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Postel
(Guillaume). - Visionnaire et philologue né au hameau de la Dolerie
(commune de Barenton, dans la Manche) en 1510, mort à Paris
en 1581. D'une famille très pauvre, il apprit seul le grec, l'hébreu
et l'arabe; Marguerite de Valois décida François
Ier
à l'envoyer en Orient pour chercher des manuscrits, et à
son retour on le nomma professeur au Collège de France (1539). Cependant
l'idée lui était venue de travailler à la conversion
des musulmans
en répandant chez eux une traduction arabe du Nouveau Testament ;
on préparerait ainsi l'union de tous les humains sous la monarchie
universelle, qui devait appartenir au roi
de France ;
Postel se rendit à Rome pour exposer ses vues à Ignace
de Loyola, mais après un long noviciat on refusa de le recevoir
dans la Compagnie de Jésus.
C'est à Venise
(1547) qu'il connut une visionnaire, la mère Jeanne, qui se disait
envoyée par le Saint-Esprit afin de régénérer
l'humanité; il crut en elle et se fit désormais l'apôtre
de la nouvelle rédemption. Après un deuxième voyage
en Orient, il mena une vie plus que jamais vagabonde et misérable;
on le vit successivement en Italie ,
en France ,
en Suisse ,
en Autriche
où il devint professeur à l'Université de Vienne,
puis à Venise et à Rome où il connut les prisons de
l'Inquisition .
Revenu enfin à Paris
vers 1562, on l'enferma au monastère
de Saint-Martin des Champs, mais en lui ménageant une retraite paisible
et honorée, ou il passa ses derniers jours.
Guillaume Postel
fut considéré au XVIe siècle
comme un grand orientaliste; Vatable, Danès,
Widmandstadt, Masius, Pellican avaient de la considération pour
lui; brillant professeur, il attirait une véritable foule à
ses cours. Mais le plus grand service qu'il ait rendu aux langues orientales,
c'est d'apporter en Europe
des manuscrits importants, par exemple des oeuvres d'Abufelda,
de Damascène, et un manuscrit qui servit pour éditer à
Vienne, en 1555, le Nouveau Testament syriaque. Il offre, comme
Paracelse
et
Cornélius Agrippa, un singulier mélange
de science et de folie; ses rêveries sur la future union de tous
les humains, sur leur régénération par la mère
Jeanne, sont exposées dans un langage tellement obscur qu'on ne
peut les comprendre. Mais il fut, avec Castellion, un des premiers théologiens
qui recommandèrent la tolérance.
Postel a publié
quantité d'ouvrages; le catalogue en a été dressé
par Desbillons. Son livre, De orbis terrae concordia, contient d'intéressants
détails sur la conversion des infidèles. Mais le seul traité
de lui qui ait conservé une valeur historique est le livre De
la république des Turcs (1540;
2e éd., beaucoup plus étendue,
en 1560) ; il y montre les Turcs, sous Soliman
le Magnifique, supérieurs aux chrétiens
d'Occident par les moeurs et le respect de la justice. (Georges
Weill). |
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