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Mariette

Mariette (François Auguste Ferdinand), égyptologue  né à Boulogne-sur-Mer le 11 février 1824, mort à Boulaq près du Caire le 18 janvier 1881. Issu d'une famille peu fortunée - son père était chef de bureau à la mairie de Boulogne - il dut, au sortir du collège de sa ville natale, où il avait fait ses classes, accepter une place de maître de dessin dans une petite pension de Strafford, en Angleterre (1839), où il séjourna durant une année. A son retour en France, il reprit ses études laissées inachevées par suite de son départ et, l'année suivante, ayant obtenu son baccalauréat, il rentrait dans l'enseignement comme maître d'études, puis comme professeur de septième. Ce fut pendant cette période que sa vocation se manifesta (1841-47). Peu de temps auparavant, le musée de Boulogne avait acquis, de la succession de Vivant Denon, un sarcophage égyptien recouvert de figures et d'inscriptions hiéroglyphiques. Intéressé tout d'abord par l'étrangeté de cet objet, Mariette voulut bientôt connaître le sens que présentaient les textes dont il était recouvert. Entreprendre l'étude de la langue égyptienne était alors, surtout en province, chose malaisée. Mais, poussé par la curiosité, il ne se rebuta pas en présence des difficultés que présentait la réalisation de son désir. Il se procura la grammaire et le dictionnaire hiéroglyphiques de Champollion et se mit courageusement à l'oeuvre. Le succès ne tarda pas à répondre à ses efforts; quelques mois plus tard, il publiait le Catalogue analytique des objets composant la galerie égyptienne du musée local (1847). Mais il fallait à son activité un aliment plus substantiel que ne pouvait lui fournir une petite collection de province. 

Comme ses ressources ne lui permettaient pas d'aller en Égypte, Mariette résolut de venir à Paris; là, du moins, il lui serait possible de poursuivre ses travaux, en attendant qu'une occasion favorable se présentât d'entreprendre le voyage souhaité. Il étudia tout d'abord la Salle des Ancêtres de Thoutmès III, conservée à la Bibliothèque nationale (1849). Les qualités du mémoire - resté inédit - dont il en fit l'objet, lui valurent la protection de Charles Lenormant. Celui-ci lui obtint, grâce à la bienveillance de Jeanron, directeur des musées nationaux, l'emploi de restaurateur au musée du Louvre il reçut 2000 F par an pour coller et classer les papyrus. C'était à peine de quoi vivre avec les lourdes charges de famille que Mariette avait déjà (1849). Deux ans plus tard, sur la proposition de Charles Lenormant, l'Académie le chargeait de rechercher dans les couvents coptes les manuscrits qui auraient pu échapper aux investigations de Tattam et de ses compatriotes : ce fut le Sérapéum qu'il découvrit. De 1850 à 1852, avec une ténacité que rien n'ébranlait, il lutta contre le mauvais vouloir des autorités locales et contre le manque d'argent. Mais les richesses archéologiques qu'il exhumait lui payaient sa peine au centuple et lui donnaient la force nécessaire pour résister à tout. Une fouille autour du Grand Sphinx, pour le compte et aux frais du duc de Luynes, et des recherches dans les pyramides de Saqqarah couronnèrent dignement cette première campagne. Il a raconté lui-même, dans le premier volume de son grand ouvrage sur le Sérapéum (Paris, 1882, 2e éd.), les luttes de toute nature qu'il eut à soutenir, et ce récit nous le montre à ses débuts tel qu'il fut toujours pendant sa longue et laborieuse carrière.

A son retour à Paris, Mariette fut reçu avec enthousiasme par ceux qui avaient suivi de loin ses travaux. Il venait de doter le Louvre de sept mille monuments dont plusieurs rendaient à l'histoire d'Égypte des rois jusqu'alors inconnus ou imparfaitement classés; il y fut nommé conservateur adjoint en récompense de ses services (16 février 1855). Son séjour en France fut de courte durée. En 1857, il repartait pour l'Égypte, appelé, cette fois, par Saïd Pacha. On songeait à créer une direction des monuments historiques chargée de veiller sur l'héritage des pharaons et de mettre un terme au pillage dont les ruines étaient l'objet depuis des siècles; mais la présence d'un homme énergique et désintéressé autant qu'expérimenté était nécessaire. Mariette, qui venait de faire ses preuves, fut choisi, grâce à l'intervention du prince Jérôme Napoléon (1858). Ce fut dès lors, pendant plus de vingt ans, une série ininterrompue de déblaiements et de fouilles auxquels nous devons quantité de documents précieux. Saqqarah, Abydos, Karnak, Dendérah, Edfou, Deir el-Bahari, en Haute-Égypte, Tanis, Saïs, Mendès, Bubastis, et vingt autres localités du Delta furent successivement explorés avec succès. 

