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Parménide

Parménide est un philosophe grec, de l'école éléatique, fils de Pyrès, né vers le milieu du VIe siècle av. J.-C. (vers 544-540) à Élée, en Grande-Grèce (Italie du Sud). Nous n'avons que très peu de renseignements sur sa vie. Nous savons seulement qu'il était d'une famille illustre; qu'il fut, dans sa jeunesse, en rapport avec les pythagoriciens, et qu'il donna, dit-on, des lois aux citoyens d'Elée. Les anciens sont unanimes à louer son caractère et sa science. Le poème de Parménide, le seul ouvrage qu'il paraisse avoir écrit, était intitulé De la Nature. Il en reste environ 160 vers.

Xénophane avait déjà affirmé l'unité et l'immobilité de l'être et peut-être distingué le point de vue de l'opinion du point de vue de la vérité. Parménide établit d'une façon plus logique et plus explicite les mêmes principes, et en déduit plus rigoureusement les conséquences. Son poème se divisait en deux parties, dont la première traitait des Choses au point de vue de la vérité; la seconde, des Choses au point de vue de l'opinion.
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Parménide.
Parménide, selon la Chronique de Nuremberg
(fin du XVe siècle). 

Il faut, dit Parménide, choisir entre deux partis : ou bien admettre que l'être est et que le non-être n'est pas, ou bien prétendre que l'être n'est pas et que le non-être est. Cette dernière position est intenable; elle ne se laisse même pas concevoir, puisqu'on ne peut penser que ce qui est. Il faut donc croire et affirmer que l'être est et que le non-être n'est rien. C'est pour ne pas assez reconnaître cette vérité que les humains, aveugles et stupides, sont plongés dans l'erreur et dans l'incertitude. Tenons-nous en donc à cette proposition que l'être est et qu'il n'y a pas autre chose que l'être. De là résulte : 

- qu'il est improduit et indestructible. Quelle cause, en effet, autre que l'être, pourrait lui avoir donné naissance (?); 

- qu'il est un tout, seul de son espèce, immobile et éternel; 

- qu'il n'y a en lui ni présent ni futur, puisqu'il est tout entier actuellement réalisé, et que qu'il a été ou sera équivaudrait à affirmer qu'il n'est pas; 

- qu'il est un et continu, car il est partout semblable à lui-même, et ses parties ne pourraient être séparées que par le non-être; 

- qu'il est immobile, car, pourrions-nous dire, complétant la pensée de Parménide, il ne pourrait changer que pour devenir ce qu'il n'est pas, c.-à-d. non-être. 

- qu'il est, par cela même, un tout complet auquel rien, ne manque, l'être n'est pas infini; il est limité et sphérique, car il s'étend également de toutes parts; seul, en effet, le non-être pourrait l'empêcher de le faire. Il est de nature divine, bien que distinct de tous les dieux et de tous les êtres désignés par des noms, car aucun nom particulier ne saurait lui convenir.

Telle est, d'après les fragments que nous avons à peu près textuellement traduits, la doctrine métaphysique de Parménide. Le caractère logique de ce système paraît incontestable. C'est en dénaturer le sens et la portée que de voir, comme on l'a fait, dans Parménide, un physiologue principalement préoccupé de résoudre l'antinomie qu'Anaximandre avait soulevée en soutenant à la fois que le monde est infini et animé d'un mouvement circulaire. Est-ce à dire qu'il faille le considérer comme un idéaliste au sens moderne du mot? Ce serait aller trop loin. La théorie de l'identité de l'être et de la pensée n'a peut-être été clairement aperçue par aucun ancien et, en tout cas, ce n'est pas chez Parménide qu'il faudrait la chercher. Les passages où l'on a voulu la trouver, signifient seulement « qu'il n'y a que ce qui est qui puisse être pensé ». 

Aristote a, en un sens, raison de dire que Parménide ne s'est pas élevé au-dessus du point de vue de la matière. L'être est encore, pour lui, corporel et étendu. On ne saurait comprendre autrement l'homogénéité, la continuité, l'indivisibilité qu'il lui attribue, et l'on serait tenté de croire que l'être de Parménide n'est que « l'espace partout homogène et continu », s'il n'avait soutenu, en même temps, que le réel, c'est le plein. Le non-être, le rien, c'est le vide. Dans un passage où il vise manifestement les Eléates, Démocrite soutient que le néant n'existe pas moins que l'être, c.-à-d. que le vide n'existe pas moins que le plein. Ainsi l'on exprimerait assez exactement la pensée de Parménide en disant que l'être est, d'après lui, quelque chose comme l'atome de Démocrite, se prolongeant uniformément dans tous les sens, sans lacunes ni diversité d'aucune sorte.

