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Jean Racine
Les caractères du théâtre de Racine
Aperçu Les pièces de Racine Caractères de son théâtre
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Théories littéraires

Racine n'a pas laissé, Comme Corneille, d'écrits théoriques sur son art. C'est pour se défendre contre les critiques qu'il a été amené à soutenir dans ses préfaces sa conception dramatique.

Critique de la tragédie cornélienne. 
Il attaque vivement l'invraisemblance de la tragédie de Corneille :

Que faudrait-il pour contenter des juges si difficiles? La chose serait aisée, pour peu qu'on voulût trahir le bon sens. Il ne faudrait que s'écarter du naturel pour se jeter dans l'extraordinaire... Il faudrait remplir cette même action de quantité d'incidents qui ne se pourraient passer qu'en un mois, d'un grand nombre de jeux de théâtre d'autant plus surprenants qu'ils seraient moins vraisemblables, d'une infinité de déclamations où l'on ferait dire aux acteurs tout le contraire de ce qu'ils devraient dire. (Première préface de Britannicus).
La tragédie passionnée. 
Soit but,  à Iui, n'est pas d'étonner, mais d'émouvoir :
La principale règle est de plaire et de toucher. (Préface de Bérénice).
Et rien n'est plus capable d'exciter la compassion ou la terreur qu'une tragédie
Soutenue de la violence des passions, de la beauté des sentiments, et de l'élégance de l'expression. (Préface de Bérénice).
Ce ne sont donc pas les démarches de la volonté, comme dans Corneille, mais les mouvements du coeur qui constituent le spectacle tragique.

La tragédie simple. 
La tragédie ainsi comprise est nécessairement une tragédie simple, puisqu'au lieu d'être une série de victoires du héros sur le sort et sur lui-même, elle est l'aboutissement d'une crise passionnelle. Il lui faut 

une action simple, chargée de peu de matière, telle que doit être une action qui se passe en un jour, et qui, s'avançant par degrés vers sa fin, n'est soutenue que par les intérêts, les sentiments et les passions des personnages (Première préface de Britannicus).
Emploi de l'histoire. 
Il est évident qu'ainsi le poète n'aura pas besoin de l'histoire pour légitimer l'invraisemblance de ses sujets. Elle ne servira qu'à donner aux héros plus de dignité et à les reculer dans un lointain poétique :
A la vérité je ne conseillerais pas à un auteur de prendre pour sujet d'une tragédie une action aussi moderne que celle-ci... Les personnages tragiques doivent être regardés d'un autre oeil que nous ne regardons d'ordinaire les personnages que nous avons vus de si près... Major e longinquo reverentia. L'éloignement des pays répare en quelque sorte la proximité des temps. (Préface de Bajazet).
Peindre des personnages aussi près que possible de la nature, entraînés par leurs passions, dans une action simple et à une époque ou dans une contrée lointaine, voilà donc la conception dramatique de Racine.

Les premières pièces de Racine

Mais, pas plus que Corneille, il n'a trouvé du premier coup sa véritable voie.

La Thébaïde et Alexandre.
S'il est allé tout droit à la tragédie, il n'est guère dans la Thébaïde et Alexandre, pièces empruntées aux Grecs, qu'un imitateur de Corneille et de Quinault. La Thébaïde qui a pour sujet la lutte des deux fils d'Œdipe, Etéocle et Polynice, et l'arrivée au trône de l'ambitieux Créon, est une tragédie presque sans amour et qui, jusque dans les procédés du style, dialogues hachés, IV, lIII, stances V, I) rappelle Corneille. Alexandre est un digne héros de Quinault. Il soupire pour la princesse Cléophile :

Ce grand nom de vainqueur n'est plus ce qu'il souhaite,
Il vient avec plaisir avouer sa défaite. (III, VI).
 Il se montre ennemi généreux et rend à Porus vaincu tous ses états.

