 |
Catulle Mendès
est un poète et romancier, né à Bordeaux
en 1843, mort en 1909. Il arrive à Paris
en 1860 et se fait rédacteur en chef d'une revue (la Revue fantaisiste)
où on peut voir les noms de Théophile
Gautier, Théodore de Banville, Baudelaire,
Vacquerie, Arsène Houssaye, Villiers de l'Isle-Adam, les deux Daudet,
Champfleury, Gozlan, etc. En 1865, Louis-Xavier
de Sicard fonde une autre revue : l'Art, où se groupent la
plupart de ces noms. Ceux de Leconte de Lisle, Sully-Prudhomme, Coppée,
Verlaine,
Mallarmé,
viennent bientôt s'y ajouter; et c'est de là que date la fondation
de l'école dite Parnassienne qui signifia alors une sorte
de renaissance poétique succédant au romantisme épuisé.
Catulle Mendès publie en 1863 une
plaquette de vers : Philoméla, où, du premier coup,
il atteint à cette habileté sans égale qui donnera
dans la suite à toutes ses oeuvres l'illusion de la vie, de l'enthousiasme,
de l'inspiration. Il n'y a pas autre chose à dire de la suite de
ses poèmes : Contes épiques, Hespérus, Sérénades,
Pagodes, Pantéleïa, Soirs moroses, le Soleil de minuit, Lieds
de France, la Grive de vignes, etc. Il est tour à tour, et à
s'y méprendre, Hugo, Gautier,
Baudelaire,
Leconte de Lisle, Banville, Heinrich Heine, Villiers
de l'Isle Adam; il les égale toujours dans leurs défauts,
les imite parfois avec bonheur dans leurs qualités; il prendra à
Hugo sa pompe creuse, à Gautier son étonnante mémoire
de vocabulaire, à Baudelaire sa recherche perverse et son diabolisme,
à Banville l'excès de sa verve funambulesque, à Heine
sa divinisation maladive de la femme. Son art d'assimilation est tellement
extraordinaire que les connaisseurs les plus perspicaces seront incapables
de différencier tels vers de Catulle Mendès de tels autres
de ses prédécesseurs : ce n'est qu'à la continuité
du procédé et dans un ensemble qu'on arrive à les
distinguer.
Les qualités qui lui ont servi à
devenir le poète-protée, on les retrouve dans son oeuvre
en prose. Ses romans ,
le
Roi vierge, les Crimes du vieux Blas, Zo'har, la Grande Maguet, Méphislophéla,
la Première Maîtresse, la Femme enfant, Gogo Lucignole, la
Maison de la vieille, quand ils ne se sentent pas de l'influence de
Hugo,
rappellent celle de Zola, sinon par l'invention
toujours outrancière du sujet, du moins par les qualités
et les défauts de la forme. Pourtant la subtilité de style,
les détails mignards des sensations de chair lui appartiennent en
propre.
Catulle Mendès a donné au
théâtre quelques oeuvres qui sombrèrent : la Part
du roi, trois actes (1879); les Frères d'armes, quatre
actes (1873); Justice, trois actes (1877); Isoline et la Reine
Fiamette. Mais les Mères ennemies (1882) et la Femme
de Tabarin, un acte (1887) eurent un sort
meilleur; l'habileté du dramaturge s'est montée là
jusqu'à la vigueur et, selon l'apparence, jusqu'à l'originalité.
Malgré tout, malgré une activité sans pareille, malgré
un savoir-faire littéraire universel, malgré une abondance
de production jetée aux quatre coins de la presse et de la librairie,
malgré des exhibitions et des conférences, et un prosélytisme
bruyant et peut-être convaincu en faveur de l'art wagnérien,
malgré l'agitation effrénée d'une vie déjà
longue, Catulle Mendès n'est pas arrivé à la grande
célébrité. Il est resté sur la frontière
de la notoriété, avec une réputation vague de poète-artiste
et de romancier libidineux.
Là où sa gloire paraît
assise, c'est comme conteur licencieux. Il a écrit une infinité
de volumes et de contes dont quelques titres indiquent l'esthétique
: Pour lire au bain, les Boudoirs de verre, l'Envers des feuilles, Jupe
courte, les Monstres parisiens, Pour lire au couvent, etc. Un acte
: le Roman d'une nuit, qui ne fut pas joué, mais publié,
lui valut même un mois de prison. Il s'était mis à
la critique dramatique dans ses dernières années; mais là
encore l'originalité lui fit défaut : dans ses improvisations
au jour le jour, phénomène notable, l'imitation de Hugo,
dans son William Shakespeare, et celle
de Gautier, dans ses feuilletons, est criante.
De sorte que lorsque les oeuvres de Catulle Mendès seront oubliées,
il restera, pour la critique, le roi du simili en littérature.
(A19). |
|