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Phèdre

Phèdre (C. Julius Phoeder, plutôt que Phaedrus, d'après le témoignage de plusieurs inscriptions, dont l'une paraît se rapporter au fils ou au petit-fils du poète) est un  fabuliste latin, doit avoir vécu entre 10 av. et 70 ap. J.-C. Ce que nous connaissons de sa vie se borne à des renseignements que l'on tire de son oeuvre; or, Louis Havet ayant rétabli avec certitude l'ordre primitif des fables, bouleversé dans les manuscrits, la suite chronologique, et partant les conclusions sur la biographie de Phèdre, en ont été sensiblement modifiées. Il était né dans la province de Macédoine, d'un père esclave, mais qui obtint la liberté pour lui et sa famille : c'est ainsi qu'il prenait le titre d' « affranchi d'Auguste ». 

Il fut instruit dans les lettres latines, probablement en Macédoine. Il vint à Rome assez jeune, et s'adonna à la poésie. Le désir de gloire qui ne l'abandonna jamais le porta à doter la poésie romaine d'un genre neuf, celui de la fable. Mais, en empruntant tout d'abord ses sujets à Esope, il leur donna un tour et surtout un sens nouveau, mettant sous le couvert de l'apologue des allusions, souvent assez transparentes, aux faits contemporains et des attaques entre autres contre Séjan, alors dans toute sa puissance. Le ministre se vengea en le faisant envoyer en exil, sous un prétexte que nous ne connaissons pas, mais qui donnait lieu à une condamnation infamante. 

Phèdre resta des années éloigné de Rome, sans qu'il lui fût permis de rien publier. Après la disgrâce de Séjan (31 ap. J.-C.), il obtint la permission d'habiter Rome et de faire paraître ses vers. Mais il ne semble pas avoir obtenu pourtant sa réhabilitation complète, au moins de quelques années encore. Le troisième livre des fables, paru sous le règne de Claude, devait, dans l'intention du poète, être le dernier. Cependant, il en fit encore deux autres, l'un écrit avant l'an 60, le dernier publié sous Néron ou sous Vespasien. On ignore absolument la date de sa mort. 

S'il s'était fait des ennemis puissants, il paraît avoir rencontré des protecteurs dévoués, à la vérité assez inconnus, dans Eutychus, affranchi sans doute comme lui, et chargé d'on ne sait quelle administration fiscale, dans un certain Particulon, et dans un affranchi de Claude, nommé Philétus.
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Le Loup et l'Agneau

« Le loup et l'agneau, pressés par la soif, étaient venus boire à un même ruisseau; le loup était au-dessus, et l'agneau beaucoup plus bas. Alors l'assassin, poussé par une injuste avidité, chercha querelle : 

« Pourquoi troubles-tu cette eau, lui dit-il, tandis que je bois? » 
L'agneau tremblant lui répondit : 
« Comment puis-je faire ce dont vous vous plaignez? L'eau coule de vous à moi. » 
Le loup, repoussé par la force de la vérité, réplique : 
« Il y a six mois que tu médis de moi. 

- Hélas! dit l'agneau, je n'étais pas né.

- C'est donc ton père; oui, j'en jure par Hercule. »

Et aussitôt il se jette sur lui et le déchire injustement.

Cette fable est écrite pour les hommes qui, sur d'injustes prétextes, oppriment les innocents. » (Phèdre).

Phèdre n'est ni un moraliste, ni un observateur de la vie; c'est surtout un satirique. Aux apologues proprement dits, imités du recueil ésopique, il mêla dans les deuxième et troisième livres des anecdotes, parfois contemporaines, et des mythes philosophiques, souvent obscènes, dans le quatrième des sortes de contes développés sur des matières empruntées aux Grecs. C'est lui faire tort historiquement et littérairement que de chercher dans son oeuvre ce que nous trouvons dans les Fables de La Fontaine; la comparaison, et pour le fond et pour la forme, tourne trop facilement à son désavantage. Mais les fables de Phèdre sont avant tout des attaques individuelles ou générales, déguisées sous une forme allégorique, qu'il veut rendre la plus courte et la plus frappante possible.

La concision est la qualité dont il est le plus fier, et le fait est que l'effort pour condenser sa pensée dans un petit nombre de mots donne à sa langue une vigueur souvent heureuse. Evidemment quelques-unes de ses formules sont lourdes; mais le plus souvent elles sont remarquables par la propriété des termes, la netteté du tour et la saillie de l'expression. Tout cela ne va pas d'ailleurs sans quelque recherche : il n'est élégant qu'à force de se surveiller, et, par moment, il parle avec une raideur et une prétention pédantesques. En somme, Phèdre mérite l'étude, mais il faut l'étudier pour le goûter. Sa versification, assez originale pour son époque, se rapproche de celle des comiques auxquels il emprunte leur ïambique sénaire ; mais il s'impose pour la césure et pour les coupes de mots des règles assez rigoureuses.

Après un succès assez court, il est probable que la réputation de Phèdre ne se maintint guère que dans les écoles; mais là il tint une place de plus en plus grande. Au Ve siècle, Avianus paraphrase ses fables en distiques élégiaques. Vers la même époque, les vers de Phèdre furent mis en prose : cette paraphrase donna naissance, pendant Moyen âge, à deux recueils différents qui trouvèrent beaucoup de lecteurs, sans que le nom du poète se conservât. Ces recueils sont celui d'Ademar (XIe siècle) et celui où ont puisé l'anonyme de Wissembourg et le pseudo-Romulus (vers le Xe siècle).

Les Fables de Phèdre ont été conservées dans deux manuscrits : l'un était à Saint-Remy de Reims, où plusieurs érudits l'étudièrent : il fut détruit dans un incendie en 1774. Un autre manuscrit perdu est celui d'où Nicolas Perotti, évêque de Manfredonia (1465-1470), avait tiré un certain nombre de fables qui manquaient dans l'original des deux exemplaires précédents : elles furent publiées sous le titre d'Appendice par Jannelli en 1809, d'après l'autographe de Perotti. On en a contesté à tort l'authenticité. (A.-M. Desrousseaux).

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