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Louis Nicolas Ménard
est un littérateur né à Paris
le 19 octobre 1822, mort en 1901. Esprit extrêmement original et
cultivé, Louis Ménard s'est occupé successivement
de philosophie, de chimie,
de peinture et de littérature.
Après de brillantes études à Louis-Legrand, il entra
à l'École normale où il ne resta que deux mois et
publia en 1843, sous le pseudonyme de L. de Senneville, une traduction
en vers du Prométhée délivré .
Puis il entreprit des études de chimie et reconnut la solubilité
de la xyloïdine dans l'éther, c.-à-d. le collodion.
Cette découverte présentée à l'Académie
des sciences (1846) ne rapporta à Ménard ni profit ni
grand honneur, car les applications très importantes du collodion
à la chirurgie et à la photographie ne se développèrent
que plus tard : il ne garda pas même l'honneur public de sa découverte,
car un étudiant américain du nom de Maynard, ayant l'année
suivante redécouvert le collodion, c'est à lui qu'un grand
nombre de dictionnaires de chimie, trompés
par l'homonymie, en attribuent le mérite.
La révolution de 1848 qui flattait
les idées philosophiques, républicaines et généreuses
de Louis Ménard l'arracha à ses études de science;
son ardent socialisme lui fit prendre une
part active au mouvement de 1848. Il publia en 1849, dans le Représentant
du peuple, une histoire des derniers événements, intitulée
: Prologue d'une révolution, où il flétrit
les fusillades de juin. Le livre fut poursuivi et l'auteur condamné
à quinze mois de prison et 10.000 F
d'amende. Pour échapper à la condamnation, il s'était
exilé à Londres d'abord, puis à Bruxelles, et y vécut
dans la société des révolutionnaires internationaux
qui s'y trouvaient réunis; pour vivre, il écrivait dans quelques
journaux des critiques de théâtre et composait quelques tableaux.
Revenu à Paris en 1852, il dut renoncer à s'occuper des revendications
républicaines et se réfugia dans l'étude des civilisations
antiques dont il admirait profondément l'élévation
artistique et l'organisation sociale. Ami de Baudelaire,
de Leconte de Lisle, de Théodore
de Banville, il partageait leurs rêves de gloire; ses vers, d'une
langue moins riche et moins sonore que ceux de Leconte de Lisle, sont empreints
d'une force philosophique égale, et d'un sens profond de l'Antiquité.
Dans son recueil de Poèmes
(1855), il y a de très belles pièces comme Cremutius Cordus,
comme Adrastée ,
mais le souffle n'est pas toujours égal. Lié d'autre part
avec Renan, Berthelot
qui appréciaient sa grande culture classique, Louis Ménard
fut engagé par eux à pousser ses études, dans ce sens
et à entrer dans une voie régulière : il passa son
doctorat à la Faculté des lettres de Paris (1860) avec deux
thèses : De Sacra poesi Graecorum et La Morale avant les
philosophes; la soutenance exceptionnellement brillante de ces thèses
et leur originalité fit sensation. Continuant ses études
dans cette direction, Louis Ménard publia en 1863 le Polythéisme
hellénique ,
ouvrage d'une haute valeur littéraire et philosophique, où
il apparaît comme un précurseur de James G. Frazer. Plus tard,
il a publié la traduction des livres d'Hermès Trismégiste
(1866); une Histoire des anciens peuples de l'Orient (1882); une
Histoire des Israélites d'après l'exégèse biblique
(1883), enfin une Histoire des Grecs
(1884-1886), qui compte parmi les meilleures et devrait être classique
: on y trouve d'admirables pages de philosophie
de l'histoire, dignes de Renan
et de Taine, et un sentiment très élevé
de l'art grec.
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Louis
Ménard.
Louis Ménard ne poursuivit malheureusement
pas avec méthode ses études des civilisations antiques et
après 1860 il cessa brusquement de s'en occuper pour se retirer
à Barbizon avec la colonie des peintres qui y vivaient alors. Pendant
dix ans, il s'occupa : ses tableaux, qui n'étaient pas sans valeur,
manquaient cependant de métier; il avait comme toujours des idées
originales, et il exposa, en particulier, une Centauresse qui fit
une certaine impression et fut reprise par Fromentin
dont le tableau eut un grand succès. On peut citer de lui : Compagnie
de cerfs (1864), Matinée d'automne (1864), Pâturage
en Normandie (1869).
En 1870-1871, Louis Ménard se trouvait
à Londres retenu près de sa mère par une grave maladie,
ce qui l'empêcha, à son grand regret, de prendre part à
la Commune. A son retour, il manifesta hautement ses sentiments révolutionnaires
et son exécration de la répression : il publia sur ce sujet
des pages d'une beauté antique. Mais cette attitude lui fit perdre
un grand nombre d'amis, et Louis Ménard vécut de plus en
plus dans la solitude : il s'y résigna avec une grande philosophie.
En 1876, il publia un petit volume de prose et vers mélangés
intitulé : Les Rêveries d'un païen mystique :
ce petit livre où l'on trouve des dialogues philosophiques, quelques
contes, des sonnets
admirables, est un véritable chef-d'oeuvre. Très remarqué
des lettrés, ce petit ouvrage allait donner à Louis Ménard
la place qu'il mérite dans la littérature de son temps :
mais il ne parut pas s'en soucier et ne publia plus d'ouvrage littéraire;
les livres d'histoire qui ont suivi s'adressaient à un autre public
et peu à peu le nom de Louis Ménard est retombé dans
un demi-oubli.
Après la mort de son frère
René, Louis Ménard lui succéda comme professeur à
l'École des arts décoratifs (1887). Plus tard (1895), il
a été choisi par le conseil municipal pour faire un cours
d'Histoire universelle à l'Hôtel de Ville
: c'est le seul profit qu'il ait tiré de son attitude en 1848 et
de ses idées avancées; il s'était brouillé
avec les « hommes de 1848 » et, toujours plus avancé,
allait au plus extrême
socialisme dont
il prétend trouver le modèle achevé dans l'Antiquité .
En 1896, Louis Ménard a publié
de nouveau un volume où il a réuni ses vers et les principaux
extraits de philosophie et de littérature
de son oeuvre, sous le titre de : Poèmes et rêveries d'un
païen mystique, mais, par une fantaisie paradoxale, il les a fait
imprimer en nouvelle orthographe, ne qui les a empêché de
trouver auprès du public lettré le grand succès qu'ils
méritaient. (Ph. B.).
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En
bibliothèque. -
Poèmes (1855); De
la morale ayant les philosophes (1860), thèse de doctorat; Du
polythéisme hellénique (1863); Hermès Trismégiste
(1866), traduction précédée d'une introduction magistrale;
Etudes
sur les origines du christianisme; les Femmes et la Morale chrétienne
(1867); Tableau historique des beaux-arts depuis la Renaissance
(1868), avec son frère René; Rêveries d'un païen
mystique (1876); Histoire des anciens peuples de l'Orient (1882);
Histoire
des Israélites (1883); Histoire des Grecs (1886); Etudes
sur les origines du christianisme (1894); Symbolique des religions
anciennes et modernes (1897);
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Louis Ménard : Trois chapitres du
Polythéisme
hellénique (1863) :
Le
sacerdoce, les oracles et les
mystères.
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