Les Plaideurs. 
Les Plaideurs sont un « amusement » né d'une lecture des Guêpes d'Aristophane (cf. Préface). Il est possible aussi qu'après le grand succès d'Andromaque, Racine ait été désireux de prouver qu'il pouvait réussir, tout comme Corneille, dans la comédie. Cette histoire du juge Dandin qui veut toujours juger et des plaideurs, Chicaneau et la comtesse, qui veulent toujours plaider, est l'occasion d'une satire spirituelle des plaideurs eux-mêmes (I, VII), de l'éloquence ampoulée des avocats (lll, III), de la manière dont les juges se laissent corrompre (II, XII), s'endurcissent devant la souffrance humaine (III, IV), et prononcent leurs arrêts à tort et à travers (III, III). Toute la verve malicieuse du poète s'y est donné libre cours.

Mais il avait fallu les applaudissements de Louis XIV pour assurer le succès de la pièce, d'abord froidement accueillie. Racine se rendit compte qu'il avait rencontré dans Andromaque la formule qui lui convenait. Il y revint et s'y tint.

La passion dans les tragédies de Racine

Son caractère comme sa conception dramatique conduisaient Racine à donner à la passion une place prépondérante dans la tragédie. De plus son éducation janséniste lui avait fait croire à la faiblesse de l'homme sans Dieu. Aussi n'y a-t-il dans le théâtre de Racine qu'une volonté impérieuse et éclairée, c'est celle de Joad, parce que c'est Dieu qui le conduit.

L'ambition.
Même ses ambitieux ne sont pas des énergiques que mène un grand dessein et qui s'imposent de haute lutte. Agrippine crut régner, mais seulement en assurant le trône à Néron, puis en ressaisissant son autorité de mère qui lui échappe (Britannicus, IV, II). Agamemnon consentirait à immoler Iphigénie sur l'ordre des dieux parce que, dit-il,

Ces noms de roi des rois et de chef de la Grèce
Chatouillaient de mon coeur l'orgueilleuse faiblesse.
    
     (Iphigénie, I, I).
Mais il est sans force contre sa tendresse paternelle et l'indignation de Clytemnestre (IV, IV), tergiverse désemparé, prend une résolution pour ne pas avoir l'air de céder aux menaces d'Achille (IV, VII) et se rétracte ensuite (IV, IX). Narcisse (Britannicus) et Acomat (Bajazet) se dirigent d'une marche sûre vers un but fixé; pourtant leur allure est rampante ou cauteleuse. Ils sont, le second surtout, des types admirables de politiques. Mais tous leurs grands desseins ne consistent qu'à réussir, par des intrigues
de palais, à dominer leurs maîtres, Néron ou Bajazet.

L'amour maternel.
Les mères dans Racine, Andromaque et Clytemnestre, sont, en un sens, plus fortes parce que leur tendresse éperdue les soulève. Andromaque pour sauver Astyanax  que réclament les Grecs se résignera à épouser Pyrrhus et à mourir ensuite (Andromaque, IV, I). Clytemnestre défend impétueusement sa fille :
 

De mes bras tout sanglants il faudra l'arracher. 
Aussi barbare époux qu'impitoyable père. 
Venez, si vous l'osez, la ravir à sa mère!

          (Iphigénie, IV, IV).

Elles représentent à elles deux toute la délicatesse et tout le courage de l'amour maternel. Nul n'a mieux connu le coeur des mères que Racine, cet orphelin.

L'amour.
Mais, contrairement à Corneille, c'est l'amour surtout dont il a étudié les mouvements parce qu'il est, de toutes les passions, la plus « touchante », la plus dramatique dans ses emportements, et la plus variée. Car l'amour reçoit du caractère comme une nuance particulière. Il est timide chez Britannicus, chevaleresque chez Xipharès (Mithridate), emporté chez Achille (Iphigénie), plein d'une exquise délicatesse chez les jeunes filles, Junie (Britannicus), Monime (Mithridate), Iphigénie. Ces personnages représentent l'amour heureux, au moins parce qu'il se sait partagé. Bérénice trouve même dans la certitude d'être aimée la force douloureuse de renoncer à son amour et de se séparer de Titus :

Adieu, seigneur. Régnez : je ne vous verrai plus. (Bérénice, V, VII).
Mais dès que la crainte irrite l'amour, il devient passion. Ainsi les refus d'Andromaque exaspèrent Pyrrhus qui se montre de plus en plus impérieux. (I, IV. IlI, VII).