Les temples enfouis sous des montagnes de débris reparurent à la lumière, et les villages modernes qui posaient sur toutes les ruines disparurent peu à peu. Sans cesse sur la brèche, Mariette devait s'occuper tour à tour des nombreux chantiers qu'il avait ouverts - il en eut jusqu'à trente-cinq en même temps que de la publication des documents qu'il tirait du sol. L'argent manquait souvent : il lui fallait alors saisir le moment favorable pour obtenir du vice-roi les subsides nécessaires à ses travaux. Un autre eut été accablé sous le poids d'une telle besogne; lui semblait suffire à tout sans effort. Il songea bientôt à établir ou musée destiné à recevoir les produits de ses fouilles dont le nombre augmentait rapidement: la mort de Saïd Pacha faillit un moment compromettre gravement la réalisation de ce projet. Par bonheur, le nouveau khédive, Ismaïl, loin de renoncer à ce qu'avait décidé son prédécesseur, promit de faire construire un musée monumental, au centre même du Caire, à I'Esbékieh. En attendant, il installa les collections à Boulaq, qui était alors un village portuaire distinct du Caire, dans une vieille mosquée dont les salles avaient été occupées peu de temps auparavant par les bureaux d'une société de remorquage. Mariette meubla tout d'abord une demi-douzaine de petites pièces qui devaient ne former qu'une exposition provisoire : ce premier musée égyptien fut inauguré solennellement par le vice-roi, le 1er octobre 1863. Le provisoire, malheureusement, devait durer plus qu'il ne l'imaginait  (le Musée Égyptien du Caire, dans lequel sont aujourd'hui conservées les Antiquités égyptiennes date du début du XXe siècle).

Les années suivantes furent pour Mariette les plus fécondes et les plus glorieuses de sa vie : presque chaque coup de pioche amenait une découverte pour l'histoire, la religion égyptienne et la civilisation de d'Égypte : la Revue archéologique recevait d'ordinaire la primeur de ses trouvailles. Mais en 1865 le choléra lui enlevait sa femme et deux de ses enfants; puis, presque aussitôt, les embarras financiers de l'Égypte ralentirent forcément son activité. L'Exposition universelle de 1867 lui fournit pourtant l'occasion de produire en Europe le résultat de ses travaux. Il transporta à Paris l'admirable statue de bois connue sous le nom de Sheikh el-Beled, l'image, de la reine Amnéritis taillée dans un bloc d'albâtre, les bijoux de la reine Aah-Hotpou (Aah-Hotep) et toutes les merveilles qui deviendront le principal ornement du musée de Gizeh. Le succès qu'il remporta le paya de ses peines et du dévouement qu'une fois encore il avait témoigné à la science.

Cependant la santé de Mariette s'altérait, et les difficultés se multipliaient autour de lui. Le budget des antiquités ressentait souvent le contre-coup des grandes dépenses et des besoins d'Ismail : la position critique où la guerre de 1870-71 laissait la France augmentait le danger de sa situation : s'il avait quitté l'Égypte, son oeuvre passait entre des mains étrangères. Un sentiment de patriotisme joint à l'attachement qu'il avait conçu pour le pays où il vivait le décida à refuser la succession que la mort de M. de Rougé (1872) laissait vacante. Sa place était en Égypte, disait-il, et il y resta. C'était cependant la tranquillité pour le reste de sa vie et le moyen de rétablir sa santé qu'il laissait ainsi échapper:

