eau, sel, minéraux). Les Téda sont réputés être des experts en navigation dans le désert et les montagnes. Ils utilisent des repères naturels, comme les étoiles ou les formations rocheuses, pour se déplacer efficacement. Leur connaissance des points d'eau est essentielle pour leur survie et celle de leurs troupeaux.

• Les Daza, parfois appelés Goranes, constituent le principal sous-groupe des Toubous. Leur population est estimée à plusieurs centaines de milliers, bien que des chiffres précis soient difficiles à établir en raison de leur mobilité. Ils sont largement présents au Tchad, dans les régions du Borkou, de l'Ennedi et du Kanem, mais on les trouve également au Niger et dans certaines parties de la Libye et du Soudan. Leur mode de vie semi-nomade et leur culture sont étroitement liés à leur environnement désertique et steppique. Les Daza habitent des zones situées au sud des territoires des Téda, dans des régions semi-arides où les ressources naturelles, bien que rares, sont plus accessibles qu'au Tibesti. Ces zones comprennent des plateaux désertiques, des plaines et des oasis.

Modes de vie traditionnels.
Organisation sociale.
Les Toubous se regroupent en clans patrilinéaires, qui forment la base de leur structure sociale. Chaque clan est dirigé par des chefs locaux ou des anciens respectés. Les relations de parenté et les alliances tribales jouent un rôle central dans la cohésion de leur société. Les alliances matrimoniales et des pactes de solidarité permettent de maintenir l'ordre et éviter les conflits. Bien qu'ils soient souvent unis face à des menaces extérieures, les Toubous connaissent parfois des rivalités internes entre clans. Ces conflits portent souvent sur le contrôle des points d'eau ou des pâturages.

Activités économiques.
Les Toubous pratiquent le pastoralisme nomade, élevant principalement des dromadaires, des chèvres et des moutons, qui leur fournissent lait, viande, peaux, et moyens de transport. Leur mobilité leur permet de tirer parti des rares ressources en eau et en pâturage. Dans les régions où l'eau est disponible (notamment dans les oasis du Tibesti et de l'Ennedi), ils cultivent des dattes, du mil et parfois des légumes. Certaines familles exploitent les mines de sel dans le Tibesti, une activité importante historiquement pour le commerce transsaharien. Bien que cette activité ait diminué avec l'essor des moyens modernes, les Toubous restent impliqués dans le commerce transfrontalier informel.

Habitations.
Les Toubous utilisent des habitations temporaires adaptĂ©es au climat dĂ©sertique, comme des tentes faites de peaux et de fibres de palmier. Dans les zones sĂ©dentarisĂ©es, ils construisent des maisons en pierre ou en argile. Les campements sont situĂ©s près des points d'eau, essentiels Ă  leur mode de vie. 

Religion.
Les Toubous sont majoritairement musulmans, adhérant à l'islam sunnite. Toutefois, leurs pratiques sont parfois teintées d'éléments traditionnels. Certains lieux naturels, comme les montagnes ou les points d'eau, sont investis d'un caractère sacré. Les rites traditionnels, bien que moins courants, subsistent à travers des pratiques discrètes ou symboliques.

Histoire des Toubous
Origines lointaines.
Les Toubous sont considérés comme les descendants des populations sahariennes qui occupaient la région lorsque le Sahara était encore une savane (entre 10 000 et 5000 ans avant notre ère). Les changements climatiques qui ont transformé le Sahara en désert ont poussé ces populations à s'adapter à un mode de vie nomade.

Les sources écrites sur les Toubous remontent à l'Antiquité. Les Grecs et les Romains faisaient référence à des populations sahariennes qu'on pourrait associer aux ancêtres des Toubous. Hérodote mentionne des peuples sahariens nomades, bien que leurs identités exactes restent floues.

Les routes transsahariennes.
Dès le premier millénaire de notre ère, les Toubous sont impliqués dans le commerce transsaharien. Ils contrôlent des routes reliant les zones méditerranéennes (Libye, Égypte) aux régions subsahariennes (notamment le Kanem et le Soudan). Les marchandises transportées sont l'or, le sel, les esclaves, le cuir et les produits de luxe. Leur connaissance du désert leur permet de guider les caravanes à travers le Sahara, notamment via les oasis comme celles de Bilma, Faya-Largeau et Koufra. Les Toubous gèrent de longue date des mines de sel dans des régions comme Bilma (Niger). Ce sel, appelé « or blanc », était une ressource cruciale échangée contre de la nourriture et des biens manufacturés.

Interactions avec les empires sahéliens
La culture des Toubous a Ă©tĂ© façonnĂ©e par les migrations, les contacts avec les Berbères et les Arabes, ainsi que par l'islamisation progressive dès le Moyen Ă‚ge. Ils  ont entretenu des relations Ă©troites avec l'empire du Kanem-Bornou, situĂ© au sud de leurs territoires. Cet empire, florissant entre le IXe et le XIXe siècle, contrĂ´lait une partie des routes commerciales traversant les terres des Toubous. Bien que les Toubous aient parfois Ă©tĂ© tributaires du Kanem, ils ont aussi maintenu une grande autonomie en raison de leur mobilitĂ© et de leur maĂ®trise des zones dĂ©sertiques.

L'islamisation des Toubous commence dès le VIIe siècle, avec l'arrivée des commerçants arabes dans le Sahara. Cependant, l'islamisation complète ne s'achève qu'au cours du Moyen Âge, quand Toubous ont complèement intégré l'islam à leurs croyances locales. Les Arabes ont également eu des relations commerciales et parfois conflictuelles avec les Toubous, notamment autour du contrôle des oasis et des routes commerciales.