L'opinion voit, à tort, dans les choses, une diversité qu'elle explique par la réunion de deux éléments contraires : d'un côté le feu, clair et ténu, homogène; de l'autre, la nuit obscure, corps dense et épais. D'après Aristote, Parménide donnait aussi à ses éléments les noms de feu et de terre, et considérait le premier comme le principe actif, le second comme le principe passif ou matériel. Mais il est possible qu'en lui attribuant cette opinion, Aristote ait interprété à son point de vue la doctrine de Parménide. Car, si ce dernier avait attribué au feu le rôle de cause motrice et efficiente, il n'aurait pas eu besoin de placer, comme il le fait, au centre du monde, la déesse qui préside, d'après lui, à l'union des éléments et qu'il appelle la Justice, la Nécessité, etc. 

L'univers est composé de plusieurs cercles concentriques. Le cercle supérieur et le cercle inférieur sont faits de l'élément sombre, les autres de feu sans mélange. Ces cercles ont la forme de couronnes creuses, ils sont remplis de feu; le Soleil et la Voie lactée en sont comme des soupiraux; la Terre est immobile, au centre du monde. Au-dessus vient une couronne ignée, peut-être l'air; au-dessous de la voûte solide qui enveloppe l'univers comme un mur, se trouvent l'éther, séjour des astres, et la partie ignée que nous appelons ciel. Les astres sont du feu condensé et se nourrissent des vapeurs exhalées de la Terre. 

Les opinions de Parménide sur l'origine des humains, - qui seraient sortis de la Terre sous l'influence de la chaleur solaire, - et les causes de la différence des sexes sont sans grande importance. Ce que nous savons de ses théories relatives à l'âme et à la pensée offre un peu plus d'intérêt. Parménide, dit Théophraste, prétend que la connaissance a lieu suivant celui des deux éléments qui l'emporte. La pensée, en effet, varie selon que le chaud ou le froid prédomine; celle qui a lieu par le chaud est meilleure et plus pure. C'est aussi de la proportion plus ou moins heureuse de l'élément chaud et de l'élément froid que dépendent la mémoire et l'oubli. Le semblable est senti par le semblable; c'est pourquoi un cadavre ne sent ni la chaleur ni la lumière, par suite de l'absence du feu, mais peut encore, dans une certaine mesure, être sensible au froid et à l'obscurité. Théophraste remarque avec raison que Parménide, bien qu'il reconnaisse la supériorité de la pensée sur les sens et l'opinion, ne distingue pas encore la sensation de la raison. La distinction du spirituel et du corporel lui est même encore étrangère.

Parménide n'a pas inventé sa physique, et il déclare lui-même qu'il expose des opinions qui ne sont pas les siennes. Il paraît suivre sur certains points Anaximandre et Anaximène; mais c'est au pythagorisme qu'il a fait les emprunts les plus nombreux. La divinité qui gouverne le monde correspond au feu central des pythagoriciens; Parménide conçoit, ainsi qu'ils l'avaient fait, l'univers comme sphérique et composé de zones concentriques; c'est encore à leur exemple qu'il admet que la sphère intérieure et la sphère extérieure sont formées du même élément. Enfin, et surtout, l'opinion que tout résulte du mélange de deux éléments contraires lui vient, sans doute, des pythagoriciens. Ce n'est donc pas sans raison que certains auteurs anciens appellent Parménide un pythagoricien. Mais cela ne suffit pas pour nous autoriser à penser qu'il a, dans les détails de sa physique, suivi exactement les anciens pythagoriciens, et à chercher dans sa doctrine des renseignements sur la leur. Il n'est cas plus vraisemblable qu'il ait été exclusivement leur disciple. Si l'on n'a pu trouver de raison décisive pour prouver que Parménide n'a été qu'un physiologue, on ne saurait en invoquer aucune qui établisse avec quelque vraisemblance, contre la tradition, qu'il n'a pas été, avant tout, le disciple de Xénophane. (G. Rodier).

Les alchimistes gréco-égyptiens prétendaient se rattacher à la tradition des philosophes ioniens, et notamment, à celle de Parménide, admettant la permanence d'un principe unique primordial. Olympiodore invoque son autorité, et on retrouve son nom dans la Turba phifosopharum, compilation arabico-latine. (M. Berthelot).

Platon a donné le nom de Parménide à un dialogue ont il met ce philosophe en scène. Proclus nous a laissé un Commentaire du Parménide.

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