Il revint à Paris en 1877, afin de préparer l'exposition égyptienne; en 1878 l'Institut l'accueillit à l'unanimité parmi ses membres. Ce ne fut qu'une trêve au milieu de beaucoup d'ennuis. La situation de l'Égypte s'aggravait chaque jour et les fouilles n'allaient plus que par à-coups. Le musée faillit être emporté en 1878 par une crue extraordinaire du Nil, et Mariette craignit un instant de ne pas obtenir le peu qu'il demandait d'argent pour le remettre en état. L'avènement de Tewfik Pacha (1879) lui rendit la tranquillité; mais sa santé était trop ébranlée pour qu'il pût profiter de la bonne volonté du nouveau souverain. Les fouilles qu'il reprit au commencement de 1880 lui firent oublier un moment les mauvais jours, et sa bonne humeur reparut. Mais la maladie qui le rongeait depuis près de vingt ans avait à la fin ruiné sa robuste constitution. A son dernier passage à Paris, en 1880, ses amis comprirent qu'ils le voyaient pour la dernière fois. Après une saison d'eau qui ne lui apporta aucun soulagement, il se sentit perdu et voulut aller mourir en Égypte, à son poste de combat. Il s'éteignit après une longue et douloureuse agonie, en face de ce musée qu'il avait créé. Il fut enterré dans le jardin qui bordait l'édifice; son corps a été transporté à Gizeh en 1890 : il y reposera aux portes du musée nouveau, dans un cercueil de granit gris, sous la garde de quatre de ces sphinx qui furent, au Sérapéum, témoins de ses premiers travaux.  (E. Chassinat).



En bibliothèque - Voici la liste de ses oeuvres : Musée de Boulogne-sur-Mer, Catalogue des monuments composant la galerie égyptienne (1847, in-12, 19 pp.); Sur le Côté gauche de la salle des ancêtres de Thoutmès Ill (1849, in-4, 70 feuillets); Bibliographie copte (1849); Note sur un fragment du papyrus royal de Turin et la VIe dynastie de Manethon (Rev. arch., 1849, 1re série, t. VI); Renseignements sur les soixante-quatre Apis trouvés dans les souterrains du Sérapéum de Memphis (Bull. de l'Ath., 1855); Fragment du sarcophage phénicien conservé au musée de Berlin (Bull. de l'Ath., 1856); Mémoire sur la mère d'Apis (1856, in-4); Choix de monuments et de dessins découverts ou exécutés pendant les déblaiements du Sérapéum de Memphis (1856, in-4); le Sérapéum de Memphis (1857, in-fol.); Communication sur le trésor de la reine Aah-hotep (Bull. de l'Inst. égyptien, 1859 et 1861); 

Lettre à M. le vicomte de Rougé sur les fouilles entreprises par ordre du vice-roi (Rev. arch., 1860, 2e série, t. II); Lettre à M. le vicomte de Rougé sur les fouilles de Tanis (lieu. arch., 1861, 2e série, t. III); Deuxième lettre à M. le vicomte de Rougé sur les fouilles de Tanis (Rev. arch., 1862, 2e série, t. V); Lettre à M. le vicomte de Rougé sur une stèle trouvée à Gebel Barkal (Rev. arch., 1863, 2e série, t. VII); Description des fouilles exécutées en Égypte (1863, in-fol.); la Table de Saqqarah (Rev. arch., 1864, 2e série, t. X); Aperçu de l'histoire d'Égypte (1864, in-4); Notice des principaux monuments exposés dans les galeries provisoires du musée d'antiquités égyptiennes de S. A, le vice-roi, à Boulaq (1864, in-8); la Stèle de l'an 400 (Rev. arch., 1865, 2e série, t. XI); Quatre Pages des archives officielles de l'Ethiopie (Rev. arch., 1865, 2e série, t. XII); la Nouvelle Table d'Abydos (Rev. arch., 1866, 2e série, t. XIII);

Exposition universelle de 1867, Description du Parc égyptien (1867, in-18); Sur les Tombes de l'ancien empire qu'on trouve à Saqqarah (Rev. arch., 1869, 2e série, t. XIX); Itinéraire des invités aux fêtes d'inauguration du canal de Suez (1869, in-8); Abydos (1869-80, 3 vol. in-fol.); Dendérah (1870-75, 5 vol. in-fol.); les papyrus égyptiens du musée de Boulaq (1871-78, 8 vol. in-fol.); Album du musée de Boulaq (1871, in-fol.); Monuments divers recueillis en Égypte et en Nubie (1884, in-fol.); Itinéraire de la Haute-Égypte (1872, in-12); Listes géographiques des pylônes de Karnak(1875, in-fol. et in-4); Déir el-Bahari (1877, in-fol.); Voyage de la Haute-Égypte (1878-80, 2 vol. in-fol.). Oeuvres posthumes : le Sérapéum de Memphis, publié par Gaston Maspero (1882, in-4); les Mastabas de l'Ancien-Empire, publié par G. Maspero (1883, in-fol.).

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