Les Toubous ont rĂ©sistĂ© Ă  la domination d'autres empires ou groupes sahĂ©liens, prĂ©fĂ©rant prĂ©server leur indĂ©pendance. Leur mode de vie nomade et leur maĂ®trise des zones dĂ©sertiques leur donnaient un avantage stratĂ©gique contre les forces extĂ©rieures.  Ils ont notamment rĂ©ussi Ă  rĂ©sister Ă  l'avancĂ©e des Ottomans au XVIe siècle, qui cherchaient Ă  contrĂ´ler les routes sahariennes et les oasis stratĂ©giques.

Colonisation et tracé des frontières.
La pĂ©nĂ©tration coloniale europĂ©enne au Sahara commence Ă  la fin du XIXe siècle, lorsque les puissances coloniales europĂ©ennes, notamment la France et l'Italie, cherchent Ă  contrĂ´ler les territoires sahariens pour des raisons stratĂ©giques, commerciales et politiques. La colonisation a imposĂ© des frontières artificielles sans considĂ©ration des structures sociales et tribales locales, ont fragmentĂ© les populations touboues entre plusieurs États coloniaux : la France a contrĂ´lĂ© le Tchad, le Niger et une partie de la rĂ©gion saharienne et  l'Italie a pris le contrĂ´le de la Libye en 1911.

Les Toubous ont opposĂ© une forte rĂ©sistance aux forces coloniales, notamment Ă  travers des actions armĂ©es et une opposition passive en refusant les structures coloniales. Le massif du Tibesti, difficile d'accès, a servi de bastion pour les rĂ©sistants toubous face aux troupes françaises et italiennes. Les Toubous connaissaient parfaitement leur environnement et utilisaient cette connaissance pour Ă©chapper aux colonisateurs. Les Toubous ont ensuite jouĂ© un rĂ´le limitĂ© mais significatif dans les mouvements de rĂ©sistance anticoloniale. Leur implication dĂ©pendait de leur situation gĂ©ographique et des dynamiques locales. Au Tchad, le rĂ´le des Toubous dans les luttes anticoloniales a Ă©tĂ© indirect, mais leur prĂ©sence dans les rĂ©gions pĂ©riphĂ©riques du Sahara a permis d'organiser des rĂ©seaux de soutien pour les mouvements nationalistes. En Libye, les Toubous ont rĂ©sistĂ© plus directement Ă  la colonisation italienne, notamment sous Omar al-Mokhtar, un chef de la rĂ©sistance libyenne. Bien qu'Omar al-Mokhtar ne soit pas toubou, les communautĂ©s sahariennes, dont les Toubous, ont soutenu son mouvement.   

Les Toubous dans les États postcoloniaux.
Dans les années 1960, les pays où les Toubous sont présents (Tchad, Libye, Niger) obtiennent leur indépendance. Cependant, les Toubous continuent d'être marginalisés dans les nouvelles structures politiques.

Au Tchad, après l'indépendance en 1960, les Toubous deviennent une force politique importante dans les luttes pour le pouvoir. Le Tchad connaît une forte instabilité politique, et les Toubous, notamment les Daza, jouent un rôle clé dans les guerres civiles. Hissène Habré, président du Tchad de 1982 à 1990, est d'origine Daza. Son régime était marqué par des tensions ethniques, notamment entre Toubous et autres groupes. La montée d'Idriss Déby, également issu du Nord tchadien mais affilié à un autre groupe, a exacerbé les divisions entre les Toubous et le pouvoir central.

En Libye, sous le régime de Muammar Kadhafi, les Toubous ont été marginalisés et parfois persécutés. Kadhafi les considérait comme des "étrangers" et a cherché à limiter leur influence politique et leur accès aux ressources. Lors de la guerre civile libyenne (2011), les Toubous ont pris part aux combats, généralement contre les forces pro-Kadhafi. Depuis, ils jouent un rôle important dans la sécurisation des frontières et des routes commerciales, mais restent marginalisés politiquement.

Au Niger, les Toubous ont été relativement moins impliqués dans la politique nationale, mais ils jouent un rôle dans les dynamiques transfrontalières. Leur présence dans la région désertique en fait des acteurs clés dans les réseaux informels et dans les conflits autour des ressources comme l'eau et le sel.

DĂ©fis contemporains.
Les Toubous se trouvent fréquemment en première ligne des conflits régionaux, notamment au Tchad et en Libye. Ils sont à la fois acteurs et victimes de ces conflits, en raison de leur position stratégique dans le Sahara. La marginalisation politique des Toubous dans plusieurs États a alimenté des ressentiments et des révoltes armées.

La désertification croissante a eu un impact majeur sur le mode de vie des Toubous. Les pâturages et les points d'eau deviennent de plus en plus rares, entraînant des tensions avec d'autres groupes nomades et semi-nomades. Les gouvernements postcoloniaux ont encouragé ou forcé la sédentarisation des Toubous, ce qui a bouleversé leurs traditions et leur mode de vie nomade. Cette transition reste un défi majeur pour la survie de leur identité culturelle.

En raison de leur dispersion entre plusieurs pays, les Toubous sont un peu partout perçus comme des "étrangers" dans leur propre territoire, surtout en Libye et au Tchad. Cette transnationalité complique leur intégration dans les États modernes.

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