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Nicomaque de Gerasa

Nicomaque de Gérasa  (Gerasa, en Palestine) est un philosophe et mathématicien pythagoricien. Il paraît, avoir vécu dans la seconde moitié du Ier siècle de notre ère (non pas au IIe, comme on le dit parfois) et avoir ainsi été contemporain de Moderatus de Gades et d'Apollonius de Tyane. Il avait composé en grec une Collection des dogmes pythagoriques, où ont largement puisé Porphyre et Jamblique, soit pour les doctrines, soit pour les légendes concernant Pythagore et son école.

Il nous reste de lui deux ouvrages faisant probablement partie de cette Collection, à savoir une Introduction arithmétique, en deux livres, et un Manuel d'harmonique, en vers. On a, de plus, comme second livre de ce manuel, des extraits (en désordre et interpolés) d'un ouvrage plus étendu sur la musique; d'autres extraits de ses Théologoumènes arithmétiques ont été conservés dans la compilation qui porte le même nom, ainsi que dans la Bibliothèque de Photius (cod. 187). 

Comme philosophe, Nicomaque comptait parmi les auteurs les plus considérables de l'école néo-pythagoricienne, mais il est assez malaisé de reconnaître exactement les emprunts qui lui ont été faits et, par suite, d'apprécier son rôle personnel. A en juger par ses écrits techniques, relativement clairs et méthodiques, mais sans originalité véritable, c'est plutôt un vulgarisateur qu'un chef d'école. Ses opinions ne se distinguent guère de celles de Moderatus; cependant on peut lui attribuer spécialement d'avoir mis en honneur, par ses Théologoumènes, les spéculations mystiques sur les nombres, en prenant au sérieux toutes les fantaisies des faussaires alexandrins et en y augmentant la dose des superstitions orientales. Son Manuel d'harmonique est la source la plus ancienne sur la doctrine musicale des pythagoriciens; malheureusement, le défaut de critique lui enlève une grande partie de sa valeur historique. 

Quant à son Introduction arithmétique, elle a eu une fortune singulière. Ce petit ouvrage traite l'arithmétique pour la première fois sans référence à la géométrie, mais aussi dans la perspective d’une mystique du nombre. Les nombres, explique Nicomaque de Gerasa, ont préexisté au monde et en ont forgé les caractères. Une approche qui tient à la fois du néo-pythagorisme et du platonisme (tel qu’il est exprimé dans le Timée). Dès l'Antiquité, cet ouvrage élémentaire eut un grand succès; l'étudiant en philosophie, à quelque école qu'il appartint, pouvait y trouver le bagage des connaissances arithmétiques qui faisait partie de l'instruction générale.

Le mot du Philopatris, faussement attribué à Lucien (tu calcules comme Nicomaque), ne doit pas, à la vérité, être pris, ainsi qu'on le fait souvent, pour la marque d'une renommée analogue à celle de Barème. C'est une plaisanterie contre les pythagoriciens; d'ailleurs, Nicomaque n'enseigna pas le calcul, mais les propriétés des nombres. Il n'en est pas moins vrai qu'il fut successivement commenté, comme un classique, par Jamblique, Heronas, Proclus, Asclépius de Tralles, Jean Philopon, Arsénios de Pergame, Isaac Argyre, ainsi jusqu'aux derniers jours de l'empire byzantin, sans compter les innombrables scolies, anonymes ou non, qui accompagnent son texte dans les manuscrits qui nous sont parvenus.

Dans l'Occident latin, sa fortune fut aussi éclatante; déjà Apulée l'avait traduit; la paraphrase de Boèce le transmit an Moyen âge et il devint, dans l'enseignement, jusqu'à la Renaissance, le représentant de la science grecque. 

Le programme qu'il suit comprend : les distinctions faites entre les nombres - pairs, pairement pairs (puissances de 2), pairement impairs (divisibles par 4, mais contenant un facteur impair), impairement pairs (divisibles par 2, non par 4), - impairs, premiers, composés, - parfaits, abondants, déficients; - la nomenclature des différents rapports, depuis longtemps tombée en désuétude; l'étude des nombres polygones, plans ou solides; celle des dix proportions reconnues par les Anciens.

Le tout est conduit sans démonstration réelle; les propriétés énumérées ne sont guère que vérifiées par l'induction. Si l'arithmétique scientifique des Grecs doit être, avant tout, cherchée dans les livres VII à IX des Eléments d'Euclide, le cadre embrassé par Nicomaque n'en est pas moins beaucoup plus étendu et nous donne une idée plus complète de l'ensemble des recherches accomplies avant lui. Si, d'autre part, Nicomaque n'est pas aussi mathématicien que Théon de Smyrne, qui composa, un peu après lui, au point de vue platonicien, un ouvrage analogue, il est plus détaillé, plus approprié à l'enseignement. Mais on aurait, en tout cas, tort de voir, soit dans l'un, soit dans l'autre, des auteurs originaux, ayant contribué au progrès des mathématiques par des découvertes personnelles, ou même seulement par une meilleure exposition des travaux d'autrui. Ce sont simplement des auteurs de manuels, et l'intérêt historique considérable qui s'attache à leur oeuvre provient seulement de la perte des travaux théoriques qu'ils ont utilisés. (Paul Tannery).

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