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La marquise de Rambouillet

Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet, née à Rome en 1588, morte à Paris le 2 décembre 1665. Fille, de Jean de Vivonne, marquis de Pisani, ambassadeur en Espagne et à Rome, et de Julia Savelli. Sa mère, au dire de Costar
« avec une excellente beauté, possédait toutes les grandes qualités de la femme de Brutus et de la mère des Gracques ».
Elle était, de plus, fort lettrée et prit un grand soin de l'éducation de sa fille qui, dès son enfance, assista aux conversations des amis de son père de Thou, Harlay, Pithou, Lefèvre, Pasquier, les grands érudits du temps. Catherine fut mariée à douze ans (27 janvier 1600) avec Charles d'Angennes, vidame et sénéchal du Mans, qui prit le titre de marquis de Rambouillet à la mort de son père (1611). Le jeune ménage abandonna bientôt le vieil et incommode hôtel de Rambouillet pour habiter l'hôtel de Pisani, rue Saint-Thomas-du-Louvre. Mme de Rambouillet, douée d'un véritable génie d'architecte, transforma de fond en comble sa demeure, dressa et dessina des plans, créa les pièces en enfilade et les grandes fenêtres, pouvant ouvrir du plancher au plafond. C'étaient alors des nouveautés en France : elles parurent de si haut goût que Marie de Médicis en recommanda l'imitation lorsqu'elle fit construire le Palais du Luxembourg. Bonne, intelligente, aimable, artiste, la marquise de Rambouillet créa un salon agréablement décoré où elle réunit une élite de personnages lettrés, cultivés, polis et, surtout dégoûtés des intrigues de cour qui rendaient insupportables et dangereuses les réunions du Louvre

Sa chambre bleue, parée de vases de cristal où se mouraient les plus jolies fleurs, fut bientôt célèbre. On y vit Voiture, Segrais, Racan, Malherbe, Sarasin, Costar, Patin, Guez de Balzac, Godeau, Conrart, Corneille, Scarron, Benserade, Saint-Evremond, La Rochefoucauld, Monsieur, la grande Mademoiselle, Geneviève de Bourbon, qui fut la trop charmante Mme de Longueville, son frère Condé, la comtesse de la Suze, Mlle de Scudéry, la Palatine, Richelieu, la duchesse d'Aiguillon, le comte de Guiche, le marquis de Montausier, Mlle Paulet, Mme Cornuel, Vaugelas, Chapelain, Mairet, Ménage, etc. Ce salon, où la conversation fut toujours délicate et raffinée, où l'on joua des pièces, comme la Sophonisbe de Mairet, où l'on en lut d'autres telles que Polyeucte et le Cid, où l'on apprécia finement tous les ouvrages d'esprit qui paraissaient, où l'on fit de l'excellente musique, exerça sur la littérature française une influence marquée.

Ce salon finit - assez naturellement - par tomber dans la préciosité. A force de raffiner, on poussa le purisme à l'excès, et l'on vit de belles dames se pâmer en entendant prononcer quelque locution vicieuse. Les surnoms dont les membres de cette compagnie s'affublèrent : Arthénice ou l'incomparable Arthénice (Mme de Rambouillet), Chrysante (Chapelain), Sarraïde (Scudéry), Sésostris (Sarasin), etc., firent sourire d'abord, et on les jugea bientôt ridicules. La critique intelligente, y perdit ensuite presque tous ses droits et l'on ne prisa plus que les tours de force littéraires, rondeaux, bouts rimés, acrostiches où excellèrent certains spécialistes. C'est évidemment ces défauts qui ont inspiré à Molière ses Précieuses ridicules, bien qu'il ne faille par y voir une copie de l'hôtel de Rambouillet qu'il respectait fort et dont les hôtes étaient ses protecteurs. 

Ce salon fameux disparut entre 1645 et 1650. Des deuils de famille avaient attristé la marquise de Rambouillet, et les intrigues si passionnantes de la Fronde portèrent un coup fatal aux plaisirs de la conversation polie qui avaient d'abord parti divins et qu'on trouva à la longue un peu fades et monotones. La marquise s'aperçut bien de ce déclin : de plus fortes douleurs l'avaient éprouvée et elle se composa cette mélancolique épitaphe :

Ici gît Arthénice, exempte des rigueurs,
Dont l'âpreté du sort l'a toujours poursuivie;
Et si tu veux, passant, compter tous ses malheurs,
Tu n'auras qu'a compter les moments de sa vie.
De ses sept enfants, elle en avait perdu un, à sept ans, le vidame du Mans, mort de la peste; en 1647, elle avait perdu le marquis de Pisani, tué à Nordlingen; trois de ses filles étaient entrées en religion; l'une, l'abbesse d'Yères, avait un caractère insupportable qui fit le désespoir de ses parents : elle commit tant d'extravagances qu'on dut la priver de son abbaye et l'enfermer, par ordre du Parlement, dans une communauté de la rue Saint-Antoine. Des deux autres filles, l'une, Julie d'Angennes, pour qui fut composée et écrite la fameuse Guirlande, épousa le duc de Montausier; l'autre, Angélique d'Angennes, fut la première femme du comte de Grignan. Julie contribua plus que personne à introduire la préciosité à l'hôtel de Rambouillet; quant  à Angélique, elle eut le caractère désagréable de sa soeur l'abbesse. (R. S.).
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Dictionnaire biographique
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