La jalousie. 
La jalousie surtout pousse à amour à son paroxysme. C'est elle qui donne à la passion d'Hermione, de Néron, de Roxane, de Mithridate, de Phèdre, toute sa violence. Elle est le pire des tourments :

Tout ce que, j'ai souffert, mes craintes, mes transports,
La fureur de mes feux, l'horreur de mes remords,
Et d'un cruel refus l'insupportable injure,
N'était qu'un faible essai des tourments que j'endure :
Ils s'aiment...

       (Phèdre, IV, VI).

Elle inflige l'humiliation d'aimer malgré tout et de le dire :
Je t'aimais inconstant : qu'aurais-je fait fidèle?

    (Andromaque, IV, V).

Elle est la forme vraiment tragique de l'amour, puisque c'est elle qui achemine aux catastrophes sanglantes.

L'action

Quelles sont les causes morales qui déterminent ces dénouements violents? L'action de la tragédie est constituée par le jeu des forces sentimentales.

Les sujets.
Les situations, loin d'être extraordinaires, sont, pour la plupart, de celles qu'offre la vie courante et des plus simples : une femme délaissée pour une autre et qui se venge (Andromaque, Bajazet), un fils qui secoue l'autorité de sa famille et de ses maîtres, un amant qui fait périr son rival (Britannicus), un mariage rompu pour des raisons de convenance (Bérénice). Il n'est même pas rare de voir des filles sacrifiées à l'intérêt paternel comme Iphigénie; et Mithridate, rival de son fils Xipharès (IV, IV), est dans le même cas qu'Harpagon (Molière, Avare, IV, III), tant nous sommes près de la réalité moyenne.

La crise. 
De pareils sujets pourraient donc aussi bien convenir à la comédie ou au drame bourgeois.

Tension qui la précède.
Mais le violence des passions en fait des tragédies. Quand le pièce commence, les passions sont déjà surexcitées eu plus haut point. Les longues hésitations d'Andromaque ont exaspéré le patience et l'amour de Pyrrhus :

Songez-y bien, il faut désormais que mon coeur,
S'il n'aime avec transport, haïsse avec fureur. 

          (Andromaque, I, IV).

Le rage jalouse s'est accumulée dans le coeur d'Hermione :
Elle pleure en secret le mépris de ses charmes. (Ibid. I, I).
Depuis des années Joed prépare le rétablissement de Joas sur le trône
(Athalie), etc. La situation est si tendue qu'une solution est imminente.

Mouvements qui la dénouent.
Il suffit du moindre incident pour déclencher tous ces ressorts et amener très naturellement les mouvements décisifs. Un songe effraie Athalie et la fait se livrer elle-même aux mains de Joad. La mort de Mithridate ou de Thésée; qu'on annonce, rend possible l'amour de Monime et de Xipherès, la déclaration de Phèdre à Hippolyte (II, V). L'arrivée d'Oreste, ambassadeur des Grecs, réclamant le mort d'Astyanax, oblige Andromaque à une réponse. L'action est engagée. Le jalousie entre en jeu et détermine le dénouement tragique. Hermione devant le triomphe d'Andromaque, exige d'Oreste le mort de Pyrrhus (IV, III). Néron décide l'empoisonnement de Britannicus quand il l'a surpris aux pieds de Junie (III, VIII). Roxane exécute l'ordre d'Amurat qui ordonne l'assassinat de Bajazet, quand elle a saisi une lettre de Bajazet, qu'elle aime, à se rivale Atalide (Bajazet, IV, V). Dans Mithridate, dans Phèdre, le développement du drame est le même. C'est le brusque éclat de le passion qui provoque une catastrophe brutale, regrettée parfois de ceux mêmes qui en sont la cause (le désespoir d'Hermione, Andromaque V, III, et celui de Phèdre, V, VII), tant il est vrai que tous ces personnages sont dominés par leurs passions au lieu de les maîtriser, comme ceux de Corneille par la volonté.

L'emploi de l'histoire

L'action des tragédies de Racine ne repose donc que sur la logique très simple du coeur humain, en dehors de toute considération de circonstances historiques.

Vérité humaine.
Comme le dit Boileau dans l'Art poétique (chant III), en pensant aux oeuvres de son ami, c'est « la passion émue » qui doit aller « chercher le coeur ». Tantôt c'est l'amour qui parle,

HERMIONE. - Je ne t'ai point aimé, cruel, qu'ai-je donc fait? 

       (Andromaque, IV, VI).

tantôt c'est la jalousie,
PHEDRE. - Hippolyte est sensible et ne sent rien pour moi!
 
     (Phèdre, IV, V).
tantôt c'est l'amour maternel, etc.
ANDROMAQUE. - Je ne l'ai point encore embrassé d'aujourd'hui. 
 
       (Andromaque, I, IV).
Le langage de la passion ne porte pas de date. Racine allait à la vérité humaine plutôt qu'à la vérité historique. Même il est vrai que ses personnages, quand c'est la galanterie qui parle en eux plutôt que l'amour; sont bien des « courtisans français », selon le mot de Voltaire (Temple du goût). Ce n'est pas le fils d'Achille qui aurait parlé ainsi à une esclave :
PYRRHUS. - Me cherchiez-vous, Madame?
Un espoir si charmant me serait-il permis?

      (Andromaque, I, IV).

Ce n'est pas un prince turc qui aurait dit à une femme du harem :
Et si l'effet enfin, suivant mon espérance,
Eût ouvert un champ libre à ma reconnaissance,
J'aurais, par tant d'honneurs, par tant de dignités, 
Contenté votre orgueil et payé vos bontés
Que vous-même peut-être... 

         (Bajazet, V, IV).

 Vérité historique. 
Les contemporains même reprochèrent vivement à Racine son manque de vérité historique, entre autres Saint-Evremond, dans sa Dissertation sur Alexandre, et Corneille, qui disait à la première représentation de Bajazet
« Il n'est pas un seul personnage qui ait les sentiments qu'il doit avoir et que l'on a à Constantinople; ils ont tous, sous un habit turc, les sentiments qu'on a au milieu de la France. » 
Racine a fait pourtant deux pièces où l'histoire tient plus de place : Britannicus et Mithridate. Britannicus est un tableau exact de la cour de Néron, d'après Tacite (2e Préface). Dans Mithridate, Racine se vante « d'avoir suivi l'histoire avec beaucoup de fidélité » :
J'y ai inséré tout ce qui pouvait mettre en jour les moeurs et les sentiments de ce prince, je veux dire sa haine violente contre les Romains, son grand courage, sa finesse, sa dissimulation, et enfin cette jalousie qui lui était si naturelle, et qui a tant de fois coûté la vie à ses maîtresses. (Préface).
De là, le fier langage de Mithridate :
Vaincu, persécuté, sans secours, sans états, 
Errant de mers en mers, et moins roi que pirate,
Conservant pour tous biens le nom de Mithridate,
Apprenez, que suivi d'un nom si glorieux
Partout de l'univers j'attacherais les yeux.

     (Mithridate, II, IV).

De là surtout la grande scène historique analogue à celles de Corneille (Cinna, II, I), où Mithridate expose à ses fils son projet de marche sur Rome (III, I).

Poésie légendaire.
Mais de lui-même, ou plutôt conduit par les Grecs et son modèle favori, Euripide, auquel il doit La Thébaïde, Andromaque en partie, Iphigénie et Phèdre, Racine préfère les époques Iégendaires aux époques historiques, parce que la légende, comme une discrète toile de fond, rend plus lointaine la brutalité des passions. La violence de Pyrrhus ou d'Hermione s'harmonise avec les souvenirs de la guerre de Troie :

Oui, seigneur, lorsqu'au pied des murs fumants de Troie 
Les vainqueurs tout sanglants partagèrent leur proie, 
Le sort, dont les arrêts furent lors suivis,
Fit tomber en mes mains Andromaque et son fils.
Hécube près d'Ulysse acheva sa misère,
Cassandre dans Argos a suivi votre père.

     (Andromaque, I, II).

La tradition mythologique fait paraître moins choquant l'amour de Phèdre (Phèdre, I, III) et admissible le sacrifice d'Iphigénie. Pour qu'on ne s'indigne pas de la conduite de Joad, il faut qu'on soit enveloppé de l'atmosphère biblique, pénétré de l'horreur sacrée du Temple, et convaincu de la présence de Dieu lui-même qui se révèle par la bouche de Joad proclamant son triomphe  (Athalie, III, VII).

Le style

La magie du style achève d'envelopper de poésie la tragédie racinienne.

L'élégance.
Racine déclare avoir recherché l'élégance comme qualité dominante du style tragique. La sienne est faite avant tout de simplicité. Les mots à effet : le Qui te l'a dit? d'Hermione (Andromaque, V, IV) reprochant à Oreste d'avoir tué Pyrrhus sur son ordre; le Sortez de Roxane (Bajazet,V, IV) envoyant Bajazet à la mort; le O ciel me serai-je abusée?de Monime trompée par Mithridate (IV, V) ; le Vous y serez, ma fille, d'Agamemnon qui annonce à Iphigénie son supplice (Iphigénie, II, II), ne doivent leur valeur qu'au tragique de la situation. Cette élégance consiste aussi en alliances de mots imprévues et très nombreuses :

Dans les honneurs obscurs de quelque légion... (Britannicus, I, II).

Pensez-vous être saint et juste impunément? (Athalie, I, I) .

Quelquefois en oppositions vigoureuses :
S'il ne meurt aujourd'hui, je puis l'aimer demain. (Andromaque, IV, III).
Souvent elle tient à ce que l'émotion du personnage donne à ses paroles un charme pénétrant :
Pourquoi m'enviez-vous l'air que vous respirez? (Bérénice, IV, V).
2° Les images. 
La sensibilité des héros de Racine se trouve ainsi passer dans leur style. Ils n'argumentent pas comme ceux de Corneille pour frapper la raison. Ils évoquent des images pour toucher le coeur. Pyrrhus montre à Andromaque Troie ressuscitée :
Votre Ilion encor peut sortir de sa cendre;
Je puis, en moins de temps que les Grecs ne l'ont pris,
Dans ses murs relevés couronner votre fils. 

     (Andromaque, I, IV).

Ulysse représente à Agamemnon les conséquences heureuses du sacrifice
d'Iphigénie :
Voyez tout l'Hellespont blanchissant sous nos rames
Et la perfide Troie abandonnée aux flammes,
Les peuples dans vos fers, Priam à vos genoux...
Voyez de vos vaisseaux les poupes couronnées.

       (Iphigénie, I, V).

Joad rappelle à Abner la série des miracles (Athalie, I, I), etc.

L'harmonie.
Avec la poésie l'harmonie rentre naturellement dans le vers. Les vers de Racine sont d'un rythme très souple, qui suit tous les mouvements de la pensée, comme on pourra s'en rendre compte en étudiant les coupes d'une tirade quelconque (par exemple : Britannicus, II, II). Tantôt ils sont d'une douceur languissante comme ceux-ci, grâce à la répétition symétrique du même son :

Ariane, ma soeur, de quel amour blessée
Vous rnourûtes aux bords où vous fûtes laissée

      (Phèdre, I, III).

Tantôt les sons étouffés, les coupes multipliées produisent un effet d'apaisement : 
Mais tout dort | et l'armée et les vents | et Neptune. (Iphigénie, I, III).
Tantôt, au contraire, les sifflantes répétées imitent le bruit qu'on veut rendre :
 Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes? (Andromaque, V, V).

Conclusion

Le théâtre de Racine est le théâtre des grandes passions, comme celui de Corneille est le théâtre des grandes volontés. Il nous apprend à mesurer notre faiblesse ainsi que Corneille à connaître notre force, et, en ce sens, il est moral aussi. Son apparente simplicité est le fruit d'un art complexe on se mêlent la science du coeur, la poésie et les souvenirs de l'Antiquité. C'est l'art classique dans sa perfection. C'est pourquoi Racine fut le maître vénéré des auteurs dramatiques, au XVIIIe siècle, et l'objet des attaques les moins respectueuses des Romantiques. Il demande pour être pleinement senti des interprètes d'un rare talent, comme Rachel, ou des lecteurs d'un goût éclairé et pénétrant. (E. Abry / Ch.-M. Des Granges).
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Dictionnaire biographique
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