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Sieyès

Emmanuel-Joseph, comte Sieyès, né à Fréjus en 1748, fut d'abord vicaire général de l'évêque de Chartres. Il dut son élection aux Etats généraux en 1789 à une célèbre brochure intitulée : Qu'est-ce que le tiers-état? Ce fut sur sa proposition que le tiers état se constitua en Assemblée nationale. Métaphysicien politique, il parlait difficilement en public. Il fut le promoteur de la division de la France en départements. Membre de la Convention, il vota la mort du roi. II se tint à l'écart pendant la Terreur, refusa d'entrer au Directoire lors de l'établissement de la constitution de l'an III, et siégea au conseil des Cinq-Cents.
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Sieyès.
Sieyès (1748-1836).

Sieyès fut envoyé comme ministre plénipotentiaire à Berlin en 1798, entra au Directoire en 1799, aida Bonaparte à accomplir le coup d'Etat du 18 brumaire, et fut l'un des trois consuls provisoires. Il reconnut bientôt, suivant sa propre expression, «-qu'il avait mis un clou où il ne croyait placer qu'une cheville. » Il fut fait sénateur, reçut la terre de Crosne, et fut créé ensuite comte de l'empire. Il fut nommé pair pendant les Cent-Jours. Exilé après la seconde restauration, il ne rentra en France qu'en 1850, et mourut en 1856. Il a émis la plupart des idées que la Révolution a réalisées.
 

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Sieyès vu par F. Mignet

« En 1830 l'octogénaire M. Sieyès vint jouir, dans sa patrie recouvrée, de la liberté dont il avait été l'un des principaux fondateurs, et finir dans le repos et l'obscurité une vie qui s'est éteinte à 88 ans, désirant être jugé sur ce qu'il avait fait, et ne croyant pas avoir besoin de laisser des explications à la postérité pour être grand devant elle.

C'est ici le moment d'apprécier cet esprit puissant et singulier, et de le faire avec le respect dû à un confrère illustre, mais avec l'impartialité qu'exige l'histoire à laquelle il appartient. M. Sieyès était plus un métaphysicien politique qu'un homme d'État. Ses vues se tournaient continuellement en dogmes. Il avait prodigieusement d'esprit et même de causticité; mais il manquait de talent oratoire, et quoiqu'il fût très fin et connût bien les hommes au milieu desquels il avait vécu, il n'aimait pas à les mener, et peut-être n'avait-il pas ce qu'il fallait pour le faire. Il savait prendre de l'ascendant, mais il ne travaillait pas à le conserver. Il cherchait peu à le produire. Hardi d'esprit, et dans l'occasion courageux de caractère, il était circonspect et timide par orgueil. Il ne se livrait aux événements comme aux hommes que lorsqu'ils le recherchaient et pour ainsi dire le gâtaient. Sinon, il se retirait en lui-même, avec un dédain superbe, et voyait passer le monde devant lui en observateur et presque en indifférent. A chaque époque il fallait qu'on acceptât sa pensée ou sa démission. Appartenant à une génération qui avait plus vécu jusque-là dans les abstractions que dans les réalités, il croyait que tout ce qui se pensait se pouvait. Il s'exagérait, comme la plupart de ses contemporains, la puissance de l'esprit, il tenait plus compte des droits que des intérêts, des idées que des habitudes. Il avait quelque chose de trop géométrique dans ses déductions, et il ne se souvenait pas assez, en alignant les hommes sous son équerre politique, qu'ils sont les pierres animées d'un édifice mouvant. Cependant il a laissé la forte empreinte de son intelligence dans les événements. Il a été l'ami ou le maître des hommes les plus considérables de notre temps. Beaucoup de ses pensées sont devenues des institutions. Il a vu, avec un coup d'oeil sûr, arriver une révolution qui devait se faire par la parole, se terminer par l'épée, et il a donné la main, en 1789, à Mirabeau pour la commencer, au 18 brumaire à Napoléon pour la finir : associant ainsi le plus grand penseur de cette Révolution à son plus éclatant. orateur et à son plus puissant capitaine. »
 

(F. Mignet, Notices et Mémoires historiques. 
Notice historique sur la vie et les travaux de M. le comte Sieyès, fin).